Anonyme [1650], LA GVERRE DECLAREE AV CARDINAL MAZARIN. , françaisRéférence RIM : M0_1526. Cote locale : D_1_28.
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LA GVERRE DECLAREE
au Cardinal Mazarin.

Comme s’estoit iadis vne coutume vsitée de ietter vne fleche
dans le pays auquel on enuoyoit declarer la guerre,
ceux qui la denoncent au Cardinal Mazarin luy portent le
reproche de ces actions pour luy estre vne fleche dans son cœur, &
denoncent à tout le monde le iuste motif qui leur ont fait prendre
les armes pour la liberté de Messieurs les Princes, & pour celle
de Madame & Madamoiselle de Buillon, afin que par la cognoissance
des raisons qu’on a de se deffendre de ces violences, vn chacun
soit inuité de prendre ce party.

C’est au Cardinal Mazarin seul qu’on declare la guerre, puis que
les armes qui ont pour but la liberté de Princes & Princesse n’ont
d’autre pensée que le seruice du Roy, que de se garantir de l’oppression
de celuy qui en la minorité du Roy a vsurpé l’authorité souueraine,
& que de maintenir les Loix du Royaume, & les Declarations
de sa Maiesté donnée au mois d’Octobre 1648. & en Mars
1649. Et de fait l’armée que Monsieur de Turenne commande s’est
portée auec tant de moderation que de peur de donner le moindre
soupçon que sous ombre de se declarer ennemy du Cardinal Mazarin,
elle confondit le respect qu’elle porte au Roy, auec le iuste subiet
de haine contre le Cardinal, elle se tient tousiours hors les limittes
du Royaume, & y demeura tant que Monsieur de Turenne
crut que sa Maiesté feroit reflection sur les tres humbles remonstrances
qu’il luy auoit faites plusiurs fois des maux que la detention
des Princes alloit causer à la France.

Mais le conseil de l’ennemy des Princes du Sang & de l’Estat
l’ayant emporté sur l’esprit de la Reine, il a esté necessaire enfin
de s’opposer à ces violences, & d’entrer à main armée contre l’infracteur
des Loix du Royaume & des Declarations de sa Maiesté
& contre la sang-suë des Peuples & le perturbateur du repos

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public qui a des-ja esté declaré tel par Arrest du Parlement, &
que l’on iugera tel encor à present, n’ayant rien changé en la
forme de son ministere tyrannique, estant certain & visible à tout
le monde que le Roy n’a point de plus dangereux ennemy de sa
Couronne que le Cardinal Mazarin : car dans le temps que le
Conseil d’Espagne ne vouloit point la paix, quand le plus passionné
& afide de tous ceux qui y assistent seroit venu pour auoir le ministere
en France il n’eust sceu faire pis à l’Estat que fait le Cardinal
Mazarin.

 

Pour preuue de cette verité. quel conseil fust ce au milieu des
prosperitez dont Dieu auoit beny la France par le moyen de Monsieur
le Prince, celuy de ruiner la Ville Capitalle, comme le Cardinal
Mazarin y auoit induit la Reine, conseil que l’on sçait n’estre
procedé que de luy, & ce qui s’en est executé par Monsieur le
Duc d’Orleans & Monsieur le Prince est vne faute qui peut trouuer
quelque excuse par l’obeissance aueugle qu’ils ont rendu au
commandement de la Reine, dont la bonté auoit esté surprise par
les artifices de cet Estranger ?

Quel conseil fust-ce encore celuy d’enuoyer en suitte offrit
par le sieur de Bar le pillage de la Champagne à l’armee que l’on
appelloit d’Erlac pour luy seruir de payement, qui eust esté l’entiere
ruine de cette Prouince ? Aussi le dessein du Cardinal Mazarin
n’est il que de destruire le Royaume, comme il paroit encore
auiourd’huy, qui fait faire vn long & perilleux voyage au Roy
pour le rendre spectateur de la desolation qu’il veut faire d’vne des
plus considerable Prouince, laquelle il pretend sacrifier à sa vengeance
pour auoir donné retraitte à Madame la Princesse, & à
Monsieur le Duc d’Anguin.

