Anonyme [1652 [?]], LE MANIFESTE DV DVC DE LORRAINE. PRESENTÉ A SON ALTESSE Royalle. , françaisRéférence RIM : M0_2393. Cote locale : B_8_43.
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LE
MANIFESTE
DV DVC
DE LORRAINE.

PRESENTÉ A SON ALTESSE
Royalle.

A PARIS
Chez SALOMON DE LA FOSSE.

Auec Permission de son Altesse Royalle.

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LE MANIFESTE
DV DVC
DE LORRAINE.

PRESENTÉ A SON ALTESSE
Royalle.

Qvelque connoissance que toute l’Europe
puisse auoir de l’iniuste vsurpation de
mon Estat ; neantmoins ie veux que mes
ressentiments soient d’autant plus profitables
à la France, que i’ay tousiours fait paroistre
ne m’estre iamais esloigné de ses interests, que
parce qu’elle m’a contraint de chercher de l’apuy
chez ses ennemis. Aussi ie n’ay iamais
imputé à ses Souuerains l’iniustice dont on a

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vsé enuers mapersonne : L’ambition des Fauoris
qui ont surpris leur simplicité & abusé de
leur [1 mot ill.], par toute sorte d-artifices a
tousiours paru si extréme, qu’ils ne se sont pas
contentez d’establir leur tyrannies sur la ruyne
des Peuples, mais pour se rendre encore plus
redoutables, ils ont fait tous leurs efforts pour
l’éleuer sur des testes couronnées Le Ministere
du Cardinal de Richelieu n’a esté celebre que
par le bouleuersement de toute l’Europe.

 

Comme la gloire des Tyrans n’est establie
que sur des ruynes & sur de Sepulchres, aussi
cét homme ne s’est rendu recommandable que
pour auoir despoüillé vn nombré infiny de
Peuple de leurs biens, fait perdre leur Estat à
des Souuerains & abbatu plusieurs Throsnes. Il
s’estoit rendu effroyable mesme à son Maistre,
s’estoit rendu effroyable mesme à son Maistre,
& par ce nouueau Office de premier Ministre
n’a-t’il pas renouuellé la puissance de celuy de
Maire de Palais, & plusieurs n’ont-ils pas creu
qu’il auoit dessein de confondre le Vieil & le
Nouueau Testament, & d’adiouster la Royauté
au Sacerdoce. Il a porté la diuision & le desordre
où il n’a peu porter le fer & le feu, & ie
puis dire qu’ayant esté le premier objet de sa
rage i’ay esté celuy qu’il a attaqué auec toutes

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ses forces. C’est la maxime des ames lasches de
surprendre les Genereux, qui ne se deffient point
d’ordinaire comme les foibles & les timides. Aussi
dans tous les aduantages que le Card de Richelieu
semble auoir emporté sur moy, l’on verra que la trahison
a preualu sur ma generosité.

 

Celle dont il vsa pour m’arracher la plus forte
Place de mon Estat, & mesme de toute l’Europe fut
son premier coup d’essay & son chef d’œuure tout
ensemble : Car m’ayant attiré auec toute sorte de
ciuilité auprés du Roy, & moy m’estant confié à la
bonne foy de sa Majesté, ie me trouué arresté &
contraint d’achepter ma liberté, m’estant entre les
mains de ce perfide vne place qui auroit arresté les
cours de ses victoires, où plustost seruy d’obstacle à
ses mal-heureuses entreprises. Il a remply le Patrimoine
de Lotaire, Pepin, & de Charlemaigne, de
violements de Sacrileges & d’incendies, & auant
que m’auoir declaré la Guerre, ie me suis veu
contraint d’implorer le secours de l’Empire. Pour
pouuoir deffendre quelque reste de mon Estat, pour
me perdre sans resource, on vsa de tous les artifices
imaginables me voulant faire renoncer au traicté que
j’auois fait auec mes protecteurs afin de ne me laisser
aucun support apres auoir renoncé à leur amitié.

