Laubespine,? de [signé] [1652 [?]], LA LETTRE DE MONSIEVR DE CHASTEAV Neuf, enuoyée à Monseigneur le Prince de Condé, sur le retour du Cardinal Mazarin à Poictiers. , françaisRéférence RIM : M0_2013. Cote locale : B_11_26.
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LA
LETTRE
DE MONSIEVR DE
CHASTEAV Neuf, enuoyée à Monseigneur
le Prince de Condé,
sur le retour du Cardinal
Mazarin à Poictiers.

Iouxte la copie Imprimée à Poistiers.

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LA LETTRE DE MONSIEVR
de Chateau Neuf enuoyée à Monseigneur le Prince
de Condé sur le retour du Cardinal Mazarin à
Poiters.

MONSSEGNEVR,

L’excellence de vostre esprit, la bonté de
vostre naturel, la generosité de vostre courage, &
les hauts faits qui vous ont rendu recommendable
par tout le monde, ne peuuent trouuer d’Eloges
assez energiques, pour exprimer vos grandeurs
& les veritables loüanges qui vous sont
deües, vostre bras animé d’vn courage l’inuincible
a fait trembler tous vos rebelles. l’Allemagne
en a ressenty la pesanteur, & les ennemis ont esté
contrants d’auoüer que vostre espée estoit mortifere ;
C’est ce qui leur a souuantefois faict prendre
la fuitte, c’est vostre valeur qui vous a fait par
tout moissonne les Palmes, les lauriers, & par

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tous les lieux où vous auez paru, vous auez remporté
de tres insignes victoires, & les plus ennemis
de la vertu, & de vos eminentes perfections,
sont contrains de publier que vous estes vn Mars
tres redoutable, & que les Trophées & Couronnés
suiuent vos pas, tous les cœurs trauaillent à
vous chercher vne gloire immortelle, aussi la
louange est vne recompense qu’on ne peut denier
aux merites & ceux qui refusent de la donner,
ne sont point capables de la receuoir. On ne
vous peut donc denier, Monseigneur, ce qui vous
est deub, la France erige des autels à vostre
memoire, & n’a que des veux & des souhaits
pour son liberateur ; aussi elle seroit reputée tres
ingrate si elle ne publioit de cœur & de voix le vif
eclat de vos sublimes qualités, puisque le ciel
vous à deputé pour estre vn de ceux qui doiuent
participer à la gloire de sa liberation contre ce filou
estranger, ce sanguinaire, & inhumain : en
vn mot ce Mazarin qui par ses l’achetés, a attiré
les maledictions du Ciel aussi bien que celles de
la terre : son aueuglement a esté bien extreme
veu qu’il a esté insatiable & dereglé que non
contant d’auoir ruiné la France, & tiraniquement
extorqué tous ses biens, mais encore fait
eluder des Princes, des grands Seigneurs, mesme
choqué le Parlement, auec vn tel excez de rage &
perfidie, qu’il a recherché des voyes aussi iniques

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qu’indirectes pour opprimer l’vn, & perdre les
autres. Cette fatale histoire est en la bouche d’vn
chacun, mesme les enfans ont-ils attaint l’aage
de raison qu’ils sont imbus de ses malefices, aussi
ce cruel imdompté est le scandal d’vn chacun,
la pierre d’achoppement & le glaiue de la maudite
babilone. Dieu vous a susité Monseigneur
auec nos autres valeureux generaux, pour anneantir
cet infernal ennemi, & suprimer ses forces
qui ne sont qu’estrangers veu qu’il n’est qu’vn
l’ache comme ses actions le tesmoignent ; Il
faut confesser qu’il n’appartient qu’aux ames nobles
reuestues de la charité à faire des actes heroiques,
& de ne se laisser gaigner par des presents
ny corõpre par les promesses. C’est en ce sens que
vous vous estes rendu d’autant plus recõmandable
& digne de nos respects, & venerations que ce
monstre effroyable a presenté à decouuert des
dons qui ne sont capables de flater, que les ames
basses, & mercenaires afin de vous attirer à son
mal-heureux party, & vous faire complice de
ses iniustices. Mais touttes les promesses qui flattent
les sens des mondains, n’ont fait aucunne
impression sur vostre esprit, aussi il ny a que les
Corbeaux qui s’attachent à la terre, mais les aigles
s’esleuent au ciel pour contempler les astres
& receuoir leurs benignes influances : vous estes
le Soleil de la France Monseigneur puisque vous

