Anonyme [1651], LE BON FRANÇOIS AV VERITABLE MAZARIN DEGVISÉ SOVBS LE NOM DV FRANC BOVRGEOIS DE PARIS. , français, latinRéférence RIM : M0_588. Cote locale : B_20_22.
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LE BON FRANCOIS AV VERITABLE
Mazarin deguisé sous le nom du Franc
Bourgeois de Paris.

MESSIEVRS, l’Vsage des placarts est vn
abus que Monsieur le Prince n’a pas introduit,
mais bien la faction & la caballe qui
pour ses desseins & ses interests particuliers se
preuaut depuis trois ans des agitations des peuples
causées par la mauuaise conduitte des Ministres
de France, toute la France sçait que S. A. en
a ressenty le premier les plus mauuais effects, &
que sa prison a esté le succés des affiches sanglantes
que l’on a publiées, pour decrier sa conduicte
dans le public. C’est pourquoy ceux qui
ont donné le commencement à ce procedé
qu’ils improuuent à present, s’en doiuent imputer
les suittes que Monsieur le Prince n’authorise
point, mais qu’on ne peut trouuer estrange
qu’il dissimule, & qu’il vse sans le commander
de la bonne volonté des personnes qui employent
pour conseruer sa reputation, les mesmes
armes dont ses ennemis se sont tant de fois
seruis pour la diffamer.

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Si ce faux Bourgeois de Paris n’estoit point
vn veritable Mazarin, & qu’il aimast autant le
repos des peuples, que la fortune de son Maistre,
il ne se seroit pas erigé en declamateur pour
esleuer sur le debris de la fidelité de ses compatriostes
qu’il accuse d’en auoir manqué le respect,
& la reuerence que le suiet doit à son Souuerain,
il ne se seroit pas efforcé comme il a fait
de rendre la Ville dont il se dit Citoyen criminelle
pour absoudre le coulpable & le faire passer
pour innocent, & sans doute il se seroit rendu
au iugement de tous les Parlements, & au consentement
vniuersel de tous les peuples qui ont
condamné il y a si long-temps ce Cardinal, dont
cet Autheur fait neantmoins l’Apologie, sous
pretexte de recommander aux habitans de Paris
l’obeïssance à leur Roy dont ils ne se sont iamais
departis, si ce n’est que l’on vueille faire
passer pour rebellion les empeschements qu’ils
ont apportez aux violences de ce Ministre
estranger contre leurs Magistrats, & à la desolation
qu’il auoit meditée dans son esprit de ce
petit monde, lors qu’il en fit resoudrele siege
sans autre raison que celle de s’authoriser & de
se rendre redoutable par vne cruauté qui n’a
point d’exemple.

Apres quoy l’on iugera si ce franc Mazarin à

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les conditions necessaires pour acquerir creance
dans le peuple, & s’il n’a point d’autres interrests
que d’vn franc Bourgeois comme il le publie
par son escrit.

 

Il veut que les aduis qui sont donnez soient
suspects, par ce, dit-il, que s’est Monsieur le Prince
qui les donne, ne se pouuant persuader que
par sa condition qui l’esleue si fort au dessus des
autres il puisse auoir aucun interest commun
auec les Bourgeois de cette grande ville, comme
si la grandeur de son courage qui est le seul motif
qui a donné lieu d’entreprendre sur sa liberté ne
luy estoit pas vne exemple de profiter de la persecution
de ce Prince, sa puissance n’estant pas
moins redoutable à ce Cardinal, que la generosité
de cet Heros, duquel il ne coniura la perte
que dans la pensée qu’il eut qu’il ne pouroit iamais
venir à bout de Paris & des Parlements, s’il
n’enchaisnoit le lyon qui les pouuoit deffendre :
C’est donc auec raison que les peuples s’interessent
à sa conseruation, comme il doit de sa part
s’intesser à leur seureté, estant aisé de voir que demeurants
bien vnis ils n’ont point à craindre les
mauuais desseins de leurs ennemis ; comme au
contraire de leur diuision que ce faiseur de libelle
tasche d’insinuer dans les esprits, l’on en doit apprehender
toutes sortes de mal-heurs, la perte &

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la ruine du Bourgeois & du Prince.

