Anonyme [1651], LA PROSPERITÉ MAL-HEVREVSE OV LE PARFAIT ABREGÉ DE L’HISTOIRE DV CARDINAL MAZARIN, OV SE VOID TOVTES LES RVSES ET toutes les Fourberies dont il s’est seruy pour arriuer au feste de la progieuse fortune où il s’est veu. AVEC VNE RELATION DE TOVTES les causes de sa disgrace. , françaisRéférence RIM : M0_2925. Cote locale : C_11_16.
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LA
PROSPERITÉ
MAL-HEVREVSE
OV LE PARFAIT ABREGÉ
DE L’HISTOIRE
DV
CARDINAL
MAZARIN,
OV SE VOID TOVTES LES RVSES ET
toutes les Fourberies dont il s’est seruy pour
arriuer au feste de la progieuse fortune
où il s’est veu.

AVEC VNE RELATION DE TOVTES
les causes de sa disgrace.

A PARIS,

M. DC. LI.

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LA PROSPERITÉ MAL-HEVREUSE,
ou le parfait Abregé de l’Histoire du Cardinal
Mazarin, où se void toutes les ruses & toutes
les fourberies dont il s’est seruy, pour arriuer au
feste de la prodigieuse fortune où il s’est veu ; Auec
vne fidelle Relation de toutes les causes de sa disgrace.

Esa.Psal.

QVOY que les Rois puissent disposer
Souuerainement de leurs affections,
& qu’ils soient en liberté d’auoir de
l’amour & de la haine pour qui bon leur semble ;
si est ce pourtant qu’ils ne deuroient iamais
auoir des passions qui ne fussent parfaitement
iustes & bien reglées. Car leur desordre
cause vn nombre infiny de ruines publiques,
rend les Princes tres odieux à tout l’Vniuers,
& les Fauoris les plus miserables obiets
de toute la nature créée. Quand la fable est
acheuée, on les fait choir de la fortune qui
les esleuoit, & on les despoüille de leurs grandeurs

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pour les faire reuenir en leur premiere
forme : C’est ce qui fait qu’il ne faut pas mesurer
la statuë auec la colomne qui la soutient,
ny iuger de l’homme par sa dignité ny par sa
fortune. Ces sangsuës publiques se detruisent
aussi tost par des foibles instrumens, que par
des puissances redoutables : & quand le iuste
courroux de Dieu les veut punir, sa Diuine
Majesté ny employe pas tousiours les espouuentables
efforts de ses carreaux, ny les horribles
grondans de son tonerre, ainsi que nous
pouuons voir en la personne de Iule Mazarin,
qui s’estant esleué au feste des plus prodigieuses
grandeurs, par des ruses & par des fourberies
qui n’en eurent iamais de pareilles,
tranchoit desia du Souuerain, & vouloit assujettir
les Princes du sang à receuoir les loix
de son insigne tyrannie : mais à la fin son pernicieux
attentat, comme vn principe tres funeste
à tous ses desseins, a donné l’estre à
sa cheute, & à sa miserable deffaite. Ce monstre
est fils de Pierre Mazarin, marchand &
natif de Sicile, lequel apres auoir negocié
quelque temps en son pays, soit qu’il se fut
ruiné ou par mal-heur, ou par sa mauuaise
conduite fut contraint de faire banqueroute
à ses creanciers, & pour la seureté du reste de
son bien il prit la fuite, & s’en alla refugier à

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Rome auec toute sa famille. Il eust six enfans
de sa premiere femme, appellée la Signora
Hortensia Bufalini, sçauoir est deux fils &
quatre filles Le plus ieune des deux fils se fit
Religieux de l’Ordre de Saint Dominique
pour descharger sa maison à cause de la misere
où elle estoit, & l’aisné qui est le Cardinal
Mazarin, duquel nous allons escrire la vie,
se mit plus auant dans le monde, que l’autre
ne s’estoit mis dans le Cloistre, pour tascher
d’y faire fortune, ou d’vne façon ou d’autre ;
Le moine paruint à l’Archeuesché d’Aix, &
au Cardinalat sous le tiltre de Sainte Cecile,
& nostre Mazarin arriua par les voyes que
nous dirons tantost au Cardinalat, & à la plus
prodigieuse fortune qui se soit veuë de nostre
siecle. Cette premiere femme Hortensia Bufalini
mourut en l’année 1639. & il en espousa
quelque temps apres vne autre, qu’on nomme
la signora Portia Vrsini.

 

Ce Iule Mazarin estant deuenu en âge
competent, & desirant selon son ambition
d’emesurée de faire quelque grande fortune
à quelque prix que ce fut, s’accoste de certains
pipeurs, auec lesquels il fit vne particuliere
connoissance, pour apprendre à filouter
à toute sorte de jeux, où il se rendit si expert
qu’il estoit impossible de mieux faire. Apres

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celà, afin de profiter de la science où il estoit
deuenu si excellent maistre, il tasche de s’accoster
des plus grands, & de chercher vn employ
qui le peut mettre à couuert des accidens
qui pourroient arriuer de sa subtile filouterie.
Si bien qu’il se mit à seruir le fils du Connestable
Colomne s’en allant en Espagne auec luy,
où il le quitta six mois aprez qu’il ne pouuoit
pas bien reussir en ses desseins & que l’humeur
des Epagnols se trouuoit incompatible auec
la sienne.

 

S’en estant retourné en Italie, il fut en la
Valteline où il porta quelque temps les armes ;
apres celà il se mit à seruir en la maison de
Messieurs les Colonneze dans la ville de Rome,
& en suite en celle de Sachetty, où il espargna
quelque chose, comme est ordinairement
l’humeur des Italiens d’aimer grandement
l’argent & de se passer à peu : desquelles
sommes tant du ieu que de son espargne, qui
n’estoient pas veritablement petites eû égard
à sa condition, il en deuint grandement pecunieux,
ce qui luy donna encor subjet de se
produire auec plus de hardiesse. C’est pourquoy
le Cheualier Georges l’appelle petit valet,
& fils d’vn Chapelier de Palerme.

L’affection que Messieurs de Sachetty luy
porterent fut la cause de sa haute fortune ; car

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ils le mirent en si bonne estime aupres du Cardinal
Antonio Barberin, qu’il sollicita le Pape
Vrbain VIII. lors seant en la Chaire de Saint
Pierre, de l’enuoyer en qualité de negociant
aupres de Charles Emanuel Duc de Sauoye,
auec monsieur de Pancirole, ce que sa Sainteté
luy octroya en faueur de la priere qui luy
en auoit faite. De sorte qu’apres auoir reüssi
fort heureusement en cette legation, celà luy
donna lieu de songer à des emplois d’vne nature
plus releuée. Ce qui l’obligea de venir en
France, en l’année mil six cens vingt-huict, où
il fut presenté au Roy par le Cardinal de Bagny
lors Nonce du Pape, & où il fut parfaitement
bien reçeu de sa Maiesté, qui s’ouurit
grandement à luy, & qui luy communiqua
plusieurs affaires de consequence, en tesmoignage
de la grande estime qu’il faisoit de sa
perionne, à cause de la bonne opinion qu’on
luy auoit donnée de cét illustre Politique, &
mesme à cause des bons seruices qu’on luy
auoit fait entendre qu’il pouuoit rendre à la
Couronne.

