Anonyme [1649], LA PROMENADE OV LES ENTRETIENS D’VN GENTIL-HOMME DE NORMANDIE AVEC VN BOVRGEOIS DE PARIS, SVR LE MAVVAIS MESNAGE des Finances de France. , françaisRéférence RIM : M0_2901. Cote locale : C_6_69.
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LA PROMENADE
OV
LES ENTRETIENS
D’VN GENTIL-HOMME
DE NORMANDIE
AVEC VN BOVRGEOIS
DE PARIS,

SVR LE MAVVAIS MESNAGE
des Finances de France.

A PARIS,

M. DC. XLIX.

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LA PROMENADE, OV LES ENTRETIENS
d’vn Gentil-homme de Normandie auec vn
Bourgeois de Paris, sur le mauuais mesnage
des Finances de France.

Le Parisien. MONSIEVR, ie suis vostre tres-humble seruiteur.

Le Gentil-homme. Ha ! Monsieur, ie suis le vostre de tout mon
cœur.

Le P. Hé ! quoy Monsieur, vous voila donc des
nostres, nos afflictions ne vous espouuantent-elles point ; Quoy ! venir
ainsi dans vne ville bloquée auec tant de chaleur & d’iniustice.

Le G. Il n’y a pas long temps que i’y suis, ce n’est que d’hier au soir seulement,
encore a-ce esté pour apporter des nouuelles de Monsieur le Duc
de Longueville, que vous aurez dans peu auec des forces tres-considerables,
& auec toutes les affections de nostre Prouince.

Le P. Ie suis rauy de ces bonnes nouuelles ; mais quel dessein auez vous
dans ce Faux-bourg.

Le G. Ie m’y promenois en attendant l’arriuée du conuoy de Brie, que ie
voulois voir passer.

Le P. I’y suis aussi pour le mesme dessein, si vous le trouuez bon nous
nous promenerons de compagnie iusque dehors, & nous verrons auec
moins d’incommodité ce qui s’y passe.

Le G. Ie le veux bien ; mais Monsieur dans vostre promenade, vous qui
estes de cette ville, ie voudrois bien vous prier de me dire quelque chose
sur le suiet de tous ces troubles ; car dans nostre Prouince nous ne sçauons
rien qu’en gros : & ie serois bien aise d’en apprendre des nouuelles certaines
auant que de m’en retourner, specialement s’il est vray qu’il y ait eu
tant de desordre au maniement des finances du Roy, comme on le dit en
nostre Païs ; & s’il est vray aussi, que le Cardinal les ait si mal gouuernées
& si hautement détournées & dissipées.

Le P. Monsieur pour vous satisfaire sur cette curiosité il faudroit vn peu de
loisir, toutesfois nostre dessein de promenade est assez long pour en pouuoir
dire quelque chose ; c’est pourquoy si vous y voulez donner vostre attention
auec patience, ie vous en entretiendray aussi long-temps que ie le
pourray.

Le G. Helas Monsieur, non seulement auec patience, mais ie me rendray
toute oreille si ie puis, afin de vous bien entendre, tant i’ay de desir d’apprendre
quelque chose du détail de cette affaire.

Le P. Et pour vous satisfaire donc Monsieur ie vous diray, & vous le sçauez,
qu’il y a enuiron cinq ans, ou peu plus, que par le deceds du deffunct

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Cardinal, celuy-cy fut admis au premier Ministere de l’Estat, vous sçauez
aussi quel homme c’est, comme il vient de bas lieu, & de pauures parens, &
qu’il n’y à que ces sortes de gens là qui sont insatiables, quand ils se rencontrent
en estat de pouuoir donner quelque chose à leur auidité, aussi ce Cardinal
n’a-il rien oublié pour tascher à rassasier son appetit déreglé, les imposts,
les subsides, les taxes, les retranchemens de gages, & des rentes ;
enfin tout ce que l’Enfer pouuoit inuenter ce Cardinal & ses supposts l’ont
mis en vsage, & ont tellement tourmenté les riches & les pauures, qu’enfin
il les a quasi tous rendus égaux ; & s’il y en a encore quelques vns quine
soient pas ruinez, du moins ils ont esté fort incommodez.

