Anonyme [1649], CONSEIL NECESSAIRE DONNÉ AVX BOVRGEOIS de Paris pour la conseruation de la Ville. CONTRE LES DESSEINS DE Mazarin, & les libelles qu’il a fait semer. , françaisRéférence RIM : M0_760. Cote locale : C_1_32.
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CONSEIL
NECESSAIRE
DONNÉ AVX BOVRGEOIS
de Paris pour la conseruation
de la Ville.

CONTRE LES DESSEINS DE
Mazarin, & les libelles qu’il a fait
semer.

A PARIS,
Chez CARDIN BESONGNE, ruë d’Ecosse, au
mont sainct Hilaire, au Chapeau Royal

M. DC. XXXXIX.

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CONSEIL NECESSAIRE
donné aux Bourgeois de Paris, pour la conseruation
de la Ville, contre les desseins
de Mazarin.

MESSIEVRS,

Ce n’est pas icy vne piece d’eloquence que ie vous adresse,
pour fortifier vos courages, contre les attentats entrepris par
Mazarin, ie veux seulement par la naïfueté d’vn discours sommaire,
vous descouurir le dessein pernicieux qu’il a non seulement
de perdre Messieurs du Parlement ; mais aussi vos personnes
& vos biens & rendre la ville de Paris la plus desolée de
toutes les Villes. Ie ne vous diray point sa naissance, ses
mœurs, sa conduite, ses trahisons, & intelligences auec nos
ennemis. Il y’a d’excellens esprits qui vous en ont asseuré les
veritez certaines : Ie vous diray seulement que ce Sicilien a esté
si temeraire que d’entreprendre le gouuernement de l’Estat le
plus florissant de l’Europe, & qu’il est estrange de ce qu’il a duré
si long-temps par des foiblesses & des tolerances qui donneront
de l’estonnement à la posterité. Son Ministere n’a esté qu’vn
brigandage continuel & apres auoir despouïllé la France de ses richesses,
quand il a veu que le Parlement luy faisoit obstacle, céte
ame auare a consulté tous les Demons pour esleuer sa tyrannie
au supreme degré, pour maintenir le Commerce des Partisans

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& gens d’affaires & les impositions iniustes sur les peuples. Il a
dans l’année derniere tenté toutes les voyes imaginables pour
l’execution de son dessein, il s’est souuenu que la mort du Presi.
dent Barillon auoit tenu le Parlement en Silence. Il a reueillé
ses pensees sanguinaires & dans le rencontre d’vnTe Deum, qui
fut chanté pour vne bataille signalee. Il fit faire l’enleuement
de ces deux personnes Il lustres & ordonna la proscription de
quelques autres, meslant dans la joye publique le dueil & la
tristesse, voire le sacrilege dans les actions pures & sainctes, afin
par vn exemple sanglant d’alterer les esprits des autres & frapper
de crainte les cœurs les plus genereux. Vous sçauez que
par vn miracle visible les choses changerent de face, que toute
la Ville armee reclama hautement l’IllustreBruxelles, qui receut
dans ce temps autant de gloire comme il y a de vertu, de
simplicité & de modestie en sa personne & en effet, il estoit bien
iuste de ne pas souffrir l’oppression des gens de bien qui se sont
perpetuellement sacrifiez pour le soulagement des peuples accablez
de ruines & de miseres, par tant d’iniustes exactions ausquelles
on a donné le pretexte de la guerre, que ce Monstre a
voulu faire durer en rejettant la conclusion de la paix pour pescher
tousiours dans l’eau trouble & profiter dans nos desordres.
Tout le monde a bien sceu que les dernieres barricades luy
blesserent l’esprit & que deslors il conçeut le dessein de la ruine
de Paris, comme les effets de sa rage n’en ont que trop paru.
Vous vous souuenez du premier enleuement qu’il fit de la personne
du Roy à sainct Germain, pour donner de l’espouuante &
estouffer la vigueur du Parlement. Mais quand il vit que l’on toucha
sa personne & qu’il fut parlé de l’execution de l’Arrest de l’an
1617. N’estant pas lors en estat de perdre le Parlement & la
Ville de Paris, afin d’auoir le temps de faire approcher les
troupes ; Il prouoqua la conference de sainct Germain, dans
la quelle il se vit contrainct de donner les mains à la derniere declaration,
qui fut vn ouurage qui dans la pensée de ce persecuteur
receut sa ruine au moment de sa naissance ; car iamais l’on
n’a eu le dessein de l’executer, pource que c’estoit vn remede
salutaire contre ses larcins & exactions effrenees & le poison
estoit caché sous l’apparence de la Medecine. C’est dans le dernier

