Anonyme [1652], DE LA NATVRE ET QVALITÉ DV PARLEMENT DE PARIS, ET Qu’il ne peut estre interdit ny transferé hors de la Capitale du Royaume, pour quelque cause ny pretexte que ce soit. , françaisRéférence RIM : M0_857. Cote locale : B_15_32.
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SECTION II.

Que le Parlement de Paris estant né auec la Royauté, il ne peut estre
interdit ny transferé, qu’auec le Siege de l’Empire, & le
Throsne de sa Majesté.

Encore que ce soit vn crime aujourd’huy, & qu’on appelle
seditieux & mauuais François, ceux qui parlent
de la Iustice qu’on doit au peuple, & l’obligation que
nous auons de maintenir & conseruer les Loix fondamentales
de l’Estat, sur lesquelles les Rois subsistent, & font serment
quand ils sont Sacrez ; Ie crois neantmoins que ie ne
fais aucun tort à la Souueraineté de sa Majesté, ny à ma qualité
de sujet, de representer fidellement ce qui en est, & de
faire connoistre à son peuple quelles elles sont, & à luy ce
qu’il doit pour ne les point enfraindre & violer, puis que sa
toute-puissance gist à l’execution de la Loy, & non pas à sa
destruction.

Nous venons de representer en peu de mots la nature &
la qualité du Parlement de Paris, qui estant aussi ancien que
la Couronne, & representant en son entier toute la Monarchie
Françoise, ne peut passer pour vne Compagnie à l’ordinaire,
& sujette à l’inconstance de la Cour, & à la passion de
quelque fauory insolent. Et encore que tous nos Historiens
& Politiques demeurent d’accord de cette verité certaine,

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ie veux neantmoins pour la confirmer de plus en plus, rapporter
ce que le Parlement en Corps en fit entendre au Roy
Louys XIII. dans sa Remonstrance du 21. May 1615. dont
voicy les propres termes.

 

Philippe le Bel, qui premier rendit vostre Parlement sedentaire, &
Louys Hutin qui l’establit dans Paris, luy laisserent les mesmes fonctions
& prerogatiues qu’il auoit à la suite des Rois leurs predecesseurs.
C’est pourquoy il ne se trouue aucune institution particuliere de vostre
Parlement, ainsi que de vos autres Cours Souueraines qui ont esté depuis
erigées, comme tenant vostredit Parlement, la place du Conseil
des Princes & Barons, qui de toute ancienneté estoient prés les personnes
des Rois, NAIS AVEC L’ESTAT. Et pour marque de ce, les
Princes & Pairs de France y ont tousiours eu seance, & voix deliberatiue ;
Aussi depuis ce temps y ont esté verifiées les Loix & Ordonnances,
Edicts, creations d’Offices, Traittez de Paix, & autres plus importantes
affaires du Royaume, dont Lettres patentes luy sont enuoyées
pour en toute liberté les mettre en deliberation, en examiner la Iustice
& le merite, & y apporter modification raisonnable. Voire mesme ce
qui est accordé par nos Rois aux Estats Generaux doit estre verifié en
vostre Cour où est le lieu de vostre Throsne Royal, & le lict de vostre
Iustice Souueraine. Et neantmoins, Sire, ceux qui veulent affoiblir
& desprimer l’authorité de cette Compagnie, s’efforcent de luy oster la
liberté que vos predecesseurs luy auoient perpetuellement accordée, de
leur representer ce qu’elle iugeroit vtile pour le bien de leur Estat. Nous
osons dire à vostre Majesté, que c’est vn mauuais Conseil qu’on luy
donne, de commencer Pannée de sa Majorité par tant de commandemens
de puissance absoluë, & de l’accoustumer à des actions dont les
bons Rois comme vous, Sire, n’vsent iamais que rarement, &c.

Monstrelet qui n’a point ignoré nos Maximes, appelle le
Parlement de Paris, Conseil Royal, dans son Histoire de France.
C’est pourquoy ce grand Senat estant né auec la Royauté,
& faisant la baze & le fondement de tout l’Estat en general ;
& nos Rois y ayant estably de tout temps le Throsne
de leur Grandeur, & le lict de leur Iustice sans iamais y desroger,
il est certain qu’il ne peut estre interdit ny transferé
qu’auec le Siege de l’Empire, & le nom de la Capitale, puis

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que le Roy ne peut point se separer de sa Iustice, ny se dispenser
des Loix fondamentales de son Estat, sans premierement
renoncer à la Royauté. Et quand nous lisons que nos
Souuerains ont tenu quelquefois leur lict de Iustice en d’autres
Parlemens que celuy de Paris, ce n’a esté qu’à leurs premieres
entrées dedans les Villes où il y en a, ayans accoustumé
de les fauoriser de cét honneur, & d’y seoir vne fois pour
y faire esclater leur Iustice Souueraine, de laquelle despend
leur authorité, & la manutention du Royaume.

 

Que si par vne entreprise qui pourroit renuerser les Loix
fondamentales de l’Estat, & violer ce qu’il y a de plus saint
& de plus sacré, vn Roy mal conseillé vouloit tenter ce
changement dangereux & prejudiciable à sa Couronne, il
faudroit tres-assurément le proposer & en ordonner auec
les Princes du Sang, les Compagnies Souueraines, les Estats
du Royaume, & tous ceux qui y ont interest, puis que les
Loix originaires de l’Estat ne se changent & ne s’alterent
point, que du consentement general de ceux qui les gardent
& qui les reconnoissent ; C’est l’vsage, c’est la pratique, &
personne ne peut en vser autrement auec prudence & Iustice.

Dauantage ce Parlement estant se dentaire & perpetuel,
il ne peut estre interdit ny transferé, sans quitter son nom,
& renoncer à la qualité & stabilité de son institution ; Cela
est bon au Conseil Priué, & au grand Conseil qui n’ont
point de territoire ny de sieges arrestez ; Leurs chaires pleantes
& mobiles, sont tousiours en estat de marcher auec leurs
personnes & leurs charges ambulatoires ; où les bancs continus
& cramponnez des Parlemens ne quittent plus les murailles
qui les soustiennent, & ne sortent iamais des lieux où
nos Majeurs les ont vne fois placez ; autrement quelle confusion,
& quel cahos si vn million de plaideurs estoient obligez
& contrains de suiure leurs Iuges & leurs Magistrats
tantost dans vne Ville, & tantost dans vne autre, d’vn bout
du Royaume à l’autre, & traisner mille chariots de Registres
& de papiers importans, qui seroit rompre la societé ciuile,

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exposer tous leurs biens & leurs fortunes aux dangers des
chemins, & faire des vagabonds de tant de bons Citoyens
qui sont vnis & attachez à leurs femmes & à leurs enfans sans
trouble & sans inquietude.

 

Choppin dans son traitté du Domaine de la Couronne de
France, liu. 2. tit. 15. num. 6. parlant de la nature de Paris,
dit, Que Philippe IV. surnommé le Bel, donna & assigna le Palais
Royal pour le consacrer à la Deesse Themis, & pour y exercer PERPETVELLEMENT
la Souueraine Iustice, & rendre son Parlement
de France FIXE, ARRESTÉ, & SEDENTAIRE, qui
auoit esté auparauant ambulatoire ;
Induxitque forum patribus dans iura vocatis,

Iuraque ab hac terra cetera terra petet.

Comme dit Ouide en ses Fastes, liu. I. predisant la grandeur
de la Ville de Rome, & sa majesté par dessus toutes les
autres de l’Empire, par la stabilité de son Senat, & le Throsne
immuable de ses Souuerains.

