Anonyme [1652], DE LA NATVRE ET QVALITÉ DV PARLEMENT DE PARIS, ET Qu’il ne peut estre interdit ny transferé hors de la Capitale du Royaume, pour quelque cause ny pretexte que ce soit. , françaisRéférence RIM : M0_857. Cote locale : B_15_32.
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SECTION I.

De l’Origine, establissement, progrés, puissance, grandeur & majesté
du Parlement de Paris.

CE n’est pas mon dessein de remplir ce discours
de mille & mille recherches curieuses & necessaires
qui pourroient se rapporter pour embellir
le fond de cette Section, & prouuer que les
Autheurs les plus sensez & les mieux receus,
n’ont point espargné leurs loüanges non plus que la verité,
quand ils ont dit & publié, que ce grand Senat estoit la gloire
du monde, l’honneur de la France, & l’appuy de la Monarchie.
Ie veux seulement par forme de maximes sommaires

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poser pour fondement, que dans la premiere Race de
nos Rois les Francs s’assembloient tous les ans, sans que
personne pust se dispenser de s’y trouuer, à moins que d’vne
excuse tres-legitime ; le Roy y tenoit le premier rang dessus
vn Tribunal esleué par dessus les autres.

 

C’estoit dans cette assemblée que se faisoient les Loix, la
police generale de l’Estat, les traittez de Paix, les declarations
de la guerre, les alliances generales & particulieres,
& en somme toutes les affaires les plus grandes & les plus
importantes du Royaume. Tout se decidoit par la liberté
des suffrages ; tout le monde auoit part à la deliberation, parce
que ceste Monarchie a esté fondé sur la liberté, n’y ayant
point de gouuernement plus legitime ny plus naturel. Tacite
qui estoit tesmoin de nostre ancienne façon d’agir & de
gouuerner, parlant des premiers Germains dont nous sommes
descendus, dit en son Liure, De Morib. Germanor. cap. 1. 2.
Qu’ils faisoient leurs Rois de la maison la plus Noble & la
plus Illustre, mais qu’ils n’auoient pas la puissance de faire
tout ce qu’il leur plaisoit ; Regibus non est infinita, aut libera potestas ;
& s’expliquant dauantage au Chapitre suiuant, il adjouste ;
qu’il est bien vray que les Princes deliberoient seuls
des petites affaires, mais des grandes & de celles de consequence,
tous en general chacun opinant selon que l’aage le
portoit, ou qu’ils estoient eloquens & bien disans, leur authorité
prouenant plustost de leurs persuasions, & de la force
de leurs raisons, que non pas de leur pouuoir ny de leur
puissance de commander absolument ; Rex, vel Princeps, provt
ætas cuique, provt facundia est, audiuntur authoritate suadendi magis,
quam iubondi potestate.

Dans la seconde Race, la France s’estant accruë par les
conquestes de Charlemagne & de ses Enfans, il fut impossible
d’assembler comme auparauant toute la Monarchie. On
reduisit cette Assemblée generale aux Principaux du
Royaume, qu’on faisoit aussi tous les ans, tantost dans vn
lieu, & tantost dans vn autre, sans en auoir aucun de certain
ny d’ordinaire.

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Cette forme de gouuernement se continua dans la troisiesme
Race pendant trois cens ans, où rien ne s’est traitté
ny conclu qu’auec cette authorité publique, n’y ayant autre
Tribunal pour les affaires d’Estat, & la police generale du
Royaume que cela ; c’est pourquoy nos Historiens ont appellé
ces Assemblées ; Iudicium Francorum.

Sous le regne de Philippe Auguste, qui viuoit en l’an 1182.
ces sortes d’Assemblées par le iugement desquelles tout
estoit resolu, changerent de nom, & non pas d’authorité,
estant appellées Parlement, & fut long-temps ambulatoire,
iusques au Regne de Philippe le Bel, qui le fit sedentaire enuiron
l’an 1300. & celuy de Louis Hutin son fils, qui luy
donna son Palais peu de temps apres pour en faire vn Corps
ordinaire & Politique, qui dure encore aujourd’huy auec
plus de splendeur & de majesté que iamais.