Sur tout que peut-on croire d’vn Ministre qui fait perdre les
Alliances, & qui reiette celles qui s’offrent, c’est ce que fait le Cardinal
Mazarin, car on sçait en quel bransle est l’alliance des Suisses,
on sçait en quel danger est la Catalogne, & ce qui nous reste
en Italie, & comme il a laissé perdre l’affaire de Naples, & de
Liege combien de subiet de mescontentement les Estats des Prouinces
Vnies ont de nous, & qu’il a obligé enfin les Electeurs
de Mayance & de Treue d’abandonner nos interests à la conconclusion

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du Traicté de la paix d’Allemagne, & pour comble de
tous les malheurs de la France il esloigne la paix generale.

 

Et comme il a veu que la France est si puissante, qu’il ne la pouuoit
entierement perdre que par sa diuision, c’est à quoy il a trauaillé
par l’emprisonement des Princes du Sang, car il a bien
iugé que les vrays seruiteurs du Roy, & les parens & amis des
Princes prendroient les armes pour procurer la liberté & feroient
vn party, & par ce moyen il ioindroit vne guerre ciuile &
intestine à celle de dehors, ou que si les courages estoient si abbattus,
que personne ne voulust entreprendre la deffence des Princes
du Sang mal-traictés sans auoir commis aucun crime, il en
reuiendroit neantmoins cet aduantage aux ennemis de l’Estat
que ceux qui sont les vrays appuys & le soutien de la Couronne,
& qui y ont plus d’interest que personne ne leur seroient plus opposez,
ny ne seroient plus à la teste des armées où ils ont esté tousiours
victorieux.

A quelle fin peut-on croire aussi que l’on ne paye plus les armées
ny les garnisons, ny la Maison du Roy, ny les rentes, & neantmoins
les Prouinces & la ville de Paris sont espuisées d’argent
par les leuées qu’on fait sous ce pretexte que c’est pour les affaires
de l’Estat, & au fond ne sont que pour faire celles du Cardinal Mazarin,
& broüiller tout le Royaume.

Or pour ce que les Princes ne sont emprisonnez qu’àcause de
l’ennemy de l’Estat & le leur, la demande que l’on fait de leur liberté
estant fondée ez Declarations du Roy, desquelles on demande
l’obseruation, tant à leur esgard, qu’à celuy de Madame in
Madamoiselle de Buillon sera iugée si iuste, que la Cour de Parlement
qui a verifié ces Declarations ne peut qu’elle ne s’y ioigne,
car si elles ont esté iugées loix necessaires à l’Estat, & que
l’on les violle aussi-tost qu’elles ont esté publiées, quelle seureté
y a-t-’il plus pour la Noblesse & pour le peuple, si on abandonne
l’execution des loix pour se submettre à la violence d’vn Estranger,
lequel on void dans le Conseil supreme trompant des Princes
du Sang de nos Roys, à qui on oste la place qu’ils y doiuent
tenir, personne ne peut faire difficulte d’auoüer que si la publication
de ses Declarations fit mettre bas les armes au Parlement

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& esloigner les Espagnols qu’il auoit fait venir à leur secours l’annee
passee, leur infraction les obligent à les reprendre & à receuoir
des Espagnolles le mesme secours qu’il leur auoit demandé,
le Parlement estant obligé par son serment de faire obseruer
les loix. C’est pour cela qu’il est estably de Dieu & des Roys
& pour procurer le bien & le repos du Royaume, comme presentement
il le peut en faisant la paix generale, que les Espagnols viennent
offrir, & ceux qui pour cét effect se sont ioints auec eux
& pour demander la deliurance des Princes & des Princesses
& de tous ceux qui souffrent la persecution du Cardinal Mazarin,
qui est le seul but qui a fait prendre les armes à Monsieur de
Boüillon & à Mr. de Turene & à tous ceux qui sont de ce party, qui
esperẽt bien que les generaux peuples de Paris qui l’année passée
crioiẽt auec tant de vigueur contre le Mazarin, & qui s’exposoient
si vaillamment pour se deliurer de cet ennemy de la France, ne
voudra pas auiourd’huy changer sa genereuse resolution, & par
sa propre ruine esleuer des trophées à celuy qui la procure, mais
auront encor la mesme langue & la mesme force qui leur fit
deliurer Monsieur de Bruxelle pour obtenir vne chose qui leur
est bien plus importante & à tout le Royaume, qui est la paix generalle
& la liberté de leurs Princes du sang, & ne manqueront
point de seconder la ville de Bourdeaux dans son glorieux dessein,
dont l’execution sera vne espece de la benediction de Dieu pour le
repos & la tranquillité de la France.

