M. B. J. V. D. R. D. L. P. P. T. [1652], EXAMEN DES PARALELLES FAITS PAR VN EXCELLENT PREDICATEVR Entre Dauid & le Cardinal Mazarin, ou pour mieux dire, entre le Traistre Campobasso Italien, auec le mesme Mazarin. Au iugement du Lecteur. Par M. B. I. V. D. R. D. L. P. P. T. , françaisRéférence RIM : M0_1319. Cote locale : B_13_18.
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EXAMEN
DES PARALELLES
FAITS PAR VN EXCELLENT
PREDICATEVR
Entre Dauid & le Cardinal Mazarin,
ou pour mieux dire, entre le
Traistre Campobasso Italien,
auec le mesme Mazarin.

Au iugement du Lecteur.

>Par M. B. I. V. D. R. D. L. P. P. T.

A PARIS,

M. DC LII.

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EXAMEN DES PARALELLES FAITS
par vn excellent Predicateur, entre Dauid & le Cardinal
Mazarin, ou pour mieux dire, entre le Traistre
Campobasso Italien, auec le mesme Mazarin.

Au Iugement du Lecteur.

L’Amour que nous portons aux nostres pour nos interests
nous oblige ordinairement à justifier leurs deffauts, encore
que tout le monde les condamne. Le moindre rapport
que nous pouuons apparemment faire de leur cause à vne iuste
& irreprochable, nous la fait incontinent publier sans delay.

C’est vn heritage de nostre premier Pere, que de couurir
tousiours nos fautes : mais Dieu sçait tout à descouuert.

Il faut rendre le Lecteur iuge de la comparaison, qu’on a
fait du Cardinal Mazarin auec Dauid, lors qu’il s’estoit retiré
vers Achis Roy des Philistins. L’Histoire en est rapportée au
premier liure des Rois chap. 27. 28. 29. Dauid auoit eu vne
fois Saul en ses mains, lors qu’il luy coupa le bord de son
Manteau dans vne Cauerne en la Montagne d’Engaddi chap.
24. v. [1 lettre ill.]. & encore vne autrefois lors qu’il surprit les Gardes
du Roy Saul la nuict, & qu’il emporta sa Lance posée au
cheuet dudit Saul chap. 26. v. 12. ce qui fit connoistre à l’armée
d’Israël comme aussi à Saul, que Dauid nauoit point
voulu tremper ses mains au sang du Roy Saul, encore qu’il le
poursuiuist à mort.

Dauid sé pouuoit confier en Dieu, puis qu’il auoit destourné
la peruerse volonté que Saul auoit contre luy, quand Saul
mesme confessa sa faute, & dit à Dauid chap. 26. v. 25. Benis
sois tu mon fils Dauid, & vrayement en faisant prospereras, &
auras grande puissance. Neantmoins Dauid dit en son Cœur
chap. 27. v. 1. Ie tomberay quelque iour es mains de Saul : ne vaut il
pas mieux que ie m’en fuye, & que ie me sauue en la terre des Philistins ?

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Dauid s’en alla auec 600. hommes vers Achis Roy de
Geth, qui le receut & luy donna la ville de Siceleg. Dauid
fit aussitost paroistre sa valeur par des notables Exploits de
guerre contre les Amalecites v. 8. qui ramenant les butins au
Roy Achis comme s’ils fussent prouenus des peuples d’lsraël,
apres auoir fait passer hommes & femmes sans reserue ny pardon
au fil de l’espée, acquit tant de bonnes graces aupres du
Roy Achis, qu’il se confia entierement à luy v. 12 tellement
qu’il se mit à la garde de Dauid chap. 28. v. 1. 2 pour batailler
en l’Armée des Philistins contre Israël.

 

Mais les Princes Philisthins ne voulurent point batailler
auec Dauid chap. 29. disans v. 4. affin qu’il ne soit nostre aduersaire
à batailler, car comment pourra il autrement appaiser son Seigneur,
si non par nos testes ? Ainsi Achis appella Dauid v. 6 &
luy rendant tesmoignage de son affection, & combien il faisoit
estat de sa fidelité & de sa valeur, il le congedia, & luy
dist v. 7. retourne donc & va en paix, affin que tu n’offense point
les yeux des Princes des Philisthins. C’est icy vn fait d’Estat, où il
y a beaucoup de choses à considerer. Car si Dauid a bien fait
ou non de se defier de la protection de Dieu pour se mettre
en celle des Philistins ennemis du Peuple de Dieu & de sa
patrie : s’il a deub dissimuler en ses exploicts de petite Guerre
s’il auroit deu batailler pour le Roy Achis, à qui il auroit voué
son seruice contre sa patrie, ou s’il auroit deu tromper Achis
contre sa foy, ce la soit au iugement de celuy, qui seul conduit
le mal fait à bonne fin comme il veut.

