Anonyme [1652], AVIS SINCERE DV MARESCHAL DE L’HOSPITAL, DONNÉ A SA MAIESTÉ dans Sainct Denys. AVEC LES RAISONS POVR LESQVELLES on l’a fait arrester en Cour. , françaisRéférence RIM : M0_545. Cote locale : B_2_5.
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Aduis sincere du Mareschal de l’Hospital donné à sa
Majesté dans S. Denys.

SEIR,

Ie pense que ie n’ay que trop témoigné par l’experience
de ma conduitte passée, que les seuls interests
de Vostre Majesté sont les souuerains de toutes les passions
de mon Ame ; & que parmy toutes les inquietudes
qui m’ont trauaillé, celle de contribuer au restablissement
du C. M. n’a pas esté des moins impuissantes,
puisque de tous les obstacles que Messieurs les Princes
ont opposé à ce dessein, il n’en est presque pas vn
seul, dont ie n’aye fait auorter les intentions par mes
resistances ; iusques à ce que la haine des peuples venant
à esclatter plus vigoureusement contre le C. M.
en leur faueur i’ay cru que ie n’estois plus en estat de
m’y pouuoir opposer, que pour y succomber, enfin
auec plus de honte.

Il n’est plus temps de le dissimuler, SIRE, la
complaisance aveugle que i’ay eu iusques à present
pour la protection, dont Vostre Majesté honore le C.
Mazarin, seroit desormais criminelle ; & ie serois entierement
indigne de l’honneur qu’elle me fait de
m’écouter, si dans la plus dangereuse, & la plus importante
crise des affaires de son Estat, ie luy espargnois

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vne verité, que ie ne puis luy laisser ignorer, sans
me rendre en quelque façon complice de tous les malheurs,
qui sont à la veille de trauerser mortellement
le repos, & de renuerser le plus ferme Estat de Vostre
Monarchie.

 

Il faut que i’auoüe sincerement à V. M. que ie
m’estois tousiours persuadé qu’il ne me seroit pas trop
difficile, de disposer les Esprits des Parisiens à souffrir
le C. Mazarin, & l’asseurance que i’auois qu’il n’estoit
point d’intrigue, qu’on ne fit iouër par mes ordres,
pour faire plus heureusement reussir ce dessein,
au gré de ses souhaits, me fortifioit d’autant plus dans
cette creance, que plus ie voyois de disposition à tenir
les Parisiens dans l’erreur, par le moyen des artifices,
dont ie me seruois pour abuser de leur simplicité.

Vostre Majesté sçait, que de tous les beaux succez
dont le Ciel a fauorisé les armes de Monsieur le Prince
depuis sa retraitre, il n’en est pas vn seul, dont ie ne
me sois hasté d’en faire ébaucher promptement vne
Relation à son desaduantage ; Et que par mes diligences,
i’ay tousiours eu le bon-heur de preuenir la
fidelité des leurs, pour faire auorter dans les Esprits
des Peuples les belles esperances, qu’ils en auoient
conceu, Et pour préoccupper leur creance,
par les trompeuses & mauuaises impressions que ie leur
donnois d’vne fausseté bien déguisée, laquelle surprenant
l’auidité ou les premieres idées de leurs attentes,
les metroit à l’espreuue de la verité qui leur
estoit, puis apres déduite par la fidelité des autres narrations.

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Cette intrigue ne me rei ssissoit pas trop mal-heureusement,
en suite de l’authorité que V. M. m’auoit donnée,
pour supposer des letres de cachet selon les conionctures
que les reuolutions des temps en pourroit
faire naistre : Et comme le nom de V. M. quelque indeferant
que le C. M. l’eut rendu par ses fourbes, ne
laissoit neamoins pas encore d’estre reçeu des peuples
auec beaucoup de veneration, ie m’en preualois auec
tous les aduantages qui m’estoient possibles dans les
occasions pour soûmetre les simples à la croyance de
ce que ie leur faisois debiter par mes emissaires ; ou du
moins pour balancer la credulité des esprits entre le
respect qu’ils deuoient auoir pour vostre nom, & la soûmission
qu’ils ne pouuoient quasi point refuser à vne
plus éuidente verité.

