Anonyme [1649 [?]], CAYERS DES REMONSTRANCES FAITES AV ROY ET A LA REYNE REGENTE. PAR LES DEPVTEZ DV PARLEMENT de Prouence. , françaisRéférence RIM : M0_663. Cote locale : A_9_40.
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CAYERS DES
REMONSTRANCES
FAITES
AV ROY
ET A LA
REYNE REGENTE.

PAR LES DEPVTEZ DV PARLEMENT
de Prouence.

Vostre Parlement & vostre Païs de Prouence
supplient tres-humblement Vos Majestez de
les faire ioüir du fruit & de l’effet de vostre Declaration
du mois de Mars dernier, donné en consequence
du Traité fait par Monsieur le Cardinal
Bicchy, qui ne peut estre alterée sans que la Iustice
& vos Subjets en reçoiuent vn notable prejudice,
aussi bien que de l’innobseruance de vostre Declaration
du mois d’Octobre mil six cens quarantehuict
touchant les Euocations ; au mespris de laquelle
quelques Communautez & plusieurs particuliers
poursuiuent en vostre Conseil les Lettres d’Euocations

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generales, que M. le Comte d’Allais leur
fist esperer lors qu’il voulut former le funeste party
qui a excité tous les troubles de cette Prouince, &
mesme deuant ses derniers mouuemens sept ou
huit cens personnes, qui n’auoient pas encores le
faux pretexte dont elles se seruent aujourd’huy, obtindrent
sur Requeste deux Arrests en vostre dit Conseil
aux mois d’Avril & Iuin dernier, qui interdisent
tant les Iuges ordinaires que les Souuerains de la connoissance
de toutes leurs affaires Ciuiles & Criminelles,
& de celles de leurs Peres, Meres, Freres,
Sœurs, Oncles, Tantes, Nepueus, Niepces, Cousins
germains & domestiques, jusques à ce que
Vostre Majesté en ayt ordonné.

 

Ce qui oblige vostre Parlement de remonstrer
tres-humblement à Vos Majestez, qu’on ne pût accorder
ces sortes d’Euocations sans blesser mortellement
la Iustice, renuerser les Loix du Royaume,
destruire vos Declarations, troubler le repos d’vn
nombre infiny de familles & ruiner l’autorité de vostre
Parlement si necessaire au bien de vostre seruice
dans vne Prouince esloignée & frontiere.

Vos Majestez ne douteront point de cette importante
verité, s’il plaist à leur bonté de considerer, que
le ressort du Parlement de Prouence est de fort petite
estenduë.

Que pour subuenir aux vrgentes necessitez de
l’Estat, cette Compagnie ayant esté augmentée d’vne
vingtaine d’Officiers de nouuelle création depuis

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dix ou douze ans, & par ce moyen ayant aussi
augmenté ses parentez & ses alliances dans la Prouince
les plus grandes affaires en sont ordinairement
euocquées.

 

Que les foules extraordinaires, le deffaut du commerce
& les desordres faits depuis quatre mois ont
si fort ruyné le Pays, que la pluspart de vos Subjets
ne pourront de long-temps poursuiure les iugemens
de leurs procez sur les lieux mesmes, & qu’ils ne sçauroient
porter auec patience d’estre obligez d’aller
chercher la Iustice à grands fraits loing de leurs
maisons pour fauoriser la chicane de leurs parties.

Que le Parlement ne seroit pas seulement interdit
durant six mois, comme il eust esté par le Semestre,
mais qu’il resteroit sans fonction durant toute l’année,
puis que tous les Criminels, tous les mauuais
Payeurs & tous les Gentils hommes qui ont accoustumé
de tyrannizer leurs pauures Subjets : C’est à dire,
en vn mot, toutes les personnes qui donnent matiere
d’exercer la Iustice, ont suiuy à dessein M. le
Comte d’Allais, pour pouuoir éuiter ou reculer par
des Euocations la peine deuë à leurs crimes, ou pour
se desrober à la poursuitte de leurs creanciers, ou pour
mieux trauailler ceux contre qui ils ont affaire.

Qu’il despendroit non seulement d’vn Gouuerneur,
mais aussi d’vne Ville & de quelques particuliers
de remuer dans vne Prouince pour engager les
Parlemens à vne iuste deffence, ou à la protection
des innocens, & à la punition des autheurs des desordres,

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afin d’auoir vn pretexte de se soustraire à leur
Iurisdiction & de se rendre independans de leur autorité.

 

Qu’il n’y a iamais eu d’exemple en France de ces
Euocations generales pour des Communautez, car
il en naistroit des desordres infinis.

