Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], LA TVTELLE DES ROYS MINEVRS EN FRANCE. Auec les Reflexions Politiques sur le Gouuernement de l’Estat, de chaque Roy Mineur. PREMIEREMENT. Que tous les Roys qui ont esté dans la Minorité, ont eu des Tuteurs iusqu’à l’aage de 25. ans, soit par choix ou par vsurpation, mais tousiours par necessité. II. Que Charles V. n’a reglé la Maiorité à 14. ans, que pour changer de Regents, & non pas pour abolir la Regence. III. Que la Reyne contreuient formellement à la Constitution de ce sage Roy, & à la Loy Salique, faisant vn tort irreparable à l’Authorité Royale. IV. Quelle ne tient le pouuoir qu’elle a que par vsurpation, & le veut maintenir par la force des armes du Roy, desquelles fait mauuais vsage, & est tenuë d’en rendre compte à l’Estat. V. Qu’enfin il s’ensuit que sa Puissance est tyrannique, puis qu’elle subsiste contre toute sorte de Loix, & que toute la France est obligée de s’y opposer, pour l’interest de la Couronne. , françaisRéférence RIM : M0_3901. Cote locale : B_3_2.

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LA TVTELLE DES ROYS
Mineurs en France, Auec des Reflexions
Politiques sur le Gouuernement
de l’Estat, de chaque Roy Mineur.

C’est vn ordre qui vient de la nature
que le plus foible soit soustenu par
le plus fort, iusqu’à ce qu’ayant pris
vn iuste accroissement, il puisse tout seul se
defendre contre tout ce qui est capable de
luy nuire. Vne plante delicate est facilement
abatuë, on l’appuye de quelque tronc
sec & ferme, afin d’empescher sa cheute :
mais depuis quelle s’est accruë en vn gros
Arbre, & quelle a esleué sa cime bien auant
dans les Airs, elle se soustient vigoureusement
d’elle mesme contre les plus rudes attaques
des vents, & de tous autres efforts,
n’ayant plus besoin d’vn appuy qui est desormais
plus foible quelle.

Parmy les animaux, & particulierement
entre les hommes, nous remarquons à tout
moment, comme le plus foible s’appuye naturellement

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du plus fort : d’où naissent comme
de leur source naturelle, les amitiez, les
alliances, & la Souueraineté : De là ie pense
qu’il est tres-facile de conclure que le droit
de regner est naturel, entre les hommes, &
qu’ils ne peuuent subsister en societé ciuile
sans quelque espece de commandements.

 

Si nous venons du particulier au general
nous remarquerons dans la Politique que
les petits Estats & les moindres Souuerainetez
ne subsistent & ne s’accroissent que par
les attachements qu’ils ont aux grands Empires ;
aussi ne manquent-ils pas de rechercher
auec grand soin leur appuy, & leurs secours
quant ils se voyent exposez aux violences
d’vn plus puissant, ou bien quand ils
pretendent de faire quelque progrez, & de
prolonger leurs limites par le moyen de
quelque confederation.

Les Roys qui sont au dessus de tout cela,
& qui sont les maistres de tous les autres, ne
laissent pas en de certaines conionctures
d’auoir besoin de leurs suiets, qui bien qu’ils
soient moindres en dignité, ont quelquefois
beaucoup de belles parties qui les rend
comme Superieurs de leur Souuerain.

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Ces hommes choisis, où nez pour soutenir
les autres, ont souuent besoin d’estre
soutenus eux mesmes. C’est pourquoy il a
fallu des Regens a leurs Minoritez, & des
Tuteurs à leurs Majorités commencées il
leur en a fallu mesme pendant leurs absences
où leurs maladies, non pas tant à eux qu’à
l’Estat, & au Sceptre, pour le maniment desquels
on à tousiours eu besoin des plus forts
& des plus vertueux. Souuent on a donné a
ces ieunes Princes des Ministres choisis
pour leurs excellentes qualitez & capacité
au fait de la Politique, qui ont conduit les
affaires de leurs Royaume auec beaucoup de
prudence, & de sagesse beaucoup ont vsurpé
ce rang par ambition, & la necessité indispensable
de Tuteurs ou Regens dans
leur bas aage, a rendu quelque fois cette
vsurpation tolerable : Quoy que tousiours
iniuste & illegitime.

Toutefois il en a tousiours fallu a nos
Roys Mineurs, du moins iusqu’à l’aage de
25. ans, & aux faineants durant toute leur
vie. La premiere & la seconde race ne souffre
point de difficulté pour la durée de la
Regence où tutelle des Souuerains, l’on

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sçait bien qu’elle ne cessoit point qu’à l’aage
de 22. ans, & qu’on leur donnoit vn Ministre
d’Estat iusqu’à l’aage de 25. qui si entretenoit
quelquefois bien plus long temps
quand à cét aage ils n’estoient point encore
capables de gouuerner par eux mesmes.