 

Le G. Vous me dites là, Monsieur, d’estranges choses, mais neantmoins
cela ne me rend pas plus sçauant que i’estois, tout le monde dit la mesme
chose, c’est le bruit qui court, mais qui ne me satisfait pas ; ie voudrois
quelque chose de plus pour contenter ma curiosité.

Le P. Ie le puis faire, Monsieur, & voyez comment vous sçauez que le
Cardinal, comme premier Ministre, auoit vsurpé l’authorité de regler souuerainement
les Finances du Roy, tant en receptes que despens ; & ainsi
pour vous satisfaire il vous faut faire voir les abus qu’il a commis & souffert
estre commis en l’vn & en l’autre, ce qui me sera fort facile, vous sçaurez,
donc, Monsieur, que tout le reuenu du Roy consiste en deniers ou leuees
ordinaires & extraordinaires.

Sous l’ordinaire i’y comprends quatre sortes de deniers, qui sont le Domaine,
les Aydes, la Taille & le Taillon, & les Fermes.

Et sous les extraordinaires toutes les taxes sur les Offices, creations
nouuelles, engagemens de Domaines, ventes de rentes, taxes d’aysez,
retranchement de gages & rentes, prouision ou despens pour la fausse
monnoye, & enfin toutes sortes de leuées violentes, & dont les Cours
Souueraines n’ont fait aucune verification de tiltres, apres quoy ie vay
commencer à vous faire voir le desordre qu’il y a eu dans la Recepte ; &
puis apres si nous auons assez de loisir ie vous feray voir celuy de la despẽce.

En la Recepte ie commence par le Domaine, il est vray qu’il y en a vne
bonne partie d’engagée il y a long-temps, mais cét engagement estant fait à
faculté de rachapt perpetuel, les Partisans du Cadinal ont incessamment
par les menaces de ce rachapt, si fort tourmenté les engagistes, que presque
tous les ans ils leurs faisoient payer des suppleemens dont les taxes
montoient plus que le reuenu, tellement que ces engagistes ne retenans
plus rien, n’auoient plus qu’vne iouyssance imaginaire.

Ce n’est pas tout, car s’il restoit encore quelque chose au Domaine qui ne
fust point engagé, ils le prenoient pour eux sous ce tiltre d’engagement,
dont ils faisoient faire vne taxe, de laquelle ils prenoient vne Quittance de
Finance, & en payement donnoient vne de l’Espargne qu’ils auoient pour
vne Ordonnance de Comptant ; à bon entendeur salut, c’est à dire vous
m’entendez bien ; mais il y a plus, car ie sçay vn Domaine qui portoit
à la recepte generale 61. à 62. mille liures par an pour le Roy, qu on a donné
depuis peu pour trente ou quarante mille liurés : Bref, pour le peu de

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chose que le proprietaire n’en a osé faire registrer le contract, voila pas vn
beau mesnage dans les affaires du Roy.

 

De plus, voyez encore vne autre violence, il y a eu vn party ou traitté
pour mettre sur les Tailles toutes les charges assignées sur les domaines, &
dautant que les engagistes doiuent au charges, on les a fait financer pour
en estre deschargez, on a tiré de l’argent d’eux & vollé les pauures assignez,
car au lieu de ce qu’ils retenoient annuellement sur le domaine, on ne leur
a plus rien payé, ny sur les tailles ny ailleurs, à cause qu’on n’a plus laissé
aucun fonds pour ce faire,

Voila assez du domaine, ie veux estre succint, afin de mesurer mon discours
à nostre promenade, c’est pour quoy passons aux aydes, elles sont
aussi engagees, & le Roy ou les engagistes doiuent des rentes, qu’on a
ostees ou du moins retranchées aux particuliers rentiers pour les appliquer
au Cardinal & à ses supposts.

Suiuons & prenons les Tailles & le Taillon, c’est en cét endroit où le
cœur me fend de pitié, considerez ie vous prie l’excez où elles sont maintenant,
vne Eslection qui payoit en 1628. 40. mil liu. passoit és annees 1645.
& 1646. deux cent mil liures ; voyez qu’elle augmentation sur le peuple, &
pourtant en 1626. le Roy en receuoit presque autant comme à present.

Le G. Comment cela se peut il entendre ?

