Anonyme [1651], LA LETTRE DE CARON A MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_1912. Cote locale : B_13_29.
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LA LETTRE
DE CARON
A MAZARIN.

 


Fvis donc vilain gauache,
Coyon comme vne vache,
Fuis t’en en ton pays
Auec tous nos Louïs ;
Va bourreau de la France,
Indigne d’Eminence,
Va te faire brusler
Comme infame sorcier,
Euite promptement
L’Arrest du Parlement,
Quitte la Normandie
Rossignol d’Arcadie
Tourne-nous vistement le cu
De peur que tu ne sois pendu,
Chose que tu as tant meritée,
A qui ta vie est destinée.
Tu penses que pour nous menacer

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Le supplice pouuoit euiter,
Ie t’asseure qu’vne seule Bulle
Te sera mourir cher Iule :
Car si nous pouuons t’atrapper
Nous te ferons expedier
Puis ton corps exposer aux vents
Pour exemple aux garnimens,
Et puis au lieu d’vne litiere
Ce sera vne siuiere,
Et tu auras pour sepulture
Quelque vieille & pourrie mazure,
Ou bien de la mesme façon
Que ceux qui sont à Montfaucon.
Enfin Cardinal miserable
Et pis encor qu’impitoyable,
Tu t’es donné vn bon renom
D’estre vn Cardinal fripon,
D’auoir pillé toute la France,
Regardez son impertinence,
Il merite d’estre pendu
Mais bien plustost d’estre rompu
Puis expose sur vne rouë
Afin d’estre remply de bouë
Par ceux qu’il a persecutez,
Et qu’il a si fort mal menez :
Allez chef d’œnure de malice,
Allez vistement au supplice,

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Allez humeur de Gascon,
Allez pendart, allez frippon,
Allez autheur de malefice,
Allez condamné de Iustice,
Allez donc scelerat parfait,
Allez cacher vostre méfait.
Allez vous en dans la Toscane,
Aussi bien vous n’estes qu’vn asne,
Allez vous en retirez vous
Ennemy de Dieu & de tous,
Voleur de France & de l’Empire,
Car assez l’on ne t’en peut dire,
Estant encor pis qv’n demon,
Enfin tu és vn bougeron :
Voila ce Ministre d’Estat,
Voyez comme on en fait estat,
S’il eust esté tant soit peu iuste,
L’on le traitteroit du nom d’auguste,
De plus on le croiroit dans Rome
Le meilleur de tous les hommes,
S’il eust eu vn peu d’esprit
Il n’auroit iamais entrepris
D’enleuer nostre Roy de France
Auec toute nostre finance,
Et ne deuoit point se mesler
Des affaires pour en iuger.
Enfin ce Cardinal de bale

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Qui a vescu à l’animale
Merite estre recompensé,
Et à Paris tout vif bruslé.
O l’impertinent personnage !
Le bien du Roy a mis en gage.
Et si ie ne sçay pas comment
Paroissoit cet impertinent,
Il a commis tant d’adultere,
Et s’il est cause de la guerre,
Dans Paris ruiné les Bourgeois.
A Bourdeaux tous les Bourdelois,
Dans la Chãpagne les Champenois,
Dans la Touraine les Tourangeois
A causé des guerres ciuiles,
A ruiné d’illustres familles,
A fait mourir tant d innocens,
A causé tant de violemens,
A fait tout piller les Eglises,
Prendre Meudon par surprise,
Afin de donner la puissance
Aux supposts de son Eminence.
Eminent dans les cabarets,
Fort ciuil dessus les retraits ;
En conscience & verité
Voila ce Cardinal pelé,
Voyez vn peu ce puissant homme
Comme il est gognardé à Rome,

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On l’appelle Mazarini
Et petit fils de Conchini
Personnage de sac & de corde
Que volontiers ie luy accorde
Et ce Cardinal Mazarin
Qui est vn second Turlupin,V
Et si adonné au bordel
Qu’il n’y en a point à luy pareil.
Il dispose des benefices
Le reuenu en malefices :
Car pour parler du reglement
Il n’en vsoit aucunement,
Au lieu de dire son Breuiaire
Il parloit d’affaire de guerre,
Et au lieu de songer à Dieu
Il iouoit le dos tourné au feu ;
Il auoit tousiours dans sa chambre
Quelque iolie fille de chambre
Pour s’amuser à deuiser
Ou bien au Hoc s’amuser.
Ainsi ce Cardinal fameux
Auec la race de ses neueux
Passoient ainsi presque leur temps
Dans les plus grands contentemens
Que l’on puisse s’imaginer,
Qui les pourront faire damner,
Et dans l’Enfer les traisner,

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Et puis brusler sans consommer.
Voila ce Cardinal affable
Qui est cent fois pire qu’vn diable :
Enfin le voila qui s’en va,
Et iamais plus ne reuiendra,
Nous voila deliurez de luy,
Nous ferons bien la paix sans luy,
Ce qu’il nous auoit empesché,
Ce Cardinal parfumé
N’est ce pas vne chose belle
De voir cet homme sans ceruelle,
Enragé contre la canaille
Qui presque tousiours l’assaille,
Helas ! ce pauure Cardinal,
Non pas Cardinal mais brutal.
Lequel apres estre sorty,
On est contraint de courre à luy
Craignant enfin qu’il ne demeure,
Prenant S. Germain pour demeure,
Mais tout remply d’estonnement
Il s’en enfuit bien promptement
Pren garde Iule Mazarin
De passer pour vn Tabarin
Venant monter sur vn theatre,
Auec vne couleur blafarde
Et d’vn visage refrogné
Comme celuy d’vn trespassé,

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En regardant Maistre Guillaume
Qui parestra comme vn fantosme,
Lequel pour lors t’accipera,
Puis dans l’Enfer te traisnera
Te rompant les bras & les iambes,
Pauure Cardinal tu tremble,
Va, ce n’est pas encor finy,
Ny mesme la fin de ton ennuy.
Ce Cardinal impitoyable,
Cet animal si redoutable,
Ce grand genie incomparable,
Ce grand tyran ineuitable,
Ce fort esprit si admirable,
Cette Eminence formidable
Qui deuant Dieu est si coulpable,
Qui ne pense qu’à posseder
Les biens des familles & ruiner,
Qui aux captifs n’a rien donné,
Et qui iamais n’a pardonné,
Qui n’ayme ri en que l’iniustice,
L’iniquité & le supplice,
Qui ne veut pour toutes raisons
Que des bourreaux & des prisons,
Qu’a s’agrandir & terr asser
Tõus les plus grands & les chasser,
Qui n’aspire qu’au bien d’autruy
Pour ses parens comme pour luy.

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La fourberie de iour en iour
Est la bride de son amour.
Tant y a le voila donc party
Ce fils de putain d’antechry,
Il a bien fait de fuir fort
Afin d’euiter de Beaufort,
Qui a esté si debonnaire
De ne luy vouloir rien faire,
Car il auoit bien merité
D’estre tres bien recompensé
Par ce Prince qu’il auoit lezé,
E : dans Vincennes emprisonné,
De mesme qu’il a fait à nos Princes,
Pour mieux ruiner tous les Prouinces
Enfin le voila donc party,
Ce possedé de Godefredy,
Ie voudrois bien estre derriere
Pour le traitter de l’estriuiere,
Afin de le faire sauter,
Et aussi de bien l’epouster.
Le voyez vous comme il engile ?
Auec ses grosses vilaines quilles,
Qui contrefait le mascarade
Entendant la Mazarinade :
Le voila gros comm’vn tambour,
Vestu comm’vn Taupinambour,
Lequel pourtant ne tient la voye

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Pour s’en aller dans la Sauoye.
Ce pendart esperoit pourtant
Auparauant son partement
D’en leuer nostre puissant Roy,
Mais ce n’est pas pour luy ne foy,
Car tous les Messieurs de la Fronde
Qui sont gens qui ont rodé le monde
Ont fort bien veu que Mazarin
Vouloit ioüer vn tour de faquin,
Mais s’en sont bien donnez de garde
Posant tous les iours la garde
Dans tous les endroits dangereux :
Ha que le voila bien peneux,
Le voila qui se desespere
Voyant qu’il ne gaigne de guere
Il deuoit plustost s’en aller
Que dans la France demeurer,
Mais le voicy qui se resout
De s’en retourner tout d’vn coup
Dans quelque païs esloigné
Pour se faire testiculer,
Et l’on dira voicy ce Iule,
Ce Cardinal sans testicule,
Le voila le pauure matois
Esloigné des reignes & des Roys,
Particulierement de la France
D’où il emporte la finance.

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Enfin nous sommes bien-heureux
D’estre deliuré d’vn lepreux
Qui commençoit d’empoisonner
Et son venin distribuer
Par tous les endroits de la France
En attirant tout la finance.
Enfin pour euiter ce mal
Il ne faut plus de Cardinal,
Mais de bons politiques en France
Qui sçauent regler les finances
Afin que sous nostre bon Roy
Chacun exerce son employ
Qu’on l’obeisse & le reuere,
Chose qui est tres-necessaire,
De l’aimer & de le cherir
Afin qu’il puisse se resiouyr
De voir tout son peuple fidelle
N’auoir autre chose en ceruelle
Sinon de dire auec moy,
Viue le Roy, Viue le Roy.

 

FIN.

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