Or pour retourner à nostre propos, on veut que le Cardinal
Mazarin soit Dauid, & par consequent que le Roy de France
soit Achis Roy des Philisthins & que les Princes de la Palestine,
qui sont Philisthins soient nos Princes François. Qui
sera donc le peuple d’Israël peuple de Dieu contre lequel le
Roy & les Princes de France auront à batailler ? Ce sera sans
doute l’Espagnol. Partant si les Paralelles se rapportent, il faudra
que le peuple Espagnol soit vaincu comme a esté Israël
en ce temps la sur la Montagne de Gelboë, & que le Roy
Saul estant tué au fort de la Bataille le Cardinal Mazarin succede
à la Couronne d’Espagne comme a fait Dauid à la Couronne
d’Israël. Mais de mal est qu’il n’a point tué Goliath auec
la Fronde comme a fait Dauid : Mais qu’il s’est plustot fié à la
force de ses armes empruntées du Roy, qu’à la deffense que

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Dieu fait d’vne iuste cause sans armes, comme estoit celle de Dauid.
Il ne faudroit plus que le faire le Prophere Daniel, lequel fut ietté
dans la Fosse des Lyons à la suscitation des Princes Medes & Persans
contre la volonté de Darius leur Empereur, nonobstant la
grande affection qu’il luy portoit à cause de son esprit prophetique
Dan. 6. v. 16. 18. Le Roy sit commandement & amenerent Daniel & le
ietterent en la Fosse des Lyons, & le Roy dit à Daniel, ton Dieu que tousiours
tu adore iceluy te deliurera, le Roy sen alla coucher sans soupper & ne
peut dormir. Mais la comparaison ne se pourroit rapporter, car au
lieu de ietter Mazarin en la Fosse des Lions, on le met en lieu d’asseurance
loing de la presence des Lyons de iustice desquels il n’eust
peu eschaper sans estre deuoré comme Perturbateur du repos public
de toute la France.

 

Le Lecteur iugera tout le contraire s’il prend la peine de lire le Iugement
rendu sur le Plaidoyer de l’Autheur de la Verité toute Nuë.

Mais si nous sortons des Histoires Sacrées à la Seculiere, nous
trouuerons beaucoup plus de rapport, & de Paralelle entre Campobasso
Italien de Nation, Fauory du Duc de Bourgogne & Colonel
de Caualerie, & le Cardinal Mazarin, c’est en la vie de Louis II.
lors que le Royaume de France balançoit de force auec les Ducs de
Bourgogne, nommement Charles qui par sa valeur auoit acquis le
Tiltre de Terrible.

Premierement Campobasso estoit Italien, aussi est Mazarin.

Campobasso quitte son Seigneur le Roy d’Espagne pour en se
vouant au Duc de Bourgogne, la trahir par apres. Mazarin quitte
ses Seigneurs le Pape & le mesme Roy d’Espagne, pour en se donnant
au Roy de France, le perdre & son Royaume, ou pour le
moins l’assuiettir à l’Estranger.

Campobasso se veut obliger au Roy Louis XI. & à René Duc de
Lorraine de tuer son Maistre le Duc de Bourgogne. Mazarin en perdant
le Royaume par le trouble qu’il y a apporté fait mourir le Roy
en la ruine de son Estat.

Campobasso donne vn mauuais conseil au gré de son Maistre au
Siege de Nancy. Mazarin en donne vn plus pernicieux pour sieger
la ville de Paris.

Campobasso receut vn soufflet de son Maistre. Mazarin a receu
vn plus grand affront des Parisiens, que mil soufflets & bastonnades
que luy deuoit donner le Roy son Maistre.

Campobasso a trahi son Maistre par ses intelligences auec les princes
Suisses & Allemans. Mazarin par sa perfidie s’est accommodé

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auec ses aduersaires pour trahir le sang Royal en ostant à l’vn l’authorité
d’Oncle du Roy, & à lautre la liberté en le mettant en prison.

 

Campobasso veut empoisonner son maistre pour acquerir les
bonnes graces du Roy Louis & dudit René, Mazarin empoisonne
en effet & ensorcelle le Roy & la Reyne sa mere par son pernicieux
conseil, & s’en rend maistre pour seruir la cabale d’Espagne.

Campobasso tire les forces de son maistre au iour de la Bataille
par vne execrable perfidie, & se ioint aux Princes Suisses & Allemans,
Mazarin employe les forces du Roy contre les François, lors qu’il
les faut employer contre l’Espagne, & se rend maistre de la maison
du Roy & dispose de toutes ses forces & finances pour les distribuer
aux Estrangers.

Les Princes Allemans ont en horreur le traistre Campobasso, &
ne veulent combatre auec luy ; les Princes du sang de France ne
veulent qu’vn perfide Estranger ayt part au Gouuernement de l’Estat
à leur honte & au preiudice de toute la France.

Campobasso est donc chassé de la fidelité des Allemans : Mazarin
est iustement banny de France, par la constante resolution des
Princes du Sang.

Les Princes Suisses & Allemans emportent la victoire sur le Duc de
Bourgongne & les Bourguignons & Flamans : aussi tous nos Princes
François sur les Cabalistes & Perturbateurs de la France.

Campobasso fait tuer le Duc de Bourgogne & toute son Armée
deuant Nancy, Mazarin fait perir l’armée du Roy à Estampes, &
allieurs, & fait mourir la reputation du Roy par tout, où il le mene.

Enfin l’innocence de nostre Roy Louis a meu le Tout puissant à luy
desiller les yeux pour veoir & recognoistre la perfidie de celuy qui
les luy fermoit pour en faire iustice, ou pour mieux dire pardon de
ses enormes crimes en le banissant seulement. Quoy faisant il y trouuera
son salut, & celuy de ses Princes, & de ses peuples.

Or pour reprendre nostre propos des Paralelles que pense auoir
bien rencontré Monsieur le Predicateur entre Dauid & le Cardinal
Mazarin, ie crois qu’il ne les auroit mis en auant s’il auoit bien
consideré son fait, dautant que quand il croit auoir bien dit à l’aduantage
du Mazarin, il le condamne par la suite de l’Histoire rapportée
audit premier Liure des Rois chap. 29. v. 3. 49. Or les Princes
Philistins marchoient par cent & par milliers, & Dauid auec ses hommes
estoient en la derniere compagnie auec Achis. Et les Princes des Philistins
dirent à Achis, que veulent ces Hebreux cy ? Achis leur dit, ne connoissez
vous point Dauid, qui a esté Seruiteur de Saul Roy d’Israel, qui estant à moy

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passez sont plusieurs ans, & nayant trouué aucune chose en luy depuis qu’il est
fuy vers moy. Mais les Princes des Philistins se sont courroucez contre luy, &
ont dit que l’homme sen retourne, & qu’il ne descende point auec nous à la Bataille
affin qu’il ne soit fait nostre aduersaire & Achis respondant, dit à
Dauid. Ie sçay que tu es bon à mes yeux comme l’Ange de Dieu. Mais les
Princes des Philistins ont dit il ne sera point auec nous en la Bataille, leue toy
donc le matin & ten va.

 

Si donc par ce recit le Roy Achis à deu acquiescer à ses Princes,
& si les Princes ont eu raison, le Mazarin n’est-il point iustement banny
par le commandement du Roy, ce qu’il auroit deu faire à la remostrance
des Princes de France, il y a longtemps ?

Les plus grands Rois de la terre ont tousiours acquiescé a la iuste
volonté de leurs Princes. Ils ont tousiours beaucoup mieux aimé
abandonner leurs fauoris que d’encourir la malueillance de leurs
Princes. Les Princes sont les bras qui bataillent pour eux & pour
la conseruation de la patrie. Darius empereur des Medes & Persans
encore qu’il fut bon & excellent Prince, fut neantmoins contraint
suiuant les lois des Persans & Medes d’accorder ce que les Princes
luy demanderent encore que malicieusement & par l’enuie qu’ils
portoient à Daniel le Prophete, que le Roy auoit fait le premier des
Princes naturels du Royaume, Dan. 6. v. 7. Tous les Princes de ton
Royaume ont pris conseil auec tous les Magistrats, Preuosts, Senateurs, &
Iuges que l’Edit du Roy ne seroit change. Quand les loix sont vne fois
establies & qu’elles sont receuës en vn Estat, il n’est plus loisible à
personne de les transgresser, principalement quand elles sont fondamentalles.
Le Prince mesme, qui les a fait publier par Edict y est suiet,
& les doit faire executer.

