Anonyme [1649], CONSOLATIONS TIREES DV TABLEAV DE LA PASSION DE NOSTRE SAVVEVR. A LA REINE DE LA GRANDE-BRETAGNE D’ESCOSSE ET D’IRLANDE. , françaisRéférence RIM : M0_776. Cote locale : C_1_34.
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CONSOLATIONS
TIREES
DV TABLEAV
DE LA PASSION
DE NOSTRE SAVVEVR.

A LA REINE
DE LA
GRANDE-BRETAGNE
D’ESCOSSE ET D’IRLANDE.

A PARIS,
Chez IEAN HENAVLT,

M. DC. XLIX.

Auec Permission.

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CONSOLATIONS
TIREES DV TABLEAV
de la Passion de Nostre
Sauueur,

A LA REINE DE LA GRANDE
Bretagne, d’Escosse & d’Irlande.

MADAME,

Vostre Affliction toute extraordinaire, & la
plus grande qui fut iamais, rend vos plaintes si iustes,
que de vouloir entreprendre de les faire cesser
par les forces de la raison, ce seroit deuenir irraisonnable.

Aussi vos extremes mal-heurs rendent vos larmes
si legitimes, qu’à peine ay-ie medité les moyens
d’en arrester le cours, que i’ay ouuert le passage
au torrent des miennes, & si tost que ie me suis
mis en deuoir de sauuer vostre esprit des desordres

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où vos maux l’ont plongé, i’ay ietté insensiblement
le mien dans vn abysme de confusion.

 

Vos Sceptres brisez, vos Couronnes foulées aux
pieds, vos Throsnes renuersez, la perte de l’vn
des meilleurs Rois de la terre, & d’vn mary le
plus aymable de tous les hommes, sont des sujets
de douleurs si grands, qu’ils passent au delà de
l’imagination.

Apres la separation de la moitié de vous-mesme,
par l’insatiable cruauté de vos Leopards,
fuyez, Madame, fuyez la malice des hommes,
pour aller chercher vostre satisfaction dans l’inepuisable
bonté de Dieu. Maintenant que l’estat
déplorable où vous estes réduite, attaque toutes
les puissances de vostre ame, iettez la veuë sur le
Tableau de la Passion de nostre Sauueur, & repassant
en vostre esprit le nombre infiny des trauaux
qu’il a souffert, pour vous acquerir le repos, vous
gousterez les douceurs d’vn agreable contentement,
dans l’amertume de vos plus rigoureux déplaisirs.

Si vos yeux versent vne abondance de pleurs,
pour voir vos mains dépourueuës de leurs Royales
marques, afin d’en faire tarir les ruisseaux contemplez,
s’il vous plaist, ce Souuerain du ciel &
de la terre, qui mocqué & baffoüé, n’a pour Scepte
qu’vn fresle roseau.

Les Diadesmes qui sont tombez de la teste de
vostre Maiesté, ont pû auoir precipité vostre cœur

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dans vn abysme de tristesse, mais pour l’en retirer,
remarquez que le chef de ce Roi des Rois,
n’a pour Royal bandeau qu’vne couronne d’espines.

 

C’est entre les pointes de ces rigoureuses espines
teintes du Sang de Iesus-Christ, que mal-gré
vos fascheux soucis, & vos mortelles pensées, vous
pouuez cueillir des roses d’vne immortelle durée,
& par consequent, plus considerables que celles
dont l’Angleterre fait tant de cas.

C’est en ces rouges flots, qui pour mieux nettoyer
nos ames defigurent le visage de nostre Seigneur,
que vous trouuerez où noyer vostre desespoir,
& bien loing de plaindre cet autre sang que
l’iniustice & la cruauté ont fait respandre ignominieusement,
vous trouuerez en celuy-cy tant
de delices, que vous benirez le Ciel de ce qu’il ne
vous abaisse que pour vous éleuer, & ne vous afflige,
que pour vous mettre en possession de l’eternelle
felicité.

Entrant dans la consideration des peines de ce
Fils de Dieu, vous trouuerez vostre affliction douce,
en comparaison des rudes tourmens que l’on
luy fait souffrir, & faisant vne reflexion de son incomprehensible
grandeur & de la vostre, vous
iugerez, que c’est bien peu de chose que ce que vous
en auez perdu.

Bien que la violence, auec laquelle on a choqué
vos Throsnes, aye beaucoup ébranle l’ordinaire

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constance de vostre ame, & que leur importante
cheute aye presque accablé vostre raison :
neantmoins vous cesserez d’estre inconsolable, si
tost que vous considererez ; que non point vn
homme, mais vn Dieu ; non point vn Roy d’vne
petite partie de la terre, mais le Maistre absolu de
tous les Monarques, & de plus le Createur de toute
la Machine vniuerselle, n’a pour thrône qu’vn
bois ignominieux, destiné pour le suplice des meschans.

 

Admirez, Madame, ce Tout-puissant, qui du
moindre trait de son foudre, peut reduire ses ennemis
en poussiere, voire mesme d’vn petit souffle
faire rentrer l’Vniuers dans son neant, & qui
toutes-fois a la face couuerte de crachats, est persecuté
de toutes sortes d’iniures, batu d’vn orage
de coups de verges & de foüets, a la teste percée
de pointes d’épines, les mains & les pieds trauersez
de cloux, le costé ouuert du fer d’vne lance,
& qui pour satisfaire aux rigueurs d’vne incroyable
soif, ne rencontre que du fiel & du vinaigre ;
& comme quoy au milieu de ces tourmens, il fait
gloire de negliger cette haute qualité de Tout-puissant,
pour conseruer celle de patient.

En suitte de cette admiration, iugez que le remede
infaillible de vos maux, est la prattique de
cette victorieuse patience, dont vostre Redempteur
au plus fort de ses souffrances, vous aprend
l’vsage.

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Embrassez donc, Madame, cette vertu toute
diuine, sans doute qu’à sa consideration Dieu
prendra vostre cause en main, & peut-estre suscitera
l’Empereur & tous les Rois de l’Europe, à
prendre les armes contre vos ennemis, si bien qu’ayant
immolé les plus coulpables à vostre vengeance
par les mains des bourreaux, vous verrez
leurs corps supliciez & entassez les vns sur les autres,
seruir de degrez à vostre Maiesté, pour remonter
sur ses Trônes releuez, & plus asseurez que iamais.

FIN.

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