Anonyme [1649], CAYER CONTENANT. LES TRES-HVMBLES Remonstrances des Deputez du Parlement de Bordeaux, presenté au Roy & à la Reyne Regente, le second Octobre mil six cens quarente neuf. , françaisRéférence RIM : M0_662. Cote locale : C_1_10.
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CAYER
CONTENANT. LES TRES-HVMBLES
Remonstrances des Deputez du
Parlement de Bordeaux, presenté
au Roy & à la Reyne Regente,
le second Octobre mil six cens
quarente neuf.

M. DC. XLIX.

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CAYER CONTENANT LES TRES
humbles Remonstrances des Deputez du
Parlement de Bordeaux, presenté au Roy
& à la Reyne Regente, le second Octobre
mil six cens quarante neuf.

Leurs Maiestez sont tres humblement supliées
d’agréer les sinceres & respectueuses protestations
de la fidelité inuiolable, & de l’obeyssance du
Parlement de Bordeaux, & de vouloir en prendre des
sentimens tous contraires aux impressions qu’on leur
a données à son desauantage, & sur lesquelles on a
obtenu d’elles par des violentes & importunes solicitations
contre les inclinations de leur iustice & de leur
bõté, vne interdiction generale contre tous les Officiers
du Parlement du douziesme Iuillet dernier, laquelle
leurs Maiestez sont tres humblement supliées de reuoquer,
& la commission du quatorziesme du mesme
mois presque plus iniurieuse au Parlement, par laquelle
quelques vns des Officiers en blanc & à la discretion de
Monsieur d’Espernon ont esté exceptez de cette interdiction,
A cet effect elles sont supliées de considerer
que ces declarations blessent dans la forme tous les
ordres de la Iustice, les loix de l’Estat, & la declaration,
en ce qu’au lieu du repos que promet cette loy, qui est
l’ouurage de la prudence & de la bonté Royale aux

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personnes priuées dans la possession de leurs biens &
de leurs libertez, & aux Officiers dans la fonction de
leurs charges sans y pouuoir estre troublez, que leur faisant
le procez par les voyes des ordonnances, icy on
voit vn corps de Iustice entier priué de sa fonction, &
ses officiers condamnez à vn bannissement hors de
leurs maisons, familles, & de leurs villes dont ils estoiẽt
obligez de sortir sur des accusations clandestines auant
estre ouys, & qui pis est sans pouuoir l’estre, ayant en ce
temps leurs Deputez aux pieds de leurs Maiestez, d’où
ils furent d’abord renuoyez à Senlis ; cette forme qui ne
pouuoit estre approuuée au subiet du moindre particulier,
dans le fonds degrade vn corps de Parlement
entier, le flétrit d’vne marque eternelle, & blesse vne
Compagnie ialouse par dessus tout de cette gloire,
d’auoir conserué sa fidelité inesbranlable depuis son
establissement dans tous les mouuemens de l’Estat.
Cette genereuse passion est la seule cause qui l’a empeschée
de rendre vne obeïssance aueugle à cette interdiction,
elle ne l’a peu sans imprimer quelque tache à sa
fidelité, sans la laisser douteuse à la posterité, & sans se
charger de ce reproche d’auoir corrompu vne gloire
que ses predecesseurs luy auoient laissée si entiere & si
esclatante. Tous les chefs d’accusation sur lesquels cette
piece est fondée sont pleins de déguisement continuel
de la verité des choses passées, & ont esté suggerées par
ledit sieur d’Espernon auec tant de passion, & si peu
d’apparence que l’ordre du temps mesme y est grossierement
peruerty. Lesquelles considerations font esperer

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au Parlement de la Iustice de leurs Maiestez, vne
glorieuse reuocation de ses declarations ; le corps de
l’accusation que contient cette interdiction contre le
Parlement, est d’auoir esté l’autheur de la guerre allumée
dans la Guyenne, & des desordres qui desolent
cette Prouince, & qui y troublent les affaires de la
France aussi bien que le bonheur de leurs peuples : &
certainement quiconque soit l’autheur d’vn si funeste
ouurage il merite iustement l’indignation de leurs Maiestez,
puis que cette sanglante guerre a violé tout ce
qu’il y a de plus sainct, & blessé tout ce que le droict
diuin & humain a de plus inuiolable par des exemples
nouueaux de sacrileges & d’inhumanitez. Mais comme
cette mesme interdiction fait voir manifestement que
Monsieur d’Espernon est le seul autheur de cette seconde
guerre qui s’est renouuellée dans Bordeaux,
elle fait vne presomption violante, qu’il est aussi le seul
qui en a excité les premiers desordres. Il ne peut desauoüer
que c’est la passion particuliere qui luy a fait
poursuiure cette interdiction auec tant de presse & sur
de si faux fondemens que ceux du pouuoir absolu, qu’il
publioit auoir sur tous les cœurs & esprits des peuples,
qu’il disoit estre tous dans vne entiere allienation contre
le Parlement, & des fautes ou rebellions pretenduës,
dont il a osé charger cette Compagnie. Il peut encore
moins nier que cette aueugle passion ne luy ait fait
executer cette interdiction auec vne violẽce qui offença
auec outrage ce que l’authorité du Roy & sa Iustice
souueraine ont de plus venerable, & qui excita vne

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emotion si dangereuse & si generale dans la ville de
Bordeaux, & que ce ne soit les voyes par lesquelles la
Prouince est retombée dans les malheurs de la guerre,
& a esté priuée de la paix & du repos dont elle iouyssoit.

