Anonyme [1649], LA FARCE DES COVRTISANS DE PLVTON, ET LEVR PELERINAGE EN SON ROYAVME. , françaisRéférence RIM : M0_1372. Cote locale : C_4_11.
LA FARCE DES COVRTISANS DE PLVTON, ET LEVR PELERINAGE EN SON ROYAVME. M. DC. XLIX.
FARCEVRS. Nirazam. Yremed. Dracip. Teruobat. Telbuod. Naletac. Siobsed. Pluton. Caron. Siobsed Espion. Au Sieur de la Valize sur sa Farce. EPIGRAMME.
L’Art de Iodelet a cessé, Aussi bien que celuy des garces : Mais il sera recompensé, Car Mazarin fournit de farces.
Par N. Bosq. Cheualier de la Traille.
LA FARCE DE Mazarin, & des Monopoleurs. SCENE PREMIERE. NIRAZAM, YREMED, NALETAC.
Enfin, Messieurs, il faut sans plus long-temps songer Trouuer quelque moyen qui les fasse enrager, Ces testes songe-creux qui ne peuuent sans craindre Pour s’enrichir bien-tost ce vieil Cuias enfraindre. Eux mesme font la loy, & ont si peu d’esprit Que de ne s’exempter de ce qu’elle prescrit Il n’appartient qu’à eux de souffrir l’esclauage De Madame la loy à leur dés auantage : Aussi auons nous bien iusques icy monstré Que Bartole chez nous n’est point enregistré, Car mettans sous le pied toute sorte d’obstacles Nous auons pris en main ce qui fait des miracles, Et tous d’vn mesme accord nous auons fait serment De prendre à toute main, mais bien honnestement : Car apres tout, Messieurs, personne ne peut dire Ce Chaudron m’apartient, ny cette poisle à frire, Ce lit, cette marmitte, ou ce pot à pisser ; Et pour dire en vn mot on ne sçauroit penser Que dans mon Cabinet, ma Sale, ou dans ma Chambre
Yremed.
Orsus, puis qu’auiourd’huy vous me faites l’honneur De dire mon aduis sur le present malheur. Ie d’iray en deux mots, Iules, ce que ie pense, Quoy que ie craigne vn peu que cela vous offense ; Or donc, pour commencer ma petite oraison Vous deuez ruminer, si i’ay quelque raison De dire librement que toute vostre vie
Nirazam.
I’ay trop bon cœur.
Naletac.
Et moy, Messieurs ie m’y oppose, Mais seulement icy, ie diray vne chose, Qu’il faut plus que iamais armer de tous costez,
Nirazam.
Ah ! Monsieur, ie suis bien vostre humble seruiteur Il faudroit n’estre point susceptible de peur Pour chercher l ennemy au hazard de ma vie, Par ma foy ie crains trop qu’elle me soit rauie : On ne m’a iamais veu si grand traistre à mon corps Que de le vouloir mettre au Royaume des morts.
Naletac.
Vous ne pouuez rien risquer en vostre personne, C’est seulement pour vous que la France s’estonne, Et quand elle verra que cent mille soldats Sous vn terrible Mars chercheront les combats : Vous trouuerez bien-tost que dessous vostre Empire Le monde tremblera sans plus ozer mot dire.
Nirazam,
Ie vous repete encor, & vous redis Monsieur, Que foy d homme ie suis vostre humble seruiteur : Mais que ie ne sçais pas ce que c’est de me battre, En effet ie sçais bien de l’espée combattre : Et ie l appris assez à l aage de dix ans, Mais pour n’en point mentir c’estoit à mes despens, Car lors que tout petit ie commençois d’apprendre Ie ne pouuois en cor fortement me deffendre. Ie vous laisse à penser si des coupe-jarets Qui depuis vn long-temps manioient les fleurets, Ne mettoient point à cul vn enfant de mon aage. Il est vray que d’abord i auois tant de courage Qu difficilement portoient ils vn bon coup. Mais ie fus si pressé, qu il fallut apres tout Ceder à des Laquais qui prenans vne lance Mc portoient vne botte en telle violence, Qu enfin ne pouuant plus tant de beaux coups parer Il fallut me resoudre à me laisser bourrer. Dans ces extremitez, ce que ie pouuois faire
Naletac.
