Anonyme [1649], CONTRE LES ENNEMIS DE LA CONFERENCE ET DE LA PAIX. ALIDOR A ARISTE. , françaisRéférence RIM : M0_785. Cote locale : C_7_75.
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CONTRE LES ENNEMIS
de la Conference & de la Paix.

ALIDOR A ARISTE.

Vous vous estonnez, cher Ariste,
que la paix desirée des peuples auec
ardeur, en ait esté receuë auec mespris,
ses mediateurs auec outrage,
& qu’on ait veu le rameau d’oliue,
que les necessitez de l’Estat deuoient ioindre à ses
Astres de bon-heur, foulé aux pieds indignement
comme vn instrument de mort, ou la marque d’vne
vengeance continuée. Quelle bizarrerie, dites-vous,
ces sages & pures Colombes que nous auions
laschées pour chercher vn port dans les menaces
d’vn naufrage, ne sont pas si tost de retour,
glorieuses de leur innocente conqueste, qu’on
prend la route qu’elles enseignent pour vn égarement
qui va conduire au precipice, & sans l’authorité
d’vn de nos braues Generaux, leur Palais
alloit deuenir leur tombeau, & leurs adorateurs
enseuelir ces Dieux au milieu de l’autel & dans

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l’appareil de leur triomphe : Desabusez-vous, Ariste,
de l’opinion que vous auez conceuë de la
legereté du peuple, n’esloignez pas la volonté de
ses bien-faicteurs, en le noircissant d’ingratitude :
n’adioustez point à sa misere des soupçons qui le
deshonorent, & sans imiter ces imprudens vindicatifs
qui mordent le traict, & laissent impunie
la main qui l’a lancé, recherchez la cause de cette
inconstance publique, dans l’opiniastreté d’vne
intelligence cachée.

 

Ne vous souuient il plus, Ariste, de ce que vos
yeux ne pûrent souffrir sans horreur, ce Samedy
qui vrayement precedoit vn iour de repos, puisque
le Senat y conclud vne Conference, qui ramenera
l’abondance dans nos ports, la tranquillité
dans nos familles, l’asseurance dans nos Campagnes,
le commerce dans le Royaume, & nostre
inuincible Monarque dans le Thrône de ses peres ;
Il me semble vous voir encore, & du geste & de
la voix, repousser auec vn zele merueilleux le discours
importun de ce seditieux Orateur, qui mal
persuadé de la qualité de vostre esprit, par la ieunesse
de vostre aage, pensoit entrainer vos sentimens
à son party, auec la mesme facilité que les
volontez de la canaille qu’il auoit amassée, comme
vn infame animal toutes les ordures d’vn
egoust, pour porter ses saletez dans le sein de la
Iustice, la diuision dans le Palais de la concorde,
& demander la guerre par ses truchemens desraisonnables,

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tandis que la raison dans son siege alloit
conclure pour la paix, par la bouche de nos
augustes Senateurs. Vous souhaittiez estre le
bourreau de cet Imposteur, & bien loin d’estimer
malicieux ce peuple abusé, vous plaigniez son aueuglement :
vous employastes mesme à la guerison
de ces volontaires mal-heureux cette eloquence
naturelle qui charme ceux qui vous écoutent ;
vous criastes hautement, que c’estoit les derniers
efforts d’vne faction mourante, qui redoubloit
ses forces dans les accez de sa foiblesse.

 

Le Samedy
iour auquel
on deuoit
conclure
vne Conference,
il y
auoit dans
les ruës des
harãgueurs
qui entrainoient
le
peuple au
Palais ; pour
rompre la
Conference
& demander
la guerre.

Croyez, Ariste, que la paix estant yssuë de cette
sage Conference, elle n’a point d’autres ennemis
que ceux de sa mere ; que les obstacles de celle-cy
trauersent celle-là, & que le peuple n’y contribuë
qu’vne simplicité credule, qui reçoit les premieres
impressions qui flattent sa haine ou son amour.