Que le pretexte des aigreurs & du ressentiment est
iniurieux à vne Compagnie souueraine, dont l’integrité
& la Iustice ont fait les desirs & les vœux de
toute la Prouince durant le temps qu’elle en a esté
malheureusement priuée, & la chaleur auec laquelle
le Peuple s’est esmeu pour son restablissement.

Que ce pretexte n’est pas moins leger & inconsiderable,
puis que le Parlement n’a pas agy en ces derniers
mouuemens pour aucun interest particuliers,
n’estant qu’estion ny du Semestre ny de la Chambre
des Requestes, que Vos Majestez par leurs bontez
auoient désja suprimées, mais seulement pour l’execution
de vos volontez en faueur de la Prouince,
contenuës dans la Declaration du mois de Mars &
pour la deffence de la Ville d’Aix que M. le Comte
d’Allais vouloit immoler au ressentiment de sa detention :
Si bien qu’on ne peut pas soubsçonner auec
raison, le Parlement d’aucune aigreur contre qui que
ce soit, pour n’auoir pas voulu deffendre sa propre
cause, n’y d’auoir d’autres sentimens que de compassion
pour ceux qui se sont laissez surprendre jusques
à ce poinct que de sacrifier leurs interests auec ceux
de leur Patrie aux passions d’vn Gouuerneur.

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Et si cette raison estoit specieuse pour donner vn
autre Parlement à ceux qui ont suiuy M. Le Comte
d’Allais, elle seroit bien plus considerable pour
donner vn autre Gouuerneur à ceux qui ont suiuy
le Parlement, puis que les violences qu’on a faictes
depuis la paix au prejudice des ordres de Vos Majestez
& de sa parolle ne laissent aucun lieu de douter
de sa hayne & de son ressentiment ; Où au contraire,
la generosité que les Officiers du Parlement
ont prattiquée à l’endroit mesme de ceux du Semestre,
en mettant leurs personnes &à leurs biens à
couuert de la fureur du peuple, & les Arrests qu’il a
faits contre ceux qui les chassoient de tous les lieux
où ils se presentoient, tesmoignent bien qu’il n’est
pas capable de vengeance, & que s’il conserue quelque
souuenir du passe, ce n’est que pour la plus grande
gloire de la Iustice.

Cette consequence est d’autant plus forte, que par
vn seul logement des gens de guerre vn Gouuerneur
peut commettre plus d’injustices dans vn iour que
le Parlement par ses Arrests en vn siecle, outre que
l’injustice des Arrests se peut reparer, mais on ne
sçauroit reparer les maux qu’ont fait les troupes :
De sorte, que pour obseruer l’equité & rendre toutes
choses esgales, il faudroit dispenser de reconnoistre
les ordres du Gouuerneur, ceux qui ont
porté les armes contre luy, si ceux qui les ont prises
contre le Parlement sont dispensés de reconnoistre
son authorité.

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D’ailleurs, les corps composez de tant de membres
differends & qui se renouuellent tous les iours,
ne peuuent iamais estre censez capables de passion :
A quoy il suffiroit d’adjouster que M. le Comte
d’Allais aduoüe luy mesme dans ses manifestes
qu’il n’y a que sept ou huict Officiers du Parlement
qui ont donné lieu à tous les desordres, & que la
pluspart des autres sont ses amis, s’y bien que tous
les Iuges ne doiuent pas estre suspects à ceux qui
ont suiuy son party.

Mais qui ne voit que par ces Euocations, M. le
Comte d’Allais pretend se venger du Parlement,
affoiblir son authorité, en rendre independant son
party & fomenter les diuisions dans la Prouince si
fauorables à ses desseins : A quoy Vos Majestés ont
voulu remedier par leur clemence, en ordonnant
l’amnistie laquelle doit enscuelir la memoire du passé,
reünir les esprits & les cœurs, & passer l’esponge
sur tout ce qui a esté fait durant les mouuemens,
afin que tous vos Subjets concourent ensemble au
bien de vostre seruice.

Vos Majestez sont donc, tres-humblement suppliées,
de preuenir par leurs bontés la suitte des maux
que telles Euoccations pourroient causer, faisant executer
ponctuellement les Ordonnances des Roys
vos predecesseurs, & vostre Declaratiõ du mois d’Octobre
mil six cens quarante huict, comme aussi
celle du mois de Mars dernier confirmée par le
Traicté de Ruel, laquelle est d’autant plus iuste, qu’elle

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est conforme aux Loix de l’Estat, & qu’elle conserue
vostre pays de Prouence en la possession de
ses anciens Priuileges.