Si ces artifices ne gagnoient point les esprits pour le
dessein que V. M. a de souslenir le C. M. ils en remportoient
du moins cét aduantage malgré leur opiniastrete,
qu’ils ne leur permetoient pas de se declarer si ouuertement
pour les interests de Messieurs les Princes ;
parce qu’ils ne pouuoient pas se conuaincre dans la
creance d’vne verité que ie leur rendois mesconnoissable
par le moyen de mes impostures ; & qu’ils auoient
quelque sujet de douter de la verité, puis qu’ils la
voyoient du moins apparemment contredite par vne
authorité Souueraine. Ainsi par cette suspension politique
que ie causois dans les plus fermes esprits, les
succés des plus beaux combats estoient sans auoir fruit,
& tous les aduantages que M. le Prince remportoit sur
les troupes du C. M. ne seruoit qu’a faire balancer la

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creance publique, sur la pure verité de leur éuenement.

 

Il est vray que si cette politique demandoit vn peu de
diligence, elle n’exigeoit pas encor moins de resolution,
pour debiter des impostures trop éuidentes sans
en rougir, & pour faire receuoir aux peuples des nouuelles
entierement contradictoires, à celles qui leur
estoit plus plausiblement debitées par le bruit cõmun.
Mais lors qu’il a fallu desguiser l’imposture pour la faire
entrer sans horreur iusques dans la chambre des
fleur de lys, & pour y faire auorter les assemblées du
Parlement, dont toutes les apparences du monde me
faisoient redouter les succez, ie confesse à V. M. SIRE,
que toutes mes souplesses pour le seruice du C. M. se
sont trouuées dans leur agonie ; Et que bien souuent
ie me suis veu reduit à la necessite de ne pouuoir plus
obuier aux effets de tant de menaces.

Mais ma passion a tousiours preualu, sur ma suffisance ;
& lors que le torrent des voix m’a semblé deuoir
inonder dans le Parlement pour emporter les beaux
restes de la fortune du C. M. Ie me suis seruy de mille
beaux bruits controuués à son aduantage pour en intimider
les luges, & pour les obliger du moins par vne
surseance de leurs premiere resolution, de ne se declarer
pas en faueur de leurs premieres idées, pendant
que l’incertitude des fausses nouuelles que ie faisois
courir en cette conjoncture, ne leurs permettoient pas
de croire que leur party peut estre impunement fulminé
par leurs Arrests.

Auec ces artifices, SIRE, pour le reüssi desquels,
i’estois vigoureusement secondé par le reste des

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partizans du Card. M. i’ay fait languir Paris dans vne
indiferance, qui luy a tousiours fait regarder auec égalité
les deux contraires partis ; & i’assure V. M. que i’y
auois si prudemment ménagé ma cõduite, que i’estois
à la veille d’y renuerser toute la fortune de M. le P. lors
que sa presence impreueüe, esclatante de la gloire d’auoir
mis en deroute toutes les troupes du M. d’Hoquincour,
confondit en vn moment toutes mes plus
hautes idées ; & fit voir autant par l’authorité de son
nom, que parcelle de ses vertus, que s’il portoit la terreur
auec soy, il ne portoit pas encore moins, malgré
tout ce que ie luy auois fait supposer, l’obiet des affections
& des complaisances de tous les peuples.

 

V. M. connut assez par les sentimens que ie luy en
escriuis, que cette arriuée n’estoit pas beaucoup fauorable
au restablissement du C. M. & qu’outre que les
partisans de ce Prince se rendroient beaucoup plus audacieux
par sa presence, qu’ils ne l’auoient esté pendãt
son absence ; ie me craignois encor que le Parlement,
qui ne bransle iamais que par les mouuemens publics,
seroit pour espouser plus ouuertement ses interests ; &
que le Coadiuteur & la Cheureuse, ne trouueroit plus
tant de prise dans l’esprit de S. A. R. pour le soustraire
à la protection de M. le Prince.

Quoy que mes pressentimens ne fussent que trop biẽ
fondés, comme il n’a que trop paru dans leur suitte, ie
me resolus neanmoins de ne m’oublier point dans cette
occasion, & de soliciter vigoureusement tout ce que
le C. Mazarin auoit d’amis & de partizans dans Paris,
pour les obliger de suiure leur pointe auec la mesme

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force & la mesme chaleur qu’ils auoient fait esclatter
par le passé ; Et de ne considerer point M. le Prince que
comme vn ennemy qui donnoit plus de prises à leurs
efforts par sa presence.