 

Et il n’a que faire pour nous en destourner de
rappeller la memoire des choses passées, & de
nous irriter par la representatiõ du blocus de nos
murailles, par ce que si c’est son bras qui la formé,
c’est la teste du Mazarin qui la resolu ; & son Altesse
ne peut estre tout au plus responsable que
de la condescendance qu’il rendit en cette occasion
aux volontez de la Reyne surprise par les
artifices de ce Cardinal qui engagea son Altesse
Royalle & ce Prince a promettre par escrit, que si
le Parlement ne fixoit ses demandes à la declaration
du mois d’Octobre mil six cens quarante-huict,
ils s’obligeoient d’executer les resolutions
qui seroient prises dans le Conseil du Roy,
soit contre cette compagnie, soit contre cette
grande ville qui eust esté dés la premiere sortie de
leurs Maiestés exposée au ressentiment de ce Sicilien,
si ces deux Princes ne se fussent puissamment
opposés à cette mal-heureuse entreprise.

Qu’il ne nous parle donc point de ces feux de
ioye qui furent faits 18. Ianuier, ils ont esté
non seulement esteints par beaucoup de larmes
que cette prison infortunée à causé : Mais cette
ioye publique qui parut au retour de ce Prince
qui ne fut excitée que par le sentiment que l’on
auoit de sa vertu, a bien fait connoistre que cette
premiere allegresse fut vn ouurage de l’artifice de

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ceux qui n’ont iamais rien oublié pour rendre ce
Prince odieux, & luy faire perdre par l’auersion
des peuples le fruict de ses victoires & de ses
conquestes, afin de pouuoir ensuitte plus facilement
executer les resolutions que l’on auoit formées
contre luy.

 

Qu’il ne recherche non plus la raison par laquelle
ce Prince a merité les bonnes graces de
Paris, ce n’est point comme il pretend par ces
praticques basses dont le Cardinal a monstré
l’exemple en captiuant par des prostitutions honteuses
la bien-veillance des halles & du marché-neuf :
mais par ces hautes qualitez qui luy auoient
acquis l’amitié de toute la France, qu’il n’auoit
perdu que par vne complaissance qu’il n’a plus :
& par la necessité que cette ville a d’vn protecteur
qui la garantisse contre les oppressions que les
supposts de ce Cardinal meditent dans le temps
de la Maiorité, qui est cette grande resource dont
ils se flattent il y a si long-temps, s’estants persuadés
que ce moment leur rendra l’authorité
que leur mauuaise conduite leur a fait perdre.

Si vous auiez esté instruict dans vne autre
eschole que celle du Mazarin, & que vous eussiez
estudié vne autre Politique que la sienne,
vous n’imputeriez pas à ces pretendus reformateurs
& promoteurs du bien public, les maux que
vostre Maistre a faits par son opposition iniuste,

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& à contre-temps à vn remede qui estoit absolument
necessaire de quelque main qu’il fut presenté,
& qui eut sans doute produict vn effect
tres-aduantageux à l’Estat, si les Ministres de
France n’eussent point preferé l’interest de leur
prest, & de leur grandeur au bien du Royaume,
& à la tranquilité des peuples ; en sorte que si les
desordres qui deuoient cesser par ceste reformation
sont en quelque façon augmentez, c’est le
crime du Cardinal, c’est le fruict de son auarice,
& l’ouurage de l’ambition qu’il a eu d’aneantir
tout ce qui vouloit entrer en partage de son authorité.

 

Quoy les Tailles en party & exigées à main armées,
la France abandonnée au pillage des Partisans,
la Iustice entre les mains de personnes pour
la pluspart associées auec ceux mesmes qui auoiẽt
traictez des recouuremens, les taxes des Aisez
qui ont acheué de ruiner le commerce, les Officiers
sans gages & sans fonction, la Noblesse à la
subsistance cõme les Roturiers, la multiplication
d’Offices inutiles, toutes sortes de taxes en vsage
sans autre raison que celle du caprice & de la cupidité
des Traictans ; Et enfin les impositions au
dessus des forces de ceux qui les portoient, n’estoit
ce pas des subjets legitimes de plainte, &
estoit-il de la prudence d’y pourueoir par l’exil &

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l’emprisonnement des Magistrats qui causerent
les Barricades, par le Siege de Paris, & la prison
de Messieurs les Princes qui ont mis la défiance
dans la Maison Royalle, & entre le sujet & le
Souuerain, qui est le plus grand malheur qui
puisse arriuer dans vn Estat ; Et si aujourd’huy
nous ressentons les suittes d’vn obstacle si peu
raisonnable ; Condemnera t’on le Parlement, &
tous les gens de bien qui ont simplement proposé
le mal, afin qu’il pleust au Roy d’en estre le
Medecin pour iustifier le Cardinal qui a voulu
authoriser la continuation des desordres, dont
on se plaignoit par des violances que nos mœurs
ne peuuent souffrir, & qui n’ont iamais esté receuës
dans des Monarchies temperées, & particulierement
dans la minorité des Rois, qui est
le temps auquel la loy doit estre dans la plenitude
de sa force & de sa vigueur.