Le P. Ie vais vous le dire. De cette Eslection que ie vous donne pour
exemple, & qui portant en 1626. 40. mil liu. le Roy en auoit de reste les
charges desduites, montant de 61. mil liures à 34. mil liures en quatre quartiers
bien payez, sans non-valleurs, & sans remise de prest ny d’interest. Mais
à present de deux cens mil liures, le Roy n’en touche pas 60. que ce soit le
plus, & voyez comment par le moyen de la multitude des taxes qu’on a
mises sur les Officiers leurs gages & droicts montent prés de 50. mil liures,
lesquels encores que les Officiers ne les touchent pas ne laissent pas d’estre
pris par des Partisans traittans ou porteurs de quittances. Il y a plus, car il y
a encores pour le moins autres 50. mil liures de non-valleurs à cause de la
pauureté des Parroisses, reste donc cent mil liures, qui est la premiere demie,
dont on fait vn traitté ou forfait auec vn Presteur d’argent, auquel de
ces cent mil liures on donne cinq sols pour liure de remise en donnant le
quart comptant, & 50. mil liures en promesses, payables à plusieurs termes ;
de ces 50. mil liures en promesses on en traitte encore auec vn autre
à vn tiers de remise, tellement que deduction faite de ces remises sur le principal,
il ne reste plus au Roy de ces deux cens mil liures que 57. mil liures
ou enuiron, sçauoir du premier traitté comptant 25. mil liures, & du second
32. mil liu. considerez Monsieur, quel mauuais mesnage dans les affaires du
Roy. Ce n’est pas le tout, faut aller plus auant, & considerons que ce mauuais
mesnage-cy n’est qu’à l’esgard du Roy, mais venons à celuy du peuple,
& considerons vn peu la liberté que le Cardinal a donnée à ces partisans de
tourmenter & vexer les taillables : Ces traittans prenoient toute la France
en party, & aussi-tost ils estoient les seuls Maistres de la Taille, & par consequent
petits Rois dans l’Estat, qui pensoient auoir droit d’enuisager tous

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les biens des Subiets du Roy, leurs personnes mesmes, comme leur estant
hypothequez, ils tranchoient des puissans, ils auoient des Intendans de
Iustice à eux & à leur mode. Ie puis bien dire à eux, puis qu’ils estoient à
leurs gages & pensions, enfin ils ne consideroient plus les choses que selon
leurs interests ou caprices, puis qu’ils se voyoient en estat de pouuoir impunément
se mocquer de la Iustice.

 

Mais comme ce leur estoit vn trauail trop grand de leuer toutes ces choses
par leurs mains, ils faisoient des Sous-Rois, en faisant des soustraits, &
leurs donnoient à chacun vne ou deux qualitez, selon le pouuoir de ceux
auec lesquels ils agissoient, & ces gens-là seuls traittoient encores par Eslections,
& en faisant tout cela, ils depossedoient les Receueurs generaux &
particuliers de l’exercice de leurs charges, & donnoient pouuoir à ces soustraittans
d’y commettre qui bon leur sembloit ; tellement qu’ils commettoient
pour les exercer vn seul homme ou plusieurs, qui faisoient les receptes
generalles & particulieres, & ausquels ils laissoient la liberté de faire
telles exactions & concussions qu’ils vouloient, pourueu qu’ils fussent
satisfaits de leur aduance ou forfait, & ces hommes ainsi proposez receuoiẽt
ce qu’ils pouuoient & de qui ils pouuoient sans aucun ordre ny regle de
Iustice, & leur auance rembourcée, s’estoit lors que les violences recommençoient
de mieux, car du costé du Roy, c’est à dire les Partisans, puis
qu’ils en auoient les droicts, ils n’auoient plus rien à craindre, n’y de cõpte
à rendre, & du costé du peuple ils auoient encore à pretendre, & c’estoit
là qu’ils ioüoient hautement leur ieu, ou pour mieux dire leur violence, car
ils ne laissoient pas de faire de rigoureuses poursuites, sous le pretexte du
surplus, mais ce n’estoit qu’à leurs fins & non à celles du Roy, c’est à dire,
ils alloient dans vne parroisse ou village auec des couppe-jarets, se disans
Archers, emmenoient les meubles, vaches & cheuaux, bref, tout ce qu’ils
trouuoient appartenant à ces pauures gens, leur faisant en cette sorte plus
de mal & moins esuitable que ne leur en font à present les soldats Allemans
qui sont autour de cette Ville, car à ces Allemans il est permis de repousser
la force par la force, mais à ces premiers cela estoit deffendu à peine de la
vie, tellement qu’ils auoient beau ieu, aussi ne s’y espargnoient-ils pas, ils
emportoient tout, & reduisoient les pauures païsans à coucher sur la paille,
& en beaucoup de lieux à viure de racines, pour n’auoir plus de cheuaux
ny d’vstancilles auec quoy ils peussent gagner leur vie & celle de leurs petits
enfans, dont on a veu quantité mourir de faim & de necessité, & auec tout
cela, ces pauures gens n’estoient pourtant pas quittes, car ils vendoient ces
choses à gens de leur intelligence pour la moitié de ce qu’elles valloient, &
les deniers en prouenans n’estoient pas suffisans pour payer leurs frais, tellement
qu’ils ruinoient les corps & les biens des subiets du Roy, dont sa
Maiesté ne receuoit aucune chose, sinon vne insoluabilité pour l’année suiuante,
& c’est de là que sont venuës tant de non-valleurs.