 

Mais ie les exhertois à vne longanimité, qui ne leur
estoit que trop inspirée par leur propre interest : L’esprit
de vengeance animoit assez la Cheureuse & le
Coadjuteur : Le Preuost des Marchans regardoit sa
pension comme vne belle proye qui luy eschapperoit
des mains, s’il ne contribuoit de tout son pouuoir
pour l’affermissement de la fortune de ses biẽs facteurs.
Les Messieurs du Parlement qui se sentoient obligés
par les biens faits ou par les esperances des faueurs de
ce Ministre, se tenoient assez genereusement vnis pour
agir auec plus de vigueur : Ainsi tous ses bons seruiteurs
conspirant à vn mesme dessein par la conformité
de leurs intentions ; il n’a iamais esté possible à M. le
Prince, de faire couclure le Parlement qu’à des remonstrance,
pendant la longueur desquelles le C. M. pouuoit
ce me semble prendre son temps à son auantage,
si les affaires n’eussent pris vn biais tout à fait contraire
à ces belles aparences par ie ne sçay quel reuers de nos
mauuais destins.

La premiere surprise des troupes de M le Prince dans
Estampes, nous donnoit du moins assez de suiet d’esperer
cet aduantage, si la honte du siege ne nous eut
fait retomber dans nostre premier desespoir, & le bonheur
auoit ce semble commencé par ce premier succés,
de s’atacher à nos armes, si la temerité de cette seconde
entreprise ne l’en eut degouté, pour l’obliger à

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se remettre dans son premier party.

 

Apres ce mal-heureux succez du Siege d’Estampes
si fatal à vostre gloire, & si honteux a la reputation
de Partisans du C. Mazarin, il sembloit, SIRE, que nous
ne deuions plus auoir de langue que pour nous, [1 mot ill.]
& que c’estoit desormais vn crime d’Estat que de s’interesser
dans Paris pour le restablissement d’vn Ministre
dont les armes venoient fraischement d’eschoüer
deuant Estampes, par les resistances triomphantes du
Comte de Tauanes.

Neamoins cette sanglante disgrace ne nous a iamais
fait perdre le cœur ; Et quoy qu’elle se rencontrast
dans la conioncture des trouppes de Lorraine,
qui n’auoit apparemment paru sur les bords de la Seine,
que pour acheuer de confondre tous nos desseins ;
Nous n’auons iamais interrompu nos poursuittes, sur
l’asseurance certaine, que nous auions, que le traité
de Messieurs les Princes auec le Duc de Lorraine n’estant
cimenté que de simples esperances, il ne seroit
que trop facile de l’éluder, si nous luy pouuions faire
esperer des effets plus fauorables, par l’entremise de
ceux que nous auons estably pour estre comme les
intendans de toutes nos intrigues.

Ce dessein ne nous a reüssi, que comme nous l’auions
premedité: le Coadiuteur, la Cheureuse, & le
Roy d’Angleterre ont si heureusement trauaillé à la
trahison du Duc de Lorraine, que lors mesme que les
Princes en attendoiẽt vn notable secours, pour acheuer
de renuerser la fortune du C. M. ils en ont appris
la deffection pratiquée secrettement par nos intrigues :

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& ce reuers impreueu les a tellement affoiblis,
qu’ils n’ont plus semble deuoir estre capables de parer
à nos coups, à moins qu’abusant de l’auantage que
nous en pouuions tirer, nous n’en fissions auorter les
esperances, par la trompeuse presomption d’vne ie ne
sçay quelle impuissance à ne pouuoir plus desormais
estre vaincus.

 

En effet, Sire, depuis ce changement du Duc de
Lorraine, il a semblé qu’vne l’etargie Politique s’estoit
emparé du party des Princes ; & que la faction du C.
Mazarin n’auoit plus qu’à se preualoir de ce bel auantage
pour l’execution de tous ses desseins. Nous auõs
vigoureusement trauaille à nous en preualoir : Nous
auons fait considerer à tous nos amis, qu’il estoit tẽps
de reueiller nos premiers vigueurs , de faire agir plus
vigoureusement toutes nos intrigues; que nos troupes
estoient de beaucoup plus nombreuses que celles
des Princes ; que nostre faction estoit en estat de
pouuoir plus hardiment leuer la teste dans Paris ; &
que si nous laissions échapper cette occasion sans en
tirer aduantage, il ne falloit plus attendre que la fortune
nous fit present d’aucune de ses faueurs, puis que
nous n’aurions point assez de capacité pour nous en
preualoir.

Ces considerations ont réueillé les esprits les plus
assoupis. Nous n’auons commis à la garde des portes
que des Capitaines de nostre cabale & ie puis bien
me vanter, SIRE, que i’ay principalement tenu les
mains à cét intrigue, coniointement auec le Preuost
des Marchands, parce que i’ay creu qu’il estoit important

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de ne s’y endormir point, pour faciliter la necessité
que la Cour auoit de venir faire ses prouisions de
guerre dans Paris ; & pour obuier à la sortie que les
Bourgeois affectionnez à l’autre party pourroit faire,
s’il arriuoit que V. M. fust en dessein de venir attaquer
les troupes de M. le Prince, lors qu’elles ne seroient
remparées que du seul voisinage de la capitalle.

 

I’ay honte, SIRE, de me voir obligé d’efleurer
vne matiere, qui tourne à la confusion des armes de
V. M. & de celles du C. M. Vostre M. sçait bien que
sur le commencement de ce mois ; lors que les peuples
commençoient à se degouter de la conduite de
M. le Prince lors que les longueurs de cette guerre ennuieuse
ne leur estoient plus supportables ; l’ors qu’ils
ne voyoient plus d’aparance plausible à aucun accommodement ;
nous auions si adroitement disposé tous
nos desseins, pour les faire reussir à la perte de ce Prince ;
qu’à moins que d’auoir esté le plus heureux & le
plus genereux de tous les Herauts de la terre, il n’eut
point esté possible de se degager du peril eminent
dans la plus epineuse de toutes les conionctures du
monde.

On a neanmoins veu, & la Capitalle de la Monarchie
le tesmoigne hautement à sa gloire, que ce Prince
a batu nos douze mille hommes auec la seule auant-garde
de son armée, composée de 15 à 16 cents combatans ;
& que lors qu’vn nombre infini de nos cabalistes
dans Paris estoient sur le point de se ietter sur ses
troupes pendant qu’elles deuoient estre accablées par
le seul nombre estroyable de celles du C. M. il a fait

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l’impossible, forçant ces dernieres de succomber honteusement
à son ioug, par le carnage de celles qui s’y
sont oposées ; & faisant perdre courage aux premiers,
de se sousleuer, pendant qu’en despit de toutes nos
precautions, ils voyoient passer son armée triomphante
par les ruës de Paris.

 

Apres cette victoire, SIRE, M. le Prince est inuincible :
les Partisans du C. M. qui se sont veus forcés par
vne poignée de braues, ne doutent plus que le Ciel
n’ayt lancé ces maledictions dans leur party, & qu’il
ne soit entierement resolu de seconder tous les desseins
de celuy qu’ils ont veu triompher, lors qu’il estoit aparamment
impossible qu’il ne seruit luy mesme de marchepied
à nos triomphes. Ceux qui leuoiẽt plus hardiment
la teste pour apuyer la fortune du C. M. ne sont
plus en estat que de la fouler plus superbement que
tous autres ; & le nom de M. le P. est auiourd’huy si generallement
respecté de tous les Parisiens, qu’on ne
peut seulement pas se faire voir en public sans danger,
a moins qu’on n’y paroisse marqué au charactere de
ses Partisans.

C’est en veuë de cette connoissance que i’ay de toutes
les affaires qui se passent dans Paris, que ie me suis
resolu de porter hardiment vne derniere parolle à V.
M & de luy dire sans aucune complaisance à ses premieres
inclinations, qu’il n’est plus temps de roidir son
authorité pour le restablissement du C. M. & qu’à
moins que de relascher de cette premiere pretention,
V. M. est à la veille de voir vne desolation qui ne finira
peut estre iamais, qu’auec la perte de tout l’Estat.

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Ie confesse à V. M. SIRE, que ie n’ay iamais
eu d’autre dessein que celuy de seconder les inclinations
de V. M. pour le restablissement du
C. Mazarin ; pendant que les longueurs de la
guerre balançoient presque esgallement les affections
de vos peuples ; & qu’on pouuoit esperer
auec quelque sorte de probabilité, qu’on les
feroit à la fin pancher en faueur de celuy que
vous honorez de vostre protection. Mais maintenant
que ie sçay par l’experience de ce que i’en
ay veu, que tous vos sujets & sur tout les Parisiens
sont plustost en estat de rompre que de fléchir
pour nous donner cette satisfaction qu’ils
iugent contraire à la tranquillité de l’Estat : le
pense qu’il est à propos de ne s’opiniastter plus à
la protection du C. Mazarin, & de relacher plustost
de cette pretention ou imaginaire ou legitime,
que de s’aheurter à la faire valoir malgré
les resistances generalles de tous vos peuples.

Si tous les plus sages politiques ont approuué
la bonté de Henry le Grand sans la condamner
de lacheté, lors qu’à la seule requeste des Prouençaux,
il retira le feu Duc d’Espernon de leur
Gouuernement ; Il ne faut point douter SIRE,
que les plus sensez exigent de V. M. qu’elle se
rende aujourd’huy complaisante aux inclinations
generalles de tous ses peuples ; & qu’elle se

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desporte de la protection d’vn homme, qu’ils
considerent comme l’objet de toutes leurs indignations,
puis que ce n’est pas ny vne Prouince
ny vn peuple, mais tout son Royaume, qui se
iette aux pieds de V. M. pour en obtenir cette
faueur,

 

C’est contre mes sentimens & contre mes inclinations
particulieres SIRE, que ie sollicite
vostre bonté : V. M. sçait aussi bien que moy les
attachements que la reconnoissance m’oblige
d’auoir pour le restablissement du C. Mazarin ;
elle sçait les grandes obligations que i’ay à sa generosité,
& pour lesquelles sans doute ie ne
pourrois point me dispenser de luy desuoüer
iusqu’à la derniere goutte de mon sang. Mais ie
ne me souuiens plus de mes interests particuliers
lors que ceux de V. M, sont en compromis auec
ceux de ces peuples ; & ie pense qu’il n’est point
de reconnoissance qui ne doiue estre plus chere
que celle que ie vous dois comme à la source de
tous mes biens.

Ainsi SIRE, ie iuge qu’il y va de la gloire de
vostre Estat, de la prosperité de vostre Couronne,
de la tranquillité de vos peuples & de la conseruation
de vostre personne ; & qu’apres les prodigieux
succez des armes de M. le Prince, emportez
contre toutes les apparences du monde,

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il semble qu’on ne peut point esperer de le vaincre,
sans temerité ; &, si i’oze trancher la parole,
qu’on ne peut point l’attaquer sans injustice.

 

Ces parolles estonnerent toute la Cour, le
Roy s’en trouua tellement surpris qu’il ne sçauoit
plus à quoy se determiner : la Reyne & le
Mazarin qui auoient esperé vn peu plus de complaisance
du Mareschal de l’Hospital, apres les
effets de generosité qu’ils en auoient ressenty luy
témoignerent aigrement que sa harangue estoit
importune à sa Majesté, & suppliant adroitement
le Roy de considerer toutes les foiblesses de
ce bon vieillard auec mespris, l’obligerent de se
retirer de sa presence, ou de commander à ce
bon homme de se taire ; enjoignant cependant à
vn Capitaine de Gardes de se saisir au plustost de
sa personne, pour oster à tous les autres, par l’exemple
de cette punition, la hardiesse de parler
sincerement à sa Majesté.

Messieurs qui serués le Card. Mazarin, iugez
maintenant de la honte & de l’indignité de vostre
esclauage : vostre liberté n’est seulement pas
soubs les fers de ce Cyclope, il faut mesme que
vostre langue subisse la mesme tirannie, & qu’il
ne nous soit permis de dire, que ce que vous iugerez
complaisant à sa passion : Estes vous François ;
ou si vous l’estes pouuez vous bien souffrir

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qu’vn Coquin estranger nous maistrise auec
tant d’empire qu’il ne nous laisse seulement pas
la liberté de dire que vous estes miserables. Rebutez
vous, rebutez vous de cette soumission
qui n’est pas françoise, ayez honte de ployer sous
l’authorité d’vne grandeur bastarde ; faites vn
peu de reflection sur ce que vous estes, & pour
ne regarder le Mazarin qu’auec mespris, qu’auec
haine, qu’auec indignation : souuenés vous de
grace que vous estes françois.

 

FIN.

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Anonyme [1652], AVIS SINCERE DV MARESCHAL DE L’HOSPITAL, DONNÉ A SA MAIESTÉ dans Sainct Denys. AVEC LES RAISONS POVR LESQVELLES on l’a fait arrester en Cour. , françaisRéférence RIM : M0_545. Cote locale : B_2_5.