Anonyme [1652], LA VERITÉ PRONONÇANT SES ORACLES sans flatterie. I. Sur la Reyne: II. Sur le Roy. III. Sur le Duc d’Orleans: IV. Sur le P. de Condé. V. Sur le Parlement: VI. Sur le Duc de Beaufort. VII. Sur le Coadjuteur: VIII. Sur le Parlement de Pontoise. IX. Sur Paris: Et sur l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_3998. Cote locale : B_17_18.
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Le Parlement.

Le Parlement n’a iamais esté reduit à vne necessité
plus chatoüilleuse. Pour reprendre cet affaire de
plus haut, les vns disent qu’il est la premiere cause de
nos troubles, parce qu’il n’a iamais attaqué le Mazarin,
que lors que le Mazarin s’en est pris à luy, comme
il fit par le Conseil de son d’Emery ; qui voulut attenter
à ses priuileges en retranchant ses gages.

Pour moy ie n’acuse pas le Parlement de s’estre
oposé à la puissance du Mazarin en cette conioncture :
Mais de ne s’y estre pas plustost oposé : faisant comme
il a fait il a paru interessé ; s’il eut fait comme ie
viens de dire il eut paru genereux : En tout cas il n’a
failly que d’auoir trop tard bien fait ; Et la faute n’a
esté qu’vne simple indulgence de sa iustice, ou bien
vne mesconnoissance de son pouuoir. Mais puis qu’il
faut parler franchement ne dissimulons rien. La verité
ne sera desagreable qu’aux parties gangrenées de
ce corps. Le tout me dementira ou m’aduoüera selon
ce que rendiray.

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Quand le Parlement a porté vn Arrest de Iustice,
les iniustes mesmes qui ont esté d’vn aduis contraire,
entrent neantmoins en participation de la gloire qui
en reuient. Quand c’est vn Arrest iniuste, les iustes qui
s’y sont opposez, portent reciproquement le blasme,
coniointement auec les mauuais Iuges. On ne dit pas
c’est tel ou tel qui a iugé : mais c’est le Parlement qui
a porté Arrest. Quoy que le Parlement ne soit que
les particuliers qui le composent, il est vray neantmoins
qu’on peut dire que le Parlement a bien iugé,
& que le particulier a mal iugé.

Si l’on faisoit, comme dans l’Areopage d’Athenes,
où les noms de ceux qui auoient este d’vn sentiment :
& les noms de ceux qui auoient esté de l’autre,
estoient le lendemain exposez en public ; nous
veirions bien-tost vne admirable reforme dans le
Parlement : mais le mal est que les mauuais Iuges
sont icy pesle-mesles auec les bons : les vns & les autres
portent indifferemment la gloire & le blasme de
tout ce qui s’y conclud. Cela supposé, voyons ce
qu’on en dit pour ce qui est des affaires du temps.

On en parle diuersement : les vns disent que le
Parlement a choqué les deux partis : les autres asseurent
qu’il a fauorisé le Mazarin ; le reste soustient
qu’il a esté pour les Princes. Voila bien des iugemens
de celuy qui n’en a que de Souuerains & de
definitifs il faut s’entretenir sur les trois.

Ceux qui disent que le Parlement a choqué les
deux partis, disent qu’il a declaré ; qu’il a fait long temps
languir les Princes auant que d’en obtenir des Arrests ;

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qu’il n’en a iamais porté que de captieux ou
d’impuissans : voila pour prouuer qu’il a choqué les
Princes : pour monstrer qu’il à choqué le Mazarin,
ils disent qu’il a mis sa teste à prix, & c’est tout
dire.

 

Ceux qui asseurent qu’il a fauorisé le Mazarin ont
beaucoup de belles raisons. Ils pretendent que le
Parlement n’a choqué son party qu’à la derniere extremité ;
Ils soustiennent qu’il a long-temps agi auec
des Remonstrances pour luy donner loisi de se renforcer,
& pour faire perdre aux Princes l’amour des
peuples, en les amusant.

