Anonyme [1652], LA VERITÉ PRONONÇANT SES ORACLES sans flatterie. I. Sur la Reyne: II. Sur le Roy. III. Sur le Duc d’Orleans: IV. Sur le P. de Condé. V. Sur le Parlement: VI. Sur le Duc de Beaufort. VII. Sur le Coadjuteur: VIII. Sur le Parlement de Pontoise. IX. Sur Paris: Et sur l’Estat. , françaisRéférence RIM : M0_3998. Cote locale : B_17_18.

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LA
VERITE
PRONONÇANT
ses Oracles sans
flatterie.

LA REYNE, dit-on, n’a jamais regardé les progrez
de l’Estat qu’auec despit : Les quatre batailles
gaignées par Monsieur le Prince de Condé,
ont esté les quatre principaux motifs de cette
grande auersion, dont nous ressentons les effets :
Si le Prince de Condé n’eust iamais vaincu, la Reyne ne
l’eust iamais attaqué : son bon-heur a esté la cause de son malheur,
& son mal-heur, celle de nos calamitez.

Mazarin n’a esté appellé à la confidence de cette Princesse,
que parce qu’il estoit subjet naturel du Roy d’Espagne :
Cette qualité-là fait considerer par la Reyne, comme vn
homme capable de seconder auec plus de complaisance
tous les desseins qu’elle brassoit contre la France : Les succez

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n’ont iamais dementy cette presomption ; garde l’aduenir.

 

Lors que le Mazarin entreprit d’attenter aux Priuileges
de la Robe, la Reyne pretendoit acheuer la desolation de
l’Estat, pour nous mettre hors de defence, & mettre son frere
le Roy d’Espagne en estat de nous pouuoir attaquer, sans
aucun danger d’estre vaincu. Si les Parlements ne le fussent
vnis dans cette conjoncture, l’Estat estoit perdu ; s’ils
se fussent plutost vnis, ils l’eussent entierement conserué.

Les sieurs Charton & Broussel, qui furent reconnus pour
les plus eschauffez, furent arrestez, comme on sçait, par ordre
de la Regente, & eslargis par vn souleuement public,
qui fit bien reuomir à la Reyne ces deux morceaux, mais qui
luy en laissa les conuulsions iusqu’auiourd’huy : Le peuple
fit-il bien en cette occasion ? Il pouuoit mieux faire, s’il eust
bien poursuiuy : mais en tout cas, la tyrannie fut abbatuë, &
irritée par ce seul coup.

La Reyne outrée ne pense plus qu’à se vanger ; elle
interesse le Prince à cette vengeance : sa trop grande facilité
luy fait condescendre ; il assiege Paris, & pour gaigner
le cœur de la Reyne, il perd celuy de toute la France :
La Cour prenant auantage de cette hame, le fait arrester : l’affection
des peuples se rechaufant, enfin pour les Princes, elle
est obligée de l’eslargir.

Voyla les motifs d’vn double desespoir de la Reyne contre
l’Estat : Paris luy arrache deux prisonniers d’entre les
mains ; toute la France luy arrache les trois Princes : il faut
qu’elle creue, ou qu’elle en prenne sa reuanche ; elle allume
le feu aux quatre coings de la Monarchie.

Son flambeau, c’est le restablissement du Cardinal Mazarin
qu elle r’appelle, lors que les troubles domestiques sont
à la veille d’vn accommodement : Ainsi tout retombe dans
la combustion : la presence du Tyran ranime tous les bons
François. Elle s’opiniastre a le soustenir pour les opiniastrer à

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le choque, parce qu’elle est asseurée, que la France ne le fera
tomber qu’auec ses propres mains.

 

Toutes les Loix diuines & humaines ont esté forcées
pour appuyer ce belistre : Tout ce qu’il y a de sainct dans
l’Estat a esté violé : Les Princes du Sang ont esté mesprisez ;
les Remontrances de tous les Parlements ont esté sifflées,
les larmes de tous les peuples ont esté regardées par la Reyne,
sans aucun sentiment ; le Throsne a branslé sans qu’elle
s’en soit aucunement émeuë, & parce qu’elle se vengeoit,
elle a trouué des douceurs dans les amertumes de tous les
gens de bien.

Cet attachement pour le Card. Mazarin, a fondé dans la
sote creance de certains, le soubçon d’vn mariage entre luy &
la Reyne : Il en est beaucoup qui en ont iugé auec moins de
moderation : Tout le monde a conclu que cette Princesse
estoit, ou mal conseillée ; ou mal intentionnée, ce dernier est
plus probable.

Lors qu’on luy a representé qu’elle s’en alloit ruiner tout
l’Estat, n’a-t’elle point respondu, que si le pain luy manquoit
en France, son frere estoit assez puissant pour luy en donner
en Espagne. Si cela marque que nostre desolation luy
est fort indifferente. Elle montre encor bien plus en abusant
de nostre soumission que nostre aueuglement est bien
pitoyable : Obeyr à qui nous outrage, respecter qui nous
persecute, Permettre qu’vn implacable s’assouuisse aux despens
de tout nostre Estat : Si nous ne sommes aussi sots qu’elle
est enragée, que s’en faut-il ?

Ne s’est-elle pas vantée qu’elle ruyneroit de bon cœur
la moitié de la France, pour se vanger de l’autre, & par mesme
moyen de toutes deux ? Ne luy a t’on pas oüy dire,
qu’elle allumeroit les guerres ciuiles pour y faire perir les
plus redoutables ennemis du Roy son frere, puis qu’elle
n’auoit peu les faire perir en les abandonnant au milieu
des dangers, comme Mon. le Prince de Condé, & Mon.

