Anonyme [1652], LE MANIFESTE DV COMTE D’HARCOVRT, SVR SON ARRIVÉE EN la Ville de Brissac. FAISANT COGNOISTRE LE DESSEIN du Cardinal Mazarin, de s’emparer de cette Forteresse, qui estoit le sujet de sa retraitte hors de France. , françaisRéférence RIM : M0_2392. Cote locale : B_13_65.
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LE MANIFESTE DV COMTE-d’Harcout,
sur son arriuée en la Ville de
Brissac, faisant cognoistre le dessein du Card.
Maz. de s’emparer de cette forteresse, qui
estoit le sujet de sa retraitte hors de France.

IL est tres-important que chacun sçache les raisons
qu’à eu le Comte d’Harcourt, d’accepter la charge
de Gouuerneur de la Forteresse de Brissac en Brisgor,
pour le iustifier des calomnies qu’on a semées par la
France à dessein de décrier sa conduite, pendant le
temps qu’il a esté General de l’Armée du Roy en
Guyenne, & faire voir qu’en toute la guerre il a toûjours
suiuy les ordres du Cardinal Mazarin, qu’on luy
faisoit entendre estre ceux de sa Majesté.

Dés le commencement de ce trouble qui fut dés
l’année 1648. le Cardinal Mazarin cognoissant la valeur
de ce Prince, & qu’il estoit capable d’auoir des
emplois dignes de luy, dans le dessein qu’il auoit de
troubler tout l’Estat, il le fit nommer au Roy pour
commander l’armée qu’on enuoyoit en Normandie
contre Monsieur le Duc de Longueuille, au temps
qu’il se declara pour la deffense de la ville de Paris l’an
1649. serrée & bloquée par les trouppes du Roy commandées
par Monsieur le Prince de Condé, les Mareschaux

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de Gramont, de la Meilleraye, du Plessis,
du Comte de Palluau, du Marquis de la Moussaye &
autres choisis pour ce dessein, & pour d’auantage l’obliger
à s’opposer au Duc de Longueuîlle : le Cardinal
luy fit donner les prouisions de Gouuerneur pour le
Roy en la Prouince de Normandie ; en cette qualité
il maintient le Gouuerneur du Pont de l’Arche en sa
charge, & obligea le Duc de Longueuille de quitter
le Siege qu’il auoit mis deuant, il fit obeïr le Roy en
Normandie nonobstant les forces que le Duc de
Longueuille auoit leuées, & les Arrests du Parlement
de Roüen donnez contre luy : & ainsi par sa conduite
il retint les trouppes leuées en Normandie, pour secourir
Paris, de sortir de la Prouince, estans assez occupées
pour se deffendre contre luy. La paix se faisant,
le Gouuernement du Pont de l’Arche fut accordé
au Duc de Longueuille, & ainsi le Comte-d’Harcourt
n’ayant plus rien à faire en Normandie, retourna
en Cour, où il demeura iusques à l’an 1651. apres
l’Acte de la Majorité du Roy.

 

Peu de temps apres, Monsieur le Prince de Condé
estant allé en Guyenne prendre possession de son
Gouuernement, pour ne trouuer sa personne asseurée
à la Cour : Leurs Majestez prenans cét éloignement
de Monsieur le Prince sans ordre, pour vn dessein
particulier qu’il auoit, & qu’il falloit mettre en
estat de se deffendre contre le Cardinal Mazarin, quoy
qu’absent, ne laissoit d’enuoyer au Roy les ordres de
ce qui seroit à faire : Aussi se seruit-il du mescontentement

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de Monsieur le Prince qu’il prit pour vne rupture,
& conseilla leurs Majestez d’aller en Berry, où
ayant trouué toute obeïssance, excepté au Chasteau
de Mouron, gardé par le Marquis de Persan, le firent
inuestir par le comte de Palluau : En suitte leurs maiestez
s’en allerent à Poictiers sur l’aduis qu’elles eurent
que monsieur le Prince armoit en Guyenne ; à cause
du Siege qu’on auoit mis deuant son Chasteau de
mouron, il entre en Campagne auec armée, s’auance
en Xaintonge, assiege & prend la Ville, y met vne
garnison de deux mille hommes. La Reyne pour aller
au deuant des plus grands progrés de monsieur le
Prince, fait le Comte-d’Harcourt General de l’Armée
qu’elle enuoye contre luy, il ne laisse pas de continuer
sa pointe ; il prend Pont prés S. Iean d’Angely, où il
tua la garnison qui y estoit : il enuoye assieger Coignac
sur la riuiere de Charente : mais le Comte y arriue
deffait partie des gens de Monsieur le Prince, lequel
faute de Pont ne les peut secourir.

 

Cét aduantage porte le Comte-d’Harcourt à pour
suiure son armée iusques dans le Perigord, où du commencement
le Marquis de Bordeilles Gouuerneut du
païs, tenoit le party de monsieur le Prince ; mais voyãt
l’armée du Comte d’Harcourt renforcée & donner la
chasse à celle de Monsieur le prince, il joignit ce qu’il
auoit de forces aux siennes.

Monsieur le prince entrant plus auant en la Guyenne,
est renforcé de quelques gens de guerre de Bordeaux,

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les Marquis de Theobon, de Lusigny & de
Marsin se joignent à son party, beaucoup de Noblesse
arment en sa faueur : cela n’empesche pas que le
Comte-d’Harcourt ne les poursuiue iusques dans le
Bordelois & l’Agenois, ayant pour luy les Marquis de
S. Luc & de Poyane Gouuerneur de Bearn : où se firent
plusieurs sieges & prises de Villes & Chasteaux
de part & d’autre. Monsieur le Prince se saisit de Libourne
sur la Garonne : le Comte-d’Harcourt se rend
maistre de Condom, de Miradoux, de Flex & d’autres
lieux, qu’il conserua contre les efforts de Monsieur
le Prince, qui auoit la Ville d’Agen pour luy ;
leur voisinage causa quelques combats, où les deux
partis receurent perte & gain, selon les éuenemens
incertaines de la guerre. Monsieur le Prince se voulut
opiniastrer à reprendre Miradoux, où le Comte-d’Harcourt
auoit laisse quinze cens vieux soldats, lesquels
en se deffendans, défirent beaucoup de soldats
de Monsieur le prince, qui fut obligé d’en faire leuer
le siege.

 

Monsieur le Prince laissant son armée à Monsieur
le Prince de Conty son frere, ayant auec luy les Marquis
de Marsin, de Theobon ; de Lusigny & le Colonel
Balthazar Liegeois, pour se rendre à l’armée que
le Duc de Nemours & le Comte de Tauannes auoient
amenées de Flandres en Gastinois. Les deux armées
continuerent la guerre en Guyenne, où le Comte-d’Harcourt
ayant passé cinq riuieres, poursuiuit celle
du prince de Conty, entra bien auant au païs Bordelois,

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& obligea Monsieur le prince de Conty de se retirer
à Bergerac, & se tenir sur la deffensiue, n’ayant
forces suffisantes pour tenir la campagne : ce qui fit
auancer le Comte-d’Harcourt bien auant, & mit le
Siege deuant la Ville-Neufue d’Agenois qu’il tint
long temps serrée, & enfin plusieurs manquemens se
trouuans en son camp, & iugea à propos d’en leuer le
Siege.

 

Mais la principale raison qu’il eust de ce faire, fut
l’aduis qu’il luy fut donné, que le Cardinal Mazarin
leuoit vne armée pour se rendre maistre de Brissac en
Brisgor Forteresse de la Maison d’Austriche, la plus
importante qu’elle eust au de là du Rhin, & en laquelle
le Comte estoit appellé, mesme auoit enuoyé ordre
à la Comtesse sa femme & ses enfans de s’y rendre, comme
elle fit dés le mois de Iuillet dernier : voyant que
le Cardinal Mazarin, au lieu d’y mettre, en consideration
de tant de si bons & signalez seruices qu’il à rendus
au Roy, luy fait reprocher qu’il auoit leué les deniers
du Roy en Guyenne pour son proffit particulier :
veu au contraire, que c’est la necessité qui l’a obligé
à les leuer pour payer l’armée, à laquelle on n’a enuoyé
aucune finance pendant cette guerre pour la fairé
subsister : & de plus, que le Cardinal Mazar. luy fait
non seulement refuser la suruiuance de sa charge de
Grand Escuyer de France à son fils aisné ; mais encore
le vouloir priuer de ce Gouuernement de Brissac, auquel
il a esté desiré & demandé, estant plus raisonnable
d’en confier la garde à vn Prince si courageux &

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passionnément arresté au seruice du Roy, que pour
s’y maintenir, il s’est acquis la haine des Princes, &
dans laquelle place il continuëra sa fidelité dans l’obeïssance
qu’il témoignera tousiours à sa Maiesté, qui
sera plus asseuré de cette Forteresse mise entre les
mains d’vn si vaillant Prince, que non pas en celles
du Cardinal Mazarin Estranger & vassal d’Espagne :
où il y auroit à craindre qu’il ne se rendist Souuerain
de cette place, & de ses dépendances, dont il tireroit
tous les ans douze cens mille escus, qui est plus que ne
monte le rebenu de la Lorraiue ; en consideration de
quoy, il voüloit bien se retirer de France, au preiudice
du Roy, pour fomenter ses intentions, ou de s’en
accommoder pour de l’argent auec la Maison d’Austriche.
Ce sont les raisons que le Comte-d’Harcourt
a voulu rendre par ce sien Manifeste au public, de la
resolution qu’il a prise de quitter la Guyenne pour se
rendre à Brissac, sans auoir pourtant laisse l’armée du
Roy dépourueuë de Commandant, puis qu’elle est en
la conduite du Marquis de S. Luc, fort affectionné au
seruice du Roy, plein de courage & valleur, comme
fils d’vn mareschal de France, qui a rendu de si grands
seruices au Roy en plusieurs occasions.

 

Les Suisses qui sont dans cette Forteresse de Brissac,
attendoient le Comte-d’Harcourt auec beaucoup
d’impatience, afin de les maintenir en leur deuoir :
il a enuoyé quantité de Lettres de Change à Strasbourg
& à Basle, pour les faire payer des monstres
qui leurs sont deuës.

FIN.

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Anonyme [1652], LE MANIFESTE DV COMTE D’HARCOVRT, SVR SON ARRIVÉE EN la Ville de Brissac. FAISANT COGNOISTRE LE DESSEIN du Cardinal Mazarin, de s’emparer de cette Forteresse, qui estoit le sujet de sa retraitte hors de France. , françaisRéférence RIM : M0_2392. Cote locale : B_13_65.