 

Il n’est guere moins euident que les premiers troubles
qui se formerent à la fin de Mars furent l’effect de
ses desseins, qu’il conceut de se preualoir de l’emotion
du Royaume, de se tenir en estat de prendre le party
que luy presenteroit la fortune, & en tout cas de se rendre
si necessaire à leurs Maiestez, qu’elles feussent obligées
de mettre ses charges dans sa famille ce domaine
& en heredité.

Cette verité qui est decisiue de toutes les affaires de
la Guyenne peut estre facilement conuaincuë, s’il plaist
à leurs Maiestez de considerer, que ce qu’on reproche
Ie plus au Parlement dans toute sa conduite, dont il sera
touché quelques chefs & articles suiuans, ne pouuoit
tendre qu’à entretenir le calme & esloigner la guerre de
la prouince de Guyenne ; & ce que Monsieur d’Espernon
pretend auoir fait de plus loüable ne pouuoit seruit
qu’à en troubler, cõme il a fait, le repos, & à y exciter le
desordre. Le Parlement a donné Arrest au mois d’Aoust
mil six cens quarante huict, portant surseance de la leuée
de deux escus sur tonneau de vin, les peuples en
ce temps là par vn mouuement general, & comme
contagieux estoient entrez en pretention de se voir
deschargez de tant de subsides qui les accablent, les
bontez de leurs Maiestez auoient excité ses esperances,
& les exẽples de Paris & des autres Prouinces, soulagées

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de tant de droits, qui estoient rapportez de toutes parts,
les confirmoient dans ces pensées : Le Parlement fait
examiner les titres des impositions qui se leuoient dans
la Prouince, & laissant à part pendant la necessité de
l’Estat les Priuileges de la Guyenne, qui l’exceptent de
toute sorte de subsides, & les Titres authentiques qu’elle
a sur la foy & la parole Royale de l’extinction des
droicts entiers du conuoy, de toutes les subsides de la
Prouince, elle n’en esbranle aucun que celuy de ces deux
escus qui se destruisoit de soy-mesme par son propre
fondement, n’ayant esté estably que par vn emprunt
de quatre cens mil liures fait sur la ville de Bordeaux
comme ville abonnée, desia dix fois surpayées. Par ce
petit benefice les peuples sont quasi satisfaits, & Monsieur
d’Espernon au contraire, voyant que ces peuples
apprehendans la disette s’opposoient au transport des
bleds que leurs Maiestez auoient defendu, par la mesme
raison conçoit des desseins de mesnagerie & d’auarice
à faire charger des bleds de son authorité sous couleur
de quelques passeports reuoquez, & commença par là
à exciter quelque commencement de sedition, & les
obstacles que le Parlement apporta à ces passeports sont
la source des mauuaises volontez qu’il a tesmoignées à
cette Compagnie.

 

Le Parlement fondé sur l’exemple de plusieurs Arrests
anciens donné en de moindres occasions, sur
l’authorité d’vne lettre du feu Roy expediee auec
moins de suiet, deffendoit en cette saison dangereuse
l’approche des trouppes à dix lieuës de Bordeaux, Pouuoit

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il mieux marquer qu’il ne vouloit point de guerre, il
luy estoit impossible d’en faire sans rompre son propre
Arrest en faisant venir des trouppes à plus prés de dix
lieuës, ou dans la ville. Mõsieur d’Espernon, au contraire
sans aucun pretexte ni occasion pour le seruice du Roy
soit de passage ou de logement des gens de guerre fait
retrograder vers Bordeaux, ceux qui estoient desia
dans le haut pays par quel autre dessein que d’y causer
du trouble, il les fait venir à Libourne, & retourner
vne seconde fois contre la foy d’vne parolle donnee, il
y desarme les Habitans, pour quel suiect, que pour y
bastir comme il a fait vne Citadelle & mesnager cette
piece à son aduantage pendent les desordres de l’estat.
Sa presence à Bordeaux & son vnion auec le Parlement
estoit ce qui pouuoit empescher la naissance de tous
desordres, apres y auoir donné tous les ombrages possibles
de ses desseins contre cette ville, s’estre saisi des
Citadelles de Puymirol, & de Bourg, auoir fait de grands
magazins d’armes, poudres & mesche, auoir fortifié le
Chasteau Trompette de nouuelles reparations, d’hommes
& de munitions, auoir fait monter ses canons &
pointer contre la ville, sans que toutes ces choses comme
il pretendoit peut-estre y eussent causé la moindre
emotion, neantmoins il en sortit soudainement sans en
aduertir le Parlement, fit d’estendre ses meubles, & de
nuict enleuer du Chateau du Hà quelques pieces d’artilleries.
Le temps & la forme de ce depart & de cét enleuement
de canon commencerent d’allarmer le peuple,
sur ce le Parlement enuoye incontinent vers luy

