Anonyme [1649], DECADANCE DE L’INIVSTE PARTI DES MAZARINS refugiez à S. Germain, & leurs PERNISIEVX DESSEINS auortez, par la conclusion DE LA PAIX. , françaisRéférence RIM : M0_864. Cote locale : A_2_39.
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La Decadence de l’iniuste party des
Mazarins refugiez à S. Germain, &
leurs Pernicieux desseins auortez.

LES parisiens, qu’on peut à bon droit nommer
l’vn des plus genereux peuples du monde,
à sujet d’auoüer, qu’il n’y a point de personnes
d’esprit & de iugement, qui aye veu le commencement
& le progrez de la furieuse & violente
persecution, que les Cardinalistes Mazarins ont fait à
leur ville, & aux lieux circonuoisins, par le feu, le
fer, le viol, & le sacagement des Temples, & des Autels,
qui n’aye des iuges, que cette incomparable
Cité, la Reine de toutes les autres, quelque resistance
qu’elle eût pû faire, ne pouuoit s’exempter d’estre destruite,
ou du moins assujettie, sous les cruelles & seueres
loix de la tyrannie de son inexorable persecuteur,
Toutes choses ne manquoient elle pas pour sa
deffence ? puis qu’à l’instant, que l’infame Cardinal
eut rauy, non seulement le Roy : mais toute la maison
Royale, les Princes & les Princesses on veid à
peu de temps apres, (sans se mettre en deuoir de l’empescher)
sortit de cette ville, comme si elle eut esté
empestée, tous les de marque du Royaume & la plus
grande partie de la Noblesse, sans que l’on songeast
que tout ce monde n’abandondoit Paris, que pour
s’aller ioindre à la legue endiablée des Mazarins pour

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le ruïner, & le mettre en poudre.

 

Helas ! on de fut guere à ressentir les effets de la
haine mortelle, que tant de gens associez ensemble,
auoient conceuë, & contre l’Auguste Parlement,
& contre la ville qu’il auoit prise auecques toute la
France, sous sa protection.

A peu de iours apres l’absence de toute la Cour, les
parisiens furent bien surpris & bien estonnez de se
voir bloquez, & leur ville entourée d’vne nombreuse
armée d’estrangers, à qui l’on doit donner plustost
le tiltre de demons que de soldats, veu les inhumanitez
qu’ont exercé ces barbares, contre ceux qui ont
tombé sous leur puissance.

Le commencement de ces rauages & de ses desordres,
furent trop auantageux pour les Cardinalistes,
pour ne leur pas faire conceuoir qu’il en reussiroit de
grands progrez. Ils attribuent à de grandes & de signalées
victoires, la prise de quelques villages, pris
pillez, & volent sans faire resistance. Leurs Gazettes
de S. Germain vantent ces voleries aussi glorieuses,
que s’ils eussent conquesté toute la terre Sainte. Cependant
Paris se reconnoist, le Parlement se reueille,
on trauaille puissamment à remedier aux desordres
presens, & ne iugeant pas que ce fut vne chose iuste
à vn peuple si belliqueux, de tendre le col au sacrifice,
le Tambour bat, la Trompette sonne, tous les
Citoyens s’arment, se barricadent, & font des corps
de gardes par tout, pour secoüer genereusement le
jouc à la seruitude, où ils connurent bien qu’on auoit
enuie de les assujetir. En vn moment deux cens mil

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hommes furent veus sous les armes : ce fut pour la
conseruation de la ville : mais pour se rendre aussi
forts à la campagne, on leua dans Paris mesme vne
armée de vingt mil hommes de caualerie & infanterie,
pour faires des sorties, ouurir les passages bouchez,
& faire venir du pain en la ville, qu’on s’efforçoit
par toutes sortes de moyens d’affamer.

 

Tandis les Partisans du Cardinal Tyran, le plus insigne
voleur de toute la terre, à qui vn aueuglement
& égarement d’esprit, ne promettoient pas de considerer
les forces de Paris, commençoient à non pas
seulement esperer, mais à s’asseurer de bastir chacun
en son particuliere de hautes, & de grandes fortunes
de la ruyne, & destruction d’vne florissante Cité,
qu’ils auoient resolu de reduire en cendre, pour rendre
sa ruine aussi fameuse que celle de l’ancienne
Troye qui fut bruslée par les Grecs. Comme la colere,
la fureur, & la rage, ont cela de propre, de ne paroistre
iamais plus agreables à ceux qu’elles possedent,
que lors qu’elles leur ostent l’vsage de la raison,
aussi ne trouuent elles rien de plus doux, ny de plus
juste au gré de leur mains, que la vangeance, ny rien
de plus genereux que les effets que produisent le ressentiment,
& a violence.

C’est ce qui fut cause, que pour s’enrichir bien-tost
des dépouïlles de la ruine de Paris, ces boutefeux
firent de nouueaux efforts pour saccager tout le pays
d’alentour de cette ville affligée, & presque affamée
afin que luy ostant les moyens de subsister, ils la
pussent reduire à telle extremité, & l’auguste Senat

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qui la gouuerne, qu’ils y entrassent bien-tost victorieux
& triomphans, comme dans vne ville prise par
force, & le sac & le pillage sont permis.

 

Que ces lasches & seueres ennemis se trouuent en
peu de iours bien esloignez de leurs folles pretensios !
Les méchans ont leur regne pour vn temps : mais enfin
la vangeance diuine les chastie, tant pour les crimes
qu’ils ont commis, que pour ceux encore qu’ils
ont eu enuie de commettre.

Le Parlement, qui se trouuoit en vne grande peine,
aussi bien que le Preuost des Marchands, & les Escheuins
de la ville ; & n’auoir point de Chefs pour la conduitte
de l’armee qu’ils mettoient sur pied, virent en
vn moment vn miracle à leurs yeux. Comme Dieu
sçait faire des merueilles en vn instant ? Le Prince de
Conty, & le Duc de Longueuille, qui apparemment
s’estoient declarez pour le parti de Mazarin, & qui s’estoient
mesmes retirez à sainct Germain auec le reste
de la Cour, inspirez du sainct Esprit, abandonnerent
cette infame ligue, & lors qu’on y pensoit le moins,
vinrent s’offrir de si bonne grace à seruir le Parlemẽt
& Paris, qu’il fut impossible à l’vn & à l’autre de ne receuoir
pas ces bonnes volontez par des Arrests d’vne
fidelité incorruptible. A ce parti iuste, & protegé de
Dieu & de ses Anges, se ioignirent encore les Ducs
d’Elbœuf & de Beaufort, de Boüillon, de Cardone
la Mothe Hodancourt, le Prince de Marsillac, les Marquis
de la Boulaye, de Vitry, de Narmontier, & tant
d’autres Seigneurs de marque, & de Gentils hommes,
qu’à cette heure là Paris n’eut pas peur de perir
sans assistance.

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Cette Cour de sainct Germain, qui paroissoit n’agueres,
& si grosse, & superbe, deuint presque vn desert
en vn moment ; car à la reserue du Chancelier &
ceux de sa cabale, des insolentes, & insatiables Harpies,
les Partisans, & leurs supposts, des Secretaires
d’Estat, de ceux du Conseil, & autres personnes, creatures,
fauoris, & flatteurs du Seigneur Iules, tout le
plus beau monde, s’en separa, pour s’vnir & se ioindre
au Parlement, le protecteur de l’authorité du
Roy, de la sienne, & de la liberté publique.

Cette reuolution fut bien sensible à ce Tyran : mais
comme il n’agit, ny ne fait agir, qu’au moyen des
tresors inombrables qu’il a pillez il y a si long temps
à la France, il fait de nouueaux offres aux grands Princes
qui le protegent, afin de les obliger à de nouueaux
efforts pour le faire venir about de sa detestable entreprise.
Pour auoir à ce qu’on dit conuetti ses promesses
en effets, & auoir ioué du poulce auec ces Princes,
ils vinrent par surprise assieger Chareton, qu’ils prirent
apres vne genereuse resistance de cinq heures :
mais cette victoire leur fut beaucoup plus funeste
qu’auantageuse ; puis que dans ce rencontre ils perdirent
beaucoup de Capitaines, & de gens de marque,
entre les autres, les Duc de Chastillon, du Marquis
Royan, que toute la France auroit suiet de regretter,
s’ils estoient aussi bien morts ses amis comme ils sont
morts ses aduersaires.

Le trepas deplorable de ces ieunes Seigneurs vaillans
& illustres, n’empescha pas que les Cardinalistes
n’enflassent leur courage d’orgueil de cette fatale victoire.

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Ils voulurent de là aller faire vne autre tentatiue
à Brie Comte Robert : mais ils y furent si outrageusement
battus, que depuis ce temps là, ils n’ont
iamais esté entreprendre aucune action de venir forcer ;
& s’ils ont voulu executer quelque chose, ce n’a
plus esté, que par le stratagesme, & la surprise.

 

Toute la France sçait que depuis que l’armée Parisienne,
commandee tour à tour par nos six Generaux,
a pris la campagne, & s’est saisie des principaux postes,
& des plus importentes auenuës que la foiblesse
des Mazarins les a contraint de quitter, l’abondance
est retournee à Paris, que toutes les denrees y arriuent
de tous costez, & que tous les autres admire, ny sont
gueres plus cheres, qu’ils l’estoient auant que l’endiablé
Cardinal l’eut si mal menée.

Cette perfide & desloyale ligue de Cardinalistes,
qui tient nostre ieune Monarque, & toute sa maison
Royale, captiue & esclaue dans les deserts de sainct
Germain, est maintenant bien en peine à consulter ce
qu’elle doit faire pour s’opposer aux puissantes forces
estrangeres & du Royaume, qui marchent de
tous costez, pour l’extirper & la destruire. Ayant
perdu l’experance de voir reussir les effets de la Paix,
faite à sa mode, elle n’a plus d’autre espoir qu’en sa
fuite, & ce que ie ne croy pas, qu’on luy permette :
car trop de gens sont armez qui l’attendent au passage.

Grands Princes, qui seuls faites subsister ce Tyran,
que n’abandonnez vous ce monstre, à la vengeance
publique ; que ne nous rendez vous nostre

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Roy, la Reyne, le Duc d’Aniou, & vous mesme que
nous requerons il y a si long temps, auec tant d’amour
& d’importance ? Nous n’auons rien à souhaiter
contre vous, & nous sçauons bien que sans les
charmes du Magicien Iules, vous n’auriez pas entrepris
sa deffense contre l’authorité du Roy, la gloire de
son Parlement & la liberté de la Patrie.

 

Que la France vous plaint Illustres Marquis, Comtes,
Barons & Gentils-hommes, de ce que pour establir
d’eminentes fortunes, vous auez assez imprudemment
sacrifié vos seruices à ce veau d’or, à cet
infame Tyran ; Elle sçait qu’il y a beaucoup de personnes
de qualité, qui ont fait vne dépence de trente
à quarante mil liures à la Cour de cet auare Sicilien,
pour s’en faire conseruer & gaigner ses bonnes graces,
qui n’ont iamais eu de luy vn regard gracieux.
Pour faire fortune chez ses insolens, il ne faut pas estre
vertueux, vaillants, armez & courtrois comme vous
estes, il faut estre fourbe, traistre, lasche & audacieux
comme il est. Que l’on regarde aux personnes dont
il a eu soin, & à qui il a fait quelque bien, elle ne sont
que de condition basse & rauallee, tant il est vray
qu’il se plaist beaucoup plus à fauoriser le vice, qu’à
glorifier la vertu.

Bien que le Royaume aye esté persecuté par ses
propres suiets, & qu’il d’eust plustost souhaiter leur
ruyne que leur agrandissement, si ne laisse t’il pas,
tant il a de bonté de se mettre en peine dequoy deuiendront
tant de seruiteurs sans maistre, apres que
la paix vniuerselle sera faite, & que Mazarin aura

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esté chastié de ses crimes, ou que preuenant son suplice,
il aura eu recours à la fuire pour se sauuer ?

 

Se pourroit il non pas seulement vn Gentil-homme ;
mais vne personne mediocre qui eust si peu de
cœur que de vouloir suiure dans son exilicet abominable ?
où se pourra retirer ce scelerat ? Quelle terre
inconnuë luy seruira d’Azile, toute la Chrestienté le
haït & l’abhorre comme la peste, les Ottomans ont
tellement oüy parler de sa detestable vie & des diuisions
qu’il seme dans les Empires, qu’on a peur de luy
comme d’vn spectre épouuantable. Si la Thebaide,
comme autrefois estoit peuplée de bons Anachorettes,
& qu’il voulut, ou qu’il pust (car l’on tient pour
certain que l’obstination de ses crimes la mis au rang
des reprouuez) metamorphoser sa vie, de meschante
& detestable qu’elle est, en vne pieuse & toute sainte.
Il auroit sulet d’esperer vne demeure asseuree auec ces
bons Religieux : mais l’on sçait que depuis que l’Empereur
des Turcs a tyranniquement vsurpé cette terre
de prudance, qu’elle n’a esté le repaire que des
loups, des Lyons, des Ours, & des Tygres ? Ou pourra
donc estre son seiour, ce mortel ennemy de Dieu,
& des hommes ? Lamerique quoy que fort vaste en
son estenduë, n’a pas de mers, d’isles, de riuieres, ny
de terres fermes, de lacqs d’assez longue espace pour
le cacher de la presence de Dieu son Createur, qui regne
par tout, & qui le punira en quelque endroit de
l’Vniuers qu’il puisse habiter. Miserables & malheureux
donc ceux-la qui l’ont serui, & suiui, puis qu’il
y a si peu de gain à auoir idolatré vne image de fange,

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& de bouë, de qui la fausse apparance a plus trompé
d’hommes qu’Alexandre n’a conquis de villes, & de
peuples ny de Royaumes.