Monsieur souuenez vous que vostre argent peut tout.
Nirazam.
Vous scauez mon humeur, c’est l’argent qui me fout.
Naletac.
Hé bien ie diray mieux, que cela ne vous tienne, Vous possedez du tout la race Italienne, Vous connoissez aussi vn million de farceurs, De fols, de basteleurs, de sauteurs, de danseurs, En vn mot vou auez par tout la renommée D en estre l’intendant, faites en vne armée, Et puis estant le chef de tous ces gens d’honneurs, Aydez que vous serez des trouppes de voleurs Que vous auez tousiours maintenus dans la France Personne ne pourra vous faire resistance, Il faut faire au besoin des fleches de tout bois, Prenez Italiens, des Normans, des François, Armez si vous pouuez toute la Picardie, C’est bien des nations toute la plus hardie, Faites vn Regiment de Prestres Hibernois, D’allobroges, Lorains, Bas-Bretons, Albanois, Et ayant ramasse tant de braues Gens-d’armes Vous mettrez dans Paris de cruelles allarmes, Vous les affamerez, & dedans peu de temps Vous le verrez sousmis à tous vos combattans.
Nirazam.
Il est bien vray, Monsieur, que i’ai grand connoissance Auec tous les pendarts d’Italie & de France,
Yremed.
Ie donne pour ma part vingt cinq milles Laquais. Et i’armeray encor autant de porte-faix, Moy-mesme conduiray ce petit corps d’armée, Par ainsi nous pourrons aller à main armée Mettre à feu & à sang ce qui est dans Paris, Que sans doute d’abord nous verrons bien surpris Quand nos desesperés incapables de crainte Feront à ces frondeurs vne si lourde atteinte.
Naletac.
Et moy lors que i’estois vn reuendeur vacher, Parmy mes compagnons, tant bouuier que porcher, Ie fis tant en six mois de bonnes connoissances, Que ie me promets bien d’auoir leurs assistances. Ie ny sçaurois penser sans regretter ce temps, Car pour n’en point mentir i’estois des des plus contẽs : I’estois vn petit Roy entre ceux de mon aage, I’estoit vn Roy de toile habillé de village, Des soüillers sans cousture auec vn grand chapeau Qui estoit à dentelle & percé par le haut. Ie n’auois pas besoin d auoir vne chemise. Car mon habit estoit d’vne estoffe de mise, Qui pouuoit aisément me seruir pour les deux, Et i’estois pour le moins autant honoré d’eux Que de tous les voleurs vous pourriez iamais estre Helas ! ce souuenir ne peut pas me permettre Dépenser d’auantage à ce bon temps passé Neantmoins faut encor, puis que i y ay pensé, Que ie die en vn mot comme ie pûs atteindre A ce degré d’honneur que ie ne sçais trop plaindre, Lors que de porte en porte vn baston a la main I’allongeois l estocade en demandant du pain, Vn iour il me suruint vne office vacante.
Me piaffant tout ainsi qu’vn poux sur vn teignon, Ie cours au mesme instant prendre possession, Et peu de temps apres ie veois comme vne armée Qui venoit droit à moy la gueule enfarinée. Moy surpris de cela, ie fais gille soudain, Mais vn drille me dit m’arrestant par la main, Hugues, pourquoy s’enfuir quand cette compagnie Vient pour vous saluër en grand ceremonie ? Tout beau, tout beau. Et moy encore que de peur En chausse ie chiasse, il falut par honneur Attendre en patience vne telle ambassade, Aussi-tost vn d’entr’eux auec vne accolade
Nirazam.
Nous sçauons maintenant qui nous secondera, Et il ne reste plus qu’à sçauoir qui sera, Qui voudra débourser & faire la dépense Pour payer les soldats & pour leur subsistance.
Yremed. Ce n’est pas moy. Naletac. Ny moy. Nirazam.
Messieurs vous sçauez bien Q’en France maintenant ie ne possede rien, Car preuoyant de loing que pour quelque folie Ie serois obligé d’aller en Italie, Ce que i’ay dérobé par vostre seul moyen I’ay voulu de François le faire Italien, Si ie n’auois donné bonne ordre à mon affaire Aurois-ie sur la terre vn asseuré repaire, Puis que le fondement de nostre seureté Prend pied dessus l’argent qu’en France on m’a presté, Nous deuons dés demain plier nostre bagage De peur d’estre punis de nostre brigandage.