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dans sa maison de Cadillac des Commissaires [illisible]
coup le prier de reuenir, de rasseurer les esprits &
de leuer leurs ombrages, luy accorde ce qu’il desiroit par
vne condescendence sans exemple de supprimer l’Arrest
de l’esloignement des trouppes à dix lieuës, affin
que la chose se fit de son auctorité. Il accepta cette condition
& ne l’executa pas, & refusa de reuenir à Bordeaux.
Enfin deux fois les choses se sont pacifiées en
Guyenne par les soins de leurs Maiestés. Le Parlement
dans les formalitez & dans le fond a passé dessus
toutes les difficultez qu’il faisoit naistre pour paruenir à
la paix ; deux fois Monsieur d’Espernon l’a rompue
par ses infractions au traité, & a renouuellé la guerre
par ses violences. Est il pas aisé à iuger qui des deux a
cherché le seruice du Roy, & qui des deux a voulu
le desordre Les preuues de cette verité seroient infinies,
en voicy vne conuainquante : Monsieur d’Espernon
ne demeura pas d’accord que les gens de guerre ne se
deussent approcher de la ville à dix lieuës, mais il ne
contesta pas pourtant les autres priuileges authentiques,
& l’vsage constant & inuariable pour la distance
des quatre lieuës, neantmoins le Parlement recouuré
en original vne exemption de logement & rauages des
gens de guerre donnée par luy & signée de luy pour vne
maisõ qui est à demylieuë de Bordeaux, & ce dés le troisiesme
Feurier dernier, qui est deux mois entiers auant
la premiere naissance des troubles, qui luy ont donné
pretexte de bloquer & assieger la ville & d’en faire approcher
ses trouppes, ce qu’il ne pouuoit preuoir humainement

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s’il n’eut eu dés lors le dessein ferme dans
son esprit de faire les choses qu’il a depuis executé es.
Dãs son Manifeste imprimé à Cadillac dans sa nouuelle
imprimerie il a auouë deux choses remarquables ; l’vne
qu’il n’a fait approcher de Bordeaux ses trouppes, que par
ce que le Parlement l’auoit deffendu ; l’autre que si les
Bourgeois luy feussent allé demander l’esloignement
des mesmes trouppes, il leur eut accordé, n’ayant peu
ny voulu l’accorder au Parlement, en sorte que par sa
propre confession vne primeur & vne ialousie de charge,
vne auersion & vn ressentiment contre le Parlemẽt
sont les raisons qui luy ont fait entreprendre la guerre,
dans vn temps ou tous les bons seruiteurs du Roy deuoient
relascher de ce qui leur estoit le plus important,
& s’oublier deux mesmes plutost que d’alterer la tranquilité
publique. Ce sont les plus importantes fautes de
Monsieur d’Espernon d’auoir commencé & renouuellé
par des pretextes si foibles & par des passions si déraisonnables
vne guerre si cruelle & si dangereuse. Dans
l’execution il n’a pas esté plus innocent, ces premieres
considerations le rendent coupable de tous les desordres
que la guerre entraine necessairement apres elle,
mais il est plus reprochable encore de ceux qu’il a procurez
directement & par dessein formé, ayant receu
quelque eschec à complotures. Sa passion luy persuada
que ne pouuant se venger sur les autheurs, il le deuoit
faire sur le lieu de sa disgrace, il enuoye dans ce village,
& les personnes de tous aages & de tous s’exes s’estans
retirez dans l’Eglise il y fait mettre le feu, les ornemens

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& argenterie furent pillés par prealable iusques au saint
Ciboire, & l’adorable Sacrement de l’Autel fut ietté au
vent dans le Cemetiere, le reste des especes fut auec la
custode mis dans le bagage des soldats & porté par vne
prouidence particuliere sur le Bureau du Parlement. Au
mesme lieu les femmes enceintes & celles qui tenoient
leurs enfens dans les bras, furent iettées dans les flammes
de l’Eglise Ailleurs les Prestres ont esté esgorgés du
pieds des Autels, les femmes y ont esté violees, & les
Eglises ont seruy d’estables & de lieux de prostitution.
Monsieur d’Espernon a pris luy mesme le Superieur des
Recolets de Libourne à la gorge, & l’a fait conduire dãs
vne basse fosse par ses gardes, & ce qui est plus estrange
sa main mesme à donné le commencement &
le signal de cét attentat sans exemple ; les maisons
des particuliers ont esté ou bruslées ou desmolies, & les
materiaux portez à Cadillac, il a degradé les biens des
personnes les plus considerables, & des Officiers les plus
qualifiez : contre la foy des traittez, il a fait pendre des
soldats, brusler & ruiner des maisons, emprisonner des
Gentilhommes depuis la paix du sieur d’Argenson &
de Monsieur l’Archeuesque de Bordeaux.

 

Ces entreprises & ces violences de Monsieur d’Espernon,
d’auoir de son authorité priuée sans aucune declaration
de leurs Maiestez, entrepris vne guerre contre
vn Parlement & vne ville capitale sans aucune denonciation,
& de la mesme auctorité s’estre saisi des places
de la Prouince, en auoir construit de nouuelles contre
les loix de l’Estat, & declarations enregistrées au Parlement,

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où il falloit faire enregistrer le pouuoir d’en establir
de nouuelles, & d’auoir exercé cette mesme guerre
auec tant d’inhumanitez & de sacrileges, ont obligé le
Parlement de donner diuers Arrests que leurs Maiestez
seroient tres humblement supliées de donner vn autre
Gouuerneur à la Prouince.