Ie tentay l’an 1641. vn dernier accommodement &

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comme ieus descouuert vne semblable trahizon à celle
qui me fit perdre Nancy, ie fus obligé de me parter
auec de semblables armes, & de me guarantir de
ses embuches par des belles promesses, & de rendre
ce qu’on m’auoit presté.

 

Bien que la Lorraine, ait cousté la moitié de la
France, & qu’on n’ait pris où tenu aucune place qu’auec
bon gages, neantmoins elle me reste presque
toute entiere & bien loing de m’auoir depossedé de
l’amour de mes suiets, ils ont tousiours fait paroistre
leur zele enuers leur Prince, n’ayant fait que me tendre
les bras pour les retirer du jong de la tyramnie &
se remettre dans nostre douce & legitime domination.

Ie pourrois icy dire comme Themistocles, lequel
estant chassé de son Estat, trouua plus de richesses &
plus de gloire chez vn estranger qu’il n’auoit perduës
que mes pertes mont esté aduantageuses ayant acquis
par mes armes victorieuses, plus d’honneur & de
bien que mes ennemys ne m’ont peu oster. Que si l’on
considere les causes pour lesquelles on ma fait vne si
cruelle guerre, on les trouuera non seulement iniustes,
mais de plus honteuses pour ceux qui en ont
voulu se seruir de pretexte pour me ruiner. Estant vn
des premiers Princes de l’Empire, ie suis obligé de
le deffendre par mes armes, & on voudroit pretendre

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à mon Estat, qui ne releue aucunemẽt de la France,
parce que ie me suis acquité de mon debuoir enuers
Empire. Mais la veritable cause qui porta le Cardinal
de Richelieu, à exercer sa rage contre mes subiects,
c’est qu’il pretendoit m’obliger à consentir
à son alliance, m’ayant souuent pressé de l’accepter
auec des offres qui m’eussent paru aduantageuses si la
veritable gloire n’eust tousiours esté la fin de toutes
mes actions. La ciuilité dont i’vsay enuers le Duc
d’Orleans qui se vint refugier dans mon Estat, fit hon
te à sa Barbarie & comme ce Cardinal, ne respiroit
que la vengeance, il a tousiours tournée sa hayne contre
ceux qui luy ont seruy d’obstacle a ses plus cruelles
entreprises.

 

Le Ministeriat du Cardinal Mazarin, à esté encore
plus fatal par la guerre Ciuile, qu’il à allumé dans le
Royaume de France, car il ne s’est pas contenté deluder
tous les traittés de Paix, mais de plus il a voulu
ietter les semences d’vne guerre eternelle. Ce perturbateur
du repos public a priué, il y a plusieurs années
la France de la Paix la plus auantageuse qu’elle pouuoit
souhaiter. Il a mieux aymé que tout fut en danger
de se perdre que deuoir le Calme & la tranquilité qui
feroit cesser les iniustices, qu’il exerce pendant le
mouuement & le trouble.

Il prend plaisir comme cét empereur à voir tout en

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feu, & pour le surmonter en cruauté aussi bien qu’en
debauche, il veut faire de toute l’Europe vn continuel
embrazement. Bien que i’ay peu profiter des
dessordres de la France, & de la confusion que le
Cardinal Mazarin, à ietté dans cét Estat, neantmoins
i’ay tousiours preferé le repos de la chrestienté à mes
interests, i’ay tousiours persuadé sa Maiesté Catholique
& son Altesse l’Archiduc Leopold à faire la Paix,
que la malice de quelques particuliers François ont
iusques à present empechée. Ce dessein m’a semblé si
genereux que i’ay esté bien ayse de venir en personne
auec mes trouppes victorieuses pour exterminer celuy
qui luy sert d’obstacle. Entrant dans la France auec
main forte, ie proteste sincerement que c’est pour y
porter la Paix, & pour y faire cesser la guerre. Ayant
reconu les intentions de son Altesse Royalle, mon
beau-frere & conclu le traité, par l’entremise du Duc
de Nemours, i’ay donné mon armée & mes deniers
pour seconder de si belles intentions, & pour tesmoigner
à la France, que i’oublie tous mes ressentimens
mes supplications ont obtenu du Roy Catholique, que
ses armées ne feront aucun acte d’hostilité contre la
France, pendant tout le temps qu’on employera à
faire la guerre au Cardinal Mazarin. Quand i’aurois
receu tous les bien-faits imaginables de la France,
pourrois-ie tesmoigner plus de gratitude que de desarmer

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son plus puissant ennemy, cependant i’ay
obtenu en faueur du Duc d’Orleans mon beau-frere
de sa Maiesté Catholique, auec de promesses
Royalles qu’il ne se fera aucun siege d’aucune
place qui soit tenue par sa Maiesté tres-Chrestienne,
tandis que son Altesse Royalle,
les Princes, & les Parlemens, combatront ledit
Cardinal. La mauuaise foy de cette homme a
fait resoudre sa Maiesté Catholique, & tous les
autres Souuerains, de n’entendre a aucune proposition
de sa part. Aussi son Altesse l’Archiduc
l’Eopold, voulut prendre le temps de son absence
pour venir traitter la Paix auec Monsieur
le Duc d’Orleans, & Messieurs le Parlement de
Paris, qui estoient responsables (au Roy & à
l’Estat, de la conduitte publique, & des dessordres
que la continuation de la guerre, apporte
dans le Royaume. Et maintenant que ledit Cardinal
Mazarin, & sa faction a preualu sur l’esprit
de sa Maiesté tres-Chrestienne, qu’il est entré
contre les deffencẽs expresses des Parlements,
& qu’il a declaré la guerre aux Princes du Sang
qu’il veut opprimer, ayant esté requis par lesdits
Princes : I’ay voulu tesmoigner mon zele a
procurer la Paix, poursuiuant celuy qui là tousiours)

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empeschée, & pour cét effet i’ay tres-volontiers
accepté trois Places, Stenay Clermont,
& lamais qui me demeureront engagées pour
quinze cents mille liures, ou me resteront tout
à fait entre les mains, donnant vne pareille somme
à son Altesse le Prince de Condé, & fais
marcher mon armée de dix mille hommes pour
esteindre ce flambeau de la guerre, déliurer
l’Europe de ce Tyran, & remettre tous les Princes
dans la possession de leurs biens, de leurs
Priuileges & dignitez.

 

Comme ie viens auec vn esprit de Paix pour
ceux qui ne desirent profiter du desordre de la
guerre, & auec intention de faciliter la conclusion
d’vn Traicté qui doit apporter la tranquilité
à toute l’Europe. Aussi ie proteste de ne rien
obmettre pour faire reüssir vn si noble dessein :
Ceux qui si voudront opposer se peuuent resoudre
de souffrir tout ce que la licence d’vne
guerre legitime, & deuenuë necessaire par leur
endurcissement pourra permettre.

Dieu qui fauorise le dessein de ceux qui trauaillent
pour la Paix, s’interessera pour sa gloire
par vn secret de sa prouidence, il prend ma cause
en main voyant l’oppression de mes subiets.

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Il veut terminer leurs miseres, & me remettre
dans mon Estat lequel i’ay receu de sa liberalité,
comme estant le seul dispensateur des Sceptres
& des Couronnes.

 

Outre toutes ces raisons qui ne peuuent estre
dessaprouuées par les plus seueres, & qui m’obligent
si fortement à procurer le bien de mes
subiets & de toute la Chrestienté, & mon restablissement,
i’en veux proposer d’autres qui se
peuuent tirer de l’alliance de ma Maison auec
son Altesse Royalle, qui s’est declaré l’ennemy
du Cardinal Mazarin. Cette seule consideration
me feroit declarer auec autant de passion pour
son seruice quand bien ie n’y serois point obligé
par aucuu autres motif, que celuy de l’amitié
fraternelle.