Yremed.
Vous vous troublez l’esprit sans beaucoup de raison, Si vous voulez ne craindre aucune trahison, Donnons à nos soldats liberté de tout prendre : Chacun par ce moyen priera de nous deffendre, Et ainsi ces voleurs sans qu’il nous couste rien, Deffendans les voleurs amassront du bien.
Nirazam.
Il est vray, nous sçauons à nostre experience Que quand on ne craint point ny rouë ny potence : On se fait si l’on veut riche tout en vn iour, Faites donc que demain on batte le tambour.
SCENE SECONDE. DRACIP, TEROVBAT TELBVOD. DRACIP
SVS donc chers compagnons d’vne mesme fortune, Et tous participans d’vne mesme infortune, Vous sçauez que des gens qui par leurs actions Se sont mis en horreur parmy les nations, Ne trouueront iamais en terre d’asseurance, Et principalement au Royaume de France : Ou si impunément par d’insignes larcins Aux despens du bon homme auons graissé nos mains, Il importe beaucoup en l’affaire presente, Deplier nostre voile & de fuïr la tourmente.
Teruobat.
Il seroit à propos que chez quelque estranger Nous allassions bien-tost nos larcins dégorger : De peur que si long-temps nous demeurons en France On ne nous.
Telbuod.
Ah i’enrage ! ou auoir asseurance De trouuer aucun lieu propre à nous retirer ? Quel sera le pays qui voudra tolerer Que des maistres voleurs y prennent leur demeure, Croyez-moy, c’est bien là, la voye la moins seure.
Teruobat. Qui nous connoit ? Telbuod.
Quoy donc vous estes à sçauoir Que mesmes les meschans ne veulent pas nous voir ?
Dracip.
Mais foy de Maltotier, comme on nous fait entendre L’Allemand vole assez sans qu’on le fasse pendre, Allons en leur pays.
Telbuod.
Voila bien debuté, Ceux donc nous encourons toute l’indignité Voudront nous receuoir apres nos voleries ? Apres tant de larcins, rapines, pilleries ? Apres auoir volé leurs monstres ordinaires ! Leurs payemens, leurs pains, leurs munitions de guerres ? Quoy ? apres tout cela vous ozer esperer De pouuoir seurement chez eux vous retirer ?
Teruobat.
Ou donc serons nous bien ?
Telbuod.
Allons à tous les Diables Allez si vous voulez comme des miserables Chercher quelques asseurance aux pays estrangers, Pour moy ie ne veux point me mettre en ces dangers : Si i’auois bien enuie qu’on me cassast la teste Ie ne voudrois ailleurs chercher d autre retraitte, Encor ne sçay ie pas si parmy les Demons Nous pourrons bien trouuer quelques conditions, Car nous ne sommes bons à boüillir ny à frire, Et vne chose encor qui nous pourra bien nuire, C est que si nous venons a estre reconnus Il faut nous asseurer que nous sommes perdus ; Car ces damnez richards ialoux de l opulence Nous connoissans farcis de tout l’argent de France, Nous hacheront menus comme chair à pastez Et peut-estre d’entre eux serons nous rejettez.
DRACIP.
Il nous faut tellement déguiser le visage Qu’on nous prenne plustost pour quelque Iean potage : Ou pour des Spacamonts, que pour d’honnestes gens Qui estoient honorez de tant de courtisans.
TEROVBAT.
Nostre premier mestier nous seruira de masque, Et nous deliurera d’vne telle bourrasque : Ie reprendray l’Estat d’vn honneste Fripier C’est comme vous sçauez tout mon premier mestier.
DRACIP.
Et moy ie reprendray mon antienne prattique, Qui estoit de crier dedans vne boutique, Michel, me disoit on, quitte ta belle, & crie, Monsieur, botte portée, ou botte de hazard : Et parce que i’estois tout le plus grand bauard Qui iamais ait esté dans la Sauaterie, Or vous sçauez comment ie quittay ce mestier Auant que d’obtenir celuy de Maltotier, C’est que conformément à l’estat que ie porte Ie desrobay, de là on me mit à la porte. Et quoy que ma Maistresse eut bonne volonté De ne pouuoir souffrir que l’on m’eust mal traitté, Et qu’elle m’aymast plus que son vieil cocu mesme, Elle ne pût pourtant par tout son stratageme Empescher que mon maistre à qui i’auois volé Deux petits sols marquez ne m’ait bien querellé, Et qu’ayant bien couru pour tascher de me battre, Enfin il me chassa me donnant cinq & quatre : Ie m’en vais achepter quelque sale tablier Auec l’habit poissé d’vn Maistre Cordonnier.
