Anonyme [1652], LE GENIE FRANÇOIS, PARLANT AV ROY POVR LA PAIX : OV, La Remonstrance faicte a sa Maiesté par Messieurs les Deputez, afin de ne plus r’appeler Mazarin & de reuenir dans sa bonne ville de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_1494. Cote locale : B_16_54.
Section précédent(e)

LE GENIE
FRANÇOIS,
PARLANT
AV ROY
POVR LA PAIX :
OV, La Remonstrance faicte a sa Maiesté
par Messieurs les Deputez,
afin de ne plus r’appeler Mazarin
& de reuenir dans sa bonne
ville de Paris.

A. PARIS,

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

LE GENIE
FRANÇOIS,
PARLANT AV ROY POVR LA PAIX ;
OV,
LA REMONSTRANCE FAITE
à sa Majesté par Messieurs les Deputez, de ne
plus r’appeller Mazarin, & de reuenir
dans sa bonne ville de Paris.

SIRE,

Ie ne sçay de quelle sorte aborder Vostre
Majesté, crainte qu’elle ne me soit autant inexorable,
comme elle a esté à ceux qui par cy-deuant,
vous sont venus prier pour les mesmes
sujets, pour lesquels ie viens vous supplier :
Mais comme le Genie de la France, qui
suis l’Ame de son Ame, & l’Esprit de son Esprit,
l’organe & l’instrument de son coeur ; &
voyant que les forces luy manquent pour se

-- 4 --

plaindre, & que ses larmes sont taries, & qu’elle
ne sçauroit plus pleurer, ie dois prendre la parole
pour elle & vous la porter de sa part, elle
n’est plus animée que par moy, & si ie ne suis
secouru d’vne fauorable main comme la vostre
pour luy prolonger la vie, mais plustost luy redonner,
elle est presque perduë. Qu’il vous
plaise donc, SIRE, ne nous pas dénier vostre
secours, vous nous verrez mourir tous deux,
car l’vn sans l’autre ne sçauroit viure, pource
que les ennuys de l’Ame sont des supplices au
corps, & les douleurs du corps se sont des
morts à l’ame : Et consequemment, SIRE, ie
ne puis estre que tres-malade, puis que mon
corps, qui est la France, est démembré & déchiré
par pieces, toutes ses playes sont mortelles :
qu’elle asseurance y a il donc que ie
puisse demeurer dauantage dans vn corps qui
n’a plus ses fonctions ordinaires, elle est la
proye de ses enfans, qui sont plus dénaturez &
plus barbares que les Tygres & les Lyons. Helas !
SIRE, prenez en pitié, secourez celle qui
vous doit estre si chere. Nous sommes obligez
de secourir ce qui est à nous : qu’auez vous de
meilleur & de plus considerable que la France ?
elle vous doit estre comme vn thresor inestimable,
que vous deuez tenir aussi cher que vostre

-- 5 --

personne, & vous ne considerez pas combien
il est important de sçauoir bien conseruer
les Royaumes, dont les conquestes sont si glorieuses,
& qu’au lieu comme grand Roy que
vous estes, vous en deussiez conquerir sur les
nations estrangeres, vous endurez qu’on destruise
le vostre. Il est vray, SIRE, que ie croy
que si vous en estiez bien instruit, vostre bon
naturel ne permettroit pas de si furieux desordres :
mais le Cardinal Mazarin vous a bien
empesché d’en auoir la connoissance, car se sentant
coupable de tout le mal-heur causé par la
guerre qu’il a allumée, il n’auoit garde de permettre
que Vostre Majesté fust esclaircie de
toutes les affaires de vostre Estat, que le méchant
a espouuentablement broüillées, & mesme
ne vouloit pas souffrir que tant de braues
hommes tant Religieux que seculiers, & d’autres
conditions remonstrassent à V, M. l’estat
deplorable de vostre pauure & desolée France,
d’autant que cela luy auroit esté prejudiciable,
& ne vouloit iamais entendre parler de paix :
car il n’auroit pas pû faire ses affaires. De sorte
que vous n’auez garde de connoistre les maladies
de vostre Estat, & pendant que vous auiez
auec vous cét Aquilon bouffy, cette engeance
de Vipere, cette peste pernicieuse de la France,

-- 6 --

ie n’ay osé venir trouuer Vostre Majesté
pour luy representer la langueur de ma fidelle
Compagne la France pour qui ie m’employe,
& estant obligé par le droict de ce qu’elle m’est
si estroictement vnie, ie dois prendre son party,
soustenir sa querelle, & defendre son droict :
ce que ie ne pouuois faire lors que le Cardinal
Mazarin occupoit tellement vostre Majesté, que
rien n’estoit capable de la diuertir d’auec luy,
& vous auoit rendu sourd à tant de voix plaintiues :
Mais à present que par vn coup du Ciel
vous l’auez fait retirer d’aupres vous, i’ay creu
trouuer plus d’accez aupres vostre Majesté, &
qu’elle escouteroit mieux mes plaintes, n’ayant
aupres d’elle celuy qui luy mettoit la main sur
la conduitte de l’oüye pour empescher qu’elle
n’entendit tant de cris langoureux : encore n’osay-je
me promettre d’estre entieremẽt écouté
de vostre Majesté, quoy que le Cardinal Mazarin
soit esloigné, parce qu’il a laissé aupres de
vous de ses plus fameux & principaux disciples,
qui nourris dans ses meschantes instructions,
sont l’organe & l’instrument de tous ses mauuais
conseils, & ie crains qu’il ne soit que trop
veritable le soubçon de tout chacun, qui tient
tout asseuré, que ceux qu’il a laissez ont de la
correspondance auec luy : Mais, SIRE, que

-- 7 --

pleust à Dieu que vostre Majesté les eust enuoyez
auec luy, sans esperance de iamais reuenir.

 

SIRE, souffrez donc que ie vous die que
d’eussiez à l’aduenir mieux ordonner les affaires
de vostre Estat, tascher de rendre vostre
Royaume aussi paisible & tranquile comme il
estoit sous les regnes tres-heureux d’Henry IV.
vostre grand Pere, & de Louys le Iuste vostre
Pere, ils n’auroient pas voulu pour la conqueste
d’vn nouuel Empire, permettre dans leur
Royaume le moindre des desordres de ceux
dont il est à present regorgeant & accablé.

SIRE, souuenez-vous que Henry le Grand
estoit tellement amateur que la Paix fust dans
son Royaume, que pour rien du monde il n’auroit
pas voulu la troubler tant soit peu, & bannissoit
d’aupres luy ceux qu’il soubçõnoit pouuoir
causer du trouble dans son Estat, & ne vouloit
point que son peuple fust surchargé : Et
quand Monsieur de Rosny voulut charger le
peuple de Paris de quelque petit impost qui
estoit à prendre sur les bouës, qui n’estoit rien
en comparaison de ceux du present : & bien que
s’estoit peu de chose qu’il vouloit leuer, si est-ce
neantmoins que le Roy vostre grand-Pere
ne le voulut iamais permettre luy disant, qu’il

-- 8 --

ne vouloit pas qu’il se joüast aux Parisiens : & à
ce sujet furent imprimez des billets parlant audit
de Rosny, ainsi que vous verrez dedans les
vers qui s’ensuiuent.

 

 


Paris se fasche,
Et demande à Rosny raison :
Mais en branslant son grand pennache,
Dit, que plus de plumes on luy arrache,
Plus luy en reuient à foison.

 

Ce Roy tant regretté ne souffrit iamais
qu’aucun dominast dans son Royaume, & qu’il
osast manier à sa discretion les affaires de son
Estat.

SIRE, ne deuriez-vous pas suiure ses traces
& ses vertus heroïques, & tãt de belles actions
qui feront reuiure sa memoire aux siecles à venir ?
Vous auez permis qu’vn Estranger Fauory
gouuernast par vn lõg-temps vostre Royaume,
mais auec tant d’imprudence & de confusion,
& pour son interest propre, qu’il l’a reduit
dans vn si desolable estat, que ie ne croy pas
qu’il s’en puisse iamais releuer, si ce n’est par
vne toute speciale grace de Dieu, qui voulust
prendre pitié de son pauure peuple ; qui iamais
depuis que la France est France, non pas mesme
durant la persecution des Payens, ne se vid
accablée de tant de mal heurs qu’elle est pour

-- 9 --

le present : car n’est-il pas pitoyable de voir
que la France se voye arracher la vie par ses
propres enfans, qui sont plus desnaturez & plus
cruels que les Tygres & les Lyons ; Bref, il n’est
point de coeur, fust-il aussi dur que la bronze,
& quand mesme se seroit le plus impie, le plus
infidelle & mescroyant qui ait iamais esté, &
qui n’auroit iamais eü connoissance du vray
Dieu, il seroit esmeu à pitié de voir la ruyne &
desolation de nos Eglises, villes, bourgs, &
campagnes, & ne voudroit iamais faire les
cruautez qu’exercent les François, qui font pis
en vn lieu que si le feu y auoit passé. N’est-ce
pas vne estrange barbarie de voir les Chrestiens
se tuër & massacrer l’vn l’autre, se voler,
se trahir ; enfin tout est si peruerty & corrompu
que l’on estime à present pour adroit & subtil
celuy qui mieux trompera son compagnon : &
ce qui fait que le vice regne plus que iamais,
c’est la guerre qui rend le monde vicieux : car
les inhumanitez que les soldats commettent
enuers les bourgeois & le païsan, le font rendre
cruël, & le fait animer à colere se voyant oster
la vie & les biens : car il n’est point d’Agneau
qui ne deuint Loup auec les Loups, si ce n’est
tant de pauures innocens, veufues & orphelins,
vieilles gens, qui ne pouuant resister à ces inhumains

-- 10 --

& impitoyables soldats, se voyent enfin
sacrifiez à leur rage.

 

SIRE, Ie vous coniure pour l’amour de
celuy qui vous a faict ce que vous estes, que
vous vueillez non seulement ouurir les oreilles
du corps, mais celles du coeur, pour entendre
mes veritables plaintes, afin qu’elles attendrissent
vostre Ame, qui iusques à icy a esté endurcie
à nos clameurs : mais c’estoit à la suscitation
du Cardinal Mazarin, qui empeschoit que vous
n’eussiez quelque tendresse & ressentimẽt pour
vostre peuple affligé. Or donc, SIRE, puis
que vous estes plus libre que vous n’estiez pas
auparauant la sortie du Cardinal Mazarin, ainsi
osay-ie parler, puis qu’il se rendoit comme
Maistre de vostre Majesté qui ne le dédisoit de
rien. Vous pouuez donc, s’il vous plaist, puis
que la chose vous importe beaucoup, & que
comme vous estes le Chef de tout ce grand
corps de la France, jetter les yeux sur toutes ses
parties qui sont malades au mourir, & quand le
Chef a de la vigueur & de la force, il doit tascher
de renforcir la foiblesse & langueur de ses
mẽbres : Et c’est ce que vous deuez faire, SIRE,
comme Roy & Souuerain de la France, guerir
vos pauures mẽbres languissans, qui attendent
vostre secours, la cangrene est proche de son

-- 11 --

cœur, comme le mal est grand il faut vn grand
remede : car, apres Dieu, il n’y a que vous qui
luy pouuez restablir sa premiere santé. Ne tardez
plus, SIRE, ou tout est perdu, il est tres-dangereux
de differer dauantage, le mal s’augmente
de plus en plus ; & si vous auez commencé
le moyen d’y apporter remede par l’esloignement
du Cardinal Mazarin, il faudroit
pour rendre tout à fait vostre Royaume soulagé,
bannir d’aupres vostre Majesté ceux qui sont
infectez de l’instruction Mazarine : car de mesme
que le feu qui n’estant pas bien esteint, d’vne
seule estincelle qui luy restera, il se r’alumera
autant & plus qu’auparauant : de mesme Mazarin,
ce boute feu des troubles & de la guerre
a laissé en s’en allant de furieuses flammesches,
dont il est à craindre qu’elles ne r’alument vn
grand feu, pour se rejoindre à leur principe,
qui les r’alument par le vent contagieux des
conseils qu’il enuoye encore du lieu là où il est,
qui pourront faire que par cy-deuant, si vous ne
preuenez ce malheur en vous défaisant de tous
ceux qui sentent le Mazarin & le portent dans
leur coeur. On ne sçauroit iamais bien guarir
vn mal, ou du moins le soulager, si on ne purge
la cause interne : car de ne remedier qu’à
l’externe, ce n’est que paslier vn mal, ce n’est

-- 12 --

qu’vne guarison en apparence qui reuiendra
bien-tost dans son premier estat : car si le Cardinal
Mazarin n’est chassé pour tousiours, &
auec luy ses complices, il faut apprehender vn
mal plus grand que celuy que nous ressentons.
Si deux personnes qui se sont aymées par quelque
amour illicite ne se separent pour iamais, &
qu’ils viennent à se reuoir de fois à d’autres, ou
s’enuoyer des lettres, il n’est point de doute
que leur amour se r’alumera plus fort ; là où s’ils
demeuroient absens ne voulant point entendre
parler l’vn de l’autre, se seroit l’vnique moyen
d’amortir tout à fait la mauuaise amitié qu’ils
auroient euë autrefois.

 

Il faut donc, SIRE, que pour purger vostre
Estat de l’infection Mazarine, que vous en
bannissiez entierement le souuenir de vostre
coeur, & enuoyer auec luy tous ceux qui ont
succé le venin de ses meschans conseils, & qui
auec luy les ont mis en pratique au grand prejudice
de toute la France, & qui par tout ont
causé des maux innombrables, & puisque en
fin vostre Maiesté a consenty à l’éloignement
du Cardinal Mazarin, Dieu vueille que iamais
il ne vous vienne dans la memoire, si ce n’est
pour regretter le mal-heur qu’il a causé de l’auoir
eu trop long-temps aupres de vous.

-- 13 --

SIRE, ne permettez plus desormais qu’il reuienne
aupres de V. M. car la rencheute d’vne
maladie est plus à craindre que le premier mal,
& quand nous sõmes sortis de quelque mauuaise
habitude, ou que nous auons par bon-heur
éuité quelque peril & accident, nous deuons
employer tous nos soins auec vne extreme vigilance
pour n’y pas retomber.

Voylà pourquoy, SIRE, ie vous supplie
tres-humblement de vouloir regarder
aux vrgentes necessitez de vostre Royaume, &
d’en expulser à tout iamais les persecuteurs &
les fleaux, dont le plus grand e’est le Cardinal
Mazarin, qui n’eut iamais son pareil pour troubler
vn Royaume.

Voyez, SIRE, le miserable estat auquel est
la pauure France, & lors que le Tyran Mazarin
y entra, elle pouuoit bien dire auec vn cœur
confit en amertume, comme presageant son
mal-heur futur, qu’elle a bien ressenty depuis,
elle pouuoit auec beaucoup de verité dire,
Adieu mes cheres Delices, Adieu la Paix ma
Bien-aymée, ie ne vais plus auoir qu’vne cruelle
& horrible guerre, qui me deuorera de tous costez ;
& ce qui me sera le plus sensible, c’est que les François
mesmes, appuyant mon Ennemy, m’immoleront

-- 14 --

à leur rage. Et que si la France auec raison
se pouuoit plaindre de la sorte à la venuë du
Cardinal Mazarin, preuenant par sa crainte le
mal qui luy est arriué depuis ; que doit-elle faire
à present qu’elle n’a que trop esprouué les
souffrances que sa crainte luy prejugeoit.

 

SIRE, ayez donc pitié d’elle, elle vous tend
les bras, soyez son Defenseur : car vous le deuez
estre, & si vne fois vous venez à considerer
sensiblement & auec douleur, l’oppression de
vostre pauure peuple, vous ne voudriez iamais
souffrir que Mazarin remist le pied en France.

C’est ce que ie vous supplie de faire, SIRE,
c’est le plus grand bien que puisse iamais receuoir
vostre Royaume : & que si vous pouuez
reconnoistre combien le perfide Cardinal Mazarin
a esté dangereux à Vous & à vostre Estat,
qu’il a mis dans vn peril éminent, vous souhaitteriez
ne l’auoir iamais veu, & ne voudriez plus
l’auoir dans la pensée, mesme le souuenir vous
en sera odieux ; & puis qu’on dit ordinairemẽt
qu’il vaut mieux tard que iamais, quand il est
question de quelque action bonne, & quoy que
tout soit presque perdu en France, vous pouuez
si vous voulez sauuer encore le peu qui reste :
mais il en est temps, car tout est prest d’acheuer

-- 15 --

à se perdre, & si iamais Majorité reuient
s’en est faict, car il feroit vne aussi mauuaise
definition comme il a fait mauuais commencement :
c’est à quoy il faut prendre bien garde,
car si le Loup entre tant de fois dans la bergerie
il mangera tout à faict le troupeau.

 

Or ce Lyon deuorant de Mazarin n’est pas
encore assouuis de nostre propre substance, &
son insatiable appetit ne cherche qu’à racheuer
de manger le reste, il en a emporté le desir
auec luy, & fera tout son possible d’y pouuoir
remordre si vous ne l’en empeschez par vn bannissement
perpetuel, SIRE, sauuez la France
des griffes de ce cruel Cerbere qui la regarde
d’vn mauuais œil, & qui machine & conspire
pour vn dernier ressort le reste de sa ruyne
qu’il medite tous les iours, ce qu’il ne pourra
executer si vostre Maiesté luy interdit l’entrée
dans vostre Court : car s’il se void frustré de son
attente & hors d’espoir d’acheuer ce qu’il pretend,
il se verra contraint de faire retraicte, &
d’en chercher vne tres-asseurée où il puisse passer
sa vie, s’estimant seulement tres-heureux
qu’elle luy aura esté conseruée, veu qu’il merite
d’en perdre mille s’il les auoit : car il est tres-certain
qu’il ne pourra plus rien entreprendre

-- 16 --

sur les François s’il void que V. M. ne le vueille
plus proteger, & ne vouliez plus entendre parler
de luy, ny aussi generalement de tous ceux
qui ont cooperé à ses instigations diaboliques,
qui ne sont pas moins criminels que luy, puis
qu’ils l’ont soustenu & suiuy dans ses meschancetez.