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le Comte de Harcourt deuant Lerida ? N’a-t’elle pas
protesté qu’elle n’entreroit iamais dans Paris, que dans vn
vaisseau flottant sur le sang de ses citoyens. Ne luy a t’on
point veu donner ordre, chemin faisant, de ruiner le reste
des moissons, que la fureur des soldats auoit espargnées ?
Ne sçait-on pas qu’elle demande à ceux qui viennent de Paris
si elle peut encor esperer que la famine la vengera bien-tost
de cette grande Ville ? Bon Dieu qu’elles paroles, si elle
n’a fremy en les auançant, il faut bien qu’elle ait vn cœur à
l’épreuue de tout sentiment humain.

 

Elle a desia reüssi dans la plus part de ses intentions des
quatre parties de la France, les trois sont sur les dents : il
n’y a que Paris qui luy pese beaucoup sur les bras, parce
quil a encor vn peu de pain : Mais si nous ne nous reveillons
vn peu, il est à craindre qu’elle en viendra bien-tost à
bout.

Il en est bien encor de si sots dans cette ville de Paris, qui
demandent que le Roy vienne, & qu’il vienne mesme sans
cette condition qu’on luy prescriuoit il y a vn mois : Mais
ces bons simples ne sçauent pas que la Reyne nous veut préscrire
des conditions à son tour : Donnons-luy Monseigneur
le Duc d’Orleans, le Prince de Condé, le Duc de Beaufort,
& le reste des braues : Sacrifions-luy toute l’Elitte du
Parlement : faisons sortir auec le baston blanc nos meilleurs
Frondeurs, qui sont tous, ou nos voisins, ou nos
parens, ou nos amis : Et c’est lors qu’elle reuiendra dans Paris,
parce qu’ayant commencé d’assouuir sa soif dans le sang
de tous les genereux qu’elle craint, elle acheuera fort facilement
de l’assouuir dans celuy des laches qu’elle ne craint
point.

Et bien nous desirons que la Reyne reuienne : desirons plutost
la peste, & la venue de ce fleau de Dieu sera moins à craindre :
parlons plutost franchement ; mais parlons plus generalement
que les Princes.

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Ils n’en veulent qu’au Mazarin : & nous en voulons
au Mazarin, & à la Reyne, encor plus à la Reyne
qu’au Mazarin : Ce n’est pas à l’épée qui a fait le
meurtre, mais au bras qui I’a maniée, que la Iustice
s’en doit prendre : Le Mazarin n’a esté que l’instrument
des passions de la Reyne : Il n’a rien faict
qu’elle n’ait voulu, parce qu’elle l’eust bien empesché
de faire si elle ne l’eust point voulu. Mais si le
Cardinal Mazarin vouloit s’enrichir, la Reyne vouloit
nous appauurir : Et cét estranger n’a iamais eu
de mauuais dessein, que cette Estrangere n’ait encor
fait paroistre innocent, en encherissant par dessus.

Quand nous rauirons le Mazarin à la Reyne, ne
sçauons-nous pas que la lacheté est vne assez feconde
mere, pour luy fournir d’autres executeurs ou
instruments de ses passions. Ce n’est rien fait que de
rauir vn baston à vn desesperé ; s’il quitte le baston,
il prendra l’épée, & par consequent il est plus à craindre :
il faut donc luy oster l’épée & le baston ; c’est
à dire, luy lier les mains.

La Reyne estant possedée de l’esprit de vengeance,
est desesperée : elle tient vn baston, qui est le C.
Mazarin, nous luy voulons rauir, prenons garde
qu’elle ne prenne l’épée & le cousteau ; ce qu’elle
fera d’autant plus asprement, que plus elle sera irritée
par la violence que nous luy faisons : C’est donc

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peu que de luy rauir le Mazarin : il faut encor la
rauir à elle-mesme ; il faut luy lier les bras ; il faut
luy oster toute sorte de pouuoir ; il faut la mettre en
tel estat que nous ne soyons plus en estat de la craindre.

 

Mais quoy sommes nous François ; pouuons-nous
voir sans des ressedtiments dignes de ce que
nous sommes, que deux Espagnols, nez fubjets
naturels du Roy d’Espagne gouuernent l’Estat ? ie
dis moy qu’ils nous trahissent, & qu’ils s’entendent
secrettement auec l’Espagne ; qui me contre-dira
auec raison ? font-il quelque chose, qui ne fauorise
cette creance ; ou qu’est-ce qu’ils font qui puisse raisonnablement
la contredire.

Le feu Roy qui connoissoit fort bien la Reyne,
ne luy vouloit iamais laisser la Regence : Les flateurs
luy firent succomber, mais apres auoir oüy dire de
la bouche d’vn Roy mourant : helas ! vous ne connoissez
point la Dame, Nous la connoissons bien maintenant ;
Mais nous la connoistrons encor mieux, si
nous voulons auoir la patience d’estre vn peu plus
sçauans : Helas ! que nostre ignorance nous estoit
bien plus aduantageuse, & qu’il nous eust bien mieux
valu de ne sçauoir point ce qu’elle sçauoit faire, parce
que nous ne sçaurions pas maintenant que nous
viuons sous la tyrannie.

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Esclatons donc, mais esclatons efficacement
parlant en bons François, & criant hautement,
nous ne voulons ny la Reyne ny le Mazarin, Ceux
qui disent que le Roy les protege, mentent, parce
que le Roy ne sçait point qu’il ne peut point les proteger :
ce sont ses ennemis & les nostres, s’il ne les
cognoist point il faut les luy faire cognoistre, afin
qu’il sçache que nous sommes ses Subiets pourueu
qu’il soit nostre Roy : Pour l’Apologie de la Reyne
ie ne dis autre chose si ce n’est qu’elle est femme.

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