Anonyme [1649], LE COVRRIER BOVRDELOIS. Apportant toutes les Nouuelles de ce qui s’est passé tant dedans la Ville de Bourdeaux que dehors. , françaisRéférence RIM : M0_811. Cote locale : C_1_44_1.
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LE
COVRRIER
BORDELOIS APPORTANT
TOVTES LES
nouuelles de Bordeaux.

Premiere Semaine

Depuis que la guerre est allumée
dans vn Royaume,
il est presque impossible de
l’esteindre, & depuis qu’vn
peuple est vne fois revolté,
il est aussi presque impossible de l’appaiser,
ce que nous voyons dans la Prouince
de Gascogne deplorant les mal-heurs
des pauures Habitans de cette terre, qui
devore le monde qu’elle possede.

Ce que i’espere moyennant la grace de

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Dieu vous faire voir, en vous racontant
leurs pertes, leurs malheures, & les peines
& trauaux qu’ils prennent tous les iours
pour conserver leurs vies, ie vous supplie
dõc cher Lecteur, de vouloir dõner
vn œillade à cette petite copie que i’ay
voulu vous donner, en continuãt toutes
les semaines, iusquà ce que Dieu nous
fasse la grace de finir cette guerre par vne
Paix que nous implorons de sa saincte
bonté. Ie vous diray donc cher Lecteur,
que nos Habitans de Bordeaux, voyant
qu’ils ne pouvoiẽt point se conseruer de
la prise du Chasteau Trompette, ils se
sont conviez les vns & les autres à qui
mieux mieux, de se deffendre dans le
champ de Mars, pour tascher en exposant
leurs vies de conserver celles de leurs
posteriré, disant qu’ils aymeroient mieux
mourir courageusement que de vaincre,
ayant fait vne lascheté, ils ont donc tant
fait qu’ils se sont rẽdus maistres du Chasteau
Trompette, ils l’ont razé à platte
cousture, & sont resolus de vaincre tout
à fait ou de mourir dans les muraillés
de leur patrie.

 

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Monsieur le Duc d’Espernon voyant
que cette prise n’estoit pas de peu d’importance,
il se resolut d’envoyer vn Cãp
volant du costé du Chasteau Trompette
pour tascher de reprendre cette place : il
envoya sa Cauallerie, trois mille Fantassins
auec deux vaisseaux de Mer, flottant
aux murailles de la Ville pour tascher de
faire vne bresche, & d’entrer victorieux
dedans la Ville de Bourdeaux : mais son
dessein reüssit tres mal, car son infanterie
fut défaite à platte cousture, & vne partie
de ses Caualliers pris, ses vaisseaux brisez,
ce qui fit grande peur audit sieur
Duc d’Espernon, mais voulant continuer
dans son dessein, pendant que nos Habitans
trauailloient fort & ferme à se retrancher
pour leur seureté, il enuoya encores
quatre mille hommes, deux mille
Fantassins, & deux mille Caualiers pour
tascher de les surprendre dans leurs tranchees,
ce qui luy reüssit encores tres mal.
Car plus de deux cens caualiers furẽt faits
prisonniers, vne partie de blessez, & biẽ
deux cens de tuez. Voila nostre Bourgeosie
qui commence a s’aguerrir. Ils sont

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resolus de prẽdre secours de l’Anglois si
on ne leur en enuoye de cette Prouince,
& pour ce sujet ont Deputé au Parlement
de Paris pour auoir du secours, &
pour auoir aussi pareillement vn Gouuerneur
à leur poste, c’est le sujet que
Messieurs du Parlemẽt se sont assemblez
Mercredy dernier pour donner vn Arrest
en leur faueur, & pour leur envoyer du
secours, on espere avec la grace de Dieu
que cette guerre pourra bien tost finir,
dautant que le Parlement de Paris, d’Aix,
Dijon, & de Thoulose se sont resolus
de les secourir au plustost. Ie vous diray
de plus, que les Deputez de Normandie
sont venus encore pour ce sujet offrir du
secours, & se sont enfin offert pour les
secourir au plustost. Nous attendons la
resolution de Messieurs du Parlement.
De là dépend le bon heur de cette mal-heureuse
Prouince si affligee, qu’on ne
peut pas proprement comparer auec
vne Prouince qui est auiourd’huy en
paix, & qui demain est en guerre, n’avõs
nous pas veus cela dans cette ville de Bordeaux,
le quelles ayant eu la bonté de faire

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la paix auec Monsieur le Duc d’Espernõ
se sont engagez dans vn labyrinthe duquel
ils auront peine d’en sortir. Il faut
tout remettre en la Diuine Prouidence,
c’est delà que dépend tout le bon heur,
c’est pourquoy, ils sont resolus de ne rien
faire qu’auec la grace de Dieu, & ainsi
i’espere qu’ils reüssiront. Ie ne vous en
diray d’avantage ce iourd’huy. Ce sera
pour la prochaine semaine, i’espere
que les nouuelles en seront meilleures
que celles d’aujourd’huy.

 

FIN.

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Anonyme [1649], LE COVRRIER BOVRDELOIS. Apportant toutes les Nouuelles de ce qui s’est passé tant dedans la Ville de Bourdeaux que dehors. , françaisRéférence RIM : M0_811. Cote locale : C_1_44_1.