 

Ce changement est deuenu depuis, d’autant plus necessaire,
qu’apres les ordres enuoyez par leurs Maiestez
dans la Prouince pour la pacifier & le voyage de l’vn
des Deputez pour ce dessein : Les choses se trouuent reduites
en cet estat, qu’il semble que c’est non seulement
le moyen le plus prompt & le plus efficace qu’il y aye
pour esteindre la guerre dans la Guyenne, pour y restabir
plainement l’auctorité & le bonheur des peuples, &
pour arrester les mauuaises consequences que les troubles
de cette grande Prouince peuuent produire dans
l’Estat & hors iceluy, qui sont des choses si solides que
toutes les personnes affectionnées au bien de la France
ne conseilleront iamais d’hazarder pour l’interest d’vn
particulier de telle consideration qu’il soit, lequel doit
desirer de sortir d’vn lieu où il ne pourra voir que les
images des maux qu’il y a faits & des ressentimens
qu’on a conceus.

La raison de cette necessité se prend en premier lieu
de la hayne irreconsiliable rage & desespoir que tous
les ordres & particuliers ont contre Monsieur d’Espernon,
de sorte qu’il est impossible moralement que l’authorité
du Roy soit iamais recogneuë entre des mains si
odieuses, comme elle doit estre, & que l’amour & le

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respect que les peuples doiuent auoir pour la Maiesté du
Prince n’en sont beaucoup alterees.

 

La seconde raison de cette necessité se tire de la deffiance
inuincible, qui est dans les esprits de pouuoir
iamais trouuer de seuretés pour leurs personnes ny
pour leurs familles contre ses vangeãces de Monsieur
d’Espernon, outre sa disposition naturelle à cette passion,
ils rappellent le souuenir des inhumanitez de
toutes ses gueres, de celle de l’an 1635. des infractions
desia des deux traittez, & qui plus est de sa conduite
dans le temps d’vne pleine paix où il a commis des
violences contre tous les ordres, a fait persecuter les
Euesques, maltraitter les Officiers, assassiner dans les
villes & au milieu des ruës à Agens & Bordeaux des
personnes considerables, emprisonner de son authorité
priuee des Ecclesiastiques, des Gentils hommes de
naissance & autres particuliers, viure ses gardes sur
le peuple, & ne s’en seruir que pour venger ses passions,
ruiner par eux & autres gens de guerre les lieux & les
villes qui ont des attaches à des personnes qu’il n’ayme
pas, comme il est arriué à la ville de Bazas, qui est ruinee
sans resource à la consideration de son Euesque où
le Lieutenant General & l’Aduocat du Roy ont esté
contraints de quitter l’exercice de leurs charges &
abandonner leurs maisons. Ils considerent aussi que
dans la Cour des Aydes, qui est l’obiet de ses faueurs,
son esprit de vengence luy a sait faire vne exception
publique & scandaleuse du sieur Hosten dans les exceptions
qu’il a donnees aux autres Officiers, & de

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toutes ces choses ils tirent de telles consequences, que
quoy que la paix soit le bien le plus sensible des peuples,
que ce soit l’obiet de toutes ses passions & le seul
fondement de leurs fortunes, si Monsieur d’Espernon
demeure Gouuerneur de Guienne ils regardent la paix
comme le dernier de tous leurs maux, ils l’appellent
fausse paix, parce que par elle ils tomberont dans la
main de leur ennemy irrité de l’estat auquel il est reduit.
Dans cette extremité, quel autre conseil peut prẽdre
le Parlement que de proposer ce changement à
leurs Maiestés pour le bien de leur seruice ; car pour son
interest propre s’il est vray, que l’authorité des Parlemens
reçoiue quelque contrepois par celle des Gouuerneurs,
il auroit aduantage que Monsieur d’Espernon
subsistast, puis que de long temps il ne sçauroit
estre dans la Guyenne que fort foible & fort odieux,
mais cela est trop preiudiciable au seruice du Roy,
principalement s’il empesche, comme il fait la pacification
de la Prouince.

 

On peut opposer que l’exemple en seroit dangereux,
outre que la raison qui empesche qu’on ne rende
les Gouuerneurs dominiaux & hereditaires, & qui
oblige les Roys à pouruoir aux necessitez de leurs peuples,
à s’accommoder à leurs esprits, à preferer la paix
de leurs Estats à toutes choses de cette nature, à faire
regner les peuples auec amour & douceur, & non pas
en esprit de rigueur & de vengence, encor l’exemple
n’est pas nouueau, il fut iugé necessaire d’oster feu
Monsieur d’Espernon du gouuernement de Prouence

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pour appaiser l’indignation des peuples & euiter la
perte de la Prouince, & Monsieur de Biron pere fut
priué de la Lieutenance du Roy en Guyenne, pour
auoir donné vn souflet à vn Magistrat de Bordeaux.