TELBOVD.
Il ne faut point penser qu’on vous puisse connoistre Quand auec cét habit on vous verra paroistre, Vous scauez quand à moy, cela n’est point nouueau, Que iamais ie ne fus autre que Maquereau, Et que pour le present n en connoissant plus guere
SCENE TROISIESME.
SIOBSED seul
VOILA qui est estrange ! on ne sçait reconnoistre Les desseins de paris par espion ni traistre Le Bourgeois est armé, & par vn grondement Chacun parle à la fois, mais tous diuersement ; L’vn dit, on va au pain, l’autre dit à la guerre, L’vn sieger sainct Germain, l’autre aime mieux se taire ; Mais le plus gros bruit est que sans doute demain Tout le parisien sort pour sieger sainct Germain, Ie ne sçaurois que dire à Nirazam mon Maistre Qu’il cherche vn espion ie ne le veux plus estre. Il veut sçauoir au vrai ce que fera paris, Comment le sçaura-il ? ie ne l’ay point appris, Cependant il vaut mieux que ie lui fasse entendre Ce que l’on dit, afin qu’il songe à se deffendre ; Mais, Dieu ! quelqu’vn s’aduance, helas ie suis perdu Certes ie suis troussé si l’on m’a entendu Ah, c’est mon Maistre Elui.
SCENE QVATRIESME. NIRAZAM, YREMED, NALETAC, SIOBSED. NIRAZAM.
Hé bien qu elle nouuelle ? La ville de Paris est elle encor rebelle ?
Siodsed.
Monsieur plus que iamais, dans deux heures au plus, S. Germain est siegé.
aletac.
Ah, nous sommes perdus.
Yreméd
Es-tu bien asseuré de ce que tu apportes.
Siobsed.
Quoy ? apres auoir veu les Parisiens aux portes Auec des armes, pains, poudres, munitions, Beaucoup d’artillerie, auec force canons ? Apres vn bruit confus de cette populace ; Parmy nos ennemis il faut nous faire place Il faut sans differer en prenant sainct Germain Amener vif ou mort ce traistre Nirazam. Nous l’aurons ce voleur & en dépit du Prince, Qui a tant rauagé nostre pauure Prouince, Nous luy apprendrons bien qu’auec nostre argent On ne doit desrober vn Roy secrettement. Helas ! quand i’entendois du peuple la menace Qui estoit contre vous d’vne mortelle audace Ah que ie pleignois bien vostre malheureux sort !
Nirazam.
Desbois mon bon ami ne me plains pas si fort.
Siobsed.
Ah ie crain.
Nirazam.
Que crains tu ? crains tu qu’on te délaisse ?
SIOBSED.
Helas non ! mais ie crains que ma pauure Maistresse Que i’allois visiter de deux iours en deux iours Pour ma trop longue absence esteigne ses amours : Et vne perte encor que ie crois sans pareille, C’est que ie ne sois plus Cheualier de la Treille : Car tous les Cheualiers sans gouster mes raisons Ne me souffriront point apres mes trahisons, Et s’ils me connoissoient si traistre à ma patrie Il me degraderoient de la Cheualerie.
YREMÉD.
Qu’est-ce donc que i’entens ? quelqu’vn parle bien haut, Ou bien c’est vne alarme ou vn traistre nouueau.
SCENE CINQVIESME. DRACIP, TERVOBAT, NIZARAM, YREMED. NALETAC, SIOBSED. Dracip.
Botte à changer, Monsieur : Monsieur botte portée.
Nirazam.
Qu’on chasse ce Coquin.
Teruobat.
Casaque supportée, Monsieur, habit d esté : Bonnet quarré Monsieur.
Naletac.
Que nous veut dire donc cét impudent crieur ?
Teruobat.
Monsieur, sotanne neufue.
Dracip.
I’ay de bonnes botte.
Yreméd
I’estime qu’ils sont forte.
Teruobat.
Monsieur bonne calottes.
Nirazam.
Si ie vous prens maraults.
Dracip.
Monsieur, voyez icy. Des bottes de hazard.
Naletac.
Ah bon Dieu qu’est cecy !
Dracip.
Monsieur que cherchez vous ? des bottes de campagne.
Teruobat.
De bons chapeaux, Monsieur, habits de drap d’Espagne.
SCENE SIXIESME. NIRAZAM, YREMÉD, DRACIP, TERVOBAT, SIOBSED, TELBVOD. TELBVOD ENTRE, CHANTANT. Courante nommee la Princesse.
CROYEZ vous galands malheureux Par des yeux languissans, des respects, & des vœux Tesmoigner l’ardeur de vos feux Par ma farine, Ie suis aymé de ma belle voisine, D’vn peu de lard Ie mets vn pucelage en grand hazard.
C’est la Chanson
Philis qu’vn Amant est peu fin De vous offrir des vœux quand vous mourez de faim Et que vous n’auez pas de paim, Chere Maistresse : Ie vous en aporte vn gros de Gonesse Et pour l’auoir, Ie ne demande rien qu’vn peu d’espoir.
Chassez le coquet affamé Qui croit par vn sonnet ou par vn bout rimé Se rendre digne d’estre aymé,
Adieu les bijoux du Palais, Les chansons, les Romans, les beaux mots, les Poulets, Adieu la danse & les balets Pour estre aymable, Il ne faut plus que tenir bonne table Vn vray galand Ne se doit point trouuer sans pain chaland.
Nirazam.
Peste soit des pendars qui dans nostre assemblée Viennent entremesler leur chetiue denrée, Il importe pourtant en ces extremitez De trouuer vn repaire à nos meschancetez.
Yreméd
Vous sçauez mieux que moy qu’aucun lieu de la terre, Ne pourroit iamais estre aux voleurs salutaire, Vous nous auez rendu tellement odieux Par vos deportemens & desseins fartieux, Que si vous n’auez pas aux diables cognoissance Nous sommes tous perdus sans aucune esperance.
Nirazam.
I’en ay depuis long-temps au grand diable Pluton, Et i’espere de luy quelque chose de bon. Ie faisois auec luy le plus ample trafique Que iamais fit sorcier auec son art magique, Pourueu qu’il me donnast grand quantité d’argent Ie luy ay accordé & presté le serment : Qu’il auroit les porteurs de cette marchandise : En suitte de cela aymant ma chalandise, Il me fit dans la France intendant des voleurs, Et de là sont venus tant de monopoleurs, Car s’il me suggeroit par ses grandes largesses Vn moyen d’amasser de nouuelles richesses
Teruobat, à Dracip.
Ah la bonne rencontre !
Dracip.
Il faut pourtant nous taire. Nous irons auec eux.
Telbuod.
Voila bien nostre affaire.
Nirazam.
Allons donc au plustost voir messier Caron Qu’il nous fasse parler à son maistre Pluton, Puisque communement les cantons de la terre Sont armez contre nous pour nous faire la guerre.
Siobsed.
Allez, on vous fera vne Croix sur le dos, La France apres cela sera plus en repos, Quand à moy, ie m’en vais auec grande allegresse Iouir de ce bon-heur aupres de ma maistresse.
Il sort. Teruobat.
Suiuons ces autres cy.
Nirazam.
He Caron ou es tu ?
Naletac.
Nous n’auons point encor trop long tems attendu Peut-estre passe il quelqu’vn à l’autre riue.
Yreméd.
Il nous faut donc icy attendre qu’il arriue.
Dracip.
Hé, hé, hé, battelier.
Caron, derriere la tapisserie.
On y va, on y va.
Pluton, derriere, &c.
Attens, ie veux passer pour sçauoir qui est là, Ie crois voir vn grand train, sçachons ce qu’il demande.
SCENE SEPTIESME & derniere. PLVTON, CARRON NIZARAM, YREMÉD, TERVOBAT, DRACIP, TELBVOD. Pluton.
Ah mon cher Nizaram vous auez grosse bande ?
Nirazam.
C’est Monsieur Yreméd & Monsieur Naletac.
Pluton,
Ces deux autres icy auecques leur bissac, Ne sont ils pas aussi de vostre compagnie ?
Nirazam.
Ils ne sont pas des miens, pour tels ie les renie.
Pluton.
C’est la Iean Telbuod, asseurément ce l’est.
Telbuod.
Vous en auez menti, excusez s’il vous plaist.
Nirazam.
Il est dedans la France en bien autre posture,
Pluton.
Ce sont la Teroubat comme ie coniecture, C’est Telbuod & Dracip, ou ie suis abusé.
Naletac.
A quoy bon, chacun d’eux seroit il desguisé ?
Pluton.
Parce qu’ils sçauent bien que par trop d’auarice, Ils ne mont point rendu vn fidele seruice,
Yreméd.
Si cela est, mon Prince, ils ne sont point capables, D’obtenir aux enfers de charges honorables : Mais ie ne sçaurois croire en ces habillemens Qu’il s’y puisse cacher aucuns des partisans, Au reste sondez les, & vous pourrez apprendre En quatre petits mots ce qu’ils ont dans le ventre.
Pluton.
Viens ça icy bon home, aproche, qui est tu ? Nomme moy ton parrain, & d’où tu es venu.
Teruobat
Moy ? ie suis vn pauure homme à vostre humble seruice, Il faut se consoler, pauureté n’est point vice, On m’appelle la Broche, & mon premier mestier (Que i’exerce à present) c’est celuy de Fripier.
Pluton.
Et toy qui fais icy vne triste grimace, Qui est tu !
Telbuod.
Qui ie suis ? Mon nom est la besace, Normand de Nation, mon mestier maquereau : Mais voyant que chez moy ie n’auois rien de beau Qu’on ne frequentoit plus mon honneste maison, I’ay pris aussi l’estat de vendeur de Chanson.
Pluton.
Et toy dis moy ton nom & ton mestier sans feinte,
Dracip.
Ie suis vn Cordonnier on m’appelle la pointe,
Nirazam.
Voila de plaisans noms.
Naletac.
Aussi bien supposez, Que ces drosles d’habits dont ils sont deguisez.
Pluton.
La broche, est-ce pas vous qui par l obeissance Que vous rendiez iadis à ma toute puissance, Pour auoir de l’argent auez par tant de fois Mis tant & tant d’imposts sur le pauure Bourgeois.
La Broche.
Ouy, ie suis vn Bourgeois, qu’infinité de drosles Ont fait mourir de faim par mille Monopoles.
Cocq à Pluton.
Dis moy donc, n’est tu pas ce fameux partisan Que i’ay tant enrichy des biens du Paysan.
La Broche.
Ouy ie suis paysan, & ne suis gueres riche Iugez si on est gueux quand on fesse la miche.
Pluton.
Cela ne prouue point ta grande pauureté, Ie ne ris pas, dis moy la pure verité.
La Broche.
Ouy, ouy la verité est vne belle chose Ie l’ay veuë autresfois elle est couleur de rose.
Pluton.
Ah ! si i’entre en furie, on en verra beau ieu Ie te feray ietter dans vn horrible feu :
La Broche.
Monsieur ie n’ay pas froid, ne bougez ie vous prie Ie n’en ay pas besoin, ie vous en remercier.
Pluton.
Peste soit du coquin qui si impudemment Quand ie parle se rit de mon commandement, Toy, à ce que tu dis, qui t’appelles la Pointe, Respons mais souuiens toy que si ta contrepointe Tu receuras de moy vn iuste chastiment, A ce que ie diray respons directement.
Pluton.
Marault que veux tu dire auec ta cones quence Quoy ? tu te ris encor de mon interrogance ?
La Pluton.
Sic argumentar is, ad interrogatum, Quoy tu te ris encore ? concedo le totum.
Pluton.
Tu te gausses de moy auec ton ie l’accorde ? Tu ne te tairas point si ie ne prens la corde ?
La pointe.
Concedo.
Pluton.
Ce pendart me feroit enrager.
La pointe.
Transeat.
Pluton.
Ah ! tantost ie te feray changer, Mais voyons celuy-cy, il pourra nous apprendre Ce que de ces deux-là, ie n’ay point sçeu entendre La bezace, du moins c’est la ton sobriquet, Car ie veois Telbuod sous ton plaisant roquet Dis moy en bonne foy, mais dis sans raillerie, N’est ce point toy qui as par mille volleries Fait mourir le soldat, ruïné le bourgeois Espuisé tout l’argent du pauure villageois ?
La Bezace.
Dedans vn seul cayer, Monsieur, l’y en a quatre à quatre Et ie les vends vn sol sans rien du tout rabattre.
Pluton.
Quel rustau est cela ? tu n’as point de raison, Respons, sans me parler de ta vieille hanson.
La Bezace.
Vous sçauez mieux que moy point d’argẽt point de suisse Sans payer ma chanson, croyez vous que ie puisse
Pluton.
Ie n’ay iamais connu vn pareil impudent.
La bezace.
Oüy Monsieur i en connois, mais ie vous dis de belles Et ie vous en promets deux qui seront pucelles.
Pluton.
Voyla de vrays maraults qui sans doute ont iuré De se mocquer d’vn Roy qui doit estre adoré ; Ie ne sçaurois souffrir de ceux-là l’impudence Qui par des [1 mot ill.] mesprisent ma puissance Caron prenez les moy, & que de grands tourmens Leurs seruent auiourd’huy de iustes chastimens.
Caron.
Hé, la Pointe viens çà, la Broche & la Bezace Approchez-vous Vrayement vous auez bonne grace De vous railler ainsi de mon Prince Pluton.
La Broche.
La Bezace à bien dit, qu’il n’y faisoit pas bon, Qu’on nous maltraitteroit au Royaume des Diables.
Pluton.
Les mespris faits des Roys ne sont point pardonnables Qu’ils soient suppliciez comme ils ont meritez.
La Bezace.
Voudriez vous bien nous voir si rudiment traittez ? Pourueu que vous ayez deux ou trois pucelages N’excuserez vous point.
Pluton.
Non, vos maquerelages N’auront point dessus moy vn assez grand pouuoir Pour pardonner à vn qui manque à son deuoir. Pour mon autorité qu’ils ont tant mesprisée Ie veux qu’ils soient punis de toute leur risée Oüy, vous ressentirez les plus rudes tourmens Que l’on ait esprouuée de tout mes iugemens I aimeray contre vous toutes mes trois furies Pour seruir de bourreaux à tant de railleries.
La Broche.
Vous prendriez trop de peine, & i’aymerois bien mieux Vous dire nos desseins qui sont mysterieux Que de vouloir souffrir qu’on me mist à la gesne.
La Pointe.
Voulez vous oublier toute l’ancienne haine Qu’auez eu autrefois contre trois Partisans ?
Pluton.
N’auois-ie pas bien dit que c’estoient mes galans ? Quoy ? vous croyez tromper, voleurs, fourbes, infames, Vn qui est esclairé de mille & mille flames. Vous auez donc douté de l’infiny pouuoir Qu’vn grand Prince & vn Dieu des enfers doit auoir, Apprenez que ie vois clairement qui vous estes, Et ie me vengeray de tout ce que vous faites, Ie veux dés maintenant pour vostre chastiment Que Caron vous repasse en terre promptement.
La Broche.
Ah ! donnez-nous plustost des peines eternelles Que de nous…
Pluton.
Non, ie veux qu’en terres naturelles Vous me satisfassiez pour vos crimes passez ; En retournant aux lieux dont vous estes chassez.
Nirazam.
Grand Roy, excusés les pour l’insigne seruice Qu’en France ils ont rendu à ma grande auarice, Ie croy que le sujet de leur desguisement N’estoit que pour entrer chez vous plus aisément, Et c’est pour vous seruir & vous estre agreables Qu’ils ont ainsi cherché des masques fauorables ; Enfin ils n’ont iamais conceu d’autre dessein Au mesme instant qu’ils sont sortis de S. Germain, Que pour vous demander vn pardon de leurs crimes, Et se rendre à vos pieds volontaires victimes, S’asseurans toutesfois que vostre Maiesté, Exerceroit sur eux quelque traict de bonté.
Pluton.
Iules, i’aurois grand tort de faire resistance A la priere d’vn qui m’a seruy en France Allez, ie vous promets quelque condition ; Puis qu’ils ont merité vostre protection, Et quand vous aurez eu quelque charge honnorable Que si quelqu’vne peut leur estre conuenable Ie la laisse à leur choix, toute ma passion, Cherchera seulement leur satisfaction : Et pour en peu de temps terminer cette affaire, Ie veux en premier lieu tous trois vous satisfaire, Et quand vous aurez eu vostre contentement, Messieurs nos desguisez en auront tout autant, Dictes, Iules, quel rang voulez-vous qu’on vous donne ?
Nirazam.
A vostre volonté la mienne s’abandonne, Vous sçauez mieux que moy si ie suis propre à rien.
Pluton.
Vous n’estes quasi bon qu’à desrober du bien ; Et moy comme ie suis le grand Roy des richesses Ny voleurs ny commis auecques leurs finesses Ne sont pas bons chez moy pour auoir vn estat Qu’il puissent exercer auec vn peu d’esclat, C’est pourquoy sçachant bien que vous n’estes capables, D’auoir des qualitez qui soient considerables, Ie diray ce à quoy chacun me peut seruir
Yremed.
Peu de chose nous peut plainement assouuir, Et sans aller plus loing nostre fortune est faicte Si nous pouuons chez vous auoir quelque retraicte.
Pluton.
Ie commence par vous, & ce n’est pas en vain, Car c’est vous des voleurs, qui estiez souuerain,
Nirazam.
Vous deués vous promettre vn fidele seruice, Car i ay le trou si large & le soufflet si gros Que ie puis aysément du vent qui est enclos R’allumer tout le feu que ce Royaume enserre Et ie reueillerois le feu elementaire S’il se trouuoit esteint par quelque grand malheur, Cependant grand-mercy d’vn si insigne honneur.
Pluton.
Toy qui estant laquais a batu la semelle Tu seras icy bas vn porteur de nouuelle, Me seruiras par tout, & dans le lieu secret Tu prendras ta demeure & le tiendras bien net, Tu portera l’esponge à Dame Proserpine Auecques le carreau de ma grand concubine.
Yreméd
Grand Roy ie me ressens viuement obligé De souffrir que chés vous ie me trouue logé Auec la dignité qui m est plus conuenable, En quoy ie tacheray de vous estre agreable.
Pluton.
Quand à vous Naletac iadis maistre vacher Il vous faut vn estat propre à ce beau mestier : Ie vous donne le soing de mon portier cerbere, Mon dragon, ma vautour, auecques ma vipere, Mes couleures, crapaux, anguilles & serpens Et generalement des bestes de ceans.
Naletac.
Grand Prince des Demons que par vostre sagesse Vous vous accommodés à nostre petitesse.
Pluton.
Il n’en reste donc plus que trios à contenter
La Broche.
Sire, il n’est pas besoing de nous donner d’office Nous ne meritons pas vn si grand benefice.
Pluton.
Tous ceux qui ont seruy le Seigneur Nirazam, Auront dans mon Royaume vn azile certain Et ie leur donneray quelque charge honnorable ; Selon que chacun d’eux s’en trouuera capable. Vous Messires la Broche autrefois Tabouret Vous serés icy bas Maistre de Cabaret Aussi bien aymés vous à faire bonne chere : Et vous prendrés le soing de ma cuisine entiere.
La Bezace.
Il est bien vray grand Roy qu’assez heureuse I’ay esté dans Paris marchand de chair humaine Et ie vous promets bien que dans vostre domaine I’en trafiqueray tant que de monopoleur On me sur nommera le grand appareilleur, Ce pendant toutefois ie vous rend mille graces De nous auoir donné aux enfers bonnes places. vous estes bien heureux que monsieur Nirazam. A faict auec Pluton vn pacte clandestin. Car luy & vous & eux qui ont volé en France Seroient icy venus seulement a patence, Car tous les Parisiens contre vous irtitez, Peut estre vous auroient si rudement traictez Et auroient tellement mis vos membres en pieces Qu’en l’air il eut falu passer vostre viellesse Pour vous mieux soustenir, riez mes bons enfans Vous auez leur argent & vous estes contens.
FIN. |
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Anonyme [1649], LA FARCE DES COVRTISANS DE PLVTON, ET LEVR PELERINAGE EN SON ROYAVME. , françaisRéférence RIM : M0_1372. Cote locale : C_4_11.