Anonyme [1652], CONTRACT FAIT ET PASSÉ EN la ville de Pontoise, le 13. Aoust 1652. Entre le C. Mazarin, & le Marquis de la Vieville, Sur-Intendant des Finances. , françaisRéférence RIM : M0_784. Cote locale : B_15_25.
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Contract fait & passé en la ville de Pontoise, le 13. Aoust
1652. Entre le C. Mazarin, & le Marquis de la Vieville,
Sur-Intendant des Finances.

PARDEVANT les Notaires Gardenottes du Roy
nostre Sire, establis à Pontoise, Furent presens en
leur personnes, Eminentissime Iules Mazarin, Cardinal
de la Saincte Eglise, premier Conseiller du Roy
en ses Conseils, logé en la grand’ruë de ladite ville de
Pontoise, parroisse S. Maclou, d’vne part : Et Messire
François de la Vieville, Cheualier des Ordres du Roy,
Conseiller du Roy en ses Conseils, Sur-Intendant de ses
Finances, aussi logé en ladite grand ruë de ladite
mesme Parroisse, d’atre : Lesquels ont reconnu & confessé
estre demeurez d’accord entre eux des conuentions
qui ensuiuent : C’est à sçauoir, que ledit Seigneur
Mazarin a promis & promet de s’employer de
tout son pouuoir enuers la Reyne Mere du Roy, pour
adoucir l’aigreur qu’elle peut auoir conceuë contre ledit
sieur Marquis de la Vieville, à cause de son insuffisance,
quolibets & redites trop frequentes, dont il a
accoustumé d’vser dans le Conseil, bâillements aussi
trop communs, qui sont contre la decence, & aussi
du peu de soin qu’il a apporté à s’informer des fonds
qui sont dans les finances, & de la trop grande retenuë
dont il a iusques à present vsé, pour satisfaire aux demandes
de ladite Dame Reyne, & de n’en point relascher

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qu’il n’ait asseurance de la part de ladite Dame
Reyne, pour la conseruation dudit Marquis en ladite
charge de Sur-Intendant, nonobstant toutes promesses
au contraire, dont & dequoy, il promet informer
ledit sieur Marquis de la Vieville, de jour à autre, ou
l’en faire aduertir par le sieur Zungododei son Secretaire,
auquel il aura pareille confiance, comme si c’estoit
à luy mesme. Ces promesses & conuentions ainsi
faictes par ledit Seigneur Cardinal, à la charge que
ledit sieur Marquis de la Vieville s’instruira dans les finances
autant qu’il pourra, pour se faire habille homme :
Qu’au lieu d’vser à l’aduenir de quolibets ridicules,
ainsi qu’il a fait iusques à present, il s’estudiera à
citer l’Histoire Romaine, Plutarque, Tite-Liue, i’Histoire
de France, Charron, ou à se taire : Qu’il s’irra
coucher à dix heures precises du soir, & ne se leuera
qu’à sept du matin seulement, afin d’euiter les baaillements
qui ne procedent que de lassitude, & de trop
peu dormir, ce qui ne luy sera pas trop difficile, puis
que comme il disoit, il a accoustumé d’employer vne
heure & demie tous les matins à tailler ses plumes, rogner
ses ongles, à écrire des billets aux gens d’affaires,
& aussi qu’il executera de bonne foy les conditions
cy-apres :

 

A SÇAVOIR,

Qv’il informera ladite Dame Reyne le plus soigneusement
qu’il pourra des fonds qui seront
dans [1 mot ill.] finances, & ne luy refusera rien de ce qui luy
sera demandé par ladite Dame.

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Qu’il ne fournira aucuns deniers au Roy, que par
les aduis, & par les mains de celuy qui luy sera nommé
par ledit Seigneur Cardinal, ainsi qu’il se practiquoit
du viuant du sieur de Manciny, Neveu dudit
Seigneur.

Qu’il ne fera aucune dépence, soit pour la leuée de
gens de guerre, pensions, appointements, gratifications,
solde du Regiment des Gardes Françoises &
Suisses, que par les ordres dudit Seigneur Cardinal,
signez de sa main, ou dudit Zungododei.

Qu’il n’adiugera aucune ferme qu’à ceux qui luy
seront nommez par ledit Seigneur Cardinal, ainsi qu’il
a bien & deuëment fait pour celle des cinq grosses
fermes.

Qu’il ne payera aucuns voyages qu’à ceux qui seront
agreables audit Seigneur Cardinal, auquel il communiquera
les Ordonnances qui luy seront presentées
pour ce sujet.