Vous m’aduouërez, que Paris n’a point d’habitant
qui ne fasse des vœux en son cœur pour terminer
vne guerre, où la deffaite est innocente & le
triomphe criminel ; où le fils se void en danger
d’estre le meurtrier ou la victime de son pere, &
qu’vn malade qui veut sa santé ne conuertit iamais
sa medecine en vn poison ; Ce n’est donc pas
le peuple, qui a supposé vne idole trompeuse à vne
veritable diuinité ; ie veux dire des conditions imaginaires,
pires que les actes de la guerre, aux
vrais articles de la paix, ny qui a semé ces bruits

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malicieux que nos Deputez auoient souffert de la
violence dans le Traité de nos libertez. Ah, Ariste,
que ces suppositions sont grossieres ! ce
grand corps, qui est la plus ferme colomne de l’Estat,
auroit-il de si foibles testes, & ces venerables
Senateurs qui ont mesprisé les promesses & les
menaces d’vn Tyran, sans autre secours que du
Ciel, seroient-ils capables de lascheté, quand ils
voyent la terre fremir sous le nombre des soldats
qui entreprennent leur querele : & puis ceux qui
ont auec eux traitté, ignorent-ils qu’vn accord
forcé, n’a de durée que le temps de sa violence, &
qu’vn captif qui promet tout à son corsaire parmy
les fers & les supplices, acquitte sa parole en quittant
ses chaisnes ? Aussi estoit-il de la prudence de
nos Sages, d’opposer au triomphe du mensonge,
la presence de la verité, & de ietter ces articles médisans
dãs les tenebres d’où ils sõt sortis, en mettãt
au iour les veritables, où le plus critique treuuera
peu de matiere à sa censure, beaucoup d’auantage
au Senat, & de honte à ses ennemis qui n’ont contenté
leur vengeance, que de la ruine de l’artisan
& de l’incendie de la cabane, semblables à ces
foibles impies, qui se vangent sur vn autel inanimé,
de la diuinité qui y preside. Quel dessein à
iamais eu le Parlement, que de reduire sa Majesté
à sa premiere Declaration, vingt mille hommes
armez de rage, de fer & de feu n’ont pû l’exempter
de cette loy : elle sousmet apres de vains efforts

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sa teste couronnée à ce ioug iuste & honorable ;
le Tarif demeure entier parmy l’embrasement
& le carnage, & seruira de regle eternelle à nos
Monarques, de ce qu’ils doiuent esperer du consentement
des Parlements & de la pauureté des
peuples.

 

Les poincts qui semblent suspendre l’accomplissement
de nos desirs, ont plus d’ombre que de
corps, & ne grossissent que de l’orgueil de la cabale
& de la rage du factieux ; Examinons ce qui
peut empescher nostre Nauire de voguer malgré
l’addresse des Pilotes, & nous verrons que ce terrestre
& superbe vaisseau, qui porte vn monde sans
se mouuoir, n’est arresté que par des remores qui
exercent des forces de geant, dans des petitesses
d’auortons.

Qui ne void d’abord la foiblesse du premier
obstacle, qui deffend l’assemblée des Chambres
pendant l’année 1649. Les Medecins consultent-ils
sur vn corps qui se porte bien, la reforme ne
suit-elle pas la deprauation, les Assemblées du
Parlement sont donc inutiles, tant que le gouuernement
de l’Estat sera conforme à la conduitte établie
par leur reglement ; de mesme qu’vne monstre
ne demande la main de son ouurier, que dans
la decadence de ses iustesses : que si la Reine altere
par vne infidelle contrauention, ce fameux
ouurage de la prudence, le Parlement n’aura plus
de foy pour le pariure, & reprendra dans ses Assemblées

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cette premiere fermeté, qui a regardé
les menaces sans effroy, & les recompenses sans
enuie.

