Anonyme [1652], DERNIER ADVIS DONNÉ AVX PARISIENS, dans la crize des maux de l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_1012. Cote locale : B_14_40.
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Dernier aduis donné aux Parisiens
dans la crise des maux
de l’Estat.

ET bien Messieurs, Monsieur le Prince vous
trahit-il ? s’est-il accordé secrettement auec
vos ennemis, & ceux de l’Estat pour vous
perdre : Estes-vous encor dans ce sentiment
iniurieux à la gloire d’vn Heros qui s’est exposé à vos
yeux : Et qui n’auroit point hazardé sa vie, ses biens,
ses amis, pour vous defaire d’vne armée de voleurs,
s’il n’estoit dans des sentiments dignes des Bourbons,
& plus dignes encor de sa sincerité ? Vous l’auez
veu combattre : Vous auez veu le mépris qu’il a
fait de ménager sa vie : Vous auez veu comme il l’a
prodigoit pour conseruer la vostre, & si vous auez
pris la peine de monter sur vos murailles, vous auez
pû conter tous les coups d’espée qu’il a donné pour
briser vos fers. N’est-il pas vray que dès hier il eust
terminé vos maux, si vous l’eussiez tant soit peu secondé.
Et que vous ne seriez plus dans l’apprehension
d’estre exposez à la tyrannie du Mazarin, si vous eussiez

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autant aimé ce braue Prince qu’il vous a aimez.

 

Vous vous laissez charmer par cent pains que la
Cour vous enuoye ; Et vous ne voyez pas qu’elle n’a
d’autre dessein que d’en rapporter cent septiers de
bled ; & qu’auec les mesmes charrettes qu’elle fait
semblant de vous donner dequoy viure, elle emmene
des munitions de guerre pour vous faire mourir :
Mais le mal-heur est, que vous vous donnez à vn peu
d’apparence, & que vous ne voyez pas que Mazarin
& la Reyne vous flattent, parce qu’ils voyent bien
qu’ils ont besoin de vous-mesme, pour se defaire de
vous : Sçachez qu’il est temps de vous desabuser ;
que la Reyne est Espagnolle ; que le Mazarin est Italien,
& que Messieurs les Princes sont les Enfans de
la maison Royalle, qui ne sçauroient choquer la
Royauté, sans se choquer eux-mesmes, & qui ne sçauroient
se maintenir, qu’en maintenant Sa Maiesté.

Si son Altesse Royale n’agissoit que par ses inclinations
toutes pures, vous le verriez voler au trauers
des hazards pour conuaincre qu’il est vostre Pere :
Mais sa grande bonté ne le soumet que trop à des impressions
estrangeres, qui débauchent par leurs detestables
intrigues la generosité de son Esprit tout bienfaisant :
Et vous ne ressentez les effets de cet iniuste
ascendant que vos ennemis ont sur son Esprit, que
parce qu’vn infame Coadiuteur le possede souz le
faux pretexte de cette trompeuse monstre de pieté,
qu’il fait éclatter à la faueur de son camail, & de son

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chapeau rouge

 

Vostre obeyssance est indigne du nom François,
si vous la rendez à d’autres qu’à vostre Roy, & aux
Princes de son Sang : Et puis qu’il n’y a qu’eux qui risquent
tout ce qu’ils ont pour vous conseruer la liberté :
Est-il possible que vous soyez assez insensibles,
pour voir vn bougre, vn bougeron, vn Italien, &
pour tout dire vn Mazarin, qui iouyt des plaisirs de
la Cour entre les bras & les caresses de ses Mignõnes,
pendant que vos Compatriotes, vos Braues, vos Illustres,
ie veux dire, les Nemours, les Beauforts, les
Princes de Tarante, les Rochefoucauts, les Tavannes,
les Valons, les Perzais, les Guitaux, & pour encherir
par dessus les Princes du Sang de vos Roys
s’entrégorgent pour cimenter vostre Paix de leur
propre sang.

Ah ! lascheté qui doit vous arracher les larmes des
yeux, & vous mettre les armes à la main, pour
commencer la guerison de vos maux. Premierement,
par vos maladies interieures, c’est à dire, par
la perte de M. de l’Hospital, du Coadiuteur, du Preuost
des Marchands, de la Chevreuse, & de tous les
mauuais domestiques de S. A. R. qui sont les pestes
de vostre santé, & les cometes trop funestes de
vos mal-heurs.

Si les chefs de vos diuisions sont destruits, les factionnaires
tourneront casaque : ceux que l’aveuglement
engage dans vn contraire party, se rangeront

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dans leur deuoir : Il n’y aura plus que les ennemis
de Mazarin qui tiendront le haut du paué : pour
estre François il faudra dire qu’on est ennemy de
cet ennemy de l’Estat : Et les troupes qui nous resistent
maintenant, parce que leurs chefs qui sont Mazarins
sont de la faueur, changeront bien-tost de
qualité, pour n’épouser que vos interests.

 

Agissez donc auec vne vigueur, qui soit digne de
vous : N’abandonnez iamais S. A. R. qu’elle n’ait
abandonné premierement tout ce qu’elle protege
de Vauriens & de Faquins : Tesmoignez à M. le
Prince par vne correspondance d’affection, qu’il a
subiet de vous aymer, puisque vous l’aymez en reuanche ;
devoüez vous à sa suitte pour le suiure par
tout, ou sa prudence, sa valeur & son affection vous
voudront mener, & tenez pour certain, que si vous
le secondez, la perte de Mazarin & des Mazarins,
n’est pas vn affaire de quatre iours.

FIN.

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