Ceux qui soustiennent qu’il a esté pour les Princes,
s’appuyent sur la surseance de la Declaration
donnée contre le Prince de Condé ; sur la Lieutenance
generalle de l’Estat mise entre les mains du
Duc d’Orleans, & sur le refus qu’il a fait de s’en aller
à Pontoise suiuant les ordres du Mazarin parlant par
la bouche du Roy, ou du Roy parlant par la bouche
de Mazarin.

Et toy que iuges-tu, mon cher Alithocrite ? puis
que tout le monde en parle si diuersement : il m’est
aduis que ie t’ay souuent oüy raisonner là dessus. Ne
m’as tu pas dit quelquefois que le Parlement tranchoit
de deux costez ? ou que l’espée de sa Iustice
auoit deux trenchans, qui ne coupoient que selon
qu’ils estoient assistez par les progrez de l’vn ou de
l’autre party.

Ton iugement me sembleroit plus plausible si tu
disois, que le Parlement a voulu balancer son authorité,
pour balancer celle des deux partis. Cette

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Politique n’est-elle point bonne ? ouy, me diras-tu ;
mais il ne falloit donc point attaquer ouuertement
ny l’vn ny l’autre, ou du moins il ne falloit iamais
les attaquer l’vn sans l’autre, pour pouuoir
aspirer à l’honneur d’estre l’arbitre des deux ; pendant
qu’il ne se declareroit pour eux qu’auec indifference :

 

Ta reflection n’est pas mauuaise. Mais enfin, resous
moy : le Parlement n’a-t’il plustost esté Mazarin
que Prince, ou au contraire ? ou bien n’a-t’il point esté
ny l’vn ny l’autre ? Si l’on considere le Parlement par
les particuliers en détail, il a bien plustost esté Mazarin
que Prince, parce qu’il y auoit plus de Mazarin
que de Princes : si l’on considere le Parlement
sous le titre de corps Souuerain, sans se reflechir au
particulier qui le compose, il a fort nagé entre deux
eaux. Au reste, ie pense qu’il n’a esté veritablement
ny Prince ny Mazarin.

Il est vray que le Parlement a bien choqué le party
Mazarin : mais il n’a pas assez fauorisé celuy des
Princes pour le rendre maistre de son competiteur.
Si le Parlement a choqué le Mazarin, c’est qu’on l’a
tant poussé qu’il n’a pû s’empescher de le heurter ;
s’il a fauorisé le party des Princes, c’est qu’on luy a
arraché ses faueurs :

Faut-il donc accuser le Parlement : nenny. Le
Parlement est auguste & venerable, mais il en est
beaucoup de ceux qui le composent, qui ne releuent
pas beaucoup son prix. I’ay le bon-heur de n’en
connoistre pas vn de ceux qui sont de cette estoffe :
pour recompenser ceux que ie connois, il faudroit

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faire vingt ou trente Garde-sceaux, & autant de Secretaires
d’Estat.

 

Il faut donc demeurer indecis, & ne resoudre
rien sur cette dispute du Parlement : ou s’il faut conclure
quelque chose ; que faut-il dire ? Si les deux partis
s’accordent, le Prince pourra remercier les particuliers
du Parlement qui l’ont seruy ; & le Mazarin
tout de mesme ; si quelqu’vn des partys preuaut par
la force, ie pense qu’il sera bien quelques particuliers
qui s’en ressentiront : mais, que le Parlement
ne s’en portera pas mieux : car à vray dire ; & ce que
tous les Sages en pensent ; le Parlement partagé par
l’affection partagee de ses membres n’a seruy ny
l’vn ny l’autre party : s’il se fut vny sans s’interesser,
il pouuoit ranger à son gré celuy qui luy eut dauantage
paru contraire aux loix de l’Estat.

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