 

Il n’y a que depuis la declaration de
Charles V. qui a reglé la Majorité des Roys
a 14. ans, qu’il faut sçauoir si les Roys n’ont
plus esté gouuernés par les Regents, & s’ils
ont gouuerné par eux mesme depuis cét âge
sans auoir besoin de leur assistance. Il n’y
a aucun exemple qui nous apprenne que cela
ait esté iamais, si nous en exceptons le Sage
Salomon a qui la science de Regner fut
donnée a cét âge par vne grace toute particuliere
de Dieu, qui la refusée a tous les autres
peut estre à cause que ce premier en
auoit abusé, & que ceux-cy n’auroient pas
sceu s’en seruir auec plus dauantage.

Cette incapacité de commander est vne
preuue assez forte, pour demonstrer auec
toute sorte d’euidence ce que nous pretendons,
outre que ç’a esté tousiours le
suiet qui a fait donner à nos Roys des
Regents, dés Tuteurs & des Ministres

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Car puis qu’ils ne sont point encore capables
de nous gouuerner, il sensuit par
vne necessité absoluë, qu’il faut que quelque
autre qui en soit capable, ou qui s’imagine
de l’estre dauantage, se soit tousjours
ingeré dans le maniment des affaires
de la Monarchie. Neantmoins comme l’Histoire,
donne encore beaucoup de iour à
cette verité, il ne faut que lire ce que i’en
rapporte cy apres, pour n’en plus douter, &
conclure que tous les Roys qui ont esté dans
la Minorité ont eu des Tuteurs iusqu’à l’aage
de 25. ans, soit par choix ou par vsurpation ;
mais tousiours par necessité.

Depuis que la trop longue domination
des Regents, eût souuent donné lieu à des
vsurpations iniques de l’authorité Royale, &
qu’outre le pernicieux exemple qui donnoit
sujet aux entreprises des plus hardis & audacieux,
les desordres, les troubles & les factions
eurent souuent diuisé ce mal-heureux Royaume,
on cõmença à reconnoistre qu’vn pouuoir
si long-temps continué à vne seule personne,
traisnoit aprés soy de trop dãgereuses suittes :
mais iusqu’à Charles le Sage, personne ne s’étoit
encor hazardé d’y apporter quelque remede,

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ce Prince fut le premier qui voulu
pouruoir à cét abus, & pour ne le point entreprendre
inutilement, il consulta toute la
Politique, les Loix, le Droict & les Coustumes,
pour s’en tenir à ce qu’il en iugeroit de
meilleur, & l’authoriser dans vn temps auquel
personne n’eust osé contrarier ouuertement
vn statut si equitable.

 

Il reconnut sagement que la Regence estoit
vn mal necessaire : mais qu’il falloit du moins
abreger, à faute de le pouuoir tout à fait détruire,
& enfin pour le rendre encor beaucoup
moindre, qu’il falloit le partager pour
le moins à deux differentes personnes, afin que
le peu de temps que chacun tiendroit cette
authorité souueraine, ne donna pas le loisir
aux esprits ambitieux de s’en preualoir, pour
la retenir contre toute sorte de Iustice, le plus
long-temps qu’il leur estoit possible. Cette
iuste moderation apportée à ce pouuoir excessif,
partoit de l’esprit d’vn Sage, elle ne
pouuoit estre que trop legitime, & le partage
auec tant d’égalité, ne le pouuoit faire accuser
d’aucun defaut de la part de la chose, ny
d’aucun manquement de son costé.

Il fit donc vne Declaration authentique de

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cette Loy, qui fut receuë en France, & reconnuë
pour tres iudicieuse, & tres vtile à
l’Estat, & aux Roys Mineurs, qu’il fit emanciper
à l’aage de 14. ans, en ayant donné l’exemple
en la personne de son fils Charles, le
bien aymé.

 

Ainsi la Regence fut diuisée iustement
comme elle le deuoit estre, c’est à dire en deux
parties égales, dont la premiere fut plutost
vne Regence sur la personne Royale, qu’il est
question d’éleuer & de former par vne education
qui supplée aux defauts de l’aage, en luy
donnant les premieres leçons de la conduite
que doit auoir vn bon Prince, ce qui se doit
faire depuis l’aage de sept ans, iusqu’à celuy de
quatorze.

L’autre partie de la Regence semble plutost
regarder la conduite de l’Estat, de laquelle
on doit donner la connoissance au ieune
Majeur, qui est desia censé, capable de ce
commencement de regner, & de mettre en
pratique les bons enseignements que le premier
Regent commis à son education, luy a
deu donner pendant le temps de son pouuoir
sur la personne de sa Majesté. Cette premiere
Regence conuient assez bien aux meres, qui

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ont vne affection naturelle, à éleuer leur enfans
auec toutes les tendresses, & les mignardises,
qui sont deuë à ce premier aage.

