Anonyme [1652], LE COVRRIER DE LA PAIX, ENVOYÉ A SON ALTESSE ROYALLE. , françaisRéférence RIM : M0_823. Cote locale : B_16_20.
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LE COVRRIER DE LA PAIX,
Enuoyé à son Altesse Royalle.

Qvelque animosité qui se trouue dans les
deux partis, i’estime neantmoins que ie seray
le bien receu de l’vn & de l’autre, & me tiens
asseuré de plaire à tous puisque ie porte la Nouuelle
de ce qu’ils ayment le mieux.

Le Roy d’Angleterre estant allé salüer sa Majesté
qu’’il n’auoit point encore veuë despuis qu’il a
esté receu Roy enEscosse fut receu de la Cour, auec
toutte sorte de Ciuilitez. Les deux Roys dinerent
ensemble, & il semble que le Ciel s’est voulu seruir
de cette Royalle entreueuë pour sauuer la France
de son entier embrazement. La presence du Roy
d’Angleterre & du Duc Diork, eurent plus de force
que touttes les remonstrances rejterées des Parlements
bien qu’il ne fut pas parlé dans leur entretien
des affaires d’Estat. Sa Majesté Britannique
ayant consideré les dangers ou la guerre Ciuile
alloit plonger cét Estat, fut voir à son retour à Paris
son Altesse Royalle & luy fit entendre qu’il
auoit compassion de voir les plus vaillants François
prests à s’egorger, & qu’il eust desiré pouuoir

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contribuer de son costé quelque chose pour vn accommodement.
Son Altesse luy demanda s’il en
auoit eu charge de la Cour, à quoy sa Majesté Britannique
respondit que cela venoit de son propre
mouuement & que neantmoins il croioit que l’accommodement
ne seroit pas difficile si quelqu’vn
en ouuroit le traitté. Le lendemain son Altesse
Royalle fit le rapport de ce discours au Parlement
auec protestation de ne vouloir rien faire sans leur
adueu & de ne traitter que d’vn commun accord.
La Cour tesmoigna à son Altesse Royalle qu’elle ne
pouuoit receuoir vn plus grand contentement, que
de voir quelque ouuerture d’vn Traitté de Paix, &
que S. A. ne deuoit faire difficulté de faire le premier
pas. Ensuitte dequoy Messieurs de Chauigny,
de Rohan & Goulas, auec le Milord Montaigu, representant
le Roy d’Angleterre, & seruant d’entremeteur,
sont partis pour aller trouuer le Roy à
Chily, ou la où sa Majesté sera.

 

Nous auons aduis que la Royne s’est enfin resoluë
à l’esloignement du C. Mazarin, que le Traitté
de Paix est beaucoup aduancé, & que Messieurs de
Chasteau-Neuf, Seguier & Chauigny sont remis
dans leurs Charges, ce qui nous doit faire tout
esperer.

Nos Princes & le Parlement ne pouuant plus

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souffrir cét esloignement ont fait tous leurs efforts,
pour persuader le Roy de venir s’assoir sur son
Trosne, ils ont vsé de tant de respect, & de submission
enuers sa Majesté, qu’enfin ils ont obtenu de
sa bonté qu’elle viendroit en sa bonne Ville de
Paris auec la Paix, pour nous apporter l’abondance
& la seureté.

 

La sagesse diuine se fait admirer dit l’escriture,
en ce que la mer dans ses plus grands troubles ne
passe iamais ses bornes, & qu’vn grain de s’able
sert de limites à tous ces boüillons. Nous pouuons
dire que le Calme dont nous allons joüir, est vn
effet de prouidence particulier de Dieu, sur ce
Royaume & principalement sur Paris, puis que
tous ces troubles qui nous menacoient, & que les
vagues de cette guerre venoient iusques à nos portes
ont esté dans vn instant dissipées comme arrestres
par vn grain de sable.

Ce puissant armement qui se trouue dans l’vn
& l’autre party, menaçoit le Royaume de son entiere
ruyne. Paris sembloit estre reduit à cét
estat deplorable, que des deux extremitez il t’en
faut choisir vne, où de receuoir dans peu de iours
dans l’enceinte de tes Murailles celuy qui te veut
reduire en cendres, ou bien aller combattre pour
le salut de ta vie, ceux qui se saisissent des passages
de tes Riuieres, & qui commencent d’arrester tes

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viures pour te consumer par la faim. Auise ce que
tu as à faire ? Tu n’as pas trop de temps pour deliberet,
& sçache que si tu refuses de donner vn
prompt secours à tes Princes qui ont voulu mesler
leurs interests auec les tiens, ta perte est infaillible
quelque confiance que tu ayes en tes forces,
& que le retardement rendroit ta deffense
inutille, & ta ruyne ineuitable.

 

Apprenez disoit-on, Messieurs de Paris, que
vos Ennemis ne sont pas seulement en Campaigne,
ils sont mesmes entrés dans vostre Ville, ils ont asisté
dans l’assemblée de la Maison de Ville, & ont
esludé par leurs ruses ce que les gens de bien auoient
resolu de faire pour le public.

Mais on doit tenir aujourd’huy vn langage contraire.
On doit dire que c’est vn iour de bonnes
nouuelles, que ce seroit vn crime de se taire, qu’aportant
les nouuelles de Paix, on les doit publier
par touttes les ruës.

La guerre qui s’estoit l’euée dans cét estat, ne
pouuoit subsister longuement, non tant à cause de
sa violence qu’a raison de son Prince, cette guerre
estoit fondée à la verité sur la haine que nous auons
contre le Cardinal Mazarin & de ce costé elle deuoit
estre immortelle, mais ce Ministre n’estant
soustenuë que par le Roy, & de ce costé la guerre
procedant de l’amour que nous portons à nostre

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Monarque elle ne pouuoit estre de longne durée,
mais se terminer dans vne plus parfaite vnion selon
ce dire du Poëte, Amanium iræ amoris redintegratio
est.

 

Le dessein de nos Princes, n’ayant esté que de
procurer le bien de l’Estat, le seruice du Roy, & la
Paix Generalle, il estoit trop iuste pour n’estre pas
consideré par sa Majesté. Aussi n’estãt icy qu’estion
que de l’esloignement du Cardinal Mazarin, & ce
Ministre fatal ne pouuant estre retenu qu’auec la
diuision de la Maison Royalle. Le Roy qui en est
le Pere a voulu tesmoigner que son sang luy estoit
plus cher que cét Estranger : Comme il n’est rien
de si puissant que l’amour, aussi c’est luy qui à desarmé
pour ainsi dire nostre combattant.

Ayant esté representé au Roy combien il estoit
necessaire de s’acheminer à sa bonne Ville de Paris,
& d’y apporter la Paix, il a esté touché de celuy
qui tient entre ses mains les cœurs des Roys. Il
s’est disposé pour y venir, & marchant auec ses
Gardes, il doit estre dans cette Ville dans deux
jours pour tesmoigner à ses Princes au Parlement,
& au Peuple qu’il sacrifie tous ses ressentimës pour
leur felicité, & qu’il veut establir son Trosne fur l’eguité
& sur la Iustice, & que par ce moyen on vomira
d’vn Regne dont la gloire & la felicité ne
pourront estre interrompuës.

FIN.

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