 

Sans fondement, on luy voudroit opposer l’enregistration
des Articles portées par M. de sainct
Aygnan, qui s’emblent y desroger, puis qu’ils
n’ont esté enregistrés qu’à la rese[illisible] de nos tres-humbles
Remonstrances, & que c’est vne Lettre de Cachet
qui ne peut destruire des Lettres Patentes sans destruire
les dernieres Declarations & blaisser l’vsage du
Royaume, outre que le Parlement n’a pas creu desroger
par cette verification aux aduantages de la
Prouince, dont les interests sont confondus auec les
siens dans le Traicté fait par M. le Cardinal Bicchy.

On auroit aussi lieu de dire qu’en cette occasion
l’Estat des choses ne laissoit pas la liberté au Parlement
de reietter lesdits Articles, puis qu’il ne le pouuoit
faire sans reculer la paix, qui estoit si necessaire
au bien de vostre seruice & au repos de vos Subjets ;
de sorte, que son obeyssance à vos ordres & la consideration
qu’il a euë pour le bien de l’Estat, ne doiuent
pas luy estre preiudiciables ny à la Prouince.

De plus, ne s’agissant principalement que de la
soulager de l’entretient de quinze Compagnies de
gens de pied, qui sont entierement inutiles, puis
qu’vn pareil nombre est plus que suffisant pour la
garde de Thollon & d’Antibe, où elles sont destinées ?
Et ceste grace estant la seule que Vos Majestés

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luy ont accordées par la Declaration du mois de Mars ;
Nous n’estimons pas qu’elle la vueillent reuocquer
en vn temps où cette malheureuse Prouince a incomparablement
plus de besoing d’estre soulagée
qu’elle n’auoit deuant ses derniers troubles pendant
lesquels, mais encores plus apres la Paix, contre la
foy publicque [illisible]os ordres si souuent reïterées
pour en faire sortir les troupes, Elles a esté espuisèe
par des rençonnemens qui excedent en general ou
en particulier deux millions de liures, outre les desordres,
les brussemens, les pillages des meubles &
des bestiaux qu’on ne sçauroit estimer,

 

Toutes lesquelles violences ont esté fauorisées
par les Ordres & les Routes données en blanc par
M. le Comte d’Allais, & augmentées par ses Ordonnances,
portant assignation sur les Communautez
de diuerses sommes considerables, dont vne partie a
seruy de recompence aux Ministres de ses passions &
à indamniser plusieurs de ses amis des dommages
qu’ils disent auoir receus en leurs terres par ses propres
troupes, ayant luy-mesme nommé des Arbitres
pour les estimer : Ce qui est vn tesmoignage sensible
de son peu d’affection à l’endroit du Pays, & qui fait
iuger qu’il est non seulement iuste, mais necessaire de
luy oster les moyens de continuer nos maux, de troubler
la tranquillité publique, & faire cesser les plaintes
contre son regiment, dont la Prouince importune
depuis long-temps Vos Majestez, parce qu’il est
depuis long-temps l’instrument de ses miseres.

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La iustice de ces tres-humbles Remonstrances est
d’autant plus considerable qu’elle est fondée sur cette
maxime d’Estat, qu’il ne faut pas donner sans necessité
aux Gouuerneurs des Prouinces des Regimens entretenus
dans leurs Gouuernemens, de peur qu’ils ne
s’y rendent trop puissans, & pour ne leur mettre en
main des forces dont ils pourroient abuser contre le
seruice du Souuerain & la tranquillité des Peuples,
dequoy on a fait que trop souuent des funestes esperiences.

Il n’y a point aussi de Gouuerneur en France qui
ayt cét aduantage que M. le Comte d’Allais, lequel
fist establir, augmenter, & subsister son Regiment
par des voyes contraires aux libertez du Païs : Car
l’ayant mis sans necessité jusques à trente Compagnies,
il faisoit deliberer leur entretien comme il
pretend faire à l’aduenir de celuy de Vallois, qu’il a
subrogé à sa place, dans les Assemblées des Communautez,
composées de tous ceux que par Lettres Patentes
ou de Cachet & le plus souuent par brigues
ou par menasses, il auoit fait créer Consuls des principaux
lieux de la Prouence, particulierement de la
Ville d’Aix, qui sont Procureurs du Païs, si bien
que par tant de raisons appuyées sur les Declarations,
sur le bien public & sur les mauuais vsages que M. le
Comte d’Allais a fait autres fois du Regiment de Prouence,
licentié par l’Edit du mois de Mars, & presentement
de celuy de Vallois, qu’il a leué depuis la paix
sans ordre de Vos Majestez, à quarante-cinq Compagnies
qu’on paye à huict monstres par an, sur le pied

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de soixante & quinze soldats & vne Enseigne en
chaque Compagnies, quoy que les Enseignes ayent
esté cassées en tous les nouueaux Regimens.

