Talon, Omer [1649], HARANGVE FAITE AV ROY PAR MONSIEVR TALON SON ADVOCAT GENERAL AV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_1598. Cote locale : A_4_26.
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HARANGVE
FAITE
AV ROY
PAR
MONSIEVR TALON
SON ADVOCAT GENERAL
AV PARLEMENT DE PARIS.

A PARIS,
Chez FRANÇOIS NOEL, ruë Sainct Iacques,
aux Colomnes d’Hercules.

M. DC. XLIX.

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HARANGVE
FAITE AV ROY,
PAR MONSIEVR TALON
son Aduocat general au Parlement
de Paris.

SIRE,

Les séances des Roys en
leur Parlement estoient autrefois les
actions de grandeur, de Maiesté, & de
ceremonie, elles n’ont commencé qu’en
1379. lors qu’il fut question de faire le
procez à vn Edoüard Duc de Guienne,
fils d’vn autre Edoüard Roy d’Angleterre ;
elles estoient en ce temps-là souhaittées,
attenduës, & desirées par les
peuples, parce que les Roys n’y venoient

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que pour deliberer auec cette Compagnie
de quelques affaires importantes à
leur Estat, soit qu’il fust question de declarer
la guerre aux ennemis de la Couronne,
soit qu’il fust à propos de conclure
la paix pour le soulagement de leurs
peuples : mais auiourd’huy vostre Maiesté
y vient auec esclat, auec bruit, &
auec terreur & son de trompette. Autrefois
il estoit permis en ce Parlement de
contredire aux Roys, & de dire auec verité,
SIRE, cela n’est pas iuste, Mais auiourd’huy
par vn desordre dans la morale,
& vne illusion dans la polytique,
l’on apporte des Edicts tous dressez, dont
l’on est bien asseuré de la verification
qui s’en doit ensuiure. Autrefois cette
Cour a resisté au Roy François I aagé
de trente ans, sur quelques leuées qu’il
vouloit faire sur son peuple, & à present
l’on n’ose rien refuser à vostre Maiesté
mesmes pendant sa minorité.

 

L’on nous dit qu’il n’est point facile
de conclure la paix auec les ennemis,
qu’il est plus aisé de les forcer par les armes

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que les surmonter par la raison, qu’il
est aduantageux à l’Estat de ne pas manquer
aux progrez des victoires & conquestes
du Roy, qui ont augmenté nos
frontieres de nouuelles Prouinces & de
Royaumes entiers, soit que ces propositions
soient vrayes ou simulées, tant
y a que nous pouuons dire à Vostre
Majesté que ces victoires ne diminuent
rien de la misere de ses peuples, qu’il y
a des Prouinces entieres où l’on ne se
nourrit que d’vn peu de pain d’auoine
& de son, que ses palmes & les lauriers
pour lesquels accroistre, l’on trauaille
tant de peuples, ne sont poinct comptées
parmy les bonnes plantes, puis
qu’elles ne portẽt aucũ fruit qui soit bon
pour la vie, en effet toutes les Prouinces
sont appauuries & espuisées pour
fournir au luxe de Paris, ou plustost de
quelques particuliers : l’on a mis imposition
& fait des leuées sur toutes les choses
dont on s’est peu imaginer, il ne reste
plus, SIRE, à vos sujets que leurs ames,
lesquels si elles eussent esté venales, il y

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a long-temps qu’on les auroit mises à
l’encant.

 

Ce gouuernement despotique & souuerain
seroit bon parmy les Scithes, les
Barbares & les peuples esloignez & Septentriennaux
qui n’ont que le visage
d’hommes : Mais en la France qui a
tousiours esté le Pays le mieux policé du
monde, les peuples ont tousiours fait
estat d’estre nais libres, & de viure comme
veritables François ; Cependant ils
se voyent traittez comme des esclaues,
& forçats qui gemissent & prestent le
dos sous le baston des Comites de Galeres,
dont ils voudroient auoir deuorer
le cœur : bien loin d’attirer par leurs
prieres les benedictions du Ciel sur cét
Estat, il y en a beaucoup qui medisent
& maudissent dans le cœur ceux qu’ils
sont obligés de respecter à l’exterieur.

C’est à vous, MADAME, de penser à
toutes ces choses, & de faire reflexion
sur toutes les miseres du temps, lors
que vous serez recüeillie dans vostre
Cabinet & vostre Oratoire, songez que

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pour l’entretien de la guerre il y a tant
d’ames qui gemissent dans les Prouinces.
Faites MADAME, que la bonté, la douceur
& l’humanité puissent desormais
auoir des lettres de naturalité dans le
Louure. Toutes-fois considerant les
vrgentes necessitez de l’Estat qu’on vous
vient de representer, nous n’empeschons
point pour le Roy que les nouueaux
Edits proposez ne soient enregistrez
& verifiez.

 

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