 

Mais la seconde Regence ne leur fut iamais
attribuée, que par vne manifeste iniustice ;
attendu l’incapacité du Sexe, à s’acquitter de
ce haut employ, qui n’est propre que de la
plus sage, & la plus noble teste du Royaume,
tant pour instruire le Roy, par de iudicieuses
maximes, que pour le porter à de genereuses
actions, dont la Noblesse est comme la source
feconde, & inepuisable.

Mais la fin principale de cette belle égalité,
& de ce partage de la Regence, où se portoit
toute l’intention de ce sage Politique, estoit
les bornes qu’il vouloit mettre au pouuoir des
Regents, afin de donner vne puissante bride à
la forte ambition de tous ceux, qui n’est que
trop charmante, pour corrompre leur plus seuere
equité. C’estoit là sans doute tout le but
de Charles, qui auoit tres sagement reconnu,
que sans cette Loy, qui seruiroit comme de
frain à l’ambitieuse auidité de regner, les
Roys Pupilles & Mineurs seroient encor exposez
aux mesmes vsurpations, qui leurs auoient

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esté si preiudiciables par le passé, il ne vouloit
donc plus que la domination d’vn seul Regent
fust de si longue durée, il falloit la retrancher,
& la borner à l’an 14. & ne point
souffrir qu’elle s’estendit dauantage au preiudice
du Prince, dont la Majorité & le ieune
âge donne la licence d’oser tout, & la facilité
d’executer ce qu’on a entrepris.

 

Quelqu’vn ne manquera pas de m’opposer
que tousiours la Regẽce finit à la 14. année, suiuant
la Constitution de Charles V. mais que
cela n’empesche pas que la mesme personne
ne prenne le soin des affaires de l’Estat, sous
vn autre titre dependamment du Roy qui est
censé, agir par luy mesme à cause de sa Majorité.
Ainsi que fit Catherine de Medicis, laquelle
aprés sa Regence, se fit nommer la surintendante
des affaires du Roy, & encor auiourd’huy
la Reyne mere du Roy, qui a pris
la qualité de Chef du Conseil de sa Majesté.

Que l’ambition a d’ingenieuses malices,
pour seruir de pretextes à ses vastes desseins ;
est-il possible que l’on se soit persuadé, que cela
se peut sans infraction de la Loy de la Majorité ;
à la quelle on croit auoir suffisamment satisfait,

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en faisant changer de nom au pouuoir
qu’on veut vsurper ; & cependant on fasse passer
ce sage Legislateur pour vn impertinent,
& pour vn homme de vetilles. Car enfin, la
Reyne s’imagine donc que ce Sage n’a point
eu d’autre but, que de changer le nom de Regent
en celuy de Chef du Conseil, & quil
n’a point pretendu abreger son pouuoir au
profit du Mineur auquel on le rauit, en luy
ostant toute la connoissance des affaires. Voila
vne haute Politique pour vn grand Roy, ou
vne belle imposture pour appuyer vn dessein,
noblement ambitieux. L’indignation de tous
ceux qui auront le sens commun, vangera assez
ce Sage Prince, du trop indigne traittement
que l’on fait à sa prudence toute
Royale.

 

Mais il faut que la Reyne auouë quelle contreuient
formellement à la constitution de
ce grand Monarque, & quelle ne peut justifier
son procedé quelle ne le rende encore
plus criminel, soit en voulant ainsi destruire
les Loix les plus fondamentales de cét Estat,
soit en voulant maintenir son injuste domination
par la violence du fer & du feu à la
desolation entiere de la miserable France.

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Que ce Royaume infortuné auoit de
grands sujets d’exclure les Femmes de son
Gouuernement, la Loy celebre qu’il porta
contre elles dés sa naissance, n’estoit qu’vn
veritable pressentiment des maux & des rauages
qu’elles y deuoient vn jour apporter. Helas !
qui auroit jamais creu que la Reyne se
fust portée à cette extremité de rigueur à l’encontre
de ceux qui ont autrefois tant fait de
vœux en sa faueur, sa domination ne sembloit
nous promettre que d’heureux jours,
chacun contribuoit à l’enuie à la faire regner
dans l’esperance d’vn sort meilleur que sa
feinte douceur nous promettoit ! O que nous
auons esté bien trompez dans nos attentes, &
que nous auons espreuué de seuerité de celle
que nous tenions souuerainement bonne.
Celle que nous treuuions si juste a violé ce
que nous auions de plus sacré : Apres cela faites
fondement sur la vertu des Femmes.

La Reyne n’a pas seulement enfraint cette
Declaration authentique de Charles, elle
s’est prise à la Loy Salique, qