Anonyme [1652], AVIS DE MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE ET DE MONSIEVR DE VILLE ROY, PRESENTÉ A SON ALTESSE ROYALLE, ET A MONSIEVR LE PRINCE, sur les affaires presentes. , françaisRéférence RIM : M0_507. Cote locale : B_5_22.
Section précédent(e)

AVIS
DE MONSIEVR LE MARESCHAL
DE
TVRENNE
ET DE MONSIEVR
DE VILLE ROY,
PRESENTÉ
A SON ALTESSE ROYALLE,
ET
A MONSIEVR
LE PRINCE,
sur les affaires presentes.

A PARIS,
Chez IEAN GVERARD au mont
sainct Hilaire.

M. DC. LII.

-- 2 --

-- 3 --

AVIS
De Monsieur le Mareschal
de Turenne & de
Monsieur de Villeroy,
Presenté à son A R. & à
Monsieur le Prince.

Sur les affaires presentes.

TOVS les Siecles passez ont fait
voir des Exemples de la fidelité du
Peuple François enuers leurs Princes
legitimes, qui ont attire l’admiration de toutes
les autres Monarchies du monde & on
peut à bon droit donner le premier rang au

-- 4 --

fait de la fidelité, aussi bien qu’en celuy de la
valleur aux Subiets de ce Royaume : puis que
nous voyons auiourd’huy que toute la France
ayme mieux souffrir les Piratteries & brigandages
qui se commettent iournellement,
tant sur les Mers, que sur les Terres qui sont
de ses dependances que de se porter aux extremitez
d’aucune desobeissance.

 

L’on ne doute point que ce ne soit auec vn
regret tres-sensible que S. A. R se soit iettée
dans les extremitez d’vne sanglante guerre
pour chercher les moyens d’alleger nos
Princes.

L’on ne doute point que Monsieur le Prince
ne regarde auec vn œil de douleur & de
compassion les ruisseaux de sang que sa generosité
fait sortir dans toutes nos Prouinces des
veines des amis aussi bien que des ennemis de
cet Estat.

L’on ne doute point que les Parlemens & toutes
les autres Cours Souueraines ne saignent
de douleur de voir le cours de tant & de si
horribles miseres.

L’on ne doute non plus que la genereuse Noblesse
de cette desolée Monarchie ne sente
dans son cœur genereux touttes les amertumes
qu’vne si pitoyable Catastrophe leur
fournit.

-- 5 --

L’on void gemir l’Eglise, l’on void le tiers
Estat au desespoir, bref il n’y à n’y grands ny
petits qui ne deplorent la fatalité, ou plustost
le damnable Ministere qui plonge tout le
monde dans vn malheur si vniuersel.

On ne void neantmoins aucune apparẽce de
Treue à toutes ces disgraces : puis que le Roy
possede & obsede par la faction Mazarine semble
tirer des subiets de triomphe des plus lugubres
euenemens qui arriuent iournellement.

Et toutes nos affaires sont dautant plus dignes
de compassion qu’il semble que la
Reyne fasse ses plus cheres delices de toutes
les clameurs que les vols, les incendies, les
prophanations des choses sacrées les viollemens
des Religieuses, & le iugement general
de toutes nos Prouinces arrachent pitoyablement
de la bouche de tous les peuples.

L’on void les remonstrances du Parlement
mesprisées & mesme on ne les y conte
point.

Bref, il semble qu’on veüille rendre ses miseres
infinies, comme la guerre hereditaire,
& faire de cette pauure Monarchie vn Tableau
de tout ce qu’il y a de plus épouuantable, &

-- 6 --

de plus horrible, & de la plus triomphante
& la plus redoutable qu’elle estoit, la rendre
la plus contemptible, & la plus desolée.

 

C’est ce qui a donné subiet à vne personne,
qui iette des larmes de sang en la consideration
d’vne calamité si horrible, de supplier
tout les bons & veritables François, apres
s’estre iettez entre les bras de la misericorde
de Dieu, de faire reflection sur les raisons
suiuantes.

La premiere qu’il n’y a presques plus de Prouinces
que la guere n’ayt entierement ruinées.

Que le Mazarin fait feu violet pour gagner les
enuirons de Paris, pour y renouueler auec volupté
toutes les hostilitez qui s’y commirent au
commencement de l’année 1649.

Que pour cét effect il fait tous ses efforts
pour assembler des Troupes pour s’y acheminer
malgré les Armées commandées par Messieurs
les Princes, & se saisir de toutes les Places
qui sont sur la Riuiere de Seine, tant au dessus,
qu’au dessous de Paris, afin que couppant
les viures à cette bonne Ville, il puisse causer de
nouuelles seditions qui puissent prolonger sa
nouuelle tirannie, estant certain qu’il fait venir
deux mille hommes des frontieres de Picardie

-- 7 --

pour se saisir de Mante, Meulan, & Vernon, &
autres places qui sont de ce costé-là. Qu’il fait
estat, s’il peut passer, de se saisir de Montereau,
Melun, Corbeil & autres lieux, par le moyen
desquels il se puisse rendre Maistre de la Nauigation,
& par consequent faire condescendre
les habitans de cette bonne Ville de gré ou de
force a souffrir la continuation de ses iuifueries
& autre brigandages.

 

C’est pourquoy, sauf le meilleur auis du public,
auquel l’Autheur de cet escrit soubmet
entierement le sien.

Il seroit à propos que son Altesse Royalle
auant que d'attendre les extremitez & les douteux
euennemens d’vne bataille, se saisit de
toutes les Places susdites, & que pour dernier
remede, apres que touttes les voyes de l’obeïssance,
du respect, & de la modestie des
Cours Souueraines ont esté inutiles, il soit
par vn Arrest solemnel deffendu à tous les
Peuples, de payer ancuns imposts tant que le
Cardinal Mazarin sera dans le Royaume.
C’est l’vnique remede de ruiner entierement
vn party qui ne tend à autre chose qu’à
desoler pour iamais & sans esperance d’aucune
ressource la plus florissante, la plus glorieuse
& la plus redoutable nation de l’Vniuers.

FIN.

-- 8 --

Section précédent(e)


Anonyme [1652], AVIS DE MONSIEVR LE MARESCHAL DE TVRENNE ET DE MONSIEVR DE VILLE ROY, PRESENTÉ A SON ALTESSE ROYALLE, ET A MONSIEVR LE PRINCE, sur les affaires presentes. , françaisRéférence RIM : M0_507. Cote locale : B_5_22.