Anonyme [1649], LE COMBAT DE DEVX AVTHEVRS, SVR LE SVBIET DE LEVRS PIECES DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_708. Cote locale : C_2_36.
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LE COMBAT
DE
DEVX AVTHEVRS,
SVR LE SVJET
DES PIECES DE CE TEMPS.

EN VERS BVRLES QVE.

 


IE chante le Combat affreux
De deux écriuains furieux,
Qui par vne ardeur indiscrette
Quittant la plume pour la brette
Furent Soudars iusqu’à l’excés,
Où plutost Diables en procés,
Muse qui preside aux alarmes
Haste-toy d’épandres des larmes ;
Car pour du sang ie ne croy pas
Qu’il en coule beaucoup à bas,
Encor qu’vne grande querelle
Nous en promette par écuelle,

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Et que Messieurs nos champions
Plus horribles que des Lions
Se soient des-ja bien fait des niques,
Par cent boutades Poëtiques,
Qui de deux celebres Autheurs
Ont fait deux illustres frondeurs
Faisant contre toute coûtume
Prendre l’espée à gens de plume,
Qui plus vaillants que deux Cæsars,
Ont fait la botte au champ de Mars :
Et bien mesuré leurs rapieres,
Qu’ils ont rapporté toutes entieres,
En despit de monsieur le sort
Qui menace vn bretteur de mort,
ô Dieu qu’en vne telle affaire
La prudence estoit necessaire,
Où toute autre que des Autheurs
Auroient laissé quelqu’vn des leurs :
Mais grace à leur sage conduitte
Pas vn de mort est nul en suitte,
Nul mesme ne s’est veu blesser
Sot qui s’en voudroit offenser,
Il vaut bien mieux sans sang repandre
Se garder de se faire pendre,
Que de monstrer de sa valeur
Mais vn peu trop à son malheur
Mieux vaut en sortir brague nette
Et n’auoir point rougy sa brette,
Vn noble cœur s’il n’est brutal
N’ayme point à faire du mal :
Et nos deux Autheurs sont trop sages
Pour en venir à tels carnages,

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Quoy que l’espée nuë au poing
Ils se soient veus vn peu de loing.
Toutes fois l’esclat de leurs lames
Fit horreur à leurs grandes ames,
Blasmant l’impitoyable fer
Qui les menaçoit de l’enfer :
Aussi la colere en fut cause
Qui vit qu’on censuroit la prose
Et qui ne le put endurer
Coup trop difficile à parer.
Vn iour ce fut à mauuaise heure
Criton fortit de sa demeure,
Le bon homme ne sçauoit pas
Qu’il alloit faire vn mauuais pas,
Pas de clerc que le plus agile
A leuer treuue difficile.
On crioit vn cayer nouueau,
Que l’on débitoit sans manteau,
Et ce fut peut estre la cause
Qu’il l’estima trop peu de chose,
Toutesfois comme curieux
Il voulut s’en informer mieux,
ô la dangereuse entreprise
Criton hautement le mesprise,
Et nomme en bon François vn fat
L’Autheur de cét escrit d’Estat,
Dit que cét écrit politique,
Choque la liberté publique
Qu’il ne peut souffrir le faquin
Qui fait debiter ce pasquin.

 

 


En fin en secoüant la teste
Il dit l’Autheur n’est qu’vne beste,

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Mais le bon sire se méprend
Et ne sçachant pas qui l’entend,
Il le condamne d’impostures
Et luy chante encor mille injures,
Cependant qu’vn derriere luy
N enrage pas mal de cecy.

 

 


Sentant alarme furieuse
A la region bilieuse
L’Autheur ie vous laisse à penser
Si cela deuoit offenser,
Aussi se monstra il sensible
Parle mieux maistre fou visible
Ou bien tais-toy sans te mesler
Estant ignorant de parler,
Il t’appartient bien de reprendre
Vn écrit que tu dois apprendre,
Et puis que tu fais tant le vain
Attaque l’espée à la main,
Car par raison tu ny vois goutte,
C’est de ta valeur que ie doute
De ta sottise nullement,
ô le sinistre éuenement
Que ie preuoy de ces boutades,
Criton picqué de ces brauades,
Attend moy, dit-il, teste bieu
Ie veux te voir en autre lieu,
Cela dit, ensemble marcherent
Où penseriez-vous qu’ils allerent
Choisis espées de longueur,
Cela me fait saigner le cœur,
Tous deux se font tenir à quatre
Assurément, ils se vont battre

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Derriere l’enclos des Chartreux,
A quoy pensent ces malheureux,
La peste qu’elles estocades
Qui font sur le paué traisnades,
Cela dit, prend bien garde à toy,
Aussi feray-je par ma foy.

 

 


L’vn & l’autre ja se mesure,
Malpeste de la censure,
Maudit soit qui mesurera,
Plus maudit qui censurera :
Et tres maudit qui tuëra
In æternum pendu sera.
Ie croy que ce fut leur langage
Qui fut assez modeste & sage,
Plust à Dieu qu’vn orgueil fatal
N’eust fait jamais parler plus mal,
Ils n’en seroient pas à ces termes,
D’attendre la mort de pieds fermes,
Dieux qu’ils sont tous deux resolus
Il ont trois carts de cœur & plus,
Et ie croy qu’il ne s’en faut guere
Que la liure ny soit entiere,
Ils n’auanceroient pas d’vn pas,
Bon, ils ne se blesseront pas.

 

 


Ils sont assez loin l’vn de l’autre,
C’est quelque bonne patenotre
De quelque bien deuot Chartreux,
Qui les reserue en despit d’eux
Ou quelque Muse s’interesse,
Pour eux & malgré leur addresse,
Sauue deux personnages tels
De ces trop vilains coups mortels,

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Ils furent bien surpris ie pense
De se voir égaux en vaillance,
Et pas vn n’eust voulu ie croy
S’auancer pour ie ne sçay quoy,
De tres bon cœur ils rengainerent
Ie ne sçay s’ils se pardonnerent,
Mais ie croy que pour surpasser
Nul n’eust voulu recommencer,
Ie sçay bien qu’ils s’injurierent,
Mais que point ne recommencerent,
Nul n’en voulant plus faire autant
Encore qu’il fut mal content
Aymant trop mieux dans sa colere
Escrire contre vn aduersaire.
Enfin à voir ces gens adroits
Vous eussiez dit des Polonnois
Qui se battoient à la Françoise
Tant estoit leur guerre courtoise
Ie laisse à conter leurs trauaux
A l’historien des nigaux,
Qui pour dire vn fait si grotesque,
Enuoyera son Courrier Burlesque,

 

FIN.

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Anonyme [1649], LE COMBAT DE DEVX AVTHEVRS, SVR LE SVBIET DE LEVRS PIECES DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVE. , françaisRéférence RIM : M0_708. Cote locale : C_2_36.