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enleuement furtif & nocturne de la personne du Roy, qu’il
a fait paroistre ce qu’il auoit dans l’ame, qui est l’action la plus
criminelle que l’on pouuoit attendre de cet infame Ministre.
Il voyoit que sa personne estoit vn Monstre dans Paris : Il entreprend
la perte du Parlement & de la Ville pour n’y plus reuenir,
par vne translation du mesme Parlement dans vne autre Ville ;
il a voulu plustost perdre Paris, que de courir hazard d’y voir sa
personne sacrifiee dans vn exemple public qu’il ne peut euiter.
Mais il faut aduoüer que sa Magie a esté bien puissante ? Ne voit-on
pas quel empire il a pris sur l’esprit d’vne Reyne aueuglee
par de mauuais conseils, qu’il a engagee en des euenemens perilleux.
Il a iugé qu’il auoit besoin de la main victorieuse de
Monsieur le Prince de Condé ; Il s’est rendu comme son Esclaue
& remis toute l’autorité Royalle dans ses mains, il a charmé
l’esprit du Prince par tous ces appasts, surprenans l’Intendant
le plus auare de tous les hommes & interessé dans les Prests a
contribué de son Conseil aupres de son Maistre à ce malheureux
complot. Et parce que Monsieur le Duc d’Orleans auoit
peine de s’y rendre vn valet infame dans l’esperance d’estre Cardinal
la persecuté pour estre de la partie, continuant dans les
trahisons criminelles qu’il exerce il y a si long temps auprez de
ce Prince. C’est par tous ces artifices diaboliques, que Mazarin
a entrepris la perte de quelques Senateurs zelés & genereux
& celle de Paris tout ensemble, la premiere de toutes
les Villes du monde. Mais vous deuez esperer Messieurs que
comme Dieu à commencé de trauailler pour vostre liberté, il
n’en veut pas demeurer à ces premiers miracles qu’il a fait paroistre
dans cette occasion ? Est il pas merueilleux que non-obstant
les intelligences secrettes que l’on fait pour diuiser Paris, sans
parler des lettres enuoyées à l’Hostel de Ville & parmy vn si
grand nombre de traistres que Paris a subsisté dans vne liaison
miraculeuse que chachun brusle pour la deffense de sa Ville,
delaquelle on à coniuré la destruction, pour la reduire en
Ville champestre ? Qu’il est merueilleux de voir des habitans
se desrober du sein de leurs familles pour aller auec ardeur asseurer
vn Conuoy venant dans Paris ? Qu’il faisoit beau voir
sortir auec courage tant de Bourgeois en armes par la porte
S. Anthoine ? Combien de personnes genereuses allerent auec
gayeté au Combat s’ils n’eussent esté arrestez par le prudent

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conseil de nos Generaux, qui virent que les ennemys plus diligens
que nous, s’estoient emparez des postes aduantageux qui
ne nous permettoient les approches qu auec vne horrible perte
d’hommes qu’il a fallu conseruer pour d’autres occasions & pour
des raisons de prudence ? qui doute que cette milice bourgeoise
auec les moindres exercices dans la iuste fureur qui l’anime ne
soit capable de faire en vn iour ce que nos persecuteurs ne croyent
peut-estre pas ; & que Mazarin & ceux qui suiuent sa fortune,
ne se trouuent surpris en vn moment, car il semble dans
le cours des choses qu’il soit reserue pour vne victime publique.

 