Enfin, quand ces corsaires ou pirattes de terre auoient aussi tout enleué,
ou pour mieux dire, tout volé, ils s’en alloient sans en rendre aucun compte
à personne : & comme s’estoient des gens incognus & sans adueu, parce

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que les Partisans les desaduoient quand ils estoient rembourcez de leurs
prests, disant qu’ils ne les cognoissoient pas, & que ce n’estoit pas eux quiles
auoient commis auec Monsieur l’Intendant, contre lequel on n’osoit cy-deuant
se pouruoir ; Ce qu’ils pouuoient faire, puisque la corruption estoit si
grande, qu’on les laissoit exercer sans donner caution, estant vne loy absoluë ;
quand Monsieur l’Intendant auoit dit qu’il le vouloit, c’estoit assez, les
pauures Officiers des Prouinces n’osoient plus rien dire ny obiecter contre
cette volonte renduë souueraine : Aussi Monsieur vous voyez iusques à quel
poinct alloit ce desordre, & s’il pouuoit encore long-temps durer. Or comme
ces mal-heureux Commis trauailloient pour leur interest particulier, &
non pour celuy du Roy ; ceux qui de bon cœur ne leur vouloient pas, & aux
Intendans, donner en presence ce qu’ils leurs demandoient, on les imposoit
à trois fois plus haut la taille que ne montoit le reuenu de leur bien ; Et
puis ce n’estoit que contraintes, emprisonnemens, mesmes pour les soliditez,
si leurs cottes ne suffisoient : Bref, les prisons estoient si pleines de ses
pauures gens-là, que c’estoit vn vray spectacle d’horreur, ensuite dequoy
la necessité les rendoit incontinent malades ; & neantmoins ces barbares
aymoient mieux, tant la cruauté estoit grande parmy eux, les laisser mourir
en prison, que de les faire sortir, ou leur donner quelque soulagement :
Et toute leur raison n’estoit autre, à ce qu’ils disoient, sinon qu’il falloit que
cette cruauté seruist d’exemple pour faire payer les autres. Quelle tyrannie ;
enfin, ie n’aurois iamais fait si ie voulois continuer le recit des tourmens de
ces miserables ; ce que ie vous feroit tres-volontiers, n’estoit que nostre
promenade s’acheue.

 

Voila donc Monsieur, & succinctement, ce que i’auois à vous dire pour
le fait des Tailles, vous en voyez le desordre ; les grandes impositions sur
les peuples, le peu qu’il en reuient au Roy ; & comme les Partisans & Traictans
en auoient la meilleure part, aussi ne faut-il pas s’estonner s’ils deuenoient
riches en si peu de temps ; mais aussi vous voyez comme ses richesses
ne prouiennent que du plus pur sang du peuple, que ses sang-suës
affamées tiroient incessamment des bras de ces pauures miserables. Et comme
pour ce faire ils leurs faisoient souffrir de grands tour mens, & supporter
de grandes afflictions.