 

Ces scrupuleux qui condamnent le prest, de
crainte d’approuuer l’vsure, n’ont de charité que
dans la bouche, ce beau feu purifie leurs levres
& ne penetre pas iusques à leur cœur. Les prests
ne sont odieux au peuple, que pour estre la source
des nouueaux subsides qui l’accablent, & des
fortunes precipitées que les Traitans éleuent sur
son debris ; ceux que le Parlement authorise dans
les articles de son Traité, sont dépoüillez de ces
deux dangereux effets : le Partisan y perd, ne retirant
que le denier douze des aduances qu’il emprunte
au denier dix, ou à vn plus grand interest,
& le peuple n’en reçoit point de nouuelles charges,
le Roy assuietissant par sa Declaration les
Impositions sur ses sujets, à la verification du Parlement
qui les reglera plutost aux necessitez de
son Estat, qu’à l’ambition de ses Ministres.

Mais, Dieu ! quelle patience pourroit souffrir
vn nom execrable à la France, mis au rang des objets
de sa veneration, & la cause de ses mouuemens
parmy les autheurs de son repos, Mazarin
ce fameux criminel, signe la grace de ses Iuges,
ceux qui luy dressoient vn tombeau, sont les artisans
de son Thrône, & le barbare dont la seule
mort est ciuile, compose de nos vies à la veuë d’vn
million d’ennemis, qui reçoiuent la liberté de

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cette main qu’ils meditoient de charger d’opprobres,
& de chaisnes ; aussi chaque particulier
feroit de son foyer vn buscher public, pour executer
sur son nom ce qu’il ne peut sur sa personne, s’il
ne craignoit d’ennoblir ses cendres, par le mélange
d’vne matiere venerable : C’est sans doute,
dans cette preuoyance que le Cardinal a imité l’adresse
de ce Peintre, qui graua son nom sur son
ouurage, en vn endroit où on ne pouuoit l’effacer,
sans défigurer la Deesse que son tableau representoit :
Ie souhaitterois, Ariste, que son seing ne
deshonnora point le Traité, & que ce Comete
n’eust point paru parmy les Astres qui y brillent ;
mais quand vous considererez, que ce n’est pas
vne Capitulation, mais vn Accord, & qu’on traite
autrement auec vn ennemy deuant le combat
qu’apres la victoire ; Vous m’aduouërez qu’il est
hors de raison de vouloir obtenir ce qu’on ne
pourroit qu’arracher, & que le Cardinal estant
la derniere conqueste de nos armes, ne peut estre
le present fait à nos prieres : & puis son seing est
aussi foible sur le papier, qu’vn Lyon mort dans
sa cauerne, & est plutost l’ornement de son départ,
que l’augure de sa demeure. Laissons fuyr
auec ses guirlandes & ses couronnes, la victime
qui renuerseroit le lieu destiné à son sacrifice :
n’hazardons point nos Generaux pour la dépoüille
d’vn serpent, qui feroit luy-mesme ses obseques
de la desolation de nos Prouinces : qu’il aille en

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des Isles écartées augmenter le nombre des barbares,
trainer son venin auec vn pompeux débris ;
le départ de ce disgracié est le retour de la
Fortune du Royaume ; Embrassons donc vne
Paix qui étouffera nostre ennemy, & nous obtiendra
de nostre Reine, ce que nos armes ne nous
venderoient que cherement : Voila mes sentimens,
cher Ariste, sur les Libelles qui rauissent
l’effet du Traitté, & la reputation des Deputez,
i’en estimeray tousiours la censure honorable,
si i’empesche la Pourpre de nos illustres Senateurs
de rougir autrement que de son éclat.

 

ALIDOR.

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Anonyme [1649], CONTRE LES ENNEMIS DE LA CONFERENCE ET DE LA PAIX. ALIDOR A ARISTE. , françaisRéférence RIM : M0_785. Cote locale : C_7_75.