 

Et les Gens des-interessez ausquels principalement les Amis des Princes
s’addressent, en penuent rendre iugement par ce Billet.

NOVS ne vous appellons pas des-jnteressez dans la croyance
que les choses vous seront indifferentes. Nous sçauons au
contraire que vous prenez beaucoup de part à ce qui touche
i’Estat & que vous auez vne extreme passion pour le repos de la
France : mais comme nous sçauons aussi que ny les Artifices ny
les Caballes ne surprennent point vostre iugement & que vous
suiuez tousiours la verité plustost que l’opinion, c’est pour cela
que ne doubtant pas que les Emissaires du Cardinal Mazarin ne
mettent tout en vsage afin de calomnier le traicté que nous auons

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fait auec l’Espagne & de publier par tout qu’il est contraire &
l’Estat. Nous nous addressons à vous comme a des personnes indicieuses
& incapables de se laisser surprendre pour vous instruire
de la verité & pour vous monstrer par le but que l’on s’est proposé
en ce traicté que rien ne sçauroit estre ny plus honneste ny
plus vtile pour les deux Couronnes. Les François desirent la
paix. Les Espagnols la souhaittent. Les vns & les autres en ont
besoin. Les Espagnols ne trouuent point de seureté à la traicte
auec le Cardinal Mazarin, ils y treuuent de la honte, nous ne
sçaurions non plus consentir que ce Ministre qui l’a tousiours
empesché, qui allume la Guerre Ciuile qui est ennemy de la
Maison Royalle, la Nogotie, dans cette conformité d’intentions
nous nous obligeons reciproquement par vn traicté solemnel
de ne poser iamais les armes & de n’entendre iamais à autre proposition
d’accommodement que les Princes ne soient libres,
comme aussi les Espagnols declarent que dés le moment qu’ils
seront libres & sortis de prison, ils se remettront entierement
quand aux conditions de la conclusion de la paix à Monsieur le
Duc d’Orleans & à Monsieur le Prince qu’ils en feront les Arbitres,
tout ce traicté se rapporte à ces deux point l, si n veut vous
en donner quelque impression elle est fauce, ainsi doncques
puisque les repos des peuples, & l’vnion des deux Couronnes
sont attachez à la personne de Monsieur le Prince & que desormais
ces choses dependent de sa liberté. Il faut necessairement
que ceux qui l’empescheront se declarent ennemis de la France
& qu’ils se rendent odieux a toute la Chrestienté, c’est pourquoy
nous protestons deuant Dieu & deuant les hommes que si apres
auoir pris les armes pour vn dessein si necessaire & si glorieux
& qui n’a point d’autre fin que le repos de l’Europe & la deliurance
des Princes, nous trouuons des obstacles à le faire reussir,
ce sera au Cardinal Mazarin & à ceux de sa faction qui s’y
opposeront, qu’il faudra imputer tous les malheurs & tous les
desordres que la Guerre Ciuile & Estrangere sont incapables de
causer, pour vous comme vous sçauez que les intentions desreglées
que les factions inspirent, nous ne doubtons point que
vous ne vous employerez fortement a haster vn si grand bien, &

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que vous ne voulliez partiper auec nous à la gloire de remettre la
paix dans l’Estat & de rendre la liberté à des Princes iniustement
persecutez. C’est ce que nous attendons de l’honneur dont vous
faittes profession & de ce que vous debuez a vostre Roy, a vos Familles
& a vostre Patrie ; Adieu.

 

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