Anonyme [1652], LE IOVRNAL CONTENANT LES NOVVELES DE CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE DANS LE ROYAVME. A Paris le Vendredy, 6. Septembre. 1652. , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : B_18_13.
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LE
IOVRNAL CONTENANT
les nouuelles de ce qui se passe de plus
remarquable dans le
Royaume.

A Paris, le Vendredy 6. Septembre, 1952. [sic]

Le 28. du passé les Ambassadeurs des Republiques
de Venise & de Sauoye partirent
pour Compiegne selon l’ordre qui leur
auoit esté apporté par le grand Maistre des Ceremonies
& les autres qui ne sont pas encores
partis se disposent à suiure la Cour.

Le mesme iour le Vicomte de Montbas arriua
à Melun auec les trouppes qui se deuoit opposer
au secours que M. le Prince auoit enuoyé
à Montrond cette arriué auoit fait iuger à plusieurs
que le siege estoit où leué ou que la place
auoit este secouruë, mais d’autres disent que la
place a este rendue & que mesme elle a este razee
au contentement des lieux circonuoisins

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qui receuoient de grandes incomodités par
ceux de la garnison lesquels faisoient de courses
& rauageoient les enuirõs Mais il y a lettres du
29. venant de la charité qui portent que le Sieurs
de Persan auoit rompu la trefue qu’il auoit
faite auec le Conte de Palluau sur l’asseurance
du secours qui luy venoit, & que le Canon auoit
commencé à tirer & que le lendemain il y eut
quelque escarmonche. Laditte lettre porte aussi
que le gouuerneur de la charite estant parti
auec 50. Caualliers ausquels autres 50. se ioignirent
en chemin pour aller au Camp de
Montrond furent rencontres par le Marquis de
Valencé & de Leuy, & que de ces 100. Caualliers
la plus part furent tues, & le reste pris prisonniers.

 

Le 30. du passé on a appris que le Cardinal
Mazarin auoit voulu conferer a Reims auec le
Duc de Lorraine & que cettuici en auoit fait
refus, que ce C. estoit attendu a Bouïllon où il
deuoit arriuer Dimenche dernier d’où il ne
doibt partir iusques à ce que l’accommodment
de Messieurs les Princes soit arresté apres quoy
on doit esperer la Paix.

Le 29. Monsieur le Prince fit publier au
Camp de Sainct Cloud vne ordonnance portant
defences à tous soldats & Caualiers sur

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peine de la vie de s’escarter du Camp plus loin
que d’vn quart de lieuë.

 

Le mesme iour l’Armée commença à decamper
& alla reprendre son ancien poste proche le
Fauxbourg S. Victor du costé de la Riuiere, les
Habitans de S. Cloud, Sureinne, Medon, &
autres lieux circonuoisins ayant donné chacun
4000. liures aux Principaux Officiers de l’armée
pour obtenir ce decampement. Ces mesmes
Villageois ioints auec quelques Bourgeois
de la Ville de Paris, ayant fait plainte aux Messieurs
de l’Hostel de Ville que les Soldats &
autres vagabonds cueilloient les raisins & les
apportoient vendre à Paris, obtindrent vne
Ordonnance par laquelle il a esté commandé
aux Soldats qui sont en faction pour la garde
des Portes de ne laisser entrer aucune veiture
de raisins, que ceux qui les portent ne mõstrent
attestation du Curé qui tesmoigne que lesdits
fruicts leur appartiennẽt, & faute d’attestation
de les distribuer aux pauures.

Le 30. son Altesse Royale receut la Responce
de sa Majesté à la sienne du 27. par laquelle
responce le Roy luy fait entendre que s’il n’eust
creu trouuer dans sa Lettre du 27. de ce mois la
Declaration qu’il luy auoit demandée qu’il ne
l’auroit ny ouuerte ny receuë, que luy estant si

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proche & ayant receu tant de tesmoignages
d’affection il n’auroit pas adheré à tout ce qui
a esté entrepris contre son seruice s’il n’y auoit
esté porté contre son inclination par les artifices
de ceux qui l’aprochent. Que ce n’est point
le retour du C. Mazarin qui a allumé le feu dans
le Royaume, que ce n’a esté que le pretexte
pour commencer & continuer les toubles qu’il
ne demande pas mieux que de voir bien tost
l’effect de ses protestatiõs qu’ayant oublié toutes
les offences il est iuste qu’vn chacun r’entre
dans son deuoir que l’on quitte les armes, que
l’on face sortir les Estrangers hors du Royaume,
que l’on satisface à la Declaration d’Amnistie
qu’apres cela tous ceux qui viendront de sa
part seront bien receus, mais auant cela qu’il
seroit a craindre que les asseurances qu’on enuoyeroit
seroient inutiles. Que sa Majesté a du
desplaisir d’apprendre que le Prince de Condé
en mesme temps qu’il fait semblant à Paris de
vouloir entrer en son deuoir enuoye asseurer les
Espagnols qu’il ne separera iamais de leurs interests.
Qu’il continuë ses pratiques en Angleterre
par Barriere & Cugnac, pour appuyer celles
du Comte du Daugnon, & presse cette Republique
à la rupture, qu’il sollicite le Prince de
Vvitemberg de s’auancer auec les Trouppes