De plus les Offices de ces grands Senateurs François estans
perpetuels, & vendus par le Roy mesme, il faut qu’il les en
fasse jouïr en la façon qu’ils les ont trouuez, & suiuant les
conditions de leur establissement ; Quand Silla estant Preteur
à Rome, dit à Cesar qu’il vseroit à l’encontre de luy de
l’authorité & du pouuoir que son Office luy donnoit : Cesar
sans se formaliser en façon que ce soit, respondit qu’il auoit
raison de l’appeller sien, puis qu’il l’auoit achepté. La priuation
des Charges ne se fait en France, que par vacation, par
mort, ou pour crime & forfaiture prouuée & iugée ; il en est
de mesme pour la destitution, & ce à cause de la venalité
permise des Offices.

Loiseau en son traitté des Offices, liu. 1. chap. 14. num. 21.
dit ; Que les interdictions estoient tolerables quand les Charges
estoient données gratuitement ; mais maintenant que le Roy les
vend si cherement, il seroit Iuge & partie en les priuant sans
connoissance de cause pour les reuendre à d’autres. Pour interdire
des Officiers il faut qu’ils soient criminels & Iugez

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tels ; où au contraire nous voyons que des perfides, des parjures,
& vne douzaine de faux freres qui se sont bannis
d’eux-mesmes du lieu de leurs Majeurs, entreprennent par
vn aueuglement punissable & vne temerité criminelle, d’interdire
& de supprimer la source de leur splendeur, les Colomnes
de l’Estat, & les Conseruateurs du lict de Iustice de
nos Rois.

 

Nous lisons dans les Recherches de Pasquier, liu. 2. chap.
4. Que le Roy Charles VII. interdit les Officiers du Parlement
qui resterent à Paris, par sa Declaration du 15. May
1436. parce qu’ils reconnoissoient le Roy d’Angleterre qui
s’estoit rendu maistre de cette Capitale, & presque de tour
le reste du Royaume ; Et cette peine estoit bien petite, puisque
cette rebellion & cette infidelité en meritoit vne plus
grande, & plus atroce encore.

L’Histoire de nos jours nous apprend, & non pas sans
douleur, que par vne Declaration du 23. Ianuier 1649. donnée
à Saint Germain en Laye, on fit vn coup d’essay pour tascher
de renuerser cet Auguste Senat, afin de mettre le Cardinal
Mazarin dessus le lict de nos Rois, & le declarer l’vnique
& le seul qui pouuoit soustenir cet Estat, que sa conduite
mal-heureuse a mis dans son penchant, ce monstre de
Declaration estant son Panegirique, aussi bien que l’inuectiue
& la satire contre ce grand Parlement. Et parce que cette
entreprise est sans exemple, & que l’insolence de son Autheur
est sans égale, il importe d’en rapporter les motifs &
les poincts principaux, pour faire connoistre le crime qui
l’accompagne, la fausseté qui luy donne couleur, & la peine
qu’on doit attendre vn jour de celuy qui fomente & qui fauorise
vn attentat si noir, si inoüy, & si dangereux ; Les actes,
dit-il, de rebellion & de desobeïssance ouuerte commis en dernier lieu
par les gens se disans tenir nostre Cour de Parlement de Paris, font
assez connoistre auiourd’huy la verité des motifs portez par nostre Declaration
du 6. de ce mois, qui nous ont obligé de nous retirer de la
ville de Paris pour mettre nostre personne en seureté, & ne demeurer
pas exposé à l’insulte qu’ils meditoient de faire pour s’en saisir, &c.

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C’est vn aueuglement qui ne se peut conceuoir, que des Magistrats
instituez par le Souuerain pour rendre la Iustice à ses suiets, qui n’ont
point d’authorité qui ne soit formée de la main des Rois, qui peuuent
par consequent la suspendre, ou la retirer lors qu’ils en abusent ; ayent
entrepris d’esleuer cette authorité au dessus de celle des Rois, mesme
s’emparer du gouuernement & de l’administration de l’Estat, par vne
vsurpation qui n’a point d’exemple dans les siecles passez, & essayer de
rendre leur party plus considerable en flattant & authorisant les desgousts
de diuers Princes & grands du Royaume, que le bien de l’Estat
& nostre seruice nous a empesché de pouuoir satisfaire dans leurs iustes
pretentions. Qui pourra croire à l’aduenir que l’impudence & la rage
de ces meschans (parlant du Parlement de Paris dont il se dit le
Chef) se soit portée au poinct de l’exercer contre nostre propre Personne
en choses indifferentes à leur esgard ? Et vn peu apres.

 

Il est vray qu’on s’estonnera moins qu’ils offencent leur Roy de cette
sorte, quand on sçaura qu’ils ont en mesme temps manqué au droit
des gens, & au droit Diuin, empeschant les Ambassadeurs des Couronnes
& des Princes estrangers de se pouuoir rendre prés de nous, &
qu’aucun Euesque de ceux qui se sont trouuez renfermez dans Paris,
ne put en sortir pour aller à sa residence, comme ils ont tousiours tesmoigné
de le souhaiter passionnément, ayant horreur de voir à leur
face vne Ville armée contre son Souuerain, & de n’y pouuoir apporter
aucun ordre. Et nous esperons que nos suiets reconnoistront quel est ce
monstre de Gouuernement qui pretend regner sur eux, par la destruction
de la puissance legitime, & establir la Tyrannie, se mettant dans
le Throsne des Rois qui regnent si heureusement depuis tant de siecles ;
C’est pourquoy ne pouuant plus souffrir sans manquer à ce que nous deuons
à nous mesmes, les attentats d’vne Compagnie qui n’a autre puissance
legitime que celle que nous luy donnons ; Apres auoir veu que
sa rebellion est allée iusques à armer nos bons suiets de la Ville de Paris
contre nous, &c. Vsurpant en tout les fonctions de la Royauté, & faisant
toutes les actions qui n’appartiennent qu’à vn Souuerain ; Nous
nous sommes enfin resolus, quoy qu’auec vn extreme regret à l’esgard
des bons qui sont de ce Corps, d’esteindre & supprimer entierement
cette Compagnie, & de retirer la puissance qu’ils ont de nous, &c. A
CES CAVSES, &c. Nous auons cassé, reuoqué, & annulé, cassons,

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reuoquons, & annulons tous les Arrests donnez depuis nostre Declaration
du 6. Ianuier 1649. par les gens se disans tenir nostre Cour de
Parlement de Paris, comme donnez par attentat & entreprise ouuerte
sur nostre authorité, & par gens qui n’ont aucun pouuoir, &c.
Enioignons ausdits gens se disans nos Officiers du Parlement de sortir
de nostre Ville de Paris dans huictaine à compter de la datte des presentes,
leur faisant tres-expresses inhibitions & deffences de faire aucunes
assemblées, tenir aucune Cour, ny Iurisdiction ; Et à faute d’obeir
à nos commandemens, & de cesser les entreprises & attentats
qu’ils ont commencé ; Nous auons de nostre mesme science, puissance,
& authorité, adioustant aux peines portées par nostre precedente Declaration,
esteint & supprimé, esteignons & supprimons tous les Offices
dont se trouuent à present pourueus les Officiers de ladite Cour,
leur faisant deffence d’en faire aucune fonction, & à tous nos autres
Officiers & suiets de les reconnoistre pour Iuges à peine de desobeissance :
Donné à Saint Germain en Laye, le 23. Ianuier 1649.

