Anonyme [1652], LA VERITÉ PRONONÇANT SES ORACLES sans flatterie. I. Sur la Reyne: II. Sur le Roy. III. Sur le Duc d’Orleans: IV. Sur le P. de Condé. V. Sur le Parlement: VI. Sur le Duc de Beaufort. VII. Sur le Coadjuteur: VIII. Sur le Parlement de Pontoise. IX. Sur Paris: Et sur l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_3998. Cote locale : B_17_18.
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PARIS.

Me voila arriué à Paris sans en estre sorty, il faut y
faire vne petite pause, il faut s’entretenir vn peu auec
ses Habitans, il faut vn peu crier le Qui viue, &
sçauoit pour qui ce grand corps se remuë, s’il ne se
remvë que par ressors, il saut qu’ils ne soient pas trop
foibles, car le corps est bien grand & sa masse bien
lourde, Cher Lecteur desinteressons nous, car nous
auons à nous entretenir sur beaucoup d’interests diuers,
qui seroient pour nous engager si nous les examinions
sans reflexion.

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Dans Paris les vns sont Mazarins, les autres Princes,
quelques vns sont Chorintiens, tous sont partagez ?
Et, le diray-je, ie croy que dans Parie il n’y a
pas vn seul Parisien : C’est vn Paradoxe en aparence :
Mais en effet c’est vne verité ? Quoy, il n’y a point
de Parisiens dans Paris, & où est-ce qu’il y en a donc ?
Expliquons nous.

Ie n’appelle pas Parisien celuy qui est né dans Paris ;
Mais l’appelle Parisien, celuy qui espouse les interests
de Paris, sans aucune reflection a ses interests
particuliers. En ce sens ie croy qu’il n’y a point de Parisien
dans Paris, parce que tous les Parisiens sont
partagez à la defence de ceux que l’interest où l’affection
leur fait choisir. Ainsi Paris oblige tout le monde,
& Paris n’oblige personne. Il en est de mesme de
luy que du Parlement ; le Parlement oblige les vns &
les autres, parce qu’il a des particuliers dãs son corps
qui sont partagez selon leurs interests, ou selon leurs
inclinations ; Mais pour luy il n’oblige personne. Paris
est pour le Prince, Paris est pour le Mazarin, parce
que Paris a des particuliers qui sont pour le Prince &
d’autres qui sont pour le Mazarin ; Mais en soy Paris
n’est ny pour l’vn ny pour l’autre, parce qu’il n’espouse
pas comme il faut les interests de l’vn ny de
l’autre.

Cette indifference luy pourroit estre desauantageuse,
si les differents d’auiourd’huy n’estoient terminez
que par la force ; Le vainqueur quel qu’il soit
ne luy peut estre qu ennemy, puis que Paris regarde
ses interests auec indifference ; Et quelque part que
la victoire tourne, elle ne peut estre aduantageuse à
Paris, que par la generosité du vainqueur.

A la iournee du Faux bourg sainct Anthoine, où

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le Prince de Condé sauua Paris : Paris fit neantmoins
cognoistre qu’il estoit Prince & qu’il estoit
Mazarin out ensemble, son affection fut sort problematique
en ce iour, & Mazarin & le Prince eurent
esgalement subjet de s’en offenser & de s’en
tenir obagez.

 

Toutes les portes auec leurs gardes estoient deuoüees
au seruice du Mazarin, Elles furent libres
par les efforts de ceux qui estoient affectionnez au
Prince Neantmoins le Prince de Conde fur seruy
le dernier, & l’affection que certains parisiens luy
porterent ne parut que lors que sa valeur ne leur
permit plus de la dissimuler. Ainsi le Prince & Mazarin
reconnurent à ce iour qu’ils partageoient l’affection
des Parisiens, mais les sages virent bien que
la vertu les acqueroit au Prince, & la brigue ou l intrigue
au Mazarin.

Cette contenance n’est pas fort aduantageuse à
Paris, il faut qu’il soit tout ou Prince ou Mazarin,
ou Coadjuteur. S’il est Coadjuteur il s’appuye sur
vn roseau, car le Coadjuteur ne peut le deffendre
qu’auec la bouche, outre que le Coadjuteur est sans
force s’il est sans Paris. S’il est Mazarin, il attire sur
luy toute la hayne de l’Estat, & fait voit qu’il retour
ne honteusement le premier à l’adoration de l’Idole
qu’il a renuersee le premier. Au reste, le Mazarin
ne peut rien sans Paris, & auec Paris il ne peut pas
beaucoup. Si Paris est Prince il est pour le Roy, car il
est pour la maison Royalle, toute la France le secondera,
il destruira au gré de ses souhaits le party Mazarin
& esteindra les guerres ciuilles, parce que le
Prince auec Paris peut tout, & le mesme Prince sans
Paris peut beaucoup, Paris n’est donc pas bien conseillé

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s’il ne prend le party qui luy est le plus auantageux.

 

Au reste, Paris sçait il bien, que la Cour luy en
veut, & que cette haine ne peur auorter que par la
faueur du Prince de Condé. La Reyne a si souuent
iure sa ruine, sous le faux pretexte que la grandeur
de Paris est le frein de l’authorité souueraine, c’est à
dire de la tirannie, comme la Cour l entend ; sçait il
bien qu’elle reussira dans le dessein qu’elle a de perdre
Paris, si Paris n’a le soin de se remparer de l’affection
du Prince, qui seul peur s’oposer à l’execution
de ce dessein. En tout cas les sages & les desinteressez
concluent que Paris ne sçauroit estre asseuré
sans le Prince, & que le Prince peut estre asseuré contre
les menaces de la Cour sans Paris ; quoy qu’il
puisse en effet triompher plus facilement auec Paris.

Quelques mal aduisez oposent que si le Prince
n’eut esté receu dans Paris apres son retour de
Guyenne il estoit bien bas persé. Et moy ie pense
que s’il n’y fut point venu il estoit en vne plus haute
posture. Venant à Paris, son dessein estoit de se rendre
à Paris pour terminer bien tost nos desordres.
Paris l’a amusé, en ce qu’il l’a foiblement secondé ; si
le Prince apres son premier triomphe, eut poursuiuy
le Mazarin : il est probable qu’il eut mieux reussi, &
que la peur du vainqueur eut empeche Paris de receuoir
le vaincu, qui se fust senty par mesme raison
oblige de vuider l’estat auec toute sa cabale.

Ne raisonons plus sur ce sujet ; mais asseurons Paris
qu il ne peut se perdre qu’en se desunissant d’auec le
Prince ; & qu’il ne peut se sauuer qu’en s’appuyant
de luy ; qu’il sçache que la perte du Prince, & la sienne
sont inseparables ; & qu’il ne peut se sauuer qu’en

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le sauuant, quoy que le Prince se puisse sauuer absolument
sans son assistance. Ceux qui connoissent
quelque Politique se fassent instruire plus pleinement
sur ce sujet.

 

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