 

Bref, ont dit que ce n’est pas vne demande à faire
par des subiets à leur Maistre les armes à la main, les
armes qui n’ont pas esté prises pour ce subiet ne diminuent
rien du respect & de l’humilité, auec laquelle
cette suplication est adressée à leurs Maiestez, mais
elle augmente de beaucoup les fautes de Monsieur
d’Espernon, & le suiet des ressentimens de la ville de
Bordeaux contre luy, puis que ses violences & sa mauuaise
conduite l’ont contraint à prendre les armes pour
se defendre, & il profiteroit de cette rude necessité où
il l’a reduite, si ses armes affoiblissoient la force de ses
raisons & le poids de ses plaintes pris leurs Maiestez,
enuers lesquelles on ne se sert d’autres armes que de tres
humbles suplications. Il plaira donc à leurs Maiestez
de donner vn autre Gouuerneur à la Guyenne, ce faisant
pouruoir du gouuernement vn de Nosseigneurs
les Princes du sang, suiuant l’vsage ancien & accoustumé,
& duquel Anthoine de Bourbon Roy de Nauarre
se sentit honoré au siecle dernier.

Leurs Maiestez sont aussi supliées de faire reparer
les attentats commis contre sa Iustice souueraine, lors
de la signification de ladite interdictiõ, où le Palais fut
assiegé en plaine paix par les domestiques de Monsieur
d’Espernon & autres de sa suitte, qui entrerent
dans le Palais iusques dans la grand Chambre le Parlement

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seant, & se saisirent le chapeau en teste, l’espée
au costé, & la botte leuée de la porte de la grand Chambre
pousserent ceux de Messieurs qui y entroient, porterent
la main sur l’vn d’eux, & tirerent leurs espées
dans ce lieu de respect & de veneration contre les Officiers
du Parlement.

 

Il plaira encor à leurs Maiestez de pouruoir à l’entreprise
faite contre l’auctorité Souueraine du Roy.
par les ordonnances du sieur Duc d’Espernon, en ce
qu’il a pris cognoissance des Arrests de la Cour, les a
cassez auec des termes iniurieux & plains de scande la
a fait enregistrer ses ordonnances és Greffes des Iuges
ordinaires, des Senechaux & Presidiaux, qui est vn precedé
iusques à present inouy, & qui blesse l’authorité
Souueraine du Roy, laquelle à voulu elle-mesme se
prescrire des formes pour ne toucher pas indifferemment
aux Arrests de ses Cours Souueraines, & n’a iamais
permis qu’aucun autre en prit cognoissance, &
sont leurs Maiestés suppliees comme autrefois d’ordonner
la cassation desdites ordres, & qu’elles soiẽt supprimees
& tirees des Registres des Greffes où elles ont
esté enregistrees, auec deffences à l’aduenir audit sieur
d’Espernon de faire de telles & semblables ordres ny
d’en faire enregistrer aucunes és sieges de Iustice à telles
peines qu’il leur plaira d’ordonner, sans preiudice
au Parlement de mulcter ses Officiers qui les ont executees,
suiuant l’exigence du car.

Et d’autant que le sieur d’Espernon sous pretexte de
ce que sa charge luy donne le titre de Lieutenant General

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du Roy, s’est mal à propos imaginé, qu’il auoit
le mesme pouuoir que sa Maiesté en personne dans la
Prouince, & confondant cette fausse pretention auec
celles de ses nouueaux titres de Prince & d’Altesse exige
des corps & des personnes priuees en particulier &
en publique les respects & les deferẽces qui sont deuës
seulement au Roy, a entrepris de faire battre de la monoye
& y grauer ses armes & son effigie, se fait intituler
dans les actes les plus celebres, Serenissime, tres-haut
& puissant Prince, se fait traitter d’Altesse, cree des
Officiers & par ses ordonnances leur enioint de rendre
comte de leurs emolumens à son Conseil, a estably
pour soy vn Imprimeur à Cadillac, retient dans le Chasteau
Trompette & ailleurs de son authorité priuee les
sujets du Roy pour autant de temps que bon luy semble,
& parle des villes Royalles, qu’il tient en engagement,
Nos villes de Saint Maquaire, &c. S’il plaist à
leurs Maiestés il luy sera deffendu d’vsurper ces titres &
d’exiger ces honneurs extraordinaires, & sera l’Arrest
de la Cour executé.

 

Et par ce que ledit sieur d’Espernon a contre les Ordonnances
du Roy impose & fait imposer en vertu de
ses ordres des sommes immenses sur le peuple & estably
de son authorité dans la Prouince des Intendens
pour ce suiet, donnant commission à diuers Officiers
qu’il a pris suiuant qu’ils luy estoient affidés, & fait en
suite leuer ses sommes à main armee, & y contraignant
les cõmunautez par logement de gens des guerre,
ce que sa Maiesté a deffendu pour ses propres deniers,

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il plaira à sa Maiesté confirmer l’Arrest de la
Cour, & ordonner qu’il sera rendu compte par ledit
sieur d’Espernon, & ses Commis de toutes les sommes
imposees de son authorité dans l’estenduë des Generalitez
de Bordeaux & Montauban, & enioindre à son
Procureur general de faire pour raison de ce toutes
poursuites.