 

On void assez par le stile de ces Patentes la passion & l’aueuglement
des Ministres, & par l’effet & l’euenement qui
les suiuit, que toutes ces violences ne sont que des coups
d’vne passion desreglée, & des jeux de femmes & d’enfans,
qui causent neantmoins beaucoup de honte à leurs Autheurs,
beaucoup de troubles dans l’Estat, & beaucoup de
prejudice à l’authorité du Roy qui ne doit iamais se compromettre,
ny se prostituer ; Puis qu’a la fin de toutes ces Tragedies
sanglantes & funestes, le Parlement tout condamné &
tout interdit qu’il est demeure le Maistre, fait voir la iustice
de son procedé, fait confirmer ses Arrests, & supprimer ceux
de ces mauuais Politiques, qui sans doute se rendent ridicules
en publiant tant de Pancartes estonnantes & fulminantes,
sans seulement faire peur aux Clercs, ny aux Procureurs
de la Cour ; Ce que cette Compagnie sage & prudente fit
bien paroistre en continuant de rendre la Iustice, & trauaillant
à la conseruation & reformation de l’Estat, sans auoir
aucun esgard à cette interdiction pretenduë & ridicule.
Qu’ainsi ne soit, le 17. Fevrier 1649. Messieurs les Gens du
Roy ayans receu vn passe-port de saint Germain en Laye

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pour aller trouuer la Reine Regente, auec cette inscription ;
A Messieurs Talon, Bignon, & Meliand, cy-deuant nos
Aduocat, & Procureur Generaux dans nostre Cour de
Parlement ; Voyans ces qualitez nouuelles, & ce stil injurieux,
refuserent le passe-port, & ne voulurent partir tant
qu’ils en eurent vn autre en bonne forme qui leur fut enuoyé
le iour mesme.

 

Ces actes publiques, & ces entreprises sans effet, font
assez connoistre l’inconstance & foiblesse de ces Ministres
qui ne peuuent souffrir de contradicteurs en leurs tyrannies,
& qui interdisans tant d’Officiers fideles & necessaires plus
qu’eux mille fois, veulent faire comme Cleomenes qui massacra
tous les Ephores, pour estre maistre seul de l’Estat &
de la Iustice.

Ie ne puis obmettre ce qui se passa en cette mesme année
1649. pour seruir de regle & de prejugé au temps present,
sçauoir que le Conseil d’Enhaut ayant enuoyé vne Declaration
au Presidial d’Orleans pour iuger Souuerainement &
en dernier ressort, auec deffences de plus reconnoistre le
Parlement de Paris qui est son reformateur legitime & naturel ;
Ces petits Officiers chatoüillez du nom d’Independans
& de Souuerains, enregistrerent leur nouuelle attribution,
& se mirent en deuoir d’en joüir auec peu de respect,
& trop de precipitation, dequoy le Parlement aduerty, voulant
les maintenir dans le deuoir, & leur apprendre le peu
d’estat qu’ils deuoient faire d’vne interdiction qui ne se peut
entreprendre pendant vne Minorité, ny lors qu’vn Roy
n’est point en liberté, ny dans son lict de Iustice, ny dans
quelque autre temps, ny pour quelque pretexte que se puisse
estre, donna l’Arrest qui s’ensuit le 8. Fevrier 1649. La Cour
toutes les Chambres assemblées, ayant deliberé sur la Lettre du Substitut
du Procureur General du Roy à Orleans, du 30. du mois de Ianuier
1649. escrite audit Procureur General, & apportée à ladite Cour
ce matin par les Gens du Roy, faisant mention du refus fait par les
Gens tenans le Presidial audit lieu d’executer les Ordres & Arrests
de ladite Cour à eux enuoyez, & de ce qu’ils ont fait registrer vne

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Declaration pour juger Souuerainement ; Ouy lesdits Gens du Roy, &c.
A esté arresté & ordonné, que les Lettres de ladite Cour, & les Arrests
d’icelle seront derechef enuoyez ausdits Officiers du Presidial,
Preuosté, Maire & Escheuins d’Orleans, ausquels elle enjoint de les
receuoir, faire registrer, & executer incessamment à peine d’interdiction ;
Leur fait tres-expresses inhibitions & deffences de receuoir,
deferer, & reconnoistre autres ordres contraires à ladite Cour, donnez
pour maintenir l’authorité du Roy, & la tranquillité publique. Leur
fait en outre deffence de connoistre & iuger d’autres matieres que de
celles à eux attribuées par les Edicts du Roy verifiez en ladite Cour.
Enjoint au Gouuerneur & Suiets dudit Seigneur Roy de ladite Ville tenir
la main à l’execution, à peine d’estre declarez pertubateurs du
repos public.

 

Le 16. ensuiuant il donna pareil Arrest pour tous les Officiers
de son ressort, qui ne manquerent pas d’y obeïr, comme
ils y sont obligez ; Ce qui maintient l’Estat & les suiets
dans vn ordre, vne tranquillité, & vne abondance qui ne
se trouue point auiourd’huy, à cause des traistres & des faux
freres qui ont renoncé à leur honneur & à leur serment pour
se vendre & prostituer à l’ennemy de l’Estat, au Bourreau
des peuples, & au destructeur de la Iustice.

Apres cette interdiction imaginaire, & qui ne fut point
signifiée, non plus qu’executée, les choses venant à s’accommoder,
son Altesse Royale disant en la Conference qui
se tint à Ruel le 11. Mars 1649. auec les Deputez de cette
mesme Compagnie interdite pour des procez, & reconnuë
pour les affaires d’Estat, que le Parlement de Paris estoit supprimé,
& qu’il falloit le restablir à Tours, Monsieur le premier
President luy respondit auec beaucoup de vigueur &
de verité, Que cette suppression n’auoit pas esté verifiée, que la puissance
des Rois estoit bornée aux Ordonnances & Loix du Royaume qui
desiroient cette verification, ce qui luy ferma la bouche, & à tous les
Ministres.

Apres plusieurs contestations on conclut vn Traitté ce
mesme iour, & les articles en furent signez, le second desquels
porte, sans plus parler d’interdiction, Que le Parlement

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se rendra suiuant l’ordre qui luy sera donné par sa Majesté à saint
Germain en Laye, où sera tenu vn lict de Iustice par sa Maiesté, auquel
la Declaration contenant les articles accordez, sera publiée seulement,
apres quoy le Parlement retourna à Paris faire ses fonctions
ordinaires.

 

Monsieur le premier President, auec les autres Deputez,
ayans rapporté ces articles & ce traitté de Paix, la Cour deliberant
sur iceux le Lundy 15. Mars 1649. elle ordonna à l’esgard
du second que nous venons de cotter, que les Deputez
du Parlement retourneroient à saint Germain en Laye pour
faire instance d’obtenir la reformation de quelques articles,
sçauoir de celuy d’aller tenir vn lict de Iustice à saint Germain,
& prier le Roy d’en dispenser le Parlement, pour estre
trop contraire à la Majesté d’vn Senat dont il est le Chef, &
premier Senateur, qui ne peut souffrir de taches ny d’atteintes
quelques legeres qu’elles soient, non plus que la Vierge
qu’il represente, & qu’il conserue auec tant d’integrité qui
est la Iustice ; Ce qui fut accordé sans difficulté quelconque,
& fut dit qu’il enuoyeroit seulement ses Deputez à saint Germain
en Laye le Mardy 6. Avril ensuiuant, pour complimenter
leurs Majestez, & les assurer de son obeïssance & de sa fidelité ;
Le Corps de la Compagnie demeurant dans le lieu de
leurs Majeurs qui ne doit iamais souffrir d’eclypses, ny de
changement qu’auec les fondemens de la Monarchie de laquelle
il est le premier & principal appuy ; Arca fœderis in locum
suum, in oracuum Templi, in sanctum Sanctorum, subter alas
Cherubin ; Reg. lib. 3. cap. 8. vers. 6. qui sont les Anges Gardiens
du Royaume, ces Tuteurs des Rois, & ces conseruateurs du
Temple de la Iustice, & des Loix, fondamentales de l’Estat.

