Anonyme [1651], LA MORT FVNESTE DV CARDINAL MAZARIN AVEC SON EPITAPHE. Dediée à Monseigneur le Duc de Beaufort, Duc & Pair de France, & Protecteur du Peuple. , françaisRéférence RIM : M0_2497. Cote locale : C_11_11.
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A MONSEIGNEVR DE BEAVFORT
Duc & Pair de France & Protecteur
du Peuple.

MONSEIGNEVR,

I’ay crû d’abord que Vostre Altesse n’approuueroit
pas la plus grande partie des Vers que
j’ose luy presenter dans ce petit Volume, non pas
tant pour la rudesse de leur stile, que pour la vengeance
dont leur Autheur semble estre porté contre
vn homme le plus odieux de la nature. Il est vray, MONSEIGNEVR, que vostre exemple est tres-puissant
pour moderer ceste passion dans les esprits
les plus animez, puis que s’il y a homme au monde
qui doiue auoir des justes ressentimens de colere &
d’animosité contre luy : C’est vous, MONSEIGNEVR,
qu’il a injustement detenu dans les prisons
de Vincennes l’espace de cinq ou six ans : & si
le Ciel qui vous auoit destiné pour estre l’azile &
le fidelle suport des Parisiens ne vous eut insperé les
moyens d’en sortir par vn coup autant inespiré que
hardy, peut-estre croupiriez-vous encore dans ces
effroyables donjons, & vieilliriez-vous dans ces
tours qui n’ont d’objets plus agreables que ceux de

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la tristesse & de la mort. Neantmoins par vn trait
de generosité qui n’a point d’exemple, vous auez sçeu
tellement moderer vostre esprit, qu’apres vn affront
si sensible, vous auez regardé vostre ennemy, le
pouuant perdre vous l’auez laissé viure, & le
pouuant iustement detenir, vous l’auez laissé sauuer.
Peut-estre direz vous, MONSEIGNEVR,
que ie suis semblable à ces Renardeaux qui eurent
bien la hardiesse d entrer dans la grotte du Lyon,
lors qu’il rendoit les abois, & la temerité de luy arracher
la barbe lors qu’il ne pouuoit plus se deffendre :
de mesme que ie declame outrageusement dans
mes vers contre le Mazarin, lors qu’il ne paroist
plus, & qu’il n’est plus dans la puissance de me
nuire : mais ie supplie tres humblement vostre
Altesse, de croire que l’auersion que i’ay tousiours
témoigné contre sa personne pour ses mauuais deportemens,
à esté si profondement grauée dans mon
cœur, que ny l’esclat de sa pourpre, ny l’esperance
d’vne plus haute fortune, n’ont iamais pû m’ébranler,
ny changer ma resolution. Ceux qui me
cognoissent bien, m’ont tousiours veu aux attaques,
& aux prises contre les Partisans de sa fortune,
qui par des menaces capables d’espouuenter tout
autre esprit que le mien m’ont souuent donné le nom
& la qualité de seditieux Anti-Mazarin que ie
receuois auec gloire & applaudissement. Que si

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mes Vers sont pleins de vengeance & de cruauté,
cela se peut s’attribuer plustost aux transports de la
Poësie qu’aux veritables sentimens de l’Autheur,
qui ayant vn cœur veritablement François & Chrestien,
doit plus encliner du costé de la compassion
qu aux extremitez de la rigueur ; Il est neantmoins
vray que le Mazarin estant criminel de leze Maiesté
diuine & humaine, doit souffrir vn chastiment tres-exemplaire
pour donner de la crainte aux Italiens, &
autres de nation estrangere qui portent leurs mains
dangereuses sur le timon d’vn Estat le plus florissant
du monde : nostre siecle en peu de temps en a veu deux
qui sortis de fort basse extraction ont seduit les esprits
de nos Reynes pour s’enricbir de nos biens. L’vn a
fait ne fin tres-malheureuse & tragique : L’autre
doit iustement apprehender de tomber dans la mesme
infortune & si les souhaits & les Propheties s’accõplissent,
il n’en doit pas moins esperer (les rouges rouges,
les rouges assõmerõt,) Il faut que j’aduoüe icy
ingenuement que le plus grand déplaisir qui me reste ;
C’est de voir que cét ennemy de la France & ce l’artisan
de l’Espagne s’est retiré chargé de nos dépoüilles
de nos Louis, & de nos pierreries : & j’aurois
souhaité auec passion, que l’exemptant du feu, des
rouës, des potences, & des cheualets : Le Parlement
luy eust fait rendre conte de ses mauuais déportemens,
& l’ayant dépoüille comme l’oyseau de la fable,

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l’eust renuoyé en exilaux Indes, où en Canada : & là,
finir le reste de ses iours, & faire penitence de ses pechez,)
Il est encore assez de bonne heure, & les puissans
ont les mains assez longues pour l’attraper quelque
part qu’il puisse estre refugié : Quoy que s’en soit,
peut estre ne troublera-il plus nostre repos, & les Pasiens
viuront d’oresnauant sans crainte, & sous les
aisles de vostre protection. Pour moy i’espere que
vostre bonté me permettra qu’à la qualité d’Anti-Mazarin,
ie joigne auec mes tres-humbles respects
celle de

 

MONSEIGNEVR,

Vostre tres-humble, tres-fidelle, &
tres-obeïssant seruiteur, S. C sieur
D. P. & l’Anti-Mazarin.

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