 

Plaira aussi à leurs Maiestés pouruoir sur l’attentat
fait contre la iustice souueraine du Roy par le sieur du
Haumont commendant au Chasteau Trompette pour
Monsieur d’Espernon en la personne des Commissaires
du Parlement le dernier iour de Mars, les arrestant
par violence sous le bastion dudit Chasteau, auec menaces
du canon, ayant fait lascher plusieurs mousquetades
dont il y eut des personnes blessees, & le second
attentat fait le 7 Aoust dernier par ledit sieur de
Haumon de battre la ville à coups de canon contre la
paix publique desquels coups les maisons des particuliers
& des communautez ont esté ruinees, & plusieurs
Habitans d’icelle blessez & tués, mesmes des Officiers
du Parlement.

Plaira semblablement à leurs Maiestés de considerer,
qu’ayant autrefois en Guienne vn Gouuerneur de
la ville de Bordeaux, vn Gouuerneur du Chasteau & vn
Maire, qui estoient autant de charges separees qui seruoient
à recompenser le merite & les seruices de plusieurs
Seigneurs, toutes ces authorités sont auiourd’huy
vnies en la personne du Gouuerneur qui en fait toutes
les fonctions, dont les mauuaises consequences n’ont

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esté que trop recogneuës en sa personne & de ses deuanciers,
& en consequence leurs Maiestés ordonneront
s’il leur plaist que ces charges seront remplies de
personnes differentes qui resideront dans la Prouince,
& pour les Chasteaux y sera pourueu suiuant l’article
suiuant.

 

Le Parlement a diuerses fois demandé & les Roys ordonné
la demolition des Chasteaux & forteresses qui
ne sont frontieres pour soulager les finances de es defenses
superfluës, s’il plaist à leurs Maiestés conformement
à ce qu’il fut ordonné en 1626. les places de cette
nature, comme Puymirol, la Reolle, Bourg, Castillon,
le Chasteau Trompette & celuy du Ha seront desmolies
& iasees, & par ce moyen la Prouince sera deschargee
d’vne nouuelle impositiõ qu’on a fait sur elle depuis
peu d’annees de la somme de vingt & vn mil deux cens
quarante huict liures par la garnison, du Chasteau-Trompette,
quoy qu’elle porte sa part de l’impost general
appellé la recruë des garnisons, comme aussi descharger
ladite Prouince d’vne autre nouuelle imposition
faite pour peu d’annees & qui n’a cõmencé qu’en
la personne du sieur d’Espernon, des appointemens du
Gouuerneur, quoy que cette charge comme ordinaire
se doiue prendre sur les deniers de sa Maiesté.

Et pour arrester le cours des entreprises faites par ledit
sieur d’Espernon, sera inhibé aux Gouuerneurs &
Lieutenans generaux du Roy en Guyenne, suiuant les
ordres & reglemens precedens, de s’entremettre autrement
de la iurisdiction contencieuse, de se mesler directement

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ou indirectement des Eslections consulaires
& des Iuges de la bource, de decerner aucunes commissions
pour faire assigner deuant eux les parties pour
venir contester en cause, de decerner aucuns decrets de
prise de corps ou d’adiournement personnel, ensemble
d’emprisonner aucuns subiets du Roy dans leurs chasteaux
ou maisons particulieres, & de prendre connoissance
des Arrests des Parlemens, que pour y prester
main forte suiuant le deub de leurs charges, sauf à eux
de donner aduis à leurs Maiestez en cas qu’ils ayent à
faire des plaintes contre la Iustice d’iceux.

 

Leur sera pareillement inhibé de faire viure leurs
gardes sur les peuples, qui seront dechargez de leur
fournir aucune chose qu’en payant, ny de les tenir en
mesme lieu que pour vn temps, qui sera reglé sans les y
pouuoir remettre de deux ou trois ans apres.

Plaira aussi à leurs Maiestez ordonner la demolition
de la citadelle de Liborne, dont la construction a esté
entreprise entre les loys de l’Estat dans les occasiõs des
derniers troubles sans commission expresse du Roy,
dont la subsistance ne peut estre que trop preiudiciable
non seulement à la Prouince & liberté du commerce,
mais principalement aux interests de sa Maiesté, le feu
Roy de glorieuse memoire, ayant par ses considerations
fait demolir le chasteau de Fronsac, dont la demolition
& desendommagement cousterent à la Prouince
trois cent mil liures.

Comme aussi leurs Maiestez sont tres humblement
supliees de pouruoir au desendommagement, pour

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les degats & ruines souffertes par les habitans de Bordeaux,
Bourdelois & Bazadois, & leur relacher les tailles
ou telle portion qu’elles auiseront, ou en tout cas
pour raison desdits degats, ruines & voleries, ordonner
que les Arrests sur ce donnez au Parlement sortiront
leur effect.

 

Il plaira encor à leurs Maiestez de permettre quelque
leuee sur les denrees qu’il sera aduisé par les bourgeois
de Bordeaux pour le payement des debtes, tant
de ladite ville que du Parlement sans diminution des
impositions du Roy, & considerer que pendant ces
troubles il n’a esté touché aux deniers royaux.