Le G. Ie ne m’estonne pas Monsieur si Messieurs du Parlement sont si zelez
pour le soulagement du peuple, & s’ils ont pris vn si grand soin à chasser
ces mangeurs de Chrestiens, & leurs Intendans ; ces nouueaux monstres, ou
plutost ses nouuelles bestes deuorantes, dont on auoit point encore oüy
parler dans nos Histoires, estoient venus en France par ie ne sçay quel chemin
pour tourmenter le monde ; Mais Messieurs du Parlement leur ont fait
si bonne guerre, à ce que ie puis apprendre, que l’on n’en verra non plus
à l’aduenir que de loups en Angleterre.

Le P. Il est vray que quand Messieurs du Parlemẽt n’auroiẽt fait que ce bien
là, la France leur a tres-grande obligation ; mais il faut tant esperer de la misericorde
de Dieu, qu’elle permettra qu’ils viendront encore à bout du reste
de leur dessein, qui n’est autre, que de si bien restablir l’Authorité du Roy,

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celle de ses Officiers, que le soulagement du peuple ; que le Roy mesme vn
iour benira leur entreprise, & tous les peuples en remercieront la Majesté
Diuine, & aduouëront tenir leur soulagement des mains de nostre Auguste
Parlement.

 

C’est à quoy il faut que tous les bons François s’appliquent, que de bien
prier Dieu pour eux, & qu’il leur donne assez de courage & de force, pour
bien racheuer ce qu’ils ont si heureusement commencé : Et ce qui nous doit
faire espere tout bien de cette entreprise, c’est que vous voyez tant de bons
Princes & Seigneurs qui se sont ioints auec eux, meus seulement d’vne veritable
charité, & détachez de tous autres interests, que celuy de repousser
l’iniuste tyrannie d’vn mauuais Ministre. Vous voyez vostre Parlement, celuy
de Prouence qui s’y sont ioints ; & on n’attend de iour en iour que la
mesme nouuelle des autres : Enfin, Dieu tout bon & tout misericordieux,
aura asseurément pitié de son pauure peuple.

Le G. Aussi-tost que ie seray arriué à Roüen, ie ne manqueray de m’a quitter
de ce deuoir enuers Dieu, & d’y exorter tous mes amis : mais nostre promenade
s’auance, & vous auez encore bien des choses à me dire, du moins
seulement ce que vous m’auez promis.

Le P. Il est vray, mais nous voila à la porte de la ville autant vaut, il n’y a
plus assez de temps pour recommencer vne nouuelle matiere : si vous ne
partez point si-tost nous continuërons demain à pareille heure le reste, sinon
ce sera à vostre premier voyage.

Le G. Ie dois auoir mon expedition ce soir, & si ie l’ay, ie partiray aussi-tost :
mais i’espere de reuenir en bref.

Le P. I’en suis bien aise, ie me souuiens bien de ce que ie vous ay promis : à
vostre premier voyage, si vous me faites l’honneur de venir prendre vn petit
disner chez-moi, nous tascherons de racheuer le reste : Et pour ce faire nous
continuërons nostre promenade & nostre entretien ; & mesmes si ie vous
dit quelques mots peut estre obscurs, à cause qu’ils ne sont pas de vostre
profession, me les faisans remarquer ie vous les expliquerai plus au long ; enfin,
ie vous donnerai de mon loisir autant que vous en desirerez, aussi bien
dans le temps où nous sommes les affaires ne pressent pas trop, ioint que
c’est heureusement passer son temps, que de l’employer auec si bonne compagnie
comme est la vostre : Et si vous auez remarqué d’étranges choses en
ce que ie vous ay desia dit, i’en ay encores bien d’autres à vous faire sçauoir
sur le mauuais vsage & diuertissement des deniers du Roy : Cependant ie
prie Dieu qu’il vous conserue en sa garde, & que i’aye l’honneur de vous
reuoir bien-tost en bonne santé.

Le G. Ie vous ay trop d’obligation, vos bons entretiens & vos bons souhaits
me rendent impuissans à les pouuoir recognoistre, si dans nostre Prouince
ie puis quelque chose pour vôtre seruice, ie le ferai de tout mon cœur.

Le P. Ie vous en remercie, quand à present ce sera pour quand nous serons
en vne saison moins empeschée & plus tranquille.

Le Gentil-homme. Adieu donc Monsieur.

Le Parisien. Adieu.

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