Anonyme [1649], LA REQVESTE DES AVTHEVRS PRESENTÉE AV PARLEMENT, A L’ENCONTRE DE MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_3484. Cote locale : C_9_75.
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LA REQVESTE
DES AVTHEVRS,
PRESENTEE AV PARLEMENT,
à l’encontre de Mazarin.

LES pauures Autheurs viennent implorer
vostre protection, & remettre
leurs interests entre vos mains.
Ils ont bien besoing de vostre secours,
& il est tres-necessaire pour
leur seureté, qu’ils soient compris dans l’accord
qui se fera par la Conference. Cependant personne
n’y prend leur party, & pas vn deux n’y est appellé
pour maintenir la sincerité de leur procedure. Cõme
ils n’ont agy que pour deffendre l’équité de
vostre cause, ils n’ont garde de craindre d’estre
coupables : mais ils craignent seulement que l’on
ne supprime tant de rares discours enrichis de tant
de belle pointes d’esprit qui ont piqué l’ennemy
de vostre iustice. Il y va de vostre gloire, A. S. aussi
bien que de vostre reputation, de ne point souffrir

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ce desordre outre que cela nous seroit trop sensible,
que des choses si dignes de l’eternité, vinssent
à perir par l’iniure d’vn temps mal-heureux,
& par l’animosité d’vn ignorant qui n’en auroit
reconnu que l’aigreur, & non pas la science : c’est
pourquoy nous auons deputé des plus habiles
de nos Scribes Parisiens, tant du stile du Palais,
que de celuy du pont-neuf, & de la Samaritaine,
pour vous presenter nostre tres humble requeste
par la quelle nous vous supplions tres-instamment
de ne nous pas abandonner à la rage d’vn estranger
qui bruslera tous nos lauriers : helas que cette
perte seroit grande ! outre qu’elle seroit irreparable,
& où pourriez vous treuuer aprez cela de quoy
vous faire des Couronnes, Illustres Senateurs, vostre
vertu demeureroit sans prix, & vostre gloire
sans lustre, si l’õ ne pouuoit plus trouuer de lauriers
chez nous, ie croy que l’on n’en treuueroit en aucun
lieu du mõde, & que cét arbre qui est tousiours
verdoyant, & qui sert de signe à l’immortalité, seroit
desormais inconnu à toutes les nations. Pour
obuier à ce mal-heur qui seroit sans remede, ne
souffrez point que Mazarin retourne, à Paris &
nous remettrons tous nos interests entre vos
mains, que s’il retourne nous ne voulons point de
paix, & nous entreprendrons plûtost la guerre
contre luy à nos propres frais, & depens. Ce ne sont
pas les imposts qu’il a mis sur nos palmes, & nos

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lauriers qui nous feront prendre les armes contre
luy. Grace à Dieu nous auons esté les moins foulez ;
parce qu’il ne connoissoit point dequel profit
estoit ce reuenu : le seul motif de nostre guerre sera
le peu d’estime qu’il a tousiours fait de nous. Peut
estre l’a-t’il fait par ignorance ; mais nous luy voulons
apprendre qui nous sommes, nous luy voulons
montrer qu’il deuoit nous cognoistre, & nous
voulons bien qu’il sçache que son immortalité dependoit
de nous, & que nous le voulons faire
mourir à la memoire de la posterité, ou ne l’y faire
viure que pour le rendre odieux. Vous A. S. que
nous auons desia consacrez au sein de cette heureuse
memoire, & qui en faites les plus precieux
ornements, ne souffrez pas cette fatale guerre que
vous pouuez terminer en vn moment, faites nous
ioüir de la mesme paix que vous promettez aux
autres ; & pour nous tirer de cette iuste querele,
exterminez l’ennemy mortel des Autheurs ; ou biẽ
si vous le ramenez à Paris, ne desaprouuez pas vne
guerre qui ne sera iamais à vostre desauantage.
Nous nous garderons bien de choquer les interests
de la iustice, nous qui faisons profession tres-particuliere
d’estre iustes, & genereux : Aussi nous esperons
que vous serez tousiours pour nous, si l’ennemy
des lettres nous attaque ; & ainsi quoy qu’il
arriue nous ne ferons que tres-bien de vous confier
nos interests qui ne consistent qu’en gloire, &

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en reputation. Vous voyez combiẽ ils sont grands,
& combien ils meritent qu’on les considere, &
nous nous asseurons que vous iugez assez par là de
l’estime que nous faisons de vostre iustice, en vous
confiant des Richesses si importantes, qui feroit
trop suffisantes pour vous payer des soins que
vous prendrez de nous les conseruer. Ne negligez
pas ceux qui se sont montrez si zelez à prendre vostre
party, la iustice demande encor cela de vous,
& vous luy auez promis de ne luy rien refuser ; nous
attendons nostre repos auec celuy des autres, &
vous seuls le pouuez donner à tous, aussi tost que
nostre guerre sera finie, & que nous aurons la paix,
nous ne penserons plus qu’à faire valoir nostre
bien par les loüanges continuelles que nous vous
donnerons, & nous composerons des volumes où
l’on ne lira plus que des benedictions au Parlement.

 

FIN.

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