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d’Espaigne qu’il commande pour se venir joindre
à luy, & conclud que l’interest qu’il à la conseruation
de l’Estat, l’obligera de faire sans plus
de delay ce que sa Majesté demande auec tant
de Iustice. Signé Louys & plus bas de Guenegaud,
à Compiegne le 29. Aoust 1652.

 

Le 31. & dernier Aoust, son A. R. & Monsieur
le Prince se trouuerent au Parlement où
son A. R. communiqua la Lettre que le Roy luy
auoit escrite de Compiegne, apres la Lecture
faite. La Cour ordonna Arrest d’enuoyer des
Deputez au Roy pour le remercier sur l’esloignement
du C. Mazarin & l’assemblée fut differée
pour deliberer sur ladite Lettre au Mardy
suiuant 3. du mois auquel iour toutes les Cours
Souueraines se deuoient assembler.

Le Sieur du Coudré Montpensier, estant de
retour de la Cour, a rapporté que le deputé de
Monsieur le Prince fut renuoyé sans qu’il peust
parler au Roy & que l’on n’auoit pas voulu ouurir
son pacquet.

Le mesme iour sur les 5. a 6. heures du soir,
quelques Caualiers & Fantassins des Regiments
de Valois, & du Languedoc, s’estant presentez
aux Fauxbourgs S. Victor, & S. Marcel, celuy
qui estoit en charge leur ayant demandé l’ordre
pour passer ne l’ayant peu monstrer furent refusez

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dequoy les autres estant indignés vserent
de menaces & dirent qu’ils y entreroient &
mettroient le Fauxbourg au pillage si l’on les
fachoit, ce qui obligea le Corps de garde d’accourir
aux Armes & mesme de tirer sur lesdits
Soldats, lesquels apres quelque resistance force
rent le Corps de garde & pousserent les Bourgeois
iusques à l’Eglise S. Marcel. Mais tout le
Fauxbourg ayãt pris les Armes au son du tocsin
les Soldats se retirerent ayant perdu vne quarantaine
de leurs Camarades & des Bourgeois
il y en eut quelque douzaine de blesses & trois
ou quatre morts entre lesquels vn Apotiquaire
Lieutenant de sa Compagnie a esté regretté.

 

Le mesme iour 31. d’Aoust, les Maistres &
Gardes des six Corps des Marchants de la Ville
& Fauxbourgs de Paris, se transporterent au
Palais d’Orleans & presenterent vne Requeste
à son A. R. par laquelle sadite Altesse estoit
suppliee de procurer la Paix & de supplier le
Roy de la donner à ses peuples & de reuenir en
sa bonne Ville de Paris, ausquels son A. R. fit
responce qu’il souhaittoit la Paix autant qu’eux
& qu’il n’espargneroit ses peines & ses soins
pour l’obtenir de sa Maiesté, & protesta de ne
les abandõner iamais & par ainsi ces Marchands
sortirent tres satisfaicts.

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Dimanche matin premier du mois Monsieur
le Prince & Duc de Beaufort, allerent visiter le
Camp proche du fauxbourg S. Victor, pour
pacifier les troubles qui restoient delpuis le
iour precedent les Bourgeois estant beaucoup
animez contre les Soldats & ne voulant permettre
qu’on apportast des viures au Camp,
Monsieur le Prince fit rechercher les autheurs
de ce desordres & quatre Soldats ayant esté
accusez d’auoir pillé vne Maison & voulu forcer
vne Fille furent condamnez par son A. a estre
pendus & les trois furent executez par celuy
qui eust la vie sauue deuant la pitié le soir du
mesme iour.

Le sieur de Valon Mareschal de Camp, &
Colonel du Regiment de Languedoc, n’ayant
pas executé les ordres de Monsieur le Prince &
ayant respondu à son A. auec audace obligea
ledit Prince à mettre la main à l’espée contre
luy. Mais le Duc de Beaufort arresta le coup &
l’on trauaille à present pour remettre ce Colonel
és bonnes graces de Monsieur le Prince.