 

En suite d’vn accüeil si glorieux pour vne
personne de sa sorte, il fut en Piedmont en
l’année 1630. au nom & sous l’authorité du Pape,
pour accorder les differans qui s’estoient
meus entre l’Empereur, le Roy d’Espagne, &

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le Duc de Mantouë, & pour cela il passa par le
Montferrat, où par vne belle & secrette intelligence,
il negocia vne prodigieuse trahison
contre son Prince legitime, en faisant sortir
les François de Cazal, par vne porte, & les faisant
en suitte rentrer par vne autre, aprez auoir
fait premierement sortir les Espagnols & les
Allemans hors de Mantouë ; laissant aussi les
François en possession de Cazal, contre la foy
qu’il auoit promise de les en faire sortir comme
les autres, & par ce moyen là il mit l’honneur
& la conscience du Pape Vrbain en compromis,
& trompa frauduleusement le Saint
Pere, l’Empereur : & le Roy d’Espagne. D’où
s’en sont ensuiuis les furieuses guerres, & les
sanglantes Batailles de l’Estat de Milan, de
Flandres, d’Allemagne & de France, quoy
que plusieurs Historiens de ceux qui ont escrit
la Paix de Cazal l’en ayent loüé mal à propos
pour luy complaire.

 

Il estimoit cette action si glorieuse, qu’il
en fut quelque temps apres rendre compte à
sa Sainteté, comme de la plus équitable & de
la plus genereuse de toutes les actions des
hommes. Et comme il auoit dessein de paruenir
aux plus grands honneurs qui soient en
toute la congregation des Fidelles (quoy qu’il
n’ait iamais esté du nombre,) il se fit d’Eglise,

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& à la recommendation du Roy de France, &
à la solicitation du Cardinal Barberin, on le
fit Chanoine de S. Iean de Latran, & Referẽdaire,
à ce que l’on dit des deux signatures. Et
en cette qualité il fut respecté comme l’vn des
plus cõsiderables subiets de la Cour de Rome.

 

Apres cela, il fut enuoyé Vice Legat en
Auignon, & Nonce extraordinaire en France
en l’année mil six cens trente-quatre. Et s’estant
dignement acquité de ces belles charges
selon la portée de sa suffisance, il fut à Rome,
iusques à ce que le Roy Louis XIII. luy eut cõmandé
de le venir trouuer en France, par vne
lettre de cachet qu’il lui enuoya, à la suscitatiõ
du Cardinal de Richelieu, qui le regardoit cõme
vne personne qui le pouuoit grandement
seruir aux desseins qu’il auoit de se maintenir,
& de gouuerner l’Estat à sa mode : & pareillement
aussi pour le recompenser de la belle
action qu’il auoit faite dans Cazal, & dont nos
Annalistes le glorifient auec des épithetes si
pompeux & si magnifiques.

Il ne fut pas plustost arriué, que le Roy pour
plaire au Cardinal de Richelieu, l’employa en
des grandes affaires. Mais pour le recompenser
de la paix de Sauoye, du traité de Cazal, de
l’achapt de Pignerole & de l’eschange de Monaco,
qu’il auoit negotié auec tant de prudence,

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& pour luy donner plus d’authorité dans le
Conseil où il fut appellé, & dans les charges
dont il se deuoit mesler à l’aduenir, le Roy le
voulut honnorer du Chapeau de Cardinal. A
ce suiet sa Maiesté enuoya à Rome : mais sa
Sainteté estant bien informée de l’execrable
procedé que Mazarin auoit fait dans Cazal, ferme
l’oreille à la demande qu’on luy faisoit en
faueur d’vn homme si funeste à toute la nature.
Et pour faire voir au Roy que ce refus ne
tendoit aucunement à des-obliger sa Maiesté,
il le coniure de choisir celuy qui luy plairoit
d’entre tous ses subiets pour luy donner ce qu’il
desnioit à l’autre auec tant de iustice : Mais que
pour Iule Mazarin, sa Sainteté prioit le Roy de
l’en dispẽser, veu qu’il estoit si pernicieux à tout
l’Vniuers, & qu’il estoit la cause principale
de toutes les plus sanglantes guerres de l’Europe.
Il est vray que sa trahison aigrit si bien les
affaires, que du depuis le Roy de France & le
Roy d’Espagne, ne se sont iamais peu resoudre
à faire la paix, quelque propositions qu’on
ait sçeu faire de part & d’autre pour la cõclure.

 

Neantmoins le Cardinal de Richelieu, qui
auoit enuie de se seruir de ce fourbe en beau-d’affaires,
fit si bien pour cet Espagnol reuolté,
qu’il porta le Roy à prier encore pour vne secõde
fois sa Sainteté auec tant d’instance, que le

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Pape fut comme contraint de lui accorder ce
qu’il n’auoit aucunement enuie de faire pour
vn homme qu’il sçauoit bien n’estre que trop
dangereux à toute l’Europe. Et pour n’encourre
pas la disgrace du Roy d’Espagne, à qui il
auoit refusé la mesme chose pour Contalto, il
luy accorda pareillement aussi le Chapeau de
cardinal, & en exclud par ce moyen là le sieur
Visconty à qui il auoit intention de le donner,
en faueur de la Couronne de Polongne.

 

Ces honneurs, quoy que plus grands qu’il ne
pouuoit iamais esperer, ne furent rien en comparaison
de celles qui luy furent faites en suitte.
Quelque temps apres le Cardinal de Richelieu,
comme la seule intelligence qui mouuoit
tout les affaires de France & qui les auoit portees
au plus haut point où elles pouuoient estre
mises, mourut au grand regret de tous ceux
qui auoient le don de lire dans les choses futures.
Ce qui obligea le Roy, croyant que ce
Mazarin fut vn second Armand, enuoyé du
Ciel pour s’en seruir comme du premier, à luy
donner la conduite de tous les affaires de son
Royaume. S’imaginant aussi qu’il n’y auoit que
luy seul au monde capable de les bien entendre
& de les bien gouuerner, selon l’impressiõ
que le Cardinal de Richelieu luy en auoit donné.
A mesme instant le Roy le fait son Conseiller

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d’Estat, luy declare iusques à la moindre de
ses intentions, luy communique les secrets les
plus importans, lui fait donner les memoires
que son predecesseur auoit laissés, & luy commande
de se tenir tousiours pres de luy, pour
l’assister en la conduite de ses plus grandes affaires.
Et pour luy monstrer encore de surcroit
l’estime qu’il faisoit de sa personne, il le fait Parin
de son fils, alors Dauphin, & apresent Roy
de France.

 

A quelque temps de là, ce grand Prince
Louys XIII. se trouuant au lict de la mort, pour
acheuer de l’éleuer au feste des plus grands
honneurs de sa Couronne, voulu par vne Declaration
tres-authẽtique, signée de sa propre
main, de celle de la Reine, de Monsieur le Duc
d’Orleans, & verifiée en Parlement, qu’il fut
reçeu Ministre d’Estat, & vn des chefs du Conseil,
tant sa Maiesté estoit preocupée de la bonne
opinion qu’elle en auoit conceuë.