 

C’est en vain que vous vous efforcez de nous
faire gouter les douceurs de cette Regence,
car si les commencements en ont esté glorieux,
la fin en a esté si funeste par la mauuais administration
de ce Cardinal, quelle ne doit point
estre mise entre les exemples, & si Paris n’a
pas esté continuellement exposé aux Taxes, &
aux impositions, il en est plus redeuable à la Gardeuse
de chese de S. Eustache, qu’à la moderation

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d’vn Gouuernement qui a voulu introduire les
toisés, ce que le Cardinal de Richelieu n’a iamais
fait ; & lequel en renouuellant les taxes des Aisez,
a donné le dernier coup au trafic qui estant vne
des sources de l’Estat, nous pouuons dire que ce
Cardinal ne l’a pas moins tarie par ceste inuention,
que par la piratrie qu’il a fait exercer dans
toutes les Mers.

 

Voila la veritable cause du deschet de nos fortunes,
de la cessation du commerce, & de la pauureté
des artisans, iusques à la liberté de Messieurs
les Princes, depuis laquelle il est certain qu’ils
commencent à reparer leurs pertes passees par
l’affluence que leur presence y attire de toutes
parts, ce qu’ils feront encore plus aduantageusement
à l’aduenir si l’on peut bannir de la Cour
l’esprit de ce Cardinal, qui n’ayant que des sentimens
de vengeance contre cette Ville, dont il
croit auoir esté outragé en tant de rencontres
qui ne voit l’obligation que ses Habitans ont de
reietter bien loing toutes les propositions qui
tendent à establir son retour sur la diuision de la
Maison Royalle, & sur celle de tout le Royaume
qui en est vne suitte necessaire.

C’est contre ces faiseurs de libelle que la Iustice
se doit armer de toute sa cholere puis que sous
couleur de nous conseiller le repos, ils nous veulent

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ietter dans le trouble, & dans le desordre qui
sont les fidels compagnons de ce Ministre, ainsi
que l’Allemagne en fait à present l’experience
pour recompense de la retraite qu’elle luy a donné
dans son malheur.

 

Si vous auiez bien consideré la conduite du
Prince de Condé, vous n’auriez pas tourné contre
luy l’esloignement d’vne partie de sa famille, auquel
il s’est resolu autant pour la seureté publique,
que pour la sienne particuliere, & demeurant
dans Paris, & y consommant l’appareil qu’il
auoit preparé pour son entrée dans Bordeaux,
il fait assez cognoistre qu’il ne veut point la
Guerre ciuille, & pour peu de reflexions que
Paris fasse sur son veritable interest : Il n’y a
pas vn de ces Citoyens qui ne doiue contribuer
de tout son pouuoir pour le conseruer
dans l’enceinte de ses murailles ; estant certain
que tandis qu’il y trouuera sa seureté, non seulement
nous n’aurons point sujet de craindre
les mouuements, dont cet Autheur nous menasse ;
Mais nous serons dans vne parfaicte asseurance
contre les coniurations infernalles de
ce Cardinal, & de tous ses Supposts, dont
l’on sçait qu’il n’a remis l’execution que pour
l’entreprendre auec plus d’audace & d’impunité.

Enfin, MESSIEVRS DE PARIS, ne nous

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laissons point surprendre à ces faux bruits que
Monsieur le Prince a manqué de respect enuers
Leurs Majestez, puis que ce n’est qu’auec douleur
qu’il a differé de s’acquiter de ce deuoir ;
qu’il a enfin rendu quand il a creu le pouuoir
faire en asseurance ; Mais detestons plustost les
mauuais conseils qui ont reduits la France en
cét estat ; Que les Princes ne se croyent pas
asseurés de leurs vie, & de leur liberté quand
ils sont dans le Palais Royal, & qu’ils cherchent
des precautions pour voir leur Souuerain, duquel
ils ne deuroient iamais estre separez, &
particulierement dans la minorité, par ce qu’ils
sont lors le Conseil necessaire de l’Estat, comme
ils sont tousiours le plus legitime que le Roy
puisse auoir, mesme quand il est pleinement
majeur, & que ses lumieres sont assez fortes pour
conduire par luy mesme les peuples que Dieu a
sousmis à son obeïssance.

 

Escoutons bien plustost la voix de tout le
Royaume qui a prononcé Anatheme contre ce
Cardinal & ses Partisans, sousmettons nostre
creance aux Arrests de tous les Parlemens, qui
ont proscrit ce ministere nõ seulement ; parce que
sa conduite a esté malheureuse : mais par ce qu’elle
est criminelle, & par ses oppositions à la
paix generalle, & par ses entreprises sur la liberté

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des Magistrats, de Monsieur de Beaufort, de
Monsieur de Longueville & des Princes du sang
par le siege de Paris, dont il est le principal autheur,
par l’Interdiction du Parlement de Bordeaux
qu’il fit resoudre, contre l’aduis de Monsieur
le Duc d’Orleans & de Monsieur le Prince,
par le siege de la mesme Ville, qu’il fit entreprendre
au Roy, contre la volonté de son Altesse
Royale, exposant la personne de sa Majesté
à la peste ; aussi bien que les Provinces de
Champagne & de Picardie, au ravage des Ennemis :
par les pirateries qu’il a fait exercer dans
les deux Mers pour son compte particulier, &
qui nous ont attiré la haine & l’indignation de
tous nos Voisins. Par le transport de nos Deniers
hors du Royaume, sous pretexte d’vne
Guerre inutile, qu’il ne faisoit que pour procurer
par cette voye extraordinaire le Cardinalat à
son frere le Iacobin, & s’acquerir à nos despens
vne Souueraineté dans l’Italie : Par les mauuaises
impressions qu’il a données au Roy contre
ses Parlemens, contre sa Noblesse, & contre ses
Peuples ; par la licence qu’il a donnée aux Gens
de guerre pour s’en rendre le Maistre, leur ayant
mesme fait faire depuis quelque jours vn serment
de fidelité injurieux à ceux qui l’ont presté,
comme s’ils eussent esté capables d’en manquer

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enuers leur Souuerain ; mais en effet pour
les lier dauantage par cet engagement à ses interests
& les obliger, sous l’apparence du seruice
qu’ils doiuent au Roy, à son restablissement
par la voye des armes, en cas que ses intrigues
n’eussent pas le succes qu’il s’en estoit promis : Et
enfin par le renversement de tous les Ordres de
cette Monarchie, & la desolation vniuerselle de
toute la France dont il est la cause, mesme de la
continuation des maux que nous ressentons encore
à present, puis qu’il ne se fait rien que par
son conseil ; qu’il fait & deffait les Ministres selon
son plaisir & qu’il dispose de la vie des Princes,
& de ceux qui ne luy sont point favorables,
comme s’il estoit encore le premier Ministre, &
qu’il fust dans le Palais Royal, n’y ayant point
d’autre difference de ce qu’il a esté, & de ce qu’il
est à present ; sinon, qu’estant à Cologne, il fait
nos maux en seureté, lesquels estant à Paris, il ne
faisoit qu’auec crainte & tremblement, de prouuer
tousiours le sort des Tyrans & des mauuais
Ministres.

 

Cette Response sommaire ne peut permettre
la deduction de toutes les choses qui seroient à
dire sur vn sujet si important il me suffira de vous
remarquer que de tous les mouuemens qui
nous ont agité depuis trois ans, la gloire en est

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deuë à cét Estranger, qui pour soustenir l’authorité
injuste de son ministere, a mis en compromis
la puissance legitime de son Maistre, que
parmy les Cabales qui se renouuellent, la plus
dangereuse est celle qu’il forme, puis qu’elle est
contre la vie & contre la liberté de tous les Gens
de bien, & qu’elle n’a pour but que l’aneantissemẽt
de tous les Parlemens. Les motifs dont on se
sert sont specieux en apparẽce : l’on ne parle que
du restablissement de l’authorité Royale ; mais
en effet on ne vise qu’au retour du Mazarin, comme
si sa grandeur estoit la fortune de tout l’Estat :
Les moyens que l’on employe pour cette fin sont
connus ; les recompenses & les Benefices dont
ce Cardinal dispose, les Tiltres de Conseiller
d’Estat, donnez & promis à tous ceux qui veulent
engager leur honneur & leur liberté, jusques là
que l’on avilit ce Caractere autrefois honorable
en le communicant à des personnes pour lesquelles
si les Loix estoient en vigueur, elles n’auroient
que de la colere & des chastimens.