C’est vn miracle du quel il ne faut desesperer, puis que l’on ne
voit autre chose dans nostre deffense naturelle ? qui n’eust creu
que Paris ne fust enseuely dans sa ruine, quand tout d’vn coup
les principaux passages ont esté fermez, quand les innondations
mesmes sembloient contribuer à la famine dont l’on vouloit punir
cette ville. Neantmoins tout d’vn coup il est assisté de la protection
de tant de Princes & personnes Illustres. Le Ciel y a tant
versé de benedictions qu’il y a eu des viures assez suffisans, &
que l’on y vit auec grande satisfaction que Dieu par des voyes
secrettes donne des alimens à Paris, qui deuoit perir en deux ou
trois iours de marché dans le compte de nos persecuteurs, comme
s’il estoit croyable que Dieu fauorisast vn complot si funeste,
& qu’il voulust sacrifier tant de milliers d’ames innocentes a des
passions iniustes. Car est il pas vray que c’est vn meurtre entrepris
sur vne Ville innocente, & sur tant de Villages desolez par
toutes sortes d’hostilitez ? Peut on croire que cette action criminelle
puisse trouuer l’assistance du Ciel, car au contraire elle
est condamnable deuant Dieu, & deuant les hommes, & sans
doute vous deuez esperer, Messieurs, la continuation des graces
cœlestes : car y a-il pas lieu d’admirer que ce tyran insupportable
apres auoir tenu dans vne prison de cinq à six années vn
des plus genereux Princes du Monde, les delices & la ioye de
Paris que Dieu en vn moment en faueur de son innocence ait
rompu ses fers & l’ait mis en estat de poursuiure la vengeance de
l’outrage qui luy est fait, & la perte de son persecuteur ? Comment
est-il possible que Monsieur le Prince de Condé donne sa
protection au plus punissible de tous les hommes & que pour
pretexte il prenne la deffense de l’auctorité Royalle ? Ne sçait on
pas que personne n’a la pensée de luy donner attainte, mais que

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Messieurs du Parlement qui sont naturellement tuteurs des
Roys mineurs, ont droict de maintenir l’ordre, & que comme
c’est le Parlement qui donne la regence c’est à luy quand il y a
des abus d’en demander la reformation comme cela se pourroit
prouuer par des raisons infinies : Mais c’est en effet que l’on veut
que la Iustice demeure muette contre les desordres de l’Estat
que la tyrannie s’esleue au plus haut point. Il y a lieu desperer
pourtant que Monsieur le Prince se trouuera tout d vn coup desabusé
& qu’il tournera en vn moment sa cholere contre l Autheur
de nos maux. Il a grande raison & mesme interest d’y penser
serieusement, puisque cette guerre ciuile ouure les frontieres
aux ennemys suiuant le dessein de Mazarin, & que dans le
massacre des François, & dans la ruine des colomnes principales
de l’Estat c’est a dire des personnes illustres, les ennemys y
trouuent leur compte, comme l’on a veu desia cette personne de
marque immolée dans l’attaque d’vn simple Village qui sont rencontres
contres si malheureux qu’a peine trouueront ils place dans l’histoire,
& l’on ne pourra iamais croire qu’vn Prince qui auoit les
cœur & les acclamations des peuples ait esteint toute sa gloire
en vn moment & attiré sur soy des execrations si horribles. Ainsi,
Messieurs, demeurez tousiours courageux, & sur tout ne soufrez
point tant de traistres qui sont dans Paris, qui sement des libelles
pour vous diuiser comme vous auez veu celuy intitulé,
pauure peuple abusé deside les yeux, qui est vn ouurage des Mazarins,
car l’on tient que c’est vn de ses Emissaires nouuellement
demeurant chez luy vn Comedien dans la chaire fils d’vn cabarettier
du pays du Mayne le plus vitieux de tous les hommes,
qui en est l’Aucteur, ce sont les gens de la famine de Mazarin, &
tel Autheur deuroit estre dans les mains du genereux Bruxelle ?
Ne souffrez point ces espions qui sont en grand nombre parmy
vous, & sur tout faictes souuent l’Exercice militaire, soit à la place
Royalle ou ailleurs, en presence de personnes qui scauent le
mestier de la guerre, afin que vos armes & vos forces legitimes
s’opposent à la tyrannie que l’on veut establir par tout le Royaume,
& finallement mettez vous en estat de vous rendre possesseurs
du thresor precieux que l’on vous a rauy, qui est la personne
du Roy, pour laquelle vous auez vne veneration si particuliere,
lequel dans la tendresse de son aage par vne inspiration
toute diuine, esttres asseuré des affections de ses bons & fidelles

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habitans, & n’a autre parole en bouche, sinon, Maman, reiournons
à Paris, donnez aussi aduis à Messieurs du Parlement de
ne se point laisser surprendre, du moins qu’il y ait asseurance entiere
pour la liberté, car ceux qui vous persecutent ont le venin
dans le cœur, & ne cherchent que la premiere occasion
pour faire mieux reussir vne nouuelle entreprise sur Paris.

 

A DIEV.

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Anonyme [1649], CONSEIL NECESSAIRE DONNÉ AVX BOVRGEOIS de Paris pour la conseruation de la Ville. CONTRE LES DESSEINS DE Mazarin, & les libelles qu’il a fait semer. , françaisRéférence RIM : M0_760. Cote locale : C_1_32.