Et pour dignement composer le corps de
ce Conseil (dit ce grand Monarque.) Nous auons
estimé que nous ne pouuions faire vn
meilleur chois pour estre Ministre d’Estat, que
de nos tres chers & tres-aymez Cousins le
Prince de condé & le Cardinal Mazarin &c.
& plus bas, voulons & ordonnons que nostre
tres-cher & tres amé frere le Duc d’Orleans

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& en son absence nostre tres cher & tres-aimé
le Prince de Condé & le Cardinal Mazarin
soient chefs dudit Conseil, selon l’ordre qu’ils
sont icy nommez, sous l’authorité de ladite
Reine Regente. Et en outre nous desirons que
ladite Dame Reine Regente Mere de nos enfans,
suiue au choix qu’elle fera, pour remplir
les dignitez Ecclesiastiques, l’exemple que
nous luy en auons donné, & qu’elle confere auec
l’aduis de nostredit Cousin le Cardinal Mazarin,
auquel nous auons fait connoistre l’affection
que nous auons, que Dieu soit honnoré
en vn choix de cette importance.

 

Voilà certes vne Declaration bien authenthique
& bien forte pour le maintenir en la supresme
grandeur où la fortune l’a esleué par
dessus le reste de ceux qui pouuoient legitimement
pretendre à des honneurs si sublimes que
les siennes. Vne Declaration comme celle là,
faite par le plus iuste de tous les Roys de l’Vniuers,
& authorisée par le plus Auguste Parlement
du monde, doit estre s’il me semble inuiolable,
& d’vne nature permanente. Qui se
pouroit opposer à cela sans renuerser les loix,
sans choquer la volonté du Souuerain, & sans
vouloir destruire ce qu’il y a de plus saint & de
plus venerable dans la societé des hommes ?

Outre celà, ne fut-il pas declaré l’vn des executeurs
du testament de ce grand Prince ? Outre

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cela, ne fut-il pas naturalisé François ? outre
cela le Roy Louys XIV. seant en son Lit de
Iustice, ne fit-il pas casser en sa faueur l’Arrest
donné le dix huictiesme iour de May contre
les estrangers ? & outre tout cela, quels miraculeux
progrez ne se sont-ils pas faits dans le
commencement de son ministere, pour nous
obliger à le tenir pour l’Ange Tutelaire de cét.
Estat, & pour l’vnique restaurateur de toute
cette Monarchie Françoise, quoy que bien
souuent il n’en fut qu’vne cause bien esloignée ?
Nos armes portent la terreur aux quatre
coins de l’Vniuers, & nos Generaux d’Armée
font des coups qui ne sçauroient passer
que pour des miracles. Tout tremble au seul
nom de ces Achilles François, & il n’est point
de Potentat qui ne nous demande la Paix,
ou qui ne recherche nostre alliance. Dix mille
François taillent en pieces trante mille
hommes de nos ennemis, & les places ou Cesar
& Alexandre auroient perdu le nom de
Conquerans, s’ouuroient deuant nous, tant
nous auions donné de l’espouuante à tous les
peuples de la terre Le guain de huict ou dix
sanglantes Batailles ; la prise de cinquante-cinq
où soixante places tres importantes, & la
deffaite de plus de trois ou quatre cens mille
combatans, en quelque deux ans de temps,

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sont les fruits de nos prodigieuses actions, &
de nos illustres victoires. Et tout cela se faisoit
pendant le Ministere de Mazarin, pour en
honnorer sa conduite. Il sçait les intentions
de l’Empereur, du Roy d’Espagne, du Duc de
Sauoye, & du Roy de France ; vn chacun fie
à sa foy les secrets de l’Estat, outre que par les
lumieres dont la nature l’a pourueu, il en penetre
beaucoup d’autres, selon Baudir en son
Histoire du Mareschal de Toiras, parlant de
l’accord negocié entre le Roy de France & le
Duc de Sauoye. S’est il passé quelque chose
depuis la Regence iusques au iour de sa disgrace
qu’il n’ait ménagée, ou qu’il n’ait tasché
de demesler à sa fantaisie ? se faisoit il aucun
conseil ny aucune conference où il ny fut reçeu
pour vn Oracle ? En maniant nos affaires
ne manioit-il pas toutes les affaires de l’Europe ?
N’estoit-ce pas luy qui élisoit & qui instruisoit
les Ambassadeurs, & qui donnoit des
Arrests definitifs pour l’execution des resolutions
qu’il auoit prises ? Ne s’estoit il pas rendu
maistre absolu de la guerre & de la paix,
& des armées que l’on enuoyoit tous les ans
aux quatre coins de la terre ? en pillant tous
les tresors de l’Estat, n’estoit-il pas deuenu le
plus riche & le plus opulent Seigneur de l’Europe ?
& finalement, ne vouloit-il pas attenter

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à la personne des Princes du Sang Royal, &
à la vie des plus illustres Senateurs du premier
Parlement de France ? Mais Dieu qui se lasse
aussi bien que la fortune, de voir qu’vn homme
ne fait qu’abuser des dons qu’il luy fait, le
remet en son premier neant, en le faisant choir
de la cime de ses grandeurs au centre de ses
disgraces. Si vous ne conduisez pas les affaires
du monde selon mes loix, dit Dieu parlant
vniuersellement à tous les hommes, en parlant
aux Israëlites ; Ie vous feray tresbucher deuant
vos ennemis, & ie vous puniray iusques à la
mort sans qu’aucun vous poursuiue.

 

Saul fut bien chassé de ses Estats pour auoir
voulu tyranniser le peuple ? Ozias fut bien demis
de sa Royauté, pour auoir voulu vsurper
l’office Sacerdotal ? & Aman aussi chery du Roy
Assuerus que Iule Mazarin le sçauroit estre de
nostre Auguste Princesse, fut bien cloué à la
Croix qu’il auoit preparé à la mesme innocence ?
& ce tyran de toutes les finances de Frances,
estant coulpable de tous ces crimes &
plusieurs autres qui ne sont pas moins enormes,
sçauroit il éuiter d’estre puny selon la
grandeur de ses demerites ?

Mais que nous sert cela de rapporter icy des
exemples de cette nature, puis que c’est vn
homme qui ne croit pas en Dieu, & moins

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enormes, sçauroit il éuiter d’estre puny selon
la grandeur de ses demerites ?

 

Mais que nous sert cela de rapporter icy des
exemples de cette nature, puis que c’est vn
homme qui ne croit pas en Dieu & moins encore
en ses Oracles. Ce torrent d’orgueil &
d’insolence se deborde encore plus fort, & son
ambition le porte à des extremitez qui ne sont
presque pas conceuables, pour se vanger de
quelques discours que le Duc de Beaufort
auoit faits contre luy, il fait entendre à la reine
que le Duc de Vandosme & ce Prince ne
tenoient par tout où ils alloient que des paroles
insolentes & seditieuses contre sa Majesté,
& mesme qu’ils auoient dessein d’attenter à sa
Personne : Que cela tiroit à consequence, &
qu’il s’en faloit saisir pour en faire vn exemple.
La Reyne dont les extraordinaires bontez
luy faisoient adiouster plus de foy qu’il ne faloit
pas, aux estranges suppositions de ce perfide,
consent à leur detention, & ce consentement
ne fut pas plutost donné, qu’il va songer
aux moyens de les arrester, & de les faire conduire
au Bois de Vincene. Monsieur de Beaufort
fut le premier pris, & par consequent le
premier qui sentit les coups de sa prodigieuse
perfidie : Et quoy qu’innocent, il ne laissa
pas d’estre conduit au lieu que nous venons

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de dire. Il ne suffit pas d’auoir le fils, il faut
encore prendre le pere, qui s’estoit refugié
pres de Paris en l’vne de ses maisons. On y envoye
la compagnie de Mousquetaires commandée
par monsieur de Trois Villes, & vne
compagnie du Regiment des Gardes : mais ce
Prince en ayant eu aduis se retire en Bretagne.
Et certes, si ce Tyran a eu l’effronterie de s’attaquer
à de si grands Princes, il aura bien l’effronterie
d’entreprendre sur beaucoup de personnes
comme nous verrons tantost par la suitte
de ce petit abregé de son Histoire. A vray
dire son abominable Politique luy enseigne à
ne pas mieux traiter les vns que les autres. Et
tout cela ne se faisoit que pour voir si la Reyne
pouruoiroit à la seureté de sa personne, & si
on luy bailleroit des gardes. Ce qui luy reüssit
fort heureusement : car à mesme temps la
Reyne luy fit donner vn appartement en son
Palais, afin qu’il fut gardé comme le Roy, &
quelque temps apres on luy donna encore des
gardes.