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en dissipsés les nuages, & que par vous son tiran
sera eclipé, ie le vois tout melancolique, &
saisi d’effroy à la veuë de tant d’ennemis qui aspirent
tous à sa perte : aussi celuy qui na point fait
misericorde ne la doit point trouuer, la loy
diuine le veut, & la naturelle le confirme, vous
auez espousé les interests du peuple, aussi auez
gaigné son cœur, il attend de vostre magnanimité,
la liberté de son salut, & vous pouuez
attendre de luy son affection, & vn desir inuiolable
de vous seruir. Nous sçauons que les
grandes reuoltes contre le Ciel furent abbatus,
par le foudre de Iupiter qui rend les choses
steriles, appaise les orages de la mer, qui gouuerne
soubs son empire les Villes, les Enfers,
les Morts, & les Dieux, les Enfans de la terre
se confians en la grandeur excessiue de leurs
corps, & en la force de leurs bras ont autresfois
donné de la terreur à Iupiter le voulant
de placer de son throsne. Ce sont des fictions
pœtiques où il ny a aucune apparence de verité ;
mais vos faits heroïques sont tellement
cognus qu’aucun ne les ignore & pour le dire
en peu de mots vous estes vn Mars tres-redoutable,
& la suitte de vos jours vn tissu de prodiges,
la mort qui est tres-formidable qui donne
de la crainte, & de la terreur, & qui a vne
face terrible, vous l’apriuoiserez ou pour mieux

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mieux dire vous l’accablez soubs la pesanteur de
sa faux : c’est ce qui fait esperer vn tres heureux
succes, & ayant vne si bonne cause fortifiée
par vn si bon Advocat, le gain est indubitable :
vostre eloquence Monseigneur ce sont les
ruedes atteintes que vous liurez aux ennemis ; &
dans ce noble employ vous vous rendez infatigable,
aussi Dieu vous anime & fortifie vos
armes qui sont pour la defence des peuples oprimés
par vn impitoyable tyran, & partant l’euenement
en sera fauorable à sa plus grande
gloire, & au contentement de la France qui
sans cesse vous comble de mille benedictions
auec des prieres tres-feruentes pour vostre prosperité.
En fin Monseigneur vous estes l’appuy
de la couronne l’honneur, & le protecteur de la
patrie qu’estant soubs le pesant faix des affaires
Françoises qui est le cabinet où maintenant vous
tirez vos saintes & studieuses occupations
qui vous donneront vne eternelle renommée :
vous rendes pas moins aimable entre les plus
petis que vostre vertu & authorité venerable
entre les plus grands, si ie n’auois point peur de
rendre mon silence criminel i’imiterois T. lieu
qui dit qu’il vaut mieux se taire que de dire
peu ; mais de rendre ma langue muette ce seroit
vn crime : vous auez trop de bonté pour ne
pas suppléer au defauts de celuy qui en toute reuerence

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& humilité prie le Ciel de vous estre fauorable
dans toutes ces entreprises belliqueuses,
& vous estre vn prodigue des graces, tout le mõde
inuoque le nom de Dieu pour la conseruation
de vostre santé si chere & necessaire à la France
ie souhaite toute felicité fait retentir l’air de vos
loüanges & le Ciel de sa priere c’est le tribut
& l’hommage que vos seules vertus exigent de
tous les hommes & le desir que i’ay sur tout de
vous tesmoigner auec combien d’affection ie
demeure.

 

Vostre tres humble & tres-obeïssant
seruiteur.

Monseigneur. De Laubespine.

Fait ce iourd’huy 24. Ianuier 1692.

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