Anonyme [1652], DEPVTATION DV PARLEMENT D’ANGLETERRE A Monsieur le Prince de Condé, Sur l’offre d’vne Armée entretenuë qu’il luy fait , françaisRéférence RIM : M0_1007. Cote locale : B_7_48.
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DEPVTATION DV PARLEMENT
d’Angleterre à Monsieur
le Prince de Condé, Sur
l’offre d’vne Armée entretenuë
qu’il luy faict.

CE n’est pas d’aujourd’huy que les anciens Ennemis
de la France, la desirent voir troublée
par des guerres ciuiles & domestiques, Comme
desirans profiter de nostre foiblesse ; Et sur tous
les Anglois ont bien fait paroistre le dessein qu’ils
ont tous-jours eu de renouueller par la guerre leurs
vieilles pretentions sur la Guyenne, Tant en vertu de
la Declaration du Roy Charles VI. faite à leur profit
par ce Prince troublé d’esprit, (& qui fut desauoüé
par le Parlement & les Estats du Royaume, comme
contraire à la Loy Salique & aux Loix fondamentales
du Royaume) que par le Traicté de Bretigny, dont
ils se seruent pour monstrer leur droit pretendu qu’ils
disent auoir sur cette grande Prouince, sans mettre en
euidence la verité qu’ils en ont esté descheus pour

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crime de felonnie, par les Arrests du Parlement.

 

Pour cét effect ils ont pris leurs temps pour
assister les Partys des Princes du Sang aux guerres
qu’ils se sont faites entr’eux, comme celle des deux
Maisons de Bourgongne & d’Orleans, qui ont tant
cousté au Royaume & qui ont duré si long-temps :
Durant lesquelles les Roys d’Angleterre ont assisté le
Duc de Bourgogne contre le Duc d’Orleans, d’hommes
& de moyens pour entretenir cette guerre de si
longue haleine, & tasché parmy nos troubles de rentrer
en l’ancienne possession de la Guyenne.

Et durant les premiers troubles en France pour le
faict de la Religion, les mesmes Anglois ont assisté le
Party des Nouueaux Protestans, & par leur industrie,
se sont saisis du Havre de Grace, pour plus aisément
faire passer leurs trouppes en France comme ils ont
fait de la Ville de Calais, qu’ils ont tenuë tant d’années.

Et aux derniers Troubles sous le Regne du feu
Roy Louys XIII. d’heureuse memoire, dans la Rebellion
de ceux de la Religion pretenduë Reformée,
ils ont enuoyé leur Armee Naualle aux Rochelois, se
sont emparez de l’Isle de Rés, pretendant qu’à leur arriuée
toute la Guyenne se sousleureroit pour faire vn
puissant Party contre le Roy, & essayer en suitte de
proteger les mesmes Pretendus Reformez dans la
mesme Prouince sous les Leopars d’Angleterre.

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La feuë Reyne Ilabel d’Angleterre aux secours
qu’elle enuoya au Roy Henry le Grand, n’auoient
autre but que par cette assistance, mettre les Anglois
en Guyenne, ce n’estoit pas l’intention de ce grand
Roy de voir demembrer vne si belle piece de la Couronne
qui luy appartenoit.

Ainsi iamais les Anglois n’ont quitté leur pensée
d’entretenir nos troubles ciuils & se rendre necessaires
à aucun des Partis formez, pour par nos diuisions
& affoiblissement essayer d’affermir leur puissance
en France.

C’est ce qui s’est passé en ce dernier trouble excité
au sujet du Cardinal Mazarin depuis l’emprisonnement
des Princes par ses conseils, que Monsieur le
Prince deliuré, contre la volonté dudit Cardinal, a
esté obligé de pouruoir à la conseruation de sa personne
par son esloignement de la Cour, ou il sçauoit
le mauuais dessein du mesme contre luy : En sorte
que ledit Seigneur Prince s’est tousiours tenu sur la
deffensiue, & lors que s’en allant prendre possession
de son Gouuernement de Guyenne, il s’est veu attaqué
par les Trouppes dudit Cardinal, sur la Place de
Mouron pour le deposseder de tout ce qu’il tenoit en
Berry, & le contraignit à sortir luy & sa Maison
pour chercher sa seureté en Guyenne, où il a esté aussi
tost poursuiuy : En fin il s’est veu obligé d’en venir
aux armes pour sa iuste deffense, & de se seruir de l’assistance

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dé ses amis pour mettre sur pied vne Armée
considerable.

 

Ce qu’ayant sceu le Parlement d’Angleterre pour
ne sortir hors de ses pretentions, & considerant qu’en
la constitution des affaires de Monsieur le Prince,
poursuiuy par les armes, s’aduisa de luy faire sçauoir
la volonté qu’il auoit de le secourir ; & pour cét effet
le mesme Parlement a choisi le Milord d’Igby & le
Cheualier Hamilton pour Deputez, qu’ils ont enuoyé
à Monsieur le prince pour luy faire entendre leur resolution
à l’assister d’vne Armée de huict à dix mille
hommes entretenus, afin de luy donner moyen de resister
à la violence par la force & le mettre en estat de
s’asseurer contre les mauuais desseins du Carninal
Mazarin.

Au commencement de cette année, ces deux Deputez
du Parlement d’Angleterre arriuerent vers
Monsieur le Prince auec leur lettre de creance, & luy
proposerent l’offre d’vne Armée entretenuë de huict
à dix mille hommes pour sa deffense, demandant
pour Place de Retraitte à celle de Royan en Xaintonge,
& de plus grandes forces s’il en auoit besoin.

Monsieur le Prince remercie les Deputez, & leur
dit qu’il estoit obligé au Parlement d’Angleterre de
la bonne volonté qu’il tesmoignoit pour l’assister, &
qu’il les en feroit congratuler parle Cheualier de la
Riuiere, enuoyé de sa part en Angleterre, leur promist

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de faire response au plustost à leurs propositions, apres
qu’il en auroit deliberé auec le Parlement & la Ville
de Bordeaux, & les Princes & Seigneurs qui
estoient prez de luy.

 

Que si par leur Conseil il acceptoit les offres du
Parlement d’Angleterre, & se seruoit de l’Armee
qu’il luy promettoit, ce ne seroit point contre le seruice
du Roy, duquel il protestoit ne se departir
iamais, mais contre le mauuais dessein du Cardinal
Mazarin son ennemy particulier & general de toute
la France, qu’il ne poseroit point les armes tant qu’il
seroit au Royaume : Et cela estant, il seroit le premier
qui iroit rendre ses deuoirs au Roy, luy offrir
ses trouppes qu’il n’auoit leuées que pour son seruice
& pour establir la Paix en cét Estat, conclurre la paix
generale pour le bien de la Chrestienté, que c’estoit
son intention, & qu’il n’eust peu faire autrement
pour asseurer sa personne contre ce Cardinal : Ce
qu’ils pourroient tesmoigner au Parlement d’Angleterre,
affin qu’il cogneust & esprouuast sa prise d’Armes
comme raisonnable & necessaire.

L’on attend la nouuelle de la resolution de Monsieur
le Prince sur ces offres des Anglois, desquelles il se
pourra seruir si la necessité l’y oblige & non autrement :
Car iusques à present il n’a voulu receuoir
aucuns Estrangers en son armée pour n’encourir le
blasme de les auoir appellez pour ruiner le Royaume.

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