 

SIRE, qu’il vous plaise de prendre vne forte
resolution, de chasser & oublier pour tout iamais
ces miserables qui ont commis des maux
sans nombre, dont les crimes sont irremissibles,
& ie m’estonne que ceux qui deuoient estre les
exterminateurs de ces temeraires, ont contribué
leur volonté auec la leur, pour perdre tout
ensemble vostre Estat, vostre Royaume, &
vous-mesmes s’ils auoient pû : il faut donc
promptement preuenir ce mal-heur, qui est
desià bien aduancé.

Hastez-vous, SIRE, car ce mal est present,
faicte vne reueüe generale sur les miseres de
vostre peuple, vous y verrez vne grande deploration,
le tout causé par Mazarin & ses appuys,
& lors vous aduoüerez qu’il estoit tres-vray
ce que vous en disoient tant de braues hommes
qui vous remonstroient combien il causoit
de mal-heur, ce que vous ne vouliez point

-- 17 --

croire, tant ce miserable auoit charmé vostre
Majesté, & se faisoit estimer de vous vn bon
& fidel seruiteur : Mais vous en voyez à present
le contraire, SIRE, Car en effet il est
tres-dangereux de communiquer trop ses
affaires & secrets à des Estrangers, & de se
fier en eux ; car apres ils font leur profit des
choses que trop librement on leur a descouuertes,
& que s’il est dangereux de dire son
secret à son Amy, de peur qu’il ne soit vn
iour nostre Ennemy, & que nous ne tombions
dans son mespris & son reproche.
Combien est-il donc plus à craindre de descouurir
son cœur à vne personne qui ne nous
a pas fait voir encor aucun traict d’Amy. Et
c’est ce que vous auez fait, SIRE, à l’endroict
du Cardinal Mazarin, à qui vous auez
donné trop de connoissance dans vos affaires,
& vostre Majesté l’ayant mis dans vn plain
pouuoir il s’y est comporté comme bon luy
a semblé : & quoy qu’en apparence il parust
vostre amy, si est-ce pourtant qu’il n’a
iamais esté que vostre tres-grand ennemy, la
suitte de ses actions l’ont faict voir visiblement,
l’on n’en puis autrement iuger : car il

-- 18 --

s’est monstré vous estre tres-infidelle, car
poursuiuant à la perte de vostre Royaume :
c’estoit bien aussi poursuiure à vostre dommage,
mais bien plus à celuy de vostre pauure
peuple, qui a souffert plus de persecution
du Cardinal Mazarin, que les François
n’ont fait autrefois d’Attilla, Roy Payen,
qui se faisoit appeller le Fleau de Dieu.

 

Ie vous supplie derechef, SIRE, d’auoir
compassion de vos pauures subjets ; Ne refusez
point ma demande, puis qu’elle est si
iuste ; Ne retenez plus aupres de vous que
des bons Conseillers qui seront hommes de
merite & de vertu, & qui seront affectionnez
pour le bien de vostre Estat, & pour celuy du
peuple ; & que non seulement le nom, mais
quelque chose de luy ne soit plus parmy
nous : car se seroit comme les choses qui retiennent
le mauuais, desquels la garde peut
empescher : c’est pourquoy il se faut défaire
de tout, & nous voyant deliurez de ces esprits
Sathaniques, peu à peu chacun se remettroit
Dieu en seroit beny & glorifié, & vostre Maiesté
plus honorée. Le Marchand, le Laboureur,
l’Artisan, tous feroient valoir leur estat

-- 19 --

tout chacun vous beniroit, l’on prieroit pour
le bon-heur de vostre Majesté : c’est ce que
l’on ne manquera pas de faire, s’il vous plaist
nous donner la Paix.

 

FIN.

-- 20 --

Section précédent(e)


Anonyme [1652], LE GENIE FRANÇOIS, PARLANT AV ROY POVR LA PAIX : OV, La Remonstrance faicte a sa Maiesté par Messieurs les Deputez, afin de ne plus r’appeler Mazarin & de reuenir dans sa bonne ville de Paris. , françaisRéférence RIM : M0_1494. Cote locale : B_16_54.