Or si les Monarques encore que Payens ont eu raison de conseruer
leurs loix & coustumes pour garantir leurs Estats de diuision & de ruine,
que ne doiuent point faire les Princes Chrestiens ?
Que s’ils nont point pardonné à leurs plus fidels & plus exempts
de crimes pour le bien public, que n’a point deu faire le Roy contre
celuy que toute la France iuge coupable de tous les maux & de tous
les crimes qui ont osté cõmis en Frãce depuis la mort du Roy Louis ?

Si le Cardinal Mazarin auoit esté digne de la qualité qu’il porte,
il deuoit dire auec le Prophete Ionas, prenez moy & me iettez en la
Mer, & la Mer s’appaisera vers vous. Car ie connois que à cause de moy
cette grande tempeste est venuë. Dieu auoit commandé a Ionas d’aller à
Niniue pour y prescher la Penitẽce, qui aulieu d’accepter cette charge
& de correspondre à la vocation de Dieu, il fuit & print le chemin

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de Tharse sur Mer. Ionas fut donc ietté en la Mer : mais il fur garanty
par vn extraordinaire miracle au ventre de la Balene & trois iours
apres vomy sur le bord de la Mer.

 

En suite de quoy Ionas reconnoissant sa faute satisfit au commandement
de Dieu, & par sa predication sauua de ruine cette grande Cité
de Niniue conuertie par penitence Ioan 1. v. 2. 3. 10. Mais nostre Mazarin
n’a eu garde de se mettre en tel hazard. Le Pecheur endurcy,
monte au plus haut des crimes, plustot que de se recõnoistre. La condition
d’vn Cardinal estant Sacerdotale deuroit estre occupée aux
affaires du Sacerdoce, & non point aux affaires Seculiers. Ainsi ledit
l’Apostre escriuant à son disciple Timothée Ep. 2. chap. 2. v. 4. Nul
qui est en la guerre de Dieu ne s’empesche des affaires Seculieres. Mais on veut
marier l’vn auec lautre pour tout vsurper & ioindre la terre auec le
Ciel. C’est pourquoy Mazarin a bien fait vne autre guerre que celle
de Iesus Christ. Il a allumé vn feu intestin pour deuorer la France
par elle mesme, comme le Cardinal de Richelieu a embrazé toute la
terre pour la reduire en cendre. La pensée & les faits de ces Cardinaux
nous font horreur, encore veut on qu’ils soient iustes, & qu’ils
soient tenus pour saints à cause de leurs robbes. Certainemẽt si nostre
Mazarin estoit tel, il se deuoit laisser ietter dans la Fosse des Lyons
de Iustice, c’est à dire dans la Conciergerie, & s’il eut esté sans crimes,
Dieu auroit fermé la bouche des Lyons & des Iuges, plustost
qu’il fut condamné.

Au reste s’il est iustement comparé à Dauid, & qu’il ait esté trouué
bon aux veux du Roy comme l’Ange de Dieu, en la mesme façon
que Dauid parut aux yeux du Roy Achis, ce n’est de merueille, pour parler
auec Sainct Paul, 2. Cor. 11. v. 14. 15. car Satan mesme se transfigure
en Ange de lumiere. Ce n’est donc pas grand chose si ces Ministres aussi se desguisent
en Ministres de Iustice desquels la fin sera selon leurs œuures Il est
bien aisé de tromper vn Prince innocent, qui ne void & ne connoist
aucune chose, que par ceux qui luy ferme les yeux & l’entendement
si non à ce qu’ils luy font veoir & connoistre. Neantmoins si la chaise
de l’Euangile est infaillible, & que les Paralelles se rapportent en
tout, Mazarin deuiendra plus puissant que ses Maistres. Mais ce seroit
vn extreme malheur, qu’il fallut tousiours souffrir sous les loix d’vn
barbare plus cruel que son Maistre Mechiauel.

Le Iugement est laissé au Lecteur.

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