 

Toutes ses considerations font esperer à vostre
Parlement & à vostre païs de Prouence, que Vos
Majestez faisant executer leur Declaration du mois
de Mars dernier, comme elles ont eu la bonté de leur
promettre souuent par Lettres & par la bouche de
Mr Destampes dans la plus grande chaleur des mouuemens
qu’elles licentieront, le Regiment de Vallois
ou le feront sortir de la Prouence.

Qu’elles enuoyeront, s’il leur plaist, quinze Compagnies
pour garder la Coste, dont la paye & le
nombre des soldats seront reglez conformement aux
derniers Reglemens, & de mesmes pour les Enseignes.

Que les reueuës en seront faites par vn Commissaire
du Païs, & qu’elles ne seront entretenuës à ses
despens que durant la guerre dans les lieux de leurs
garnisons, où elles demeureront fixes & non ailleurs.

Que les Consuls des villes & villages ne pourront
estre faits que par la liberté des suffrages & par
les voyes ordinaires, nonobstant toutes Lettres Patentes
ou de Cachet, qu’on pourroit obtenir par surprise
sur ce sujet.

Que les Procureurs du Païs ioüyront du Priuilege
de l’Attache comme ils en ont ioüy durant plusieurs
siecles, & mesmes durant les huict premieres annees
du Gouuernement de M. le Comte d’Allais, lequel

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Priuilege est d’autant plus raisonnable que les Procureurs
du Pays, connoissants mieux la portée des lieux,
ils peuuent mieux aussi conseiller les Gouuerneurs
sur le sujet des logements des gens de guerre, & ordonner
les aydes necessaires pour les contributions,
le tout conformément à la Declaration du mois de
Mars & confirmant les Priuileges des Procureurs du
Pays, Vos Majestez autoriseront, s’il leur plaist, ce
qui a esté fait par leurs deliberations iusques à la Declaration
de la Paix du mois d’Aoust.

 

Vos Majestez sont aussi tres-humblement suppliées,
d’ordonner que les Places qu’on a fortifiées
& où l’on a mis des garnisons durant ou apres les
mouuemens, seront remises en leur premier estat, notamment
les Villes de Tarascon, Sisteron, Brignole
& Berre, dans laquelle M. le Comte d’Allais fait
payer par les lieux circonuoisins la subsistance de
deux cens cinquante hommes, quoy que deuant les
derniers troubles, il n’y eust pas vn soldat entretenu ;
Et cette garnison est si fort inutile, qu’apres les guerres
Ciuiles toutes les fortifications de cette Place furent
demolies, lors qu’Alexandre Vitelli qui s’en
estoit saisi pour le Duc de Sauoye, l’eust remise és
mains de celuy que le Roy Henry le Grand y enuoya.

Vos Majestez sont encores tres-humblement suppliées
de faire establir dans la Prouince des Estappes
conformement à vos derniers Reglemens, dans les
lieux que les Procureurs du pays ou l’assemblée des
Estats iugeront les plus commodes, ce qui espargnera
beaucoup de desordres & de despences, que les

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gens de guerres font quand ils vont errans par la
Prouince, laquelle auroit plus de moyens de secourir
Vos Majestez en la necessité des affaires presentes
& de mieux tesmoigner son zele au bien de
vostre seruice, s’il leur plaisoit de la soulager aussi
d’vne partie de la somme de cent quarante mil liures
qu’elle paye annuellement pour la subsistance
de plusieurs garnisons qui sont entierement inutilles
le long de la Coste, puisque celle de Monaco la
met à couuert des entreprises des ennemis, ausquelles
d’ailleurs des petites tours ne sçauroiẽt s’opposer.

 

De mesme que la Citadelle de Sisteron qui ne peut
seruir que de retraicte à des criminels & à ceux qui
voudroient troubler la tranquilité publicque, sans
que le Gouuerneur en deust legitimement pretendre
autre recompence que les cent mil liures qu’il
a pillées durant les derniers mouuemens.

Ce sont les graces que vostre Parlement & vostre
Pays de Prouence ozent esperer de la bonté de Vos
Majestez, qui leur en feront, s’il leur plaist, expedier
les Declarations necessaires, ce qui les obligera tousjours
plus à redoubler les vœux que font journellement
pour la durée de vos jours & la prosperité
de vos glorieux desseins ;

Vos tres-humbles, tres-obeyssans & tres-fidelles
Subjets & seruiteurs les Gens
Tenans Vostre Cour de Parlement
& les Procureurs de vostre Pays de
Prouence.

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