 

Pas vne seule marque de grandeur ny de gloire de se
tiran ne demeurera en France apres, sa hõteuse mort,
ou son ebsence. La memoire de sa vie, & de ses actions
sera execrable à la posterité. Le Roy deuenu Majeur
sçaura fort bon gré à son Celebre Parlement de Paris,
de ce que n’ayant pas pû remedier aux méchancetez,
que Richelieu & luy ont commises pendant le regne
de Loüis XIII. il a tout le moins fortement empesché
que l’vn mort l’autre ne continuast tous les crimes,
qu’il auoit encore derechef enuie de commettre.

Par tout le iuste procedé de cét Auguste Senat,
soit au temps des Barricades, soit à la prise des armes
& à l’ornement vniuersel pour la deffense de l’authorité
du Roy, de la conseruation des Priuileges de
cette Cour sacrée, & de la liberté publique, sa Majesté
connoistra bien, que toutes ces équippées n’ont
esté que pour son seruice, puis qu’on a fait tousiours
entendre à la Reyne, & aux Princes qui sont restez
aupres de sa Majesté que la Paix ne consistoit qu’à
exterminer le Tyran du Royaume, l’vsurpateur de
l’authorité du Roy, le Perturbateur du repos public,
& finalement l’insigne voleur de tous les tresors de
la France.

Quand cét impie Cardinal s’esloignera de nos
yeux, ou par le supplice, ou par l’exil, dont de ces
deux choses il n’en peut éuiter vne ; puis que son party

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ne peut plus subsister, & qu’on le souffre encore à
la Cour, plus pour luy tirer des plumes de ses aisles,
que pour bien-veillance qu’on luy porte, la Reyne
Regente verra bien, & connoistra encore mieux
que ce n’estoit qu’à la seule personne de ce perfide Sicilien,
à qui la France, le Prrlement, le Clergé, la
Noblesse, & le tiers Estat en vouloient, & non pas
à leurs sacrees & adorables Maiestez, comme leur
faisoit entendre cet imposteur.

 

Au seul bruit de la mort du feu Marquis d’Ancre,
tous les Princes qu’il auoit bannis de la Cour, &
contraint à s’armer pour se deffendre de sa violence,
sans estre sommez reuinrent d’eux mesme trouuer le
Roy, & luy offrir de nouueaux seruices, pour ceux
qu’il y auoit long temps que ce coyon Italien leur
empeschoit de rendre à sa Maiesté.

La mesme chose arriuera, Madame, des que dessasuiettie
des charmes de Mazarin Iules, vous verrez
clair dans les seines intentions, & du Parlement, &
de vos peuples, il n’y a rien qui puisse mieux les obliger
à mettre bas les armes, que de leur faire connoistre
que vous abandonnez entierement ce maistre,
& la disposition de la Iustice, pour en faire vn chastiment
exemplaire.

Mettez la main à ce dernier ouurage, Madame,
puis que vostre Majesté connoist bien que l’armée de
Mazarin diminuë, & qu’elle, ny ses chefs, quelques
grands Princes qu’ils soyent, ne peuuent pas resister
aux puissantes forces qu’on leur veut opposer, s’ils
continuent vouloir nourrir dans leur sein le vipere

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qui les mange, & qui les deuore.

 

Y aura il pas bien plus de gloire, en faisant vne
Paix auec vostre Majesté, par la perte d’vn Tyran,
de ioindre les forces qui vous resteront auec celles
du Parlement, pour les employer à faire vne Paix generale,
que de s’en seruir à se détruire l’vne l’autre.
La demeure du Louure, ou du Palais Cardinal, sied
mieux à vos Majestez, Madame, que quelque autre
sejour que vous puissiez choisir, en quelque Prouince
de la France que ce soit. Tout Paris souhaitte auec
passion de reuoir vos sacrées Majestez dans leurs Trône
Venez y donc, Madame, vous comblerez de felicité
vos Sujets, & remplirez le Ciel, & la terre de
plaisir & de réjoüissances.

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