 

Ce sont les Autheurs de cette conduite qui
doiuent estre considerez comme des victimes
destinées tost ou tard à la vengeance publique,
qui ne sera jamais si severe qu’ils l’ont merité, &
laquelle mesme il est difficile de se promettre
ceux qui la pourroient procurer, pensant dauantage

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à leur fortune particuliere qu’à celle de l’Estat,
voire mesme abusant de l’authorité qu’ils
ont entre les mains, de laquelle ils ne se servent
que contre les Innocens, & non pas contre
les Coupables, leur imagination blessée ou
corrompuë, que c’est l’authorité Royale que
l’on attaque en la personne de ce mauuais Ministre.

 

Au surplus, comme nous ne deuons rien obmettre
pour marquer la fidelite à laquelle nous
sommes obligez enuers nostre Monarque, nous
deuons aussi bien prendre garde à faire connoistre
par nos deportemens, qu’il n’y ait aucune
diuision parmy nous, au contraire dans la conjoncture
presente nous nous deuons monstrer
plus vnis que jamais, parce que la bonne correspondance
des Princes, des Parlemens & des Peuples,
est le salut de toute la France ; comme au
contraire, dans nostre desünion est nostre perte,
& le restablissement de nostre Ennemy, qui
menasse desja cette. Ville de l’esloignement du
Roy, pour former cette grande masse à l’vsage
de ses desseins presens, en attendant que le
temps de la Majorité, qui est proche, luy donne
la force de la brizer en pieces, & en faire le joüet
de son caprice & de sa fureur. Mais il suffit à ses
Citoyens de sçauoir, & par cét Escrit & par vn

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autre qui fut publié l’Année passée, que sa grandeur
luy paroist trop demesurée, pour iuger, par
le siege qu’elle a souffert, & la prison du Prince,
des advantages qu’elle doit tirer de ces fausses
caresses, & de ces bons advis, & que si la puissance
de l’vn a esté si fatale à sa liberté, la grandeur
de l’autre qui a esté si redoutable à ce Favory, ne
doit pas estre moins funeste à celle de ses Habitans,
& à la gloire de son Parlement, qui doiuent
estre advertis Que si au suiet de la difficulté qui
se trouuoit dans le Traitté de Paix, pour le regard
du frere du Roy de Portugal prisonnier à
Milan, il dit Qu’il estoit facile aux Espagnols de
vuider cét article par vn boüillon ; Et si apres les
Baricades il a tesmoigné que son regret estoit de
n’auoir fait rendre Monsieur de Broussel estranglé,
il n’est pas deuenu plus moderé dans son
exil, puis que les instructions qu’il enuoye de
Cologne, portent, Qu’il se faut deffaire de ceux
qui s’opposent à ses desseins, in ogni modo, c’est à
dire, en toute maniere ; Et parce que les Iours
de solemnité luy paroissent propres pour l’execution
de ses funestes entreprises, il veut que
l’on choisisse la plus illustre de toutes, pour l’accomplissement
de cette Tragedie, & que l’on
profane le Sacre du Roy par la plus horrible & la
plus damnable des Trahisons, & certainement

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digne de cét Homme originaire d’vne Terre si
feconde en Monstres & en Tyrans, & qui ayant
esté si fatale aux François par ces Vespres, ausquelles
elle a donné le nom, nous est vne leçon
de veiller auec soin à nostre conseruation, &
d’apporter toutes les precautions necessaires
pour empescher que ce Sicilien ne se restablisse
par vn semblable evenement ; & sur toutes choses,
de nous resouuenir de la Fable des Loups,
dont se seruit autrefois Demosthenes en vne
semblable occasion, lesquels ainsi que cét Orateur
representa au Peuple d’Athenes, promirent
la paix aux Brebis, pourueu qu’elles voulussent
leur livrer les Mâtins qui les gardoient. C’est la
pretention de cét Escriuain, lequel en nous persuadant
d’abandonner le Prince, pour l’amour
de nostre repos & de nostre tranquillité, veut faire
par les traits de sa plume, la mesme chose que
firent les Soldats de Cesar auec le tranchant de
leurs espées, par le commandement de leur General,
dans la Bataille de Pharsalles.

 

 


Scit cruor Imperij qui sit, quæ viscera legum,
Vnde petat Romam, libertas vltima mundi,
Quo steterit ferienda loco.

 

Enfin pour conclurre, puis que nous sommes
joints d’interests, nous devons estre pareillement

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vnis d’affections & de sentimens, & profiter
de ce langage que tint autrefois cét Empereur,
dans Tacite, parlant à son Armée, puis que
c’est la mesme raison, quoy que le sujet en soit
bien different : Auditisne, vt pœna mea, & supplicium
vestrum simul postulentur ? adeo manifestum est,
neque perire nos, neque saluos esse, nisi vna posse.

 

FIN.

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