Le mesme iour l’Archeuesque de Paris, alla
visiter son A. R & Madame la Duchesse d’Orleans
qui sont tousiours portez pour le Coadiuteur.

Le 2. du courant son A. R. & Monsieur le

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Prince enuoyerent vn courrier au Duc de Vvitemberg
& Cheualier de Guise, pour les obliger
à faire aduancer leurs Trouppes, qui sont
de dix mil hommes. Ladite Armee a logé à Prouins
le premier du mois, & maintenant est vers
la Brie. Les Mareschaux de Turenne & de la
Ferté Senererre se disposent pour leur disputer
le passage.

 

On a eu nouuelles le mesme iour que le
Duc de Vendosme est arriué à la Cour, ayant
donné les ordres deuant son partement à son
Armee Naualle d’aller secourir Dunkerque,
que l’on tient maintenant estre à la veille de se
rendre aux Ennemis.

On a aussi nouuelles que le Duc de la Force
a refusé la Charge de General des Armees de
Guyenne, n’ayant voulu succeder au Comte
de Harcourt ; s’estant excusé sur sa vieillesse, qui
ne luy permet pas de supporter vne telle fatigue :
Et qu’en suite le sieur de Comminge. Gouuerneur
de Saumur, a esté commandé de prendre
ladite charge.

Les nouuelles de Poictiers portent que les
Lieutenants General & Presidial ont reconnu
le Parlement de Pontoise, & ont fait deffenses
à tous ceux de leur ressort d’appeller de leurs
Sentences au Parlement de Paris, sur peine de

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punition & inhibitions aux Huissiers & Sergents
du Baillage & Presidial de Poictou de signifier
aucuns actes d’appel. Ceux du Mans à
leur exemple en ont fait de mesme.

 

Le troisiesme du courant vne trouppe de
Fourageurs estant partis du Camp de Sainct
Victor, pour aller au fourrage, furent rencontrez
au de-là de Ville-Iuifue, vers Huict-sols.
par trois escadrons de Cauallerie de la Garnison
de Corbeil, ceux qui faisoient escorte ausdits
Fourrageurs, qui estoient quelques Caualiers
Alemands, ne se iugeant pas assez forts pour resister
aux Ennemis prirent la fuite, leur ayant
laissé le Conuoy, ou ils ont perdu trois cens
Cheuaux, qui estoient montez par des valets.

Le mesme iour se fit vne Assemblee au Parlement,
où en presence & auec les aduis de son
Altesse Royale & Monsieur le Prince, la Cour
donna vn Arrest, Portant que celuy du vingt-deuxiesme
Aoust dernier sera executé, & ce
faisant, sa Majesté tres humblement remerciee
par Deputez d’icelle, de ce qu’il luy a pleu
accorder l’esloignement du Cardinal Mazarin,
& supplier de vouloir donner la Paix à son Royaume
& de reuenir à Paris : Et que Monsieur
le Duc d’Orleans sera prié d’escrire audit Seigneur

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Roy, que luy & ledit Prince declarent
qu’ils posent les Armes presentement en enuoyant
par sa Majesté les ordres necessaires
pour les Trouppes Françoises qui sont sous
leurs commandements, & passe ports pour les
Estrangeres, & accordant vne Amnistie generalle
en bonne forme, & receuant les Deputez
desdits Princes : Et outre que les Compagnies
Souueraines de cette Ville de Paris, seront conuiees
ensemble, le Corps de Ville dans l’Assemblee
qui sera faite à cette fin des principaux
Bourgeois d’icelle, Corps des Marchands &
Communautez, de faire pareille deputation
vers sa Majesté.

 

Le quatriesme du courant, son Altesse Royale
& Monsieur le Prince, s’estant trouuez dans l’Assemblee
de Messieurs les Maistres des Comptes,
n’ont pas receu la satisfaction qu’ils en esperoient :
Ceux cy ayant tesmoigné qu’ils vouloient
se retirer hors de Paris, selon le commandement
de la Cour.

Le mesme iour on a receu nouuelles que la
Cour des Aydes auoit este interdite par sa Majesté,
pour n’auoir pas obey, & que la Cour des
Monnoyes auoit esté contremandee, luy estant
fait commandement de demeurer à Paris, ayant
veu que ladite Cour s’estoit mise en deuoir de

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se retirer & se rendre au lieu que sa Majesté
auoit ordonné.

 

Le mesme iour quatriesme du courant, les
nouuelles asseurees du Berry, portẽt que Mout-Rond
a esté rendu au Comte de Palluau auec
vne capitulation honnorable, la Garnison
estant sortie tambour battant, bale en bouche,
enseigne desployee & vingt sept chariots de
bagage, & ont esté escortez iusques à Montargis.
Mais les Trouppes du Bourbonnois qui venoient
au secours, sont poursuiuies dans la
Bourgogne.

Nouuelles sont aussi venuës que Dunkerque
a esté rendu à l’Archiduc Leopold : mais
nous n’en sçauons pas encores les particularitez.

Le mesme iour dans la place du Palais a esté
rompu vif vn de ceux qui ont esté accusez de
l’incendie qui fut fait en l’Hostel de Ville le
4. de Iuillet passé : il receut deux coups estant
encore en vie, & demeura long temps exposé
à la veuë de la populace.

Le bruit court icy que la Cour des Aydes a
esté supprimee, & treize ou quatorze personnes,
desquels vous aurez la liste au premier
iour.

Plusieurs notables Bourgeois s’estant assemblez

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pour chercher les moyens de terminer la
guerre, à laquelle iusques icy on ne voit point
aucune apparence de fin : vn des plus sensez
proposa que pour pousser les affaires iusques au
bout, il falloit faire vn fonds de huict cens mille
liures, & qu’il donneroit toute sa vaisselle d’argent
pour la faire battre en monnoye, ce qui
fut approuué par les autres : de sorte qu’ils furent
au Palais d’Orleans offrir les huict cens
mille liures aux Princes pour leuer des Trouppes,
& faire retirer les Armees hors des enuirons
de Paris & rendre le commerce libre. Mais
on ne scait pas si les Princes ont approuué cét
aduis.

 

On a proposé aussi à l’Hostel de Ville de deputer
au Roy, & faire sçauoir à sa Majesté que
s’il agreoit d’enuoyer ses Armees sur la frontiere,
la Ville fourniroit de l’argent pour entretenir
son Armee.

Le desir qu’vn chacun a dé la Paix, fait qu’on
ne trouueroit rien de difficile pour l’obtenir :
mais depuis qu’on a veu que l’esloignement du
C. M. n’auoit pas apporté le remede qu’on esperoit
à nos maux. On commence de s’ennuier
de se voir entre l’esperance & la crainte.

Le mesme iour plusieurs Marchands de la ruë
S. Denys, allerent à l’Hostel d’Orleans demander

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la Paix à son Altesse Royale.

 

Nous auons aduis que le Cardinal de Retz se
dispose pour aller en Cour & qu’il doit estre
entremetteur de la Paix. Son grand Genie est
capable de beaucoup de choses, mais vn chacun
apprehende lissuë de ce Voyage sçachant qu’il
est capable de faire beaucoup de bien ou beaucoup
de mal. Quelques menaces dont on vse
contre Paris, neantmoins cette Ville n’apprehende
rien estant appuyée sur la Iustice de sa
course & sur les propres forces pouuant vser
auec raison de cette Sentence.

Nemo me impuné lacessit.

De Bergerac le 27. Aoust, 1652.

Les Trouppes du Comte de Harcourt, sont
deuant Cahuzae, & ont voulu attaquer Castillonez,
mais ceux qui sont dedans pour le deffendre
ont tué soixante des assiegeans ayant
fait vne sortie.

Le Sieur de Sauuebœuf, s’est retiré auec enuiron
cent Cheuaux du costé de Sarlac. Monsieur
le Comte de Maure, & le Marquis d’Aubeterre,
sont arriuez en cette Ville, comme aussi
le Marquis de Theobon apres auoir nettoyé
tous ces quartiers là des ennemis.

De Bourdeaux le 29. Aoust, 1652.

L’Armée du Comte de Harcourt, qui est en

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cette Prouince n’est pas considerable. Toutes
nos Trouppes s’assemblent pour faire vn corps
d’armée laquelle doit aller du costé de Perigort.

 

On nous asseure que Monsieur le Duc de
Guise, est à S. Sebastien & qu’il se dispose à
venir de par deça auec 2. millions que le Roy
d’Espagne enuoye a Batteville.

Le Comte du Daugnon, a perdu sa Galere
par la lacheté de ceux qui y commandoient.
Le Vaisseau nommé la Lune, & quelques
autres sont sur nostre Riuiere.

Vn de nos Bourgeois, ayant esté condamné
par le Presidial a appelle a Messieurs de l’Ormee.

Ie donne aduis au Lecteur que c’est mon
troisiesme Iournal, & que ie le continueray
toutes les Sepmaines.

FIN.

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