Ce grand Parlement qui ne diminuë rien de sa force, ny de
son pouuoir pour les broüillards & les nuées qui le troublent
& qui l’offusquent sans le toucher, sçachant que le Conseil
qui n’aime que le desordre & la confusion, taschoit d’abattre
sa Iustice & son authorité, il donna Arrest le 4. Fevrier 1649.
portant que ; Sur ce qui a esté proposé qu’il a esté donné vn Arrest au
Conseil tenu à saint Germain en Laye depuis peu de iours, portant que

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tous les Contracts & obligations faites en cette Ville de Paris le 5. Ianuier
seront nulles, ce qui est contre l’ordre & equité, & fait à dessein
de troubler le repos & tranquillité publique, & renuerser le commerce
d’entre les fideles suiets du Roy ; La matiere mise en deliberation, Ladite
Cour toutes les Chambres assemblées, a ordonné & ordonne que
tous lesdits Contracts & obligations & autres actes faits & passez en
cette Ville entre tous particuliers & Communautez, vaudront & seront
executez comme bien & legitimement faits, nonobstant tous iugemens
& lettres à ce contraires ; Et sera le present Arrest affiché, &c.

 

Ce ne seroit point assez à cette source de Iustice de se conseruer
soy mesme dedans sa pureté, sans monstrer que son
pouuoir est assez grand & assez puissant pour maintenir &
proteger ceux qui l’implorent, & qui sont sortis de son sein.
Toute la France sçait, que les Ministres ayans mené le Roy
Mineur au Parlement le Mercredy 15. Ianuier 1648. pour y
faire verifier six Edicts bursaux par la force de sa presence ; Le
lendemain tous les Maistres des Requestes ausquels on auoit
donné douze Compagnons nouueaux par l’vn de ces Edicts,
s’assemblerent dans leurs Chambre au Palais, & resolurent de
s’opposer à l’execution de l’Edict qui les concernoit comme
ils firent dans la grand’Chambre, & de chercher en suite aupres
du Parlement les moyens de se garantir & se deffendre
de la violence de cette nouuelle creation, & de l’injustice des
Ministres qui l’appuyoient & qui la desiroient. Cette deliberation
estant venuë à la connoissance de la Reine Regente, &
du Conseil, elle les fit mander le mesme iour sur le soir au Palais
Royal, où s’estans trouuez, Monsieur le Chancelier leur
dit en presence de leurs Majestez, que le Roy auoit esté informé
de plusieurs deliberations qu’ils auoient faites, lesquelles
estoient entierement contraires au bien de l’Estat, & aux
assaires presentes du Royaume, &c. C’est pourquoy il auoit
ordre du Roy de leur interdire l’entrée de ses Conseils, jusques
à ce qu’ils eussent rapporté toutes leurs deliberations
pour estre lacerées & biffées en leur presence.

Les Maistres des Requestes moins estonnez qu’auparauant
de ce mauuais traittement, qui fut encore suiuy de quelques

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paroles aigres de la Reine qui leur dit, que c’estoient de
belles gens pour s’opposer aux volontez du Roy son sils ; Ne
laisserent pas de poursuiure leur premier dessein, & d’entrer
dés le lendemain Vendredy matin dans la grand’Chambre
au nombre de quatre suiuant leur priuilege, pour demander
acte au Parlement toutes les Chambres assemblées, de l’opposition
qu’ils formoient à la verification de l’Edict de creation
de douze Maistres des Requestes nouueaux, & à l’execution
de l’Arrest de verification qu’on disoit y auoir ; Alleguans
pour moyen, que le Roy ne pouuoit créer d’Officiers
dans les Compagnies Souueraines pendant sa Minorité ; Surquoy
le Parlement leur donna acte de leur opposition qui seroit
jugée les Chambres assemblées ; Ce qui estourdit tellement
les Ministres d’Estat, & les autheurs de toutes ces nouueautez
oppressantes, qu’on les restablit le Mercredy 8. Iuillet
1648.

 

Ces Messieurs non contens d’vne victoire si glorieuse pour
eux, & si infame pour les chercheurs d’argent de peuple, en
voulurent encore vne confession publique, & contraignirent
les Partisans de leur persecution, de deffaire par vn Edict honteux
ce qu’ils auoient entrepris par vne patente injuste & violente ;
Lequel fut publié & verifié au Parlement le Roy y
seant en son lict de Iustice le 31. Iuillet ensuiuant ; Et ce auec
des Eloges d’autant plus indignes d’vn Souuerain, & de ceux
qui le conseillent, qu’ils sont donnez à des Officiers qui se seroient
contentez de moins ; qui est veritablement prostituer
l’authorité Royale, & la rendre contemptible entierement ;
Voicy comme ils sont conceus dans l’article 13. de cette Declaration
deplorable ; La necessité de nos affaires nous ayant obligé
cy-deuant de faire plusieurs creations d’Offices, entre autres de Maistres
des Requestes de nostre Hostel ; Ayant consideré les seruices qui nous
ont estez rendus par lesdits Maistres des Requestes de nostre Hostel
en diuerses occasions importantes, dont nous auons vne satisfaction
singuliere joint le grand nombre d’Officiers qui y sont à present ; Nous
auons iugé à propos, ayans esgard aux instances qui nous en ont esté
faites, de supprimer lesdits offices de Maistres des Requestes créez

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par nostre Edict du mois de Decembre dernier ; Et à cette fin nous auons
reuoqué & reuoquons ledit Edict de creation de douze Maistres des
Requestes ; Verifié nous y seant en nostre lict de Iustice, & iceux Officiers
auons supprimé & supprimons, sans qu’en consequence dudit
Edict il y puisse estre cy-apres pourueu. Voila comme on desaduouë
publiquement & solemnellement, ce qui se fait dans le
Cabinet des Partisans auec trop d’imprudence & de temerité,
& comme on louë par des actes eternels & authentiques,
ceux qu’on traittoit de belles gens, & de peu de consideration
en discours familiers. O jeune Roy ! quand serez-vous
mieux seruy, & plus fidellement conseillé.

 

Toute la France sçait, & se mocque que ce mesme Conseil
ayant interdit le Parlement de Bourdeaux en l’an 1650.
& que voulant en faire autant de celuy de Thoulouse, il en
demeura aussi sot, & aussi peu satisfait, que ses parchemins
bien seellés & mal executez ont esté peu reuerez & peu reconnus ;
Puis que ces patentes n’ont seruy qu’à faire voir
que ces Ministres interessez sont assez imprudens pour entreprendre
toutes sortes de choses, & assez lasches & assez
foibles pour n’en pouuoir executer aucune, qui est pecher
contre les maximes & les principes du mestier qu’ils font, &
dont ils s’acquittent si mal. Et pour monstrer que ie ne parle
ny par ignorance, ny par passion, il faut pour ma justification,
& la conuiction de ces dangereux Politiques, que ie rapporte
fidellement les propres termes des Remonstrances que le
Parlement de Bourdeaux fit au Roy, & à la Reyne Regente
le 3. Septembre 1650. imprimées chez Bessin à Paris 1650.
pag. 8. & 15. touchant cette interdiction pretenduë, Les voicy
sans desguisement quelconque.

Monsieur le Chancelier ayant accordée & seellée l’interdiction du
Parlement de Bourdeaux en l’an 1650. par l’ordre du Mazarin, duquel
il n’est que l’Officier & le Ministre ; il seella encore vne Declaration
en blanc au nom du Roy, dattée d’vn iour apres l’interdiction,
portant reuocation pour vne partie des Officiers du Parlement, qui fut
remplie par le Duc d’Espernon dans Bourdeaux mesme du nom de ceux
qui luy estoient le moins odieux. Cet Ouurage de diuer ses mains, escrit

-- 20 --

de diuerses lettres, en deux diuers endroits du Royaume si esloignez
l’vn de l’autre, fut signifié le lendemain de l’interdiction par les
Huissiers à la Chaisne qu’il auoit enuoyez, & remis és mains du Procureur
General de ce Parlement. Et vostre Maiesté peut iuger par la
liaison de ces artifices si grossiers, auec quel mespris de l’authorité Royale,
& auec quelle iniure de la dignité de vostre Regence on a publiquement
fabriqué vn crime de faux au Seau, & auec quel abandonnement
on a prostitué l’Image du Roy, pour satisfaire à la fureur & à la
vengeance d’vn particulier, contre les droits & les Priuileges d’vne
Compagnie Souueraine. Et sept ou huict pages apres. Monsieur le
Cardinal s’est fait expedier au Seau, qu’il change de main quand il
veut, vne Declaration de Generalissime de France, & a fait fermer
ce Seau depuis six mois pour les expeditions des offices de cette Compagnie,
qui est vn nouueau genre d’iniustice. Et contre les anciennes Ordonnances,
& les termes exprés de la Declaration de Decembre 1649.
fait expedier incessamment des Euocations generales en faueur de
ceux qui ont commis des cas execrables dans la Prouince, pendant ces
mouuemens, auec des termes infamans contre l’honneur de la Compagnie
qui demeure chargée d’opprobres, & priuée de sa Iurisdiction
par des tiltres où vostre Seau est appliqué, & par l’exemption qui est
accordée à ces coupables, &c.

 

Ce n’est pas d’aujourd’huy que les Adorateurs des fauoris,
& les fauteurs de la maltote & des partisans se seruent
de ces remedes iniustes & violens, mais nous sçauons aussi
que ceux qui en connoissent le foible & l’iniquité en font si
peu d’Estat, qu’ils n’ont iamais esté publiez & signifiez, que
pour estre cassez & reiettez presque au moment de leur naissance.
Les Registres du Parlement nous apprennent, que le
Conseil d’Estat ayant donné vn Arrest à Fontaine-Bleau le
18. Septembre 1578. par lequel les Greffiers & les quatre
Notaires de la Cour estoient inter dits de leurs Charges, faute
d’auoir par eux payé les taxes nouuelles esquelles ils
estoient cottisez ; La Cour par son Arrest du 23. Octobre ensuiuant,
leue ladite interdiction, & enjoint aux Greffiers &
quatre Notaires d’icelle de signer toutes les expeditions,
nonobstant l’interdiction à eux faite en vertu de l’Arrest dudit

-- 21 --

Conseil, ce qu’ils firent sans se mettre en peine dauantage.

 

Comme si les Ministres d’Estat auoient fait vœu de ne iamais
commettre que des iniustices, & de ne pas deuenir sages
à leurs propres despens en corrigeant leurs fautes passées ;
sans considerer que tant d’interdictions temeraires &
inutiles ne sont que des marques de leur foiblesse, & de leur
imprudence, ils sont encore si opiniastres & si aueuglez
dans leur erreur, qu’ils font imprimer vne interdiction nouuelle
du Parlement de Paris à Pontoise le dernier iour de
Iuillet 1652. Et parce que les Colporteurs l’ont debitée secrettement
& comme en cachette pour en tirer quelque
douzains, il importe de desabuser les lecteurs de cette Gazette,
pour leur faire connoistre le peu de fondement de
cet escrit, & les nullitez & les precipitations qui s’y rencontrent,
si tant est que quelque mauuais François, ou quelque
traistre à sa Patrie y voulut adiouster la moindre creance, &
luy donner quelque rang parmy les actes publics de nos
Registres approuuez.

Cette Pancarte qui contient douze grandes pages, exposée
dãs les trois dernieres sous le nom d’vn Roy de quatorze
ans, tres-mal informé, & encore plus mal conseillé ; Que
l’authorité violente que les rebelles ont vsurpée dans nostre ville de Paris,
n’a laissé aucune liberté à nostre Parlement, nous auons transferé
& transferons par ces presentes nostredite Cour de Parlement de Paris
en nostre ville de Pontoise, où nous voulons & entendons, que tous les
Presidens, Conseillers, nos Aduocats, & Procureur general, Greffiers,
Notaires & Secretaires, Huissiers, Aduocats, Procureurs & autres
officiers & supposts d’icelle, ayent à s’y rendre incessamment pour
y faire la fonction de leurs Charges, &c. Et cependant iusques à ce
qu’ils ayent satisfait à nostre commandement, nous leur auons interdit
& interdisons toutes fonctions & exercices de leursdites Charges,
à peine de faux, & d’estre procedé contre ceux qui auront refusé d’obeir
comme contre des rebelles & desobeissans, selon la rigueur de nos Ordonnances.
Auons fait & faisons tres-expresses inhibitions & deffenses
à tous nos suiets de quelque qualité & condition qu’ils soient, de

-- 22 --

se pouruoir à l’aduenir pardeuant eux ny ailleurs, que pardeuant les
gens de ladite Cour qui se trouueront assemblez en ladite ville de Pontoise,
le tout à peine de nullité des iugemens, & de desobeissance, &
d’estre les contreuenans declarez criminels de leze Maiesté, &c. Si
donnons en mandement à nos amez & feaux les Presidens & Conseillers
de nostre Parlement estant de present en nostredite ville de Paris,
qu’ils ayent à cesser toutes deliberations apres la lecture des presentes,
& à se rendre incessamment pres de nostre personne en nostre ville de
Pontoise, pour y estre les presentes leuës, publiées en nostre presence,
& registrées par ceux des Presidens & Conseillers de nostredite Cour
qui s’y trouueront assemblez, pour estre le contenu en icelles executé selon
leur forme & teneur, &c. Donné à Pontoise le dernier iour de
Iuillet 1652. Signé LOVIS, & plus bas par le Roy, De Guenegaud,
seellé du grand Sceau de cire iaune.

 

En suite de cette pretenduë Declaration, est imprimé l’acte
qui s’ensuit ; Ce iourd’huy 6. du mois d’Aoust 1652. Le Roy estant
dans son Chasteau de Pontoise, les presentes Lettres ont esté leuës &
publiées de l’Ordonnance de sa Maiesté en sa presence, celle de la Reine
sa Mere, &c. Et des Presidens & Conseillers de sa Cour de Parlement
de Paris transferé à Pontoise, mandez pour cet effet ; Moy Conseiller
de sa Maiesté en son Conseil d’Estat, & Secretaire de ses commandemens
present.

Signé, DE GVENEGAVD.

Apres cet Acte en suit vn autre que voicy ; Auiourd’huy 7.
Aoust 1652. la presente Declaration & translation du Parlement de
Paris à Pontoise, a esté Registrée au Greffe dudit Parlement tenu à
Pontoise les Chambres assemblées suiuant l’Arrest de ce jour.

Extrait des Registres de Parlement.

Ce iour la Cour les Chambres assemblées, le Procureur general du
Roy est entré en la Cour, & a porté les Lettres patentes en forme de Declaration,
signées LOVIS, & plus bas par le Roy, DE GVENEGAVD,
&c. Veu lesdites Lettres par lesquelles, & pour les considerations
y contenuës, sa Majesté de l’aduis de son Conseil, &c. Veu aussi
l’acte de la lecture & publication faite de sdites Lettres dans le Chasteau
de Pontoise en presence du Roy, de la Reine, &c. & des sieurs Presidens
& Conseillers de ladite Cour de Parlement de Paris transferé à

-- 23 --

Pontoise, mandez pour cet effet, &c. Conclusions du Procureur general
du Roy : Tout consideré ; LADITE COVR a ordonné & ordonne
que lesdites Lettres seront Registrées, &c. & qu’il sera donné
aduis du present Arrest aux autres Parlemens, & enuoyé autant de
ladite Declaration & Translation. Fait en Parlement les Chambres
assemblées, tenu à Pontoise le 7. Aoust 1652. Signé RADIGVES.

 

Examinons maintenant les impostures, les faussetez, les
nullitez, les impertinences, & les impossibilitez de cette pretenduë
Declaration, & des actes & Arrest qui l’accompagnent.

L’imposture y est visible & manifeste, en ce que l’on qualifie
de rebelles son Altesse Royale, & les Princes du Sang
qui souhaittent & conuient le Roy de retourner tous les
jours dans sa bonne ville de Paris, où ils l’attendent auec
obeïssance & fidelité ; d’adjouster que ces Messieurs n’ont
laissé aucune liberté au Parlement qui ne se plaint point,
c’est vne imposture publique entassée sur vne autre aussi noire
& aussi connuë, puis qu’on void le contraire tous les jours,
& que les vns & les autres sont vnis & associez dans la Cour
des Pairs, & le lieu de leurs Majeurs, pour chercher les
moyens de reünir la Maison Royale, d’esloigner les Estrangers
qui causent cette diuision, & qui tiennent le Roy en
captiuité pour la fomenter, & abuser de son ieune aage & de
son authorité ; & finalement rendre le repos & la tranquillité
aux suiets de sa Maiesté, que des Ministres illegitimes &
reprouuez par les Loix fondamentales de l’Estat, leur rauissent
& leur desrobent.

La fausseté de cette Patente est toute apparente en l’acte
du 7. Aoust, signé DE GVENEGAVD, Portant que cette
Declaration d’interdiction a esté leuë ce mesme iour de
l’Ordonnance de sa Maiesté en presence des Presidens &
Conseillers de sa Cour de Parlement de Paris transferé à
Pontoise, mandez pour cet effet ; sans se souuenir qu’ils ont exposé
par vn motif de douleur dans cette mesme Declaration,
en la page 6. & 9. que l’effort que les rebelles qui sont à Paris
firent le 25. Iuin auparauant aux aduenuës du Palais où se

-- 24 --

rend la Iustice, contre ceux des Officiers de nostre Parlement
qui n’auoient pas aueuglément suiuy toutes leurs passions,
& les mauuais traittemens qu’ils receurent en sortant
de ce lieu venerable, &c. auec la violence qui se commit en
l’Hostel de Ville, le 4. Iuillet ensuiuant, qui donne de l’horreur
à tous ceux qui en entendent le recit, auec des menaces
& voyes de fait, obligea le Gouuerneur, le Preuost des Marchands,
le Lieutenant Ciuil, & grand nombre de nos autres
principaux Officiers & seruiteurs (qui sont les Presidens &
Conseillers qui sont à Pontoise depuis ce temps-là) à sortir
de ladite Ville pour en demeurer les maistres, &c.

 

Outre cette Patente faite à plaisir, nous auons encore la
response par escrit que le Roy fit aux six Corps des Marchands
de Paris, à Pontoise le 1. Octobre 1652. signée Lovis,
& plus bas, DE GVENEGAVD, laquelle porte en termes
expres sur la fin ; Qu’il est necessaire auant que le Roy retourne à
Paris, que le Gouuerneur & les Magistrats qui ont esté cy-deuant chassez
de ladite Ville, y soient restablis pour y faire en toute seureté la
fonction de leurs Charges ; & qu’en mesme temps le Preuost des Marchands,
& les deux Escheuins qui ont esté depossedez, &c. soient continuez
en leurs Charges, &c. Estant à remarquer pour vne intelligence
plus grande, qu’il distingue icy les Officiers du
Parlement d’auec ceux de l’Hostel de Ville, & partant la
fausseté susdite doublement confirmée.

S’il est vray, comme il n’en faut pas douter, & comme cette
mesme Declaration le tesmoigne, & la response du Roy
sus-alleguée, que les Presidens & Conseillers qui sont à Pontoise
s’y sont rendus fugitifs dés le 5. Iuin dernier qu’ils sortirent
de Paris à l’inconnu, il est faux d’escrire dans vn acte
signé par vn Secretaire d’Estat, qu’ils y ont esté mandez exprés,
le 6. Aoust ensuiuant, pour y tenir vn Parlement auquel
on n’a pensé que deux mois apres, & que l’on n’a basty
que sur leur presence & leur infidelité ; Ces veritez sont de
fait & de notorieté publique, & ne faut pas plus de preuues
ny de Philosophie dauantage pour les persuader aux enfans
mesmes.

-- 25 --

Les nullitez de cette piece sont euidentes, en ce qu’elle
est contraire aux loix fondamentales de l’Estat, & la nature
du Parlement qui est se dentaire & immuable, & que n’estant
point verifiée en quelque part que ce soit, elle ne peut auoir
d’effet ny de vigueur, comme Monsieur le premier President
fit entendre à Monsieur le Duc d’Orleans à Ruel dans
la Conference du 11. Mars 1649. luy soustenant & à tous les
Ministres, que la puissance des Rois est bornée aux Ordonnances
& Loix du Royaume qui desirent cette verification,
comme nous auons desia remarqué cy-deuant ; Et si la verité
est tousiours vne, ie ne puis comprendre comme vn mesme
Magistrat si intelligent & si penetrant pourra parler d’vne
sorte comme premier President, & d’vne autre comme
Garde des Sceaux & Ministre d’Estat ; encore veritablement
qu’il tesmoigne assez qu’il ne croit point le Parlement
qui est à Paris interdit, puis qu’il luy addresse les Patentes
qu’il seelle & qui luy appartiennent, comme il a fait les prouisions
du sieur Portelot Procureur de la Cour, données &
seellées à Compiegne le 13. Septembre 1652. qui eut Arrest
de reception le Samedy 28. du mesme mois & an ; outre
qu’en France on n’interdit, & ne priue-on iamais aucun Officier
que pour crime & pour forfaiture prouuée & iugée ;
A plus forte raison deux cens tout à la fois, sans plaintes,
sans delict, sans procedure, sans conuiction, sans condemnation,
& sans connoissance de cause, & ce par des personnes
coupables & sans pouuoir, comme si vn criminel pouuoit
condamner son Iuge crainte qu’il ne luy fit son procez
ces faux freres de Pontoise estans coupables de droit & de
fait. Et ne sçais comment des Magistrats, si Magistrats peuuent
estre appellez, qui ont auec toutes les Chambres assemblées
au lieu de leurs Majeurs, iugé & condamné dans
les formes ordinaires le Mazarin, & le banny du Royaume,
peuuent puis apres verifier vne abolition pour luy qui les accuse
d’iniustice & de violence ; c’est souffler le chaud & le
froid d’vne mesme bouche, faire & deffaire, absoudre &
condamner en mesme temps, ce qui ne s’est pû faire que les

-- 26 --

mesmes Chambres assemblées, autrement vne seule du Parlement
rebelle & desaduoüée, auroit plus de pouuoir seule
que toutes les autres ensemble, & pourroit reformer en
son paticulier, ce qu’elle auroit conclu & arresté auec le
general, qui est vne temerité inoüye & punissable.

 

Pour les impertinences de cette translation sacrilege, elles
se voyent par les contes faits à plaisir qui la remplissent,
& par les actes qui la suiuent, où le Prestre Martin chante
& respond ; on la lict, on la concerte, & on la publie deuant
le Roy en presence des Presidens & Conseillers suiuans la
Cour & le Mazarin, & six iours apres ces mesmes Presidens
& Conseillers se retirans de dans leur grange pour faire vn
Parlement, la verifient pour plaire à leur criminel, & se rendre
la honte & l’opprobre des gens de bien ; & douze Conseillers
qui violent leur serment, & qui renoncent à l’honneur
de leur dignité, sans sçauoir où s’asseoir ny où se retirer,
sans Greffiers, sans Huissiers, sans Procureurs, sans Aduocats,
sans parties mesme, & sans Officiers, donnent vn
Arrest les Chambres assemblées dans vn meschant Auditoire
qui n’en a qu’vne, & où ils ne sont pas nombre pour en
composer vne comme ils font & doiuent faire à Paris, où ils
sont trente tout au moins.

Quant aux impossibilitez, elles se voyent en lisant, & la
Patente & les Actes qui sont en suite, en ce qu’on ordonne
le dernier Iuillet au Parlement de Paris, qui est composé de
deux ou trois mille Officiers de se rendre à Pontoise dedans
trois jours, puisque le 6. Aoust ensuiuant on enregistre sa
translation imaginaire, & que toute cette ville qui est trop
petite pour loger la seule Maison du Roy, n’est pas capable
ny suffisante d’y donner le couuert seulement au Parlement
de Paris & à sa suite, quand le Roy mesme en sortiroit & tous
ses habitans. Tesmoins douze ou quinze qui y sont sans suite
& sans Officiers, que l’on desloge tous les jours, & que l’on
chasse de la ville sans auoir esgard à leur grand zele, quoy
qu’indiscret, ce dessein n’estant pas moins inepte ny moins
ridicule que seroit celuy de vouloir mettre Paris dedans

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Corbeil, & son Archeuesché à Vaugirard. C’est pourquoy
il ne faut pas trouuer estrange si ce grand Senat qui n’est pas
fait comme vn Regiment de Carabins, ne quitte pas facilement
le lieu de ses Majeurs, le Temple de la Iustice, & le
Throsne de nos Rois qui ne peut estre sujet aux inconstances
de la Cour ny aux desreglemens de ceux qui n’en connoissent
point la grandeur ny la Majesté, pour trotter &
pour courir apres vn Mazarin qui n’a point de retraite : Et si
se seruant de sa prudence & de son authorité ordinaire, il a
donné Arrest toutes les Chambres assemblées, le 9. Aoust
1652. Sur ce qui luy fut representé, que depuis quelques jours treize
ou quatorze, tant Presidens que Conseillers de ladite Cour, se sont retirez
de cette Ville, & allé en celle de Pontoise, où sous faux pretexte
& contre le deuoir de leurs Charges, ils ont fait vne assemblée & pretendu
establissement du Parlement dans l’Auditoire dudit lieu, dans
lequel ils s’ingerent de donner des Iugemens par vne forme extraordinaire,
& entreprise sans exemple sur la Iustice souueraine de sa Majesté,
au preiudice de son authorité, & de l’honneur du Parlement. Oüy
sur ce Bechefert Substitut pour le Procureur general du Roy ; Ladite
Cour a cassé ledit pretendu establissement, l’a declaré & declare nul
& illegitime, comme fait par gens sans pouuoir, & contraire aux
Loix fondamentales de l’Estat, aux Ordonnances du Royaume, repos
& tranquillité publique ; leur fait tres-expresses inhibitions &
deffenses de s’assembler ny donner aucuns Iugemens à peine de faux ;
& à tous les Officiers & sujets du Roy de les reconnoistre, & de se pouruoir
pardeuant eux en quelque sorte & maniere que ce soit. Enioint
à tous les Iuges du ressort d’enuoyer les procez en ladite Cour, ainsi
qu’il est accoustumé, à peine de respondre des dommages & interests
des parties : Et sera le present Arrest leu, publié & affiché par tous
les carrefours de cette Ville & Faux-bourgs, & enuoyé à tous les Bailliages
& Sieges Presidiaux, & autres du ressort, pour estre pareillement
leu, publié, gardé & executé, & donné aduis d’iceluy & de l’entreprise
aux autres Parlements. Fait en Parlement le 9. Aoust 1652.
Signé, DV TILLET.

 

Ces entreprises & ces coups de passion de tant de Ministres
Estrangers qui abusent de la facilité d’vn Roy de quatorze

-- 28 --

ans, & qui ignorent les maximes & les Loix fondamentales
de nostre Monarchie, me font souuenir de ce qui
arriua à Rome dés le commencement de sa fondation, entre
Romulus & le Senat qu’il institua pour se maintenir, & conseruer
la Majesté qu’il se preparoit. Ce Prince immortel à
qui toutes choses portoient ombrage, n’eut pas formé cette
Compagnie souueraine & Politique, qu’il en deuint jaloux
& ne pouuoit plus la souffrir ; ces grands Magistrats qui l’auoient
receu & reconnu pour Prince, suiuant les Loix establies
& approuuées, vouloient joüir de leurs droits & de leur
authorité dans la connoissance & le gouuernement de la
chose publique qui les regardoit : Romulus au contraire
pretendoit faire des esclaues de ceux qu’il auoit choisi pour
Ministres de l’Empire qu’il bastissoit ; Le Senat qui auoit esté
institué pour ayder le Prince ne pouuoit souffrir ce mespris
ny cette tyrannie ; si bien que le Souuerain qui deuoit le
maintenir, tascha de le ruiner & de l’abolir, sans pouuoir
neantmoins en venir à bout.

 

Le Parlement de Paris est bien en plus forts termes, il n’est
point en sa naissance comme le Senat de Rome, il y a tantost
treize siecles qu’il est reconnu de nos Rois, & qu’ils en font
le lict de leur Iustice, & le Throsne & le fondement de leur
Estat ; Les Histoires Estrangeres aussi bien que les nostres, remarquent
que sans ces colomnes inesbranlables le Royaume
auroit changé de trente sortes de Seigneurs, & d’autant de
mains differentes, & sans aller plus loing, c’est luy seul qui
sans armée & sans bataille a conserué la Couronne à nostre
jeune Roy, empeschant comme il fit par son Arrest, qu’on
ne l’osta à Henry IV. son Ayeul, la veille que les Ligueurs
en deuoient eslire vn autre.

Les Loix fondamentales de l’Estat sont tousiours plus
fortes & plus inuiolables en leur fin qu’en leur commencement,
la possession les affermit, l’vsage les rend irreuocables.
Les fondemens ne s’enleuent point sans remuer la superficie,
& l’effet d’vne bonne cause ne se peut changer ny
alterer qu’auec sa cause mesme ; quand on fera vn nouuel

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Estat (dequoy Dieu nous preserue) on fera des Loix nouuelles,
& vn establissement nouueau, tel qu’on le trouuera à
propos ; nous en auons vn solide & fauorable, il faut s’y arrester.
Il y a treize cens ans que nostre Monarchie subsiste, il
y a tout autant que le Parlement de Paris est reconnu pour
celuy qui la maintient, soixante-six Rois l’ont tousiours regardé
pour la baze & la source de leur Iustice & de leur authorité,
c’est pour quoy il ne peut receuoir aujourd’huy d’alteration
ny de changement qu’auec vn bouleuersement general
de l’Estat, puis qu’il en est la Regle & le Conseruateur.

 

S’il y auoit soustraction d’obeïssance, comme autrefois
sous Charles VII. & de nos jours sous Henry IV. vn Roy
legitime & reconnu pourroit l’appeller & le transferer aupres
de soy pour l’arracher d’entre les mains de l’vsurpateur
qui seroit Maistre de Paris, & l’approcher de sa personne
pour appuyer son authorité, & se seruir de ses Conseils ; en
quoy il seroit assez fidelle & assez affectionné pour s’y rendre
de soy mesme. Mais au contraire, nous auons de dans la
Capitale tous les Princes du Sang, deux cens Senateurs &
les Compagnies Souueraines de la Ville qui ne demandent
que la presence du Roy, qui luy enuoyent des Deputez de
jour en jour pour le supplier de retourner dedans sa bonne
ville de Paris, qui donnent à tous momens des Arrests & des
imprecations contre ceux qui le tiennent esloigné, & qui
luy preschent la haine & l’auersion de ses plus veritables &
plus fide les sujets ; Et parce que ce nombre infiny de gens de
bien ne peut adherer à la malice & à la perfidie de cinq ou six
Estrangers qui sont Maistres, & de la personne sacrée de sa
Majesté, & de toute son authorité ; Il faut placer le Cardinal
Mazarin estranger & banny de cet Estat dessus le Throsne
de nostre Roy, & luy donner pour assesseurs vn Roy
d’Angleterre qui ne sçait faire que des mal-heureux, auec
trois de ses Milords qui luy ont fait perdre trois Couronnes,
le Prince Thomas qui est pensionnaire du Roy d’Espagne &
l’ennemy iuré de la France, & vn miserable Italien Zongo
Onde dei, qui est l’image & l’espion du Mazarin chassé des

-- 30 --

Conseils de la France, & qui neantmoins y peut tout & y
fait tout, encore qu’il en soit reconnu le Tyran & le destructeur
abominable.

 

Et pour comble d’iniustice & de desordre, on donne le
nom de Parlement de Pontoise à trois Presidens, & dix ou
douze Conseillers que l’on a chassez de Paris à cause qu’ils y
trahissoient le Roy pour soustenir le Mazarin ; & on inter dit
deux cens Senateurs incorruptibles & inuiolables, qui maintiennent
& qui conseruent l’authorité Royale, & qui ne
peuuent souffrir qu’on renuerse l’Estat, qu’on mette le
Royaume en proye ny qu’on abuse plus long-temps du nom,
de la personne, & de l’authorité de sa Majesté. Ces faux freres,
& ces Ministres infideles n’ont qu’vn jeune Roy enleué
& mal-heureusement trompé, & ceux qui conseruent le
Temple de la Iustice, la Capitale du Royaume, & le Throsne
de sa Majesté, ont la Royauté toute entiere, & le lieu &
le caractere de son authorité legitime ; l’vn est immortel, &
l’autre ne l’est point ; on abuse vn enfant de quatorze ans qui
n’entendit iamais de verité, & on ne peut surprendre vne
sagesse ancienne, & des Loix qui n’ont point erré depuis
treize cens ans. Vn grand Aduocat general du Parlement
de Paris, rendant au Roy Henry IV. les graces qu’il deuoit,
dit en la page 34. de son Remerciement, Que c’est ce Royaume
de qui l’Estat n’a iamais changé, & de qui les Loix fondamentales
sont encore en vigueur & en honneur, comme elles estoient dés sa naissance ;
on en veut dire de mesme aujourd’huy.

Nous n’ignorons point que pendant que les Anglois se
rendirent maistres de Paris depuis le 29. May 1417. iusques
au 13. Avril 1436. le Dauphin de France qui fut apres Charles
VII. s’estant declaré Regent du Royaume pour la maladie
de Charles VI. son pere, establit vn Parlement pendant
ce temps-là à Poictiers, composé des Presidens & Conseillers
qui s’estoient retirez de Paris, lequel y fut remis le 1.
Decembre 1436. & reüny à ceux qui y estoient restez, apres
neantmoins que ceux-cy eurent renouuellé le serment de
fidelité au Roy ; dequoy ne peuuent pas se dispenser ceux

-- 31 --

qui sont à Pontoise, si on leur fait iamais cette grace & cet
honneur, pour auoir faussé celuy qu’ils doiuent à sa Majesté,
à son lict de Iustice, & à la dignité de leurs Charges, pour
suiure vn proscrit, & se prostituer à celuy-là mesme qu’ils
ont condamné par leurs Arrests.

 

Nos Peres ont veu pendant la Ligue, le Parlement de Paris
qui suiuoit le party du Roy se retirer à Tours en l’an 1590.
parce qu’il appuyoit la Loy Salique, qui est fondamentale en
cet Estat, & non pas ceux qui vouloient la corrompre & la
violer, comme font les traistres & les perfides qui sont à la
suite du Mazarin & de sa fortune aueugle & insolente.

Ceux qui ont parlé du Parlement, qu’vne mauuaise Regente
& vn meschant fauory voulurent establir à Amiens
enuiron l’an 1400. remarquent que les Ministres qui par
voyes obliques ont aspiré à la Royauté, ou ont voulu troubler
l’Estat, diuiser & partialiser les sujets du Roy, ont toûjours
creu ne le pouuoir faire sans l’authorité des Parlemens ;
Et n’en pouuans auoir de leur costé, en ont estably
dans les lieux où ils auoient toute-puissance ; Ce que Monstrelet
tesmoigne escriuant, Que Iean Duc de Bourgogne
ayant esté chassé de la ville de Paris (& non si honteusement
que le Mazarin) & de la presence du Roy Charles VI. de
l’authorité duquel il se targuoit pour fauoriser son entreprise
contre la Maison d’Orleans, s’empara puis apres de plusieurs
Villes, comme d’Amiens, Senlis, Montdidier, Pontoise,
Corbeil, Chartres, Tours, Mente, Meulan, Beauuais
& autres ; & tout d’vne suite s’estant joint & vny auec la
Reine Isabelle, il enuoya Philippe de Moruilliers dedans
Amiens accompagné de quelques personnages notables, &
d’vn Greffier, pour y faire sous le nom de la Reine vne Cour
Souueraine de Iustice, au lieu du Parlement de Paris.

Il est assez facile d’appliquer ce desordre & cette rebellion,
aux bouleuersemens & confusions que le Cardinal Mazarin
suscite tous les iours à la ruine & à la desolation de l’Estat,
ne sçachant imiter que les Tyrans qui l’ont precedé, &
les maximes que nos Loix rejettent, & que nos Ordonnances

-- 32 --

condamnent. Et le projet que cét ignorant & malheureux
Ministre fait de transferer dans Orleans les parjures & les sacrileges
qui l’ont suiuy auec vn nom de Parlement qu’ils prostituent
& qui ne leur appartient point, confirme de plus en
plus sa mauuaise conduite, & le peu de capacité qu’il a de
pouuoir gouuerner vn Royaume duquel il ne sçait & ne connoist
l’vsage, les regles, ny les Loix, puis qu’il est constant
entre nous, comme remarque Choppin, en son traitté du
Domaine de la Couronne de France, liu. 2. tit. 15. num. 11.
Que le Parlement ne peut estre tenu dedans les terres & Seigneuries
baillées en Apanage, de peur qu’elles ne semblent par ce moyen emporter
les marques de Souueraineté, & qu’en cette façon la Couronne soit demembrée
& despecée ; Ce qu’il confirme par l’exemple de Louys XI. qui
baillant à Titre d’Apanage à Charles son frere le Duché de Guyenne en
l’an 1469. Le Parlement de Bourdeaux en fut soudain transferé à
Poictiers, & y demeura l’espace de trois ans, tant que vescut Charles
Duc de Guyenne Apanager. Ainsi la Cour de Parlement de Paris ne
trouuant pas bon, de ce que François I. delaissa à Henry son fils la joüissance
de la Bretagne, auec le Parlement & la Chancellerie dudit païs,
par lettres du 9. Fevrier 1540. parce que les verifiant elle y adjoûta
cette clause, sans approbation des qualitez du Parlement & Chancellerie
de Bretagne qui n’appartient qu’au Roy & à ses Officiers, par Arrest
du 19. Avril 1540. Parce, dit Maistre Charles du Moulin, tit.
1. de mater. feod. § 2. gloss. 4. in Verbo, serment de feauté, num.
17. que ; Rex non potest in aliquo priuari jurisdictione Regia, quam
debet in offensum, quia formalis virtus Regis est jurisdictio, quæ prorsus
de se est inabdicalis à Rege manente Rege, nec est separabilis à Regia
dignitate, siue sui veluti subjecti corruptione. Igitur sicut non potest
Rex diuidere, nec corrumpere Regnum, ita nec aliquem de Regno
à sua jurisdictione eximere, nec abdicare totam administrationem jurisdictionis
seu potestatis Regiæ, etiam quoad aliquem locum, vel ad
aliquam personam Regni.

 

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Anonyme [1652], DE LA NATVRE ET QVALITÉ DV PARLEMENT DE PARIS, ET Qu’il ne peut estre interdit ny transferé hors de la Capitale du Royaume, pour quelque cause ny pretexte que ce soit. , françaisRéférence RIM : M0_857. Cote locale : B_15_32.