Sont leurs Maiestez tres-humblement supliées, en
attendant que l’estat de leurs affaires & la fin de la guerre
leur puisse permettre de remettre la prouince de
Guyenne & ville de Bordeaux dans leurs immunitez
& exceptions, & d’esteindre le subside entier du conuoy
qui ne fut estably que pour vn temps lors du mariage
de la Reyne Regente, & qu’on a Promis d’abolir
de temps en temps, de vouloir cependant agréer les
tres humbles Remonstrances du Parlement, pour la
cessation de la leuée de deux escus par tonneau & leur
suitte, establie pour vn emprunt de quatre cens mil liures
dix fois surpayé, sans edict ou declaration verifiée,
& d’autant que la ferme de la contablerie dont celle du
conuoy n’est qu’accessoire, est purement domaniale :
vouloir ordonner que la cognoissance des affaires ce
concernant, appartiendra au Parlement par appel des
Tresoriers suiuant l’vsage mesme apres le pretendu

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establissement de la Cour des Aydes de Guyenne.

 

Leurs Maiestez sont aussi supliées de faire reparer les
infractions faites aux priuileges de ses Officiers concedez
par les Roys ses predecesseurs, & compris dans le
corps des ordonnances confirmez encor en l’an 1626.
pour l’exemption du logement des gens de guerre
dans leurs maisons de la ville & des champs, au preiudice
desquels ledit sieur d’Espernon y a fait faire des
logemens sans aucune necessité de route ny de logement
des trouppes par vn dessein premedité d’offencer
& outrager les Officiers du Parlement & par vne animosité
particuliere y a fait exercer toute sorte d’actes
d’hostilité, & par vn exemple nouueau fait loger ses
gardes dans la maison Episcopale du sieur Euesque de
Bazas dans la ville, lequel en qualité de Conseiller en la
Cour, & de sa dignité Episcopale deuoit estre à couuert
de cette violence, & par ces considerations sera enioint
par sa Maiesté à son Procureur general de faire les pour
suite necessaires pour la reparation desdites ruines &
outrages, & les Officiers du Parlement seront maintenus
dans les Priuileges susdits, & inhibé audit sieur
d’Espernon d’vser de tels & semblables procedez aux
peines qu’il plaira à leurs Maiestez d’establir.

Leurs Maiestez sont aussi tres-humblement supliees
de reuoquer les euocations generales données sans cognoissance
de cause à diuers corps & à diuerses personnes
du respect du Parlement de Bordeaux, & singulierement
les attributions faites au grand Conseil par l’edict
du contrescellé des benefices, ainsi qu’elle a fait

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pour le destroict du Parlement de Paris, ensemble celle
des Marchands de la riuiere de Dordogne qui n’a
aucun fondement raisonnable, & ordonner aussi qu’il
ne sera accordé aucune euocation pour le suiet des derniers
desordres.

 

Il plaira aussi à leurs Maiestés de considerer que les
Offices des Presidens & Conseillers au Parlement de
Bordeaux sont éualuës sur le pied des Offices du Parlement
de Paris, ce qui a esté fait par vne erreur inconstable
n’y ayant aucune proportion & le prix si different,
que celuy des Offices de cours du Parlement de Paris
excede pres de la moitié le prix courant de ceux du Parlement
de Bordeaux, & partant il sera raisonnable que
l’eualuation & taxe du droit annuel fussent reduites au
pied des Offices du Parlement de Thoulouse, qui est le
plus grand Parlement du Royaume apres celuy de Paris,
& d’autant mieux qu’auiourd’huy les Offices de
l’vn & l’autre Parlement sont de mesme valeur, outre
qu’il y a vne raison sans response pour la moderation du
droit annuel & eualuation desdits Offices, qui est, que
depuis la premiere eualuation, leurs Maiestés par Edict
de l’an mil six cens vingt neuf on osté audit Parlement
la Iurisdiction de la Cour des Aydes qui estoit incorporée
dans iceluy depuis l’an mil cinq cens soixante & vn,
sans que ladite Cour de Parlement pour raison de ce
aye eu aucun desendommagement, & par ce moyen
elle se trouue surchargee de quinze Offices de Cours
au Parlement, & d’vn Office de grand President en
icelle, laquelle recreuë compose quasi le quart des Offices
dudit Parlement.

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La Cour des Aydes de Guyenne ayant esté creée en
l’an 1629. sans aucune verification en Cour Souueraine.
le Parlement a tousiours fait ses protestations en
tous rencontres de temps en temps, & pour la conseruation
de ses droicts a donné diuers Arrests conformes
à celuy qu’elle a donné cette année : cet establissement
luy estoit notoirement preiudiciable, en ce
qu’outre que par son institution toute sorte de iurisdiction
luy estoit donnée, c’est vn desmembrement
de sa fonction. Il est encor considerable que pareille
Cour des Aydes fut cy-deuant establie à Perygueux en
l’an 1554. & en l’an mil cinq cens soixante vn, incorporée
toute entiere au Parlement par Edicts, bien &
deuëment verifiez és Parlemens de Paris & Bordeaux,
lequel fut surchargé lors de ladite incorporation du
nombre d’Officiers porté par le precedent article, qui
est encore cogneu & distingué dans ledit Parlement,
c’est luy auoir osté vne Iurisdiction qui luy appartient
à double titre. C’est pourquoy dans les diuerses plaintes
qu’il en a fait au feu Roy on luy a tousiours offert
quelque desinteressement, qu’il a refusé pour conseruer
cette Iurisdiction, esperant vn iour receuoir Iustice
entiere de la bonté du Roy, & s’il a pleu à leurs
Maiestés de suprimer les Semestres de Rouën & Aix
qui estoient plus considerables que cette cour des Aydes,
le Parlement de Bordeaux doit esperer auec plus
de raison la grace de cette supression, principalement, si
ont considere qu’il a demeuré dépoüillé de cette Iurisdiction
pendant vingt années sans aucune récompense

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d’vne cruë si notable d’Officiers dont il est encore
surchargé, le desinteressement desquels en iustice
reuiendroit à plus de douze cens mil liures sans
comprendre les honneurs & les emolumens qu’il a
perdus durant vn si long temps, & leurs Maiestés ne
iugeront pas raisonnable qu’il soit de pire condition
que les autres Parlemens de France qui pendant les
mouuemens derniers ont conserué entierement leur
Iurisdiction, & à cette suppression la Prouince de
Guyenne est plus interessée que le Parlement. En effet
ses nouueaux Iuges l’ont pense accabler de surcharges,
soit par la recherche des titres des nobles &
des communautez, soit par l’examen de leurs anciens
comptes, soit par les taxes excessiues de leurs espices
& droits extraordinaires en la reception des Officiers
& verification des Edicts qui sont si monstrueux que
la pluspart des Senechaussées de la Prouince auoient
chargé leurs deputez aux estats de faire instance pour
leur suppression, & les cabales & brigues de cette
nouuelle compagnie ont paru depuis peu de temps literatoirement
à Messieurs du grand Conseil, qui
sont leurs Iuges par attribution & euoquation du
Parlement, ayant dans le iugement de leurs procez
eu subiect d’aduertir le Roy de leurs deportemens
dans la fonction de leurs charges, & ordonné qu’vne
piece de caballe seroit remise és mains de Monsieur
le Chancelier, laquelle examinee merite dans l’ordre
de la Iustice la suppression de cette compagine, outre
que ses Officiers sont suffisamment remboursés des

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sommes qu’ils ont financé par les gages, emolumens
& autres droits qu’ils ont pris depuis vingt annees de
leur establissement. Et pour preuue de cette verité il
faut poser ce fondement indubitable, que les offices
de Iurisdiction les plus lucratifs és Cours Souueraines
ne rapportoient pas au denier trente, comprins leurs
gages & autres emolumens, & neantmoins ces Officiers
ont iouy chacun de quinze cens liures de gages
annuellement, & plus de douze cens liures pour leur
part & quãtité despices, apresdinees, receptions d’Officiers,
verifications d’Edits, Octroyez & autres droits
extraordinaires, de sorte que si depuis vingt ans en
ç’a on imputoit annee par annee sur la somme de
trente mil liures qu’ils pretendent auoir financée, ce
qu’ils ont receu au delà des susdits interests, ils se trouueroient
surpayez de leur veritable finance, ce qui est
d’autãt plus raisõnable que par leur premiere institutiõ
& incorporation de l’an mil cinq cens soixante sept, il
ne leur fut attribué que cinq cens liures de gages
conformement aux autres Cours des Aydes du
Royaume, lesquelles sont reglees à cette somme dans
le corps des ordonnances. Que si leurs Maiestez ne
desirent pas entrer dans cette discussion, elles peuuent
par vne grace particuliere ordonner qu’ils imputeront
seulement sur leurs finances, les gages qu’ils
ont receu annuellement, puis leur establissement,
distraict prealablement sur iceux chaque année la
somme de cinq cens liures pour les gages de leur
premiere institution, & que la liquidation faite du

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parsus de la finance leur sera remboursé, ainsi qu’il
sera auisé par le Conseil, & les finances de leurs Maiestez
seront soulagees annuellement de soixante &
quinze mil liures qui espuisent leurs reuenus. Par ces
considerations, l’edict de la creation de la Cour des
Aydes de Guyenne de l’an mil six cens vingt neuf
sera reuoqué sous leur bon plaisir, & cette Iurisdiction
qui appartiẽt au Parlemẽt à titre si iuste & onereux
depuis vn siecle entiere luy sera remise, & leurs
Maiestez considererõt s’il leur plaist, si le Parlement
lors de l’enregistrement de la declaration n’a pas eu
suiet de donner l’Arrest, duquel on a fait tant de
plaintes au Conseil pour conseruer ses droicts, ne renoncer
pas tacitement à vne si legitime pretention,
la pretenduë Cour des Aydes n’ayant esté troublee
dans la fonction ordinaire, & ensẽblable occurãce en
l’an mil six cens trente le Parlement en vsa de la sorte,
& le feu Roy de tres glorieuse memoire ayant consideré
que cet establissement estoit vn edict bursal fait
dans le temps des plus presentes necessitez de la France
à la foule de ses subiets & au preiudice des interests
du Parlement ne s’en esmeut pas extraordinairemẽt,
& sur l’expresse importuné du Traitant, qui n’auoit
pas encore vendu le tiers des Offices de cette nouuelle
creation, se contenta de prononcer simplement
par cassation dudit Arrest.

 

FIN.

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Section précédent(e)


Anonyme [1649], CAYER CONTENANT. LES TRES-HVMBLES Remonstrances des Deputez du Parlement de Bordeaux, presenté au Roy & à la Reyne Regente, le second Octobre mil six cens quarente neuf. , françaisRéférence RIM : M0_662. Cote locale : C_1_10.