Qu’il ne payera aucuns gaiges du Conseil, que suiuant
le roolle qui sera arresté par ledit Seigneur Cardinal.

Qu’il fournira de mois en mois au sieur Duc de Mercœur
la somme de cinquante mil liures, & vingt mil
liures à la Dame de Mercœur sa Niepce, pour sa depence
ordinaire, faisant le tout la somme de huit cens quarente
mil liu. par chacun an.

Qu’il fournira aux deux autres Princesses Nieces, la
somme de soixante mil liures par chacun an, pour leur
entretenement & dépence ordinaire.

Qu’il contribuëra de tout son pouuoir à la ruyne de

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la ville de Paris, & és Compagnies Souueraines, en
diuertissant le fonds des gaiges & rentes, Mesme surchargera
la Generalité, & specialement l’Eslection de
Paris, & trois autres circonuoisines de deux millions
de liures d’augmentation de Tailles par chacun an, à
fin de ruiner les Laboureurs & Fermiers des Habitans
de ladite ville, contre lesquels ledit Seigneur Cardinal
est grandement irrité.

 

Qu’il ruynera tous les Officiers de finance, de quelque
qualité qu’ils soient, qui sont presentement demeurans
en ladite ville de Paris.

Qu’il communiquera audit Seigneur Cardinal les
estats de la recepte de huitaine en huitaine, pour sçauoir
au vray quel fonds il y a dans les coffres de sa Majesté.

Qu’il fera payer comptant tout ce qui luy sera demandé
de la part dudit Seigneur Cardinal par son valet
de chambre, nommé Lange, sans aucun recepissé,
ny retardement.

Qu’il reformera presentement tous les billets de l’Epargne,
qui appartiennent audit Seigneur Cardinal, à
cause des auances qu’il a faictes de son bien, tant au
siege de Cremone, que depuis, pour les affaires du
Roy.

Qu’il cherchera quelque dépence telle qu’il voudra
pour mettre à couuert tout ce que prendra ledit Seigneur
Cardinal, sans que cela mesme soit de la connoissance
des Tresoriers de l’Epargne.

Qu’il le verra tous les iours trois fois, pour luy dire
les plaintes que feront ceux qui ne seront pas payez, &

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s’ils se seront emportez contre le ministere, ou autrement.

 

Qu’il l’aduertira de tout ce qui sera de son dommage
& l’empeschera de tout son pouuoir, & luy procurera
tout le bien qu’il pourra, ainsi qu’vn bon & loyal
seruiteur doit faire.

Lesquelles conditions ont esté acceptées par ledit
sieur Marquis de la Vieville, qui a promis de les accomplir
entierement, sans y contreuenir, à la charge aussi
qu’il luy sera permis de gratifier ses amis particuliers,
enfans, ou domestiques, de la somme de trois cens mil
liures par chacun an, outre & pardessus ses appointements,
& qu’il luy sera permis de prendre vn commis
supernumeraire, qui aura soin de tailler ses plumes, &
écrire des billets aux gens d’affaires, aux appointemens
de trois mil liures par chacun an. Ce qui a esté accordé
& trouué bon par ledit Seigneur Cardinal, qui
a promis amitié audit sieur de la Vie ville : Et ledit
sieur de la Vie ville seruice & reconnoissance audit
Seigneur Cardinal, & respectiuement foy & loyauté
l’vn enuers l’autre, ainsi qu’ils ont accoustumé garder,
à peine de tous despens, dommages & interests : Et
ont lesdits Seigneur Cardinal & la Vie ville esleu leurs
domiciles irreuocables pour l’entretenement des presentes :
Sçavoir, ledit Seig. Card. en la ville d’Angers,
au logis du sieur Boisleue, Lieutenant General au Bailliage
de ladite ville, Et ledit sieur de la Vieville en la
ville de Paris, au logis, où pend pour enseigne la brebis
galeuse, sis ruë de la Mortellerie, ausquels lieux ils
veulent & entendent que tous exploicts & commandements

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qui seront faits, soient de pareille force &
vertu que s’ils estoient faits à leurs personnes, ou domiciles :
Car le tout a esté ainsi accordé entre lesdites
parties, qui ont signé les presentes doubles en ladite
ville de Pontoise, en la maison où est demeurant ledit
Seign. Cardinal sis en la grand’ruë, le treiziesme iour
d’Aoust mil six cens cinquante-deux : Signé, le Cardinal
Mazarin, la Vieville, Guichon & Tibaut, cestuy
pour ledit sieur de la Vieville.

 

FIN.

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