Ce Heros auoit chassé par son Authorité,
premierement du Conseil, & apres du Royaume,
cét homme fatal à la France, & mesme a
toute la terre. Il a eu la hardiesse de reuenir, &
maintenant son Altesse se dispose pour le combattre.
Tous les Genereux doiuent seconder
ce Prince, dans l’execution d’vn si noble dessein,
& auoir part auec luy à la deffaite de ce monstre.
Il m’a fait l’honneur de m’estimer capable

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de contribuer a son entreprise, & ie m’estime
heureux de ce que mes seruices sont assez considerables,
pour n’estre pas des derniers, que son
Altesse Royalle à voulu ioindre auec elle pour
cette guerre. Ie ne doubte point que ses intentions
ne soient secondées de tous les Estats du
Royaume de France, puis que sa generosité,
prend si à cœur leur deffence, & que comme il
à receu du Ciel, cette diuine inspiration de remettre
la France, au mesme estat qu’elle estoit,
du regne de Henry le Grand son Pere ; aussi tous
les François, ne contribuent de leur part, tout
ce qui sera necessaire pour couronner vn si bel
œuure. Certes c’est l’vnique moyen de reünir la
Maison Royalle & d’affermir le Trosne François,
que de chasser ce fauory insolent qui par
son ignorance & par sa mauuaise conduite la si
souuent exposé & mis en danger de sa ruyne. La
natnre a mis des bornes à tous les Empires, &
ceux qui se sont voulus agrandir par l’vsurpation,
ont aussi-tost trouué leur cheutte que leur
prodigieuse grandeur.

 

Outre que l’vsurpation de mon Estat, n’a
iamais apporté que du dommage à la France, il
semble que la Iustice qui met toutes choses selon

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leur ordre, se declare maintenant pour deplacer
les vsurpateurs, & remettre tout dans
son assiette naturelle. C’est auec vn tres-grand
estonnement, que tous les Souuerains de l’Europe,
voyoient le Cardinal Mazarin, obseder
l’esprit du Roy de France, & de la Reyne sa
Mere, que sa faueur ait preualu par dessus l’amour
des Peuples, des Magistrats, & des Princes,
& la pieté mesme en a esmeu quelques vns
pour guarantir ce Royaume de la tyrrannie de
ce Cardinal, d’agir conjointement auec les plus
interessez au bien de la Couronne, pour le perdre.
le dis sincerement que i’en suis du nombre
& que ie ne pretends d’autre auantage, que la
gloire d’auoir contribué à vn iuste, & si glorieux
dessein. Quand ie considere que les Princes
du Sang, les Parlemens, & les Peuples agissent
auec vn mesme esprit, & que toute la France
se joint d’vn commun accord pour exterminer
l’ennemy commun des Peuples, des Princes,
& des Souuerains, me porte à joindre mes armes
auec celles de la France, & mesme auec celles
d’vne bonne partie de l’Europe pour procurer
vne Paix, qui mette à couuert toute sorte de
personnes contre les violences & les iniustices.

 

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Comme la recompense de la vertu se doit
prendre de la vertu mesme, aussi la plus grande
satisfaction que i’espere de ma jonction auec son
Altesse Royalle le Prince de Condé & les Parlements,
c’est d’auoir contribué mes soins a
donner mes troupes pour leur deffence, & pour
exterminer nostre commun ennemy, bien qu’il
ne soit pas beaucoup à craindre : Neantmoins
sa rage le fait tout entreprendre, n’ayant que
d’eux petites armées, il menace de mettre le Siege
deuant trois ou quatre bonnes Places à sçauoir
Xaintes, Mouron, & Angers, ce qui semble
non seulement peu iudicieux : mais encore ridicule
pour preuenir ses mal-heureux desseins. I’ay
baille les Ordres pour marcher aux Capitaines
de mon Armée, & bien qu’elle marche incessament,
neantmoins la difficulté des passages, &
l’oposition que les ennemis peuuent faire à mes
Trouppes retarde le secours que i’ay il y a long-temps
promis. Mais aussi la resolution qui paroist
au moindre de mes soldats faira voir dans
les occasions, que pour n’auoir esté prompt
comme ie souhaiterois, il ne sera pas inutile.

FIN.

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