Ce Parlement ainsi estably, & les affaires d’Estat & publiques
ne se presentans pas tous les jours à decider, il commença
à connoistre par appel des causes importantes & de
consideration qui regardoient les particuliers, & les Communautez ;
sans perdre pour cela la connoissance des affaires
publiques, n’ayant garde de renoncer à vn droit si auantageux,
puisque c’estoit la source de son establissement, & qu’il
ne representoit pas moins cette Assemblée generale des
Francs, conseruant tousiours sa premiere dignité & son ancien
pouuoir, encore qu’il fust sedentaire.

Et de fait, nous voyons que le Parlement de Paris a toûjours
esté vn abregé des trois Estats, puisque nous y remarquons
encore aujourd’huy l’Eglise representée par vn nombre
de Conseillers Clercs ; la Noblesse dans la personne des
Princes du Sang, & des Ducs & Pairs de France Clercs &
Laics, qui sont les premiers de la Couronne ; & deux cens
autres familles Illustres & notables, qui reuestent & qui
composent cet Auguste Senat. Si bien que ce Corps & cette
Compagnie en son entier estant mixte de la sorte, est encore
l’image & le racourcy de tous les Ordres du Royaume.

Le Roy y a son lict de Iustice, à l’exemple du Tribunal sur

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lequel il estoit tousiours esleué dans l’Assemblée generale
des Francs, au commencement de la Monarchie, ou dans
l’Assemblée des grands de l’Estat en la seconde Race, & plus
de trois cens ans dans la troisiesme, comme nous venons de
remarquer. Le Chancelier mesme qui est le premier Officier
de la Robbe, & le premier membre du Corps de ce Parlement,
& non pas le Chef, comme remarque Monsieur le
President Seguier dans vne Remonstrance du 2. Mars 1571.
y a sa place ; Il est aussi dans le Conseil secret du Roy, mais il
n’y peut faire aucun acte de iurisdiction, quand il s’agit d’vne
affaire qui regarde le Roy & le peuple ; c’est dans le Parlement
seul qu’il doit la resoudre, comme nous le voyons encore
tous les iours sans difficulté quelconque. On y traite
encore à present les mesmes matieres qu’en ces premiers
temps ; le Roy y enuoye tousiours les motifs qu’il pretend
auoir de faire la guerre, & de la declarer ; & les Estrangers
ne croyent point la paix concluë auec nous, qu’apres que le
traitté y a esté verifié les Chambres assemblées.

 

C’est vne loy fondamentale en France, que rien ne peut
estre imposé sur les sujets du Roy, & qu’on ne peut faire aucun
Officier nouueau, que par le consentement du Parlement,
qui represente l’adueu general de tout le peuple. On
sçait qu’il connoist du Domaine, du droit de Regale, des
Duchez & Pairies, & de tous les droits eminens de la Couronne.
Il est seul qui peut faire le procez aux Princes du
Sang, aux Officiers de la Couronne, aux Ducs & Pairs, &
autres grands du Royaume. C’est luy qui fait les Regens, qui
declare les Maioritez, qui authorise les Ordonnances, &
qui maintient la Loy Salique, comme nous auons veu en la
personne de Philippe de Valois contre Edoüard Roy d’Angleterre,
& en celle de Henry IV. pendant la Ligue, ayant
rendu le calme à toute la Monarchie par vn seul de ses Arrests.
Le deffunt Roy y enuoya luy mesme son testament,
sçachant bien qu’il ne pouuoit auoir d’authorité dans le public
sans cela, parce qu’il y disposoit de la Regence, & de
l’ordre du gouuernement.

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Ie pourrois m’estendre dauantage sur ce sujet necessaire
& considerable, mais comme ie reserue cette entreprise pour
vn Ouurage plus solide, & plus particulier, où nous approfondrons
& justifierons plus amplement & plus authentiquement,
la puissance, la grandeur, & la Majesté de cét Illustre
Parlement, venons à nostre Section seconde, & monstrons
que le tiltre que nous luy donnons n’est pas moins veritable,
que la doctrine que nous soustenons est saine & raisonnable.

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