 

C’est par des actions de cette importance
qu’il pretend venir à bout de tout ce qu’il se
propose, en faisant seruir d’exemple ceux qui
le choqueront, & en donnant par ce moyen là
de la terreur à ceux qui auroient enuie de faire
la mesme chose : & c’est ainsi qu’il veut monstrer

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que toute l’authorité Royale est en sa disposition,
& qu’il ne fait pas bon s’attaquer à sa
personne.

 

Il oste la Sur-Intendence à monsieur Boutelier,
parce qu’il n’auoit pas voulu adherer à
ses tyrannies. Il oste monsieur de Chauigny
du Ministere, & il l’oblige à se deffaire de sa
charge de Secretaire d’Estat & du gouuernement
du Bois de Vincenes pour la mesme chose :
il contraint monsieur le President Bailleul
de se deffaire de sa Sur-Intendence, parce que
sa probité estoit inuulnerable : il disgracie
monsieur le Chancelier : Il fait emprisonner le
Mareschal de Ranzau, le Cheualier de l’Escale
& plusieurs autres dont le recit seroit trop
long à deduire, & si il ne veut pas souffrir qu’on
s’en pleigne en aucune façon. C’est porter sa
tirannie bien auant d’vser ainsi de nos biens &
de nos vies, & ne vouloir pas qu’on s’en pleigne.
A ces fins il fait expedier certains pouuoirs
de la part du Roy à plusieurs particuliers
pour se mesler dans les compagnies, & pour
descouurir ceux qui auec liberté disoient leurs
sentimens contre le gouuernement de son Ministere,
afin de les accuser à mesme temps & de
les faire punir en suitte : mais le Parlement de
Paris prenant connoissance de cette inquisition
en reprime l’vsage, auec deffenses à qui

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que ce fut de s’entremettre plus de telles affaires.

 

Celà n’empesche pourtant pas que les charges,
les honneurs & les finances dont il dispose
comme bon luy semble, ne luy fasse grandissime
quantité de creatures. Ce monstre engourdit
les mains des ames venales aux depens
d’autruy, pour s’affranchir de leurs coups, &
de leur clabauderie. La vaine lueur de ses presens
les esbloüit, & les oblige à prendre le party
de cette sangsuë publique. Il represente à
la Reyne la necessité de ses affaires, il fait donner
la Sur-Intendance à d’Emery, & il luy fait
voir qu’il n’a pas moins de pouuoir sur luy que
sur sa charge, afin de l’obliger à faire toutes
choses à sa mode. C’est ainsi qu’il ne s’est pas
espargné de faire valoir la disposition qu’il a eu
des finances à son profit, puis qu’il luy est passé,
quatre-vingts-quatre milions tous les ans
par les moins depuis l’année mil six cens quarante
trois, des deniers des tailles, des fermes,
du Domaine, des parties casuelles, des de cimes,
& d’vne infinité de partis qu’il a faits contre
le peuple, sans comprendre deux cens
soixante milions, qui ont esté conuertis en
Louys d’or, plus à son profit, qu’au profit de
la Couronne.

La Chambre des Comptes a fait voir clairement

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au Parlement de Paris, que les comptans sont
montez en vne seule année, iusques au nombre
de cinquante milions, qui est vne somme
immense & predigieuse, au lieu qu’en la plus
haute dépense du feu Roy on ne les a veu monter
qu’à cinq milions tout au plus, & si bien
souuent il y auoit quelque chose à dire : mais
ses voleries sont produites d’vne humeur insatiable.
Cantariny & plusieurs autres Banquiers
sçauent bien la quantité des remises qu’ils ont
faites, & le nombre des Bordereaux des Louys
d’or qu’ils ont enuoyé en Italie, sous pretexte
que c’estoit pour y payer les armées, y entretenant
la guerre à dessein de fauoriser l’enleuement
de nos finances. Quelles prodigieuses
dépenses n’a t’il pas faites au dépens du pauure
peuple ? il ne faut que considerer les paragantes
qu’il a donnez pour le Cardinalat de son
frere, les somptueux batimans qu’il a faits à
Rome & à Paris, cé qu’il a donné aux Venitiens
pour la dignité de Noble, & les gros mariages
qu’il a destinez à ses Niepces. Enfin les Banques
de Rome, de Venise, de Genes & d’Amsterdam,
ne sont riches que de ses peculats &
& de ses voleries. Et pour l’exercer auec plus
de violence, il a enuoyé des gens de guerre
pour l’establissement des nouuelles leuées sur
les peuples, & fait créer des Fusiliers par toutes

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les prouinces, pour violenter ceux qui feroient
difficulté de bailler leur bource. Et pour n’estre
pas troublé en ses tirannies, il a tousiours
empesché la conuocation des Estats Generaux
comme vn affaire qui pouuoit mettre des bornes
à son humeur insatiable.

 

Le bon-heur de ses attentats & de ses voleries
luy auoient tellement enflé le courage,
qu’il ne songeoit plus qu’à trauerser les felicitez
du Conclaue, & qu’à ternir toute la gloire
du Cardinal Pamphilio. Et passant plus outre
il tache par la force des armes, d’obliger le Pape
à se desister de la poursuitte qu’il auoit commencée
de faire contre les Barberins. Il vient
de ruiner la France à force de subsides, & il
veut ruiner l’Italie par ses desordres.

A sa suscitation le Prince Thomas arme d’vn
costé, & monsieur de la Meilleraye de l’autre.
Le premier prend quelques Chasteaux qui
n’estoient pas fort importans, & le dernier
prend Piombino & Portolongone, qui sont
des places tres considerables, & tout cela se
fait à trois fins : La premiere est pour faire éclater
la grandeur où il se voyoit monté, dans vn
pays où il n’auoit iamais passé que pour vn miserable
fourbe. La seconde estoit pour proteger
ceux qui estoient cause de son auancement
à nostre preiudice, contre le Pere de

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l’Eglise. Et la troisiesme estoit, pour auoir le
moyen de faire passer sous ce pretexte là, tout
l’or & l’argent qu’il voloit à la France, ainsi que
nous venons de le faire voir par les raisons que
nous venons de dire.

 

Monsieur le Prince qui lisoit bien auant
dans les deportemens de ce miserable Ministre,
& qui iugeoit parfaitement où visoient
toutes ses pernicieuses intentions, luy parle
vertement, & luy fait entendre qu’il n’estoit
pas homme à souffrir qu’il abusast auec vn empire
si absolu, de l’authorité qu’on luy auoit
donnée. Que ses extortions ruinoient l’Estat,
& que ses tyrannies y pourroient susciter quelque
desordre. Ce Ministre cale le voile, voyant
qu’il auoit affaire à vn Prince qui ne luy pardonneroit
pas s’il faisoit semblant de luy tenir
teste. Et pour trauailler insensiblement aux
moyens de se vanger ou de s’en deffaire, il fait
entendre à la Reine qu’il le faloit enuoyer en
Flandres, ce que sa Majesté luy accorda facilement,
ne sçachant pas où il vouloit tendre.
Mais ce qui deuoit estre la cause de son malheur,
fut la veritable cause de sa gloire : Car il
ni fit pas moins de miracles que d’actions heroiques.
La France fut contrainte de le considerer
comme le plus insigne Conquerant de
la terre, & iamais ses armes ne furent honnorées

-- 24 --

de tant de progrez, que depuis qu’il les
eut à la main, & qu’elles faisoient vanité de receuoir
ses ordres. Toute la Flandre tremble
au seul bruit de ses exploits, & ce pays n’a point
de forts inexpugnables aux attaques de ce
grand prince. Enfin sa gloire estoit si grande
que Mazarin ne la pouuant souffrir, fut contraint
de le faire rapeler, & de lui donner d’autres
peuples à combatre, pour voir si la Victoire
le suiuroit aussi bien contre les Espagnols,
que contre ceux où il s’estoit rendu si redoutable.
Enfin on l’enuoye en Catalogne, on luy
fait assieger Lerida sans l’assister ny d’hommes
ny d’argent, contre la promesse qu’on luy en
auoit faite. On passe bien plus outre : car par
l’entremise d’vn espion Italien nomme Iouan
Fredidy, on tasche de le liurer aux ennemis,
qui leur redisoit tout ce qui se passoit dans l’armée.
Et comme le Prince vit qu’on laissoit deperir
toutes les trouppes, il demande permission
à la Reine de s’en reuenir, ce qu’on lui
octroya auec des difficultez bien estranges.

 

Ce n’est pas tout : car apres s’estre attaqué
aux Princes du sang, qui sont des creatures sa
crées, & au veritable Lieutenant de Dieu, qui
est la personne que tous les Chrestiens sont
obligez de reuerer par dessus le reste des hommes,
il se prend au plus Auguste Parlement
du monde.

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Le Mercredy vingt huictiesme iour du
mois d’Aoust de l’année mil six cents quarante-huict,
il fait arrester Monsieur de Broussel &
Monsieur le Nain Conseillers au Parlement de
Paris, au sortir du Te Deum, qu’on venoit de
chãter en l’Eglise Nostre-Dame, pour la quatriesme
bataille que Monsieur le Prince auoit
gagnées en Flandres, à cause qu’ils auoient representé
à leurs Maiestez la misere du peuple,
durant qu’il auoit voulu tyranniquement imposer
quelques subsides sur eux, & sur tout le
reste du peuple. C’est pourquoy tout le monde
prit les armes, & faisant tendre les chaisnes
par toute la ville ; on fut contraint de les rendre.
Le Regiment des gardes & les Suisses furent
obligez de se retirer, & peu s’en falut qu’il
n’y eut vn estrange massacre. Et si Messieurs
du parlement n’eussent apporté l’ordre qu’ils
apporterent à pacifier l’emotion des peuples,
il y eut eu grãde quantité de mõde defait, sans
aucune espece de misericorde. Et si apres tout
cela la Reyne fut comme contrainte de les en
remercier, de protester qu’elle tenoit à faueur
toutes leurs procedures.

Qui est-ce qui auroit pû soupçonner apres
cela quelque chose de funeste si la suitte ne
nous l’eut appris à nostre preiudice ? Peu de
temps apres on mene le Roy à Saint Germain

-- 26 --

& paris se void inuesty de toutes parts de gens
de guerre. Mais parce que les Autheurs de ce
desordre, s’estoient trompez en leur calcul, la
Reyne se resolut de faire la paix & de ramener
le Roy dans paris, comme si elle en eut
esté la plus satisfaite du monde. Pourtant cela
ne dura qu’autant de temps qu’il leur en faloit,
pour faire venir des troupes de tous costez,
pour perdre cette puissante ville. A quoy
bon de vouloir perdre tant de personnes, pour
auoir fait le salut de ces deux Illustres Protecteurs
de la cause commune. Si le zele qu’ils
ont pour le seruice du Roy & pour le bien de
la patrie doit estre reconnu selon l’estenduë de
son merite. Ces dignes Senateurs deuroient
estre honorez comme vn Scipion, ou comme
vn Ciceron, apres qu’il eut deliuré Rome de
de la coniuration de Catilina.

 

La haine que Iule Mazarin conçeut apres cela
contre le parlement & contre le peuple de
paris, à cause de cette procedure, le porta à des
estranges extremitez, en sorte qu’il faillit à perdre
le Roy, la Reyne, & tout l’Estat, & les
voulant perdre & en voulant reduire la ville &
les habitans tous en cendre. Il fait croire à la
Reyne qu’elle estoit obligée d’appuyer l’Authorité
Royale, que le parlement de paris
flestrissoit tous les iours à son dire, & qu’elle

-- 27 --

pouuoit sans blesser aucunement sa conscience,
venger l’iniure qui auoit esté faite à leurs
Maiestez, que c’estoit vn atentat qu’il faloit
seuerement punir que cela tiroit à consequence :
& que si l’on souffroit des rebellions de cette
nature, qu’on leur en feroit bien souffrit
d’autres : que les maximes d’Estat n’estoient
pas contraires à celles de Dieu, & qu’il en faloit
faire necessairement vn exemple. La Reyne
qui ne voyoit pas iusques où ce desordre
pouuoit porter les affaires, & par vne bonté
trop preiudiciable à tous ses Estats, & à sa personne,
s’accorde librement aux volontez de ce
funeste sanguinaire. Ce consentement donné
il fait venir les troupes que le Roy auoit dans
tous les pays estrangers, pour bloquer Paris,
abandonnant par ainsi toutes les places & les
Prouinces que nous auions conquises, &
mesmes toutes nos Frontieres à nos ennemys,
qui y firent de grands desordres. Et le
cinquiesme iour de Ianuier de l’année 1649.
veille des Rois, il fit sortir le Roy, la Reine, &
toute la Cour, à vne heure apres minuit, hors
de Paris, & les fit aller à S. Germain en Laye,
durant que tout le monde estoit assoupi de la
bonne cher qu’il auoit fait, en beuuant à la santé
du Roy, & criant le Roy boy à gorge deployée.
Deux ou trois iours apres il fait inuestir

-- 28 --

Paris de toutes parts, & fait si bien boucher
tous les passages des viures, qu’il ny entroit
plus chose quelconque. Et par ce moyen là, il
croyoit d’esmouuoir les peuples contre le Parlement,
& le Parlement contre les peuples :
mais il se trouua bien abusé en son calcul. Et
pour intimider ceux qui auroient enuie de les
proteger, & pour donner courage à ceux qui
desiroit leur perte, ses Partisans font coure des
billets & des Gazettes, pour faire voir que paris
est aux abois, que les peuples sont sans cœur,
& que la diuisiõ est si grande parmi eux, à cause
de la prise de Brie & de Charenton, & de l’extreme
necessité de la famine qui les accable,
qu’ils ne sçauent à quoy se resoudre, enfin ils
tachent de persuader à tout le monde, qu’ils
estoient prests d’aller à S. Germain, la corde
au col, pour demander pardon à leurs Maiestez,
de la faute qu’ils auoient commise, qui
estoit des impostures bien grandes : Car au
contraire le Duc de Beaufort qui fut deliuré
bien tost, apres sa detention comme par miracle,
se resouuenant du mauuais traitement
que Mazarin luy auoit fait, se declare ouuertement
pour Paris, passe au peril de sa vie des
Conuois de viures à trauers l’armee qui tenoit
la ville inuestie, & les assiste en tout ce qui lui
est possible.

 

-- 29 --

Outre cela, l’vnion se trouue si grande entre
le peuple & le Parlement, que Messieurs de
Paris ne songent plus qu’à s’en aller teste baissée,
droit à Saint Germain querir le Roy qu’ils
ayment auec de grandes passions, pour le ramener
à Paris, & pour punir les autheurs de ce
desordre. La Reyne sembloit en ce rencontre
risquer le tout pour le tout sous le pernicieux
conseil de ce bonnet rouge. On arme de toutes
parts ; Messieurs de Paris se cotisent pour
faire vne leuée de quelque cinquante mille
hommes. Tous les autres Parlements de France
se ioignent auec celuy de Paris, & l’Archiduc
Leopold fait auancer toutes les troupes
qu’il auoit en Flandres, pour leur donner
main forte, sans conter ce que quelques personnes
de condition alloient faire en leur particulier,
pour perdre cét ennemy commun de
tous les peuples de Frãce. Et certes si l’on n’eut
trauaillé à pacifier les affaires, la France s’en
alloit estre perdue. Dieu pourtant nous redonna
la paix contre toute sorte de d’apparences
humaines. Le Roy, la Reyne, & toute la
Cour, reuiennent à Paris, & l’on ne se souuient
plus des choses passées. A peine commençoit-on
à iouïr des douceurs d’vne tranquillité publique,
que Mazarin ce tyran de tout le genre
humain, voyant qu’il auoit à faire à Monsieur

-- 30 --

le Prince, qui ne pouuoit pas souffrir ses
insolences, & qui l’humilioit vn peu plus souuent
qu’il ne le souhaittoit pas, en s’opposant
à ses pernicieux desseins, & en vsant quelquefois
de menaces, se resoud de le faire assassiner
de nuit, dans la place Dauphine, ne l’ayant pas
pû perdre dans les perils de la guerre. Mais ce
genereux prince en ayant esté aduerty, & voulant
sçauoir si l’aduis qu’on luy auoit donné
estoit veritable, fit passer son carosse au lieu
où on lui auoit dit qu’õ l’attendoit, n’y l’aissant
qu’vn laquaits dedans, sur lequel on tira plusieurs
coups de pistolet, dont il fut blessé, &
les assassins n’i trouuant pas la persõne du Prince,
cõme ils se l’estoient proposé, l’abbandõnent
& se retirent en diligence. Mazarin craignant
la fureur d’vn ennemi si redoutable, tâchant
de couurir cet attentat par vn autre,
commande aux mesmes assassinateurs de tuer
le President Chartõ & Ioly Conseiller au Chastelet
de paris, qui estoiẽt tous deux ensemble
dans vn mesme carosse, afin de faire accuser
Monsieur de Beaufort & Monsieur le Coadiuteur
d’auoir fait faire le premier attentat, sur
les coniectures qu’on pourroit tirer du second :
en asseure Monsieur le prince, & se met en
peine de chercher de faux tesmoins à force
d’argent, afin de faire affirmer la supposition

-- 31 --

qu’il auoit inuentée. Et par ainsi il croyoit les
porter à se couper la gorge les vns les autres,
pour n’auoir plus personnes à craindre.

 

Bref pour perdre à quelque pris que ce fut
ce grand prince qu’il auoit si fort offensé, &
duquel il craignoit estrangement la vangeance,
il fait entendre à la Reine qu’il auoit dessein
de mettre l’authorité Royale si bas pour y arriuer,
en sorte que leurs Maiestez ne fussent pas
en estat de l’en empescher quand il y en prendra
enuie. Que nuls dons ny nu les graces n’ont
pas esté capables de mettre des bornes à ses
ambitions dereglees, & qu à tout propos il menace
de se cantonner & de se mettre à la teste
de leurs ennemis,

Que ce n’est que pour cela qu’il s’empare des
plus fortes places de France, & qui tasche d’atirer
à son party, par dons ou par presens, tous
ceux qui le peuuent seruir en des entreprises si
pernicieuses. Qu’il faut necessairement le mettre
en lieu de seureté, ou se resoudre à voir tost
ou tard vsurper ses Estats, & peut estre à finir
ses iours par vne voye aussi deplorable que traque.

A des persuasions si fortes & si bien deguisées,
la Reyne y consent, & comme il eut gagné
l’esprit de cette Princesse, il tasche de gagner
& de surprendre celui de Monsieur le

-- 32 --

Duc d’Orleans, par des suppositions de mesme
nature que celles que nous venons de dire.
Mais pour se couurir de l’atentat qu’il vouloit
executer, il faloit faire sous-signer la detention
des Princes à son Altesse Royalle, afin
que le Prince ne creût pas vn iour à venir que
le Cardinal lui auoit procuré vne si funeste aduanture.
De sorte que le voila parfaittement
bien authorisé en ses pernicieuses maximes. Il
à l’Authorité du Roy par souffrance, il à l’esprit
de Monsieur le Duc d’Orleans par surprise.
Il ne faut plus que se porter à l’execution
de l’attentat, & prendre son temps pour ne pas
faillir sa prise, car autrement il y va de sa perte,
ce qu’il fit auec adresse. Le Mardi dix huictiesme
iour du mois de Ianuier, sur les dix heures
du soir, il leur fit dire qu’on deuoit tenir Cõseil
au Palais Royal, pour affaire d’importance,
Les Princes si trouuent : mais ils ny furent pas
si tost entrés qu’ils furent arrestez prisonniers
par ordre du Roy & conduits à mesme instant
au Bois de Vincennes.

 

Ah perfidie estrange ! est-ce l’a reconnoistre
comme il faut les graces que ce grand
Prince lui auoit faites de l’auoir maintenu dans
son authorité, malgré tous les efforts que toute
l’Europe faisoit pour le precipiter du gouuernement
de l’Estat sur vn miserable supplice,

-- 33 --

pendant & apres le Blocus de Paris, comme
à l’autheur de tous nos desordres ? Est-ce
l’a estre bien reconnoissant en faueur d’vne
ame si genereuse que la sienne, que de vouloir
rendre criminel de leze-Majesté quelque
innocent qu’il fut en disant qu’il n’aspiroit
qu’à la Souueraineté par le nombre infini des
demandes qu’il faisoit à leurs Majestez des
Gouuernemens & des places ? Estoit-ce vne
necessité qu’il te falut monstrer ingrat pour te
maintenir, ou reconnoissant pour te perdre.
On void bien par l’à que l’ingratitude & l’ambition
est le plus pernicieux de tous les vices
dont l’homme puisse estre capable. Celle d’Alexandre
estoit si grande, que la conqueste de
toute la terre habitable lui sembloit trop petite
pour la satisfaire. Et celle du Cardinal
Mazarin ne se pouuoit pas conter de trancher
du Souuerain, & de disposer des affaires de toute
l’Europe. Il falloit attanter à la personne des
Princes du sang, & à l’honneur de ceux qui
l’auoient maintenu dans ses dignitez, contre
toutes les conspirations que le Ciel & la terre
auoient faites pour le perdre. Si Monsieur le
prince n’est soubçonne du crime de leze Majesté
que pour auoir pretendu à des dignitez
qui estoient grandement au dessous de luy, il
n’est criminel que pour auoir demandé ce

-- 34 --

qu’il croyoit qu’on ne luy pouuoit pas refuser
auec iustice apres auoir mis les affaires de l’Estat
au plus haut poinct où elles pouuoient
estre mises. Si monsieur le Prince n’est soubçonné
de pretendre à la Couronne que parce
qu’il à des places & des gouuernemens, la
France a donc bien quantité de criminels
comme luy puis qu’il se trouue quantité de
personnes qui ont la mesme chose. Prends
garde à toy si tu veux bien faire, le temps viendra
que tu te repentiras d’y auoir procedé de
la sorte.

 

Pendant l’emprisonnement de Messieurs les
Princes, le peuple ne demande plus que la
Paix generale, ce perfide la leur refuse à son
preiudice : car s’il l’eut faite il se mettoit à couuert
de toutes les disgraces qui luy sont arriuées
en suitte. Au contraire il minute la perte
de la ville de Bourdeaux pour mieux faire
éclatter sa puissance : mais auparauant que
d’aller là, il faut qu’il tasche de se mettre bien
dans l’esprit du peuple. O l’estrange Politique !
il veut perdre le peuple, & se veut mettre bien
auec le peuple, ie ne puis pas comprendre
comment est-ce que celà se peut faire, à moins
que de les sçauoir mettre dans vne diuision irreconciliable.
Ce qui est bien difficile veu le
temps où nous sommes, & apres leur auoir fait

-- 35 --

dessiller les yeux à leurs affaires En fin pour en
venir là il tasche de preoccuper l’esprit de leurs
Majestez, & de leur faire conceuoir des mauuaises
impressions de la fidelité des Normans,
des Prouanceaux, & principalement des peuples
de Guyenne. Il leur fait accroire par de
tres horribles suppositions, qu’ils ont enuie
de faire comme les Anglois, & de se mettre en
Republique, qui est vne pensée qui ne peut
pas tomber que dans l’esprit du plus abominable
de tous les hommes. Mais auant de
se porter à la ruine des vns ou des autres, il
cherche l’occasion de se mettre bien auec les
habitans de Paris, & de les endormir par ses
inuentions, iusques à ce qu’il ait soûmis tous
les precedens à sa tyranique obeissance par
des cruautez inoüies, & pour cela il fait distribuer
du blé à tout le menu peuple, aux dépens
de ses partisans, dit l’histoire, pour se mettre
bien dans leur esprit, & pour les abuser par
cette fourberie. Mais tout cela n’a de rien seruy
aux fins qu’il s’estoit proposées. Il fut mesme
contraint de se seruir de la Ralieré pour seduire
les mariniers & plusieurs autres habitans,
sur le dessein qu’il auoit de les faire souleuer
pour perdre le Parlement, & pour perdre
les chefs de la Fronde Royale ; Et pour les
mieux porter à suiure son party, il vse encore

-- 36 --

d’vne autre liberalité aux despens de sa Majesté,
en faisant restablir la diminution qu’on
auoit accordé de faire sur les entrée, afin d’indemniser
les habitans du grand nombre des
pertes qu’ils auoient faites pendant qu’il leur
faisoit la guerre.

 

Et cependant qu’il leur fait ces grandes offres
& qu’il leur rend ces insignes témoignages
de son amitié, il ne laisse pas de chercher
les occasions de les faire mourir de faim, en
donnant grande quantité de passe-ports qu’il
fait expedier de toutes parts, pour enleuer les
grains hors de France, en faueur de Garand
& de Cantarini, qui luy auoit donné la somme
de huict cens mille liures pour ce bel affaire.
Mais il a beau les amadoüer par ses fourberies,
les parens, les alliez, les amis & les creatures
de Messieurs les Princes ne laissent pas de luy
brasser mille desordres. Les Frondeurs d’vn
autre costé ne laissent pas aussi de conspirer
contre luy & de minuter sa perte. Miserable
Politique pourras tu resister à tant d’ennemis
que le Ciel te suscite ? Tes raisons d’Estat seront
elles assez puissantes pour batre tous ces
esprits en ruine, & pour perdre des partis qui
sont capables de faire sousleuer toute l’Europe
contre ton Eminence ? Bon Dieu qui te
pourra appuyer contre des forces si redoutables ?

-- 37 --

mais plutost qui ne sera pas contre toy,
cependant que tu t’en iras à Belle Garde & à
Bourdeaux, & que tu abandonneras les deux
meilleures Prouinces de France au pillage des
plus grands ennemis de cette Couronne ?

 

Aussi tost dit, aussi tost fait, il fait partir leurs
Majestez pour s’en aller inuestir la ville de Bordeaux,
& pour son interrest particulier, pour
perdre des subiets qui n’auoient iamais failly
qu’en s’opposant à ses tyrannies. Voyez de grace
iusques où va la rage de cét homme, qui
pour sa propre querelle va exposer l’honneur
& la vie de leurs Maiestez, deuant vne place
qui est plus fort dix fois en monde que l’armée
qu’il y conduit, & qui est mesme appuyée de
toutes les autres Prouinces de France. Et cependant
qu’il ne fait que menacer & que bruire,
l’armée d’e l’Archiduc Leopold & les troupes
du Mareschal de Turenne viennent iusques
aux portes de Paris, en rauageant toute
la Champagne & la Picardie. Ce fut ce coup
là que les Parisiens commencerent à declamer
contre luy, & que ses conspirateurs commencerent
à faire de merueilleux progrez sur l’esprit
des peuples. Tout le monde prend la liberté
d’écrire contre son Eminence aussi bien
que durant les barricades de Paris, & il n’estoit
pas fils de bon pere ny de bonne mere, comme

-- 38 --

dit le prouerbe, qui ne declamat hautement
contre ce perturbateur de la felicité publique.
Et si, quoy qu’il fut assaillant, il ne laissa pas
d’estre contraint de faire vne paix peu aduantageuse
pour luy, & ceder par force à Messieurs
de Bordeaux, beaucoup plus qu’ils n’eussent
pû esperer deuant le siege de leur ville : sans
considerer les ignominies qu’il y reçeut : car
on ne le voulut iamais regarder que comme
vn simple valet, quelques offres qu’il leur ait
pû faire. Et pour reparer la faute qu’il auoit
faite en s’en reuenant, il leur enuoye vne lettre
de Cachet de la part du Roy, pour rompre
tous les traitez qu’on auoit faits auec les habitans
de cette ville. Ne voila pas entendre
parfaitement bien le mestier dont il se mesle
auec si peu de prudence & si peu de conduitte.

 

Delà il reuient à Paris où il n’y fut pas plutost
arriue qu’il fit faire vn commandement de
la part du Roy, à Monsieur de Beaufort & à
Monsieur le Coadiuteur de sortir hors de Paris,
voyant qu’il ne pouuoit pas executer les
desseins qu’il auoit de les perdre dans vne ville
où tout le peuple s’estoit declaré pour le sa
lut de ses Dieux Tutelaires. Mais ces dignes
Protecteurs de la cause commune, preuoyant
bien les funestes intentions de leur ennemy

-- 39 --

refusent d’y obïer, sçachant bien que ce n’estoit
qu’vn commandement inuanté par le
plus abominable de tous les hommes, & qu’il
n’y auoit point de seurté pour eux, en quelque
lieu de France qu’ils peussent aller
pour leur refuge. Ce qui fut veritablement
cause de sa perte : Car comme ces Messieurs
veirent que leur party n’estoit pas assez fort
pour se deffaire de leur persecuteur, ils se liguerent
auec le parti des Princes ; & ainsi de
deux diuers partis qu’ils estoient bandez les
vns contre les autres pour s’empescher de faire
leur salut, ils n’en firent qu’vn qui porta
coup, au grand regret du bonnet rouge, Monsieur
le Coadiuteur tres habile en cela comme
en beaucoup d’autres choses, voyant que
Monsieur le Duc d’Orleans leur estoit fort necessaire,
ne pert point temps de l’attirer à leur
parti, afin de faire les affaires auec plus de
poix & plus de force, veu que cestoit le seul
qui pouuoit trauerser leurs desseins, & qu’ils
deuoient craindre auec quelque espece de
vraye semblance. Cela fait le Parlement qui
n’attendoit que la parfaitte vnion de ces puissances
redoutables, se joint auec eux, & donne
audiance à tous ceux qui ne demandoient
que sa perte. On l’accuse d’auoir volé toutes
les Finances de France, & de les auoir faites

-- 40 --

transporter hors du Royaume. On l’accuse d’auoir
rendu miserables tous les peuples afin de
les pouuoir mieux tyranniser à sa mode. On
l’accuse d’auoir empesché la Paix & d’entretenir
toûjours la guerre. On l’accuse d’auoir obligé
de certains Capitaines des Gardes d’auoir
quité le seruice du Roy où ils estoient necessaires,
pour aller escorter l’establissemẽt des nouuelles
leuées que ce tyrã faisoit sur les peuples.
On l’accuse d’auoir fait establir des fuzelliers
en diuerses Prouinces ou ils ont commis des
inhumanitez & des barbaries à tout perdre.
On l’accuse d’auoir enleué nuictãment le Roy,
& d’auoir inuesti Paris, pour perdre le Parlement
& le peuple. On l’accuse d’auoir voulu
porter le Roy à la haine de ses subjets, & les subiets
à la des-obeyssance de leur Prince. On l’accuse
d’auoir voulu perdre Monseigneur le Duc
d’Orleans, Messieurs les Princes, Monsieur de
Beaufort, Monsieur le Coadjuteur, & plusieurs
autres personnes. On l’accuse de vouloir contraindre
le Roy à ne pas tenir sa parole à qui
que ce puisse estre qui est vne maxime tres pernicieuse
contre la foy, contre le droit des gens,
& contre la seureté publique. On l’accuse d’auoir
abusé de l’Authorité Royale pour perdre
la Ville de Bourdeaux. On l’accuse d’auoir hazardé
la personne du Roy, au voyage de Guyẽne

-- 41 --

pour sa querelle particuliere. On l’accuse
d’auoir fait perir, nos armées en Allemagne,
en Espagne, en Italie, & en Flandre, d’auoir
abandonné nos alliez, & d’auoir exposé
plusieurs Prouinces aux ennemis, afin d’entretenir
plus long-temps la guerre, pour mieux
pescher en eau trouble & pour se rẽdre plus cõsiderable.
On l’accuse d’auoir voulu attanter à
la vie de tous ceux qui ont voulu representer
à sa Maiesté les necessitez de ses peuples.
On l’accuse d’estre tout à fait ignorant aux afaires.
On l’accuse d’estre estranger, & par consequent
incapable du Ministere suiuant l’Arrest
de l’année 1617. On l’accuse d’auoir vsurpé
tyranniquement l’authorité Royale. On
l’accuse d’estre d’vne naissance indigne de sa
charge. On l’accuse d’auoir des intelligences
secrettes auec les ennemis de cette Couronne.
Et finalement on l’accuse d’estre Magicien,
& d’auoir grand commerce auec les esprits
immondes. On produit vn Factum contre
luy. Le parlement se seruant de l’Arrest qui
auoit esté donné contre le Mareschal d’Ancre,
où la Cour declare tous estrangers incapables
de tenir Offices, Benefices, Honneurs, Dignitez,
Gouuernemens, & Capitaineries en ce
Royaume : & se seruant encore de l’Arrest qu’il
auoit donné contre lui le 8. iour de Ianuier,

-- 42 --

pour auoit enleué le Roy à vne heure induë, &
pour auoir bloqué Paris, & ainsi comme Criminel
de leze Maiesté, & comme perturbateur
du repos public, La Cour toutes les Chambres
assemblées, Ordonna le 9. iour du mois de Feurier
de l’année 1651. qu’il sortiroit de France,
& s’il ne le faisoit pas, il estoit enioint aux communes
de courir sur luy : & fait deffences à tous
Gouuerneurs des places, Maires & Escheuins
des villes, & autres subiets du Roy, de le retirer
sur peine de la vie. Et nonobstant tout celà, il
ne laisse pas de battre la campagne, de soustenir
que toutes ses accusations sont fausses, de
demander à estre iustifié, de crier hautement
qu’il est naturalisé François, & de parler en faueur
des estrangers. Il dit que cette qualité
d’estranger n’a iamais esté rebutee ny par les
gens de bien, ni par les bõs Politiques. Qu’elle
ne sçauroit seruir que de pretexte aux factieux
& aux ennemis de l’Estat. Qu’il se trouue
vn nombre infini d’estrangers qui ont eu plus
d’authorité en France qu’il n’en a iamais euë :
& qu’il est extremement necessaire d’auoir vn
estranger pour bien gouuerner le Royaume,
affin qu’estant in differant à toute sorte de personnes,
il puisse administrer les affaires sans
passion. Que si cette qualité d’estranger estoit
si contraire aux loix du Royaume, & si preiudiciable

-- 43 --

au Gouuernement de l’Estat, pourquoy
est-ce que Messieurs du Parlement verifierent
la Declaration que Louis 13. auoit faite
si authentiquement en sa faueur, estant au
lit de la mort, & pourquoy est-ce qu’ils ne s’opposerent
pas aux volontez de Louis 14. lors
qu’il fut au Parlement seant en son lit de Iustice.
Mais il a beau dire, il faut qu’il deloge, non
pas seulement par ce qu’il est estranger : mais
par ce que c’est vn Tyran, vn perturbateur du
repos public, vn homme qui a volé tous les
thresors de l’Estat, & vn pernicieux, qui a voulu
attenter à la personne des Princes.

 

FIN.

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Anonyme [1651], LA PROSPERITÉ MAL-HEVREVSE OV LE PARFAIT ABREGÉ DE L’HISTOIRE DV CARDINAL MAZARIN, OV SE VOID TOVTES LES RVSES ET toutes les Fourberies dont il s’est seruy pour arriuer au feste de la progieuse fortune où il s’est veu. AVEC VNE RELATION DE TOVTES les causes de sa disgrace. , françaisRéférence RIM : M0_2925. Cote locale : C_11_16.