Anonyme [1649], LE IVDICIEVX REFVS DV PARLEMENT DE DONNER AVDIANCE AVX DEVX HERAVTS. , françaisRéférence RIM : M0_1766. Cote locale : E_1_27.
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LE
IVDICIEVX REFVS
DV
PARLEMENT
DE DONNER AVDIANCE
AVX DEVX HERAVTS.

A PARIS,
De l’IMPRIMERIE de la Veufve
I. GVILLEMOT, ruë des Marmouzets,
deuant la petite Porte de l’Eglise
Sainte Magdeleine.

ter">M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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LE
IVDICIEVX REFVS
DV PARLEMENT,
De donner Audiance aux deux Herauts.

SI les Payens ont creu que les vertus
fussent des Diuinitez, il ne faut pas s’estonner
s’ils ont rendu les mesmes honneurs
à la Prudence, puis qu’au iugement
des Philosophes, elle en est la Souueraine ;
c’est elle en effet qui les conduit dans leurs emplois
qui les redresse dans leurs erreurs, & qui les
assiste dans leurs besoins, elle veille pour le salut
de l’Estat, & au lieu que les autres vertus n’ont
que des occupations particulieres, celle-cy en a
de generales qui concernent le bien public.
Quand elle forme vn homme de bien, elle s’appelle
Morale, quand elle forme vn pere de famille
elle se nomme Oeconomie, & quand elle forme
vn Ministre ou vn Souuerain, elle prend vn nom
plus Auguste, & se fait appeller Politique, mais
elle est l’ame de toutes les Sciences, qui n’ont

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point d’autres lumieres que la sienne, qui n’en
different entr’elles que par la diuersité de leurs
obiects, elle est aussi bien necessaire dans la guerre
que dans la Paix, & les Generaux d’armée se
rendent bien plus considerables par la prudence
que par la valeur : C’est en quoy nos Illustres
Testes du Parlement, qui sont à present autant
de Generaux d’armée, excellent eminament, en
ce que dans la Paix ayans fait paroistre la force de
leur Iugement, par les Arrests qu’ils ont rendu ils
tesmoignerent depuis sept semaines par leurs
actions, qu’ils n’entendent pas moins le mestier de
la Guerre que celuy de la Chicane, qu’on leur a
imputé faussement, apprenans à tout le monde
que les gens de Robe sçauent aussi prudamment
conduire les armées, que ceux qui se vantent d’auoir
vieilly sous le harnoix.

 

De faire icy le recit de toutes les actions, où
l’on pourroit reconnoistre cette verité, ce seroit
trop entreprendre, il me suffit de faire voir la difference
de leur conduite à celle de nos aduersaires,
& faire obseruer en passant que l’esprit de
Dieu semble les auoir abandonnez, pour les empescher
de connoistre les fautes qu’ils commettent
tous les iours.

Vne des plus signalée, à mon sentiment, est
celle de l’enuoy de ces Herauts, desquels on n’a

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voulu entendre la Commission, parce que les
gens de sa condition ne deuans estre enuoyez
qu’à des Souuerains ou des ennemis, & les Corps
des Compagnies de la Ville de Paris n’estans Souueraines
que par dépendance du Roy, duquel
elles reconnoissent tenir leur authorité, & ne
croyans point estre ses ennemis, il ne pouuoit
estre escouté auec raison.

 

Tu n’eusse pas creu Cardinal imprudent qu’vne
Compagnie que tu croiois ambitieuse eust
refusé ce beau tiltre de Souuer ain dont les Herauts
estoient la marque : Tu t’imaginois peut
estre qu’en l’occurrence des affaires, elle embrasseroit
ce tiltre fumeux que tu t’estois si iniustement
approprié. Ces Testes Illustres ont eu trop
de respect pour le Maistre que tu leur retiens, de
Voulois vsurper dans son Estat le tiltre qui luy est
seul legitimement deu, & que tu luy veux toy
mesme oster, en faisant mine de restablir son authorité.

Ce n’est pas que cette Auguste Compagnie
n’ait encore toute la souueraineté que le Roy son
Prince luy à communiqué, elle te la bien fait
connoistre par l’Arrest qu’elle a prononcé contre
toy, & la vente qu’elle a ordonné de tes meubles
qui seruiront à te faire la guerre, quoy que tu aye
fait tes efforts pour luy oster ce brillant éclat de

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sa pourpre pour la donner à de simples Presidiaux
qui n’oseroient l’auoir vsurpée sans repentir.
Tous tes presens sont dangereux, & s’ils ont de
l’esprit, ils craindront qu’en mangeant de ce
fruict deffendu, ils n’en transmettent le chastiment
à leur Posterité.

 

Tu ne voulois pas ie m’asseure que les Herauts
venans au nom du Roy les reconneussent
pour Souuerains apres leur suppression, mais
qu’il traitassẽt auec eux en ennemis, afin de rẽdre
leur cause déplorable & suspecte à toute la France,
& que tu peusse dire que le Subiet s’estoit armé
contre son Roy, pour obliger le restant des
Prouinces à te donner le secours qu’elles nous
preparent pour te chasser du Royaume, comme
la cause de tous nos maux, & la victime qui doit
purger la France de tous les monstres qui la rauagent
depuis tant d’années.

Mais aduoüe que tu t’es trompé lourdement,
& que les lumieres esclatantes dont on nous disoit
faussement que ton esprit estoit remply, se
sont bien obscurcies ; car au point que tu croiois
reüssir, tu as appris à ta confusion que le Parlement
& le peuple de Paris, qui sont liez d’vn
nœud indissoluble par le Contract passé entr’eux,
n’ont qu’vn mesme esprit qui les anime. Que le
Parlement ne reconnoist auoir aucune authorité

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que celle qui luy vient de son Roy, de laquelle
il est tres-ialoux, lors qu’vn autre luy veut oster.
Qu’il se roidira tousiours contre ceux qui dans
les Minoritez en voudront abuser, pour faire les
choses iniustes comme tu as fait, qu’il deffend la
cause de son Roy, contre vn inique vsurpateur,
& qu’il n’aura iamais de sentimens que tres-fideles.
Que le peuple ne respire que la presence
de son Roy, & que la faim ne le presse pas tant
que le desir insatiable qu’il a de punir ton outrecuidance :
Ouy Mazarin sois asseuré que l’vnion
est si grande dans Paris, que le peuple souffre
auec patience toutes les mesehantes actions & les
inhumanitez que les Soldats commettent dans
l’esperance qu’ils ont que ton sang seruira d’vne
douce rosée pour faire fructiffier leurs Champs
qui sembloient se lasser de porter du grain qui
peust seruir à ta nourriture, ou celle de tes adherans.

 

Iuge apres cela, Ministre imprudent, si tu dois
desormais combatre contre tant de Testes si Iudicieuses,
tes Conseils s’en iront en fumée, s’ils ne
sont plus solides, & quoy que tu sollicité l’Enfer
de prendre ton Party, sçache que sa puissance ne
preuaudra point contre la cause d’vn Roy mineur
que nous deffendons & que tu oppresses : C’est la
cause de Dieu, puis que nostre Roy est le Fils

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Aisné de son Eglise, & qu’il peut estre veritablement
appellé le Present du Ciel, enuoyé dans nos
iours pour rendre la France plus heureuse qu’elle
n’a esté depuis trente années, elle ne peut neantmoins
esperer cette felicité, qu’en continuant le
genereux dessein qu’elle a de demander ta teste,
puisque le commencement de son bon-heur dépend
de faire vn sacrifice de ton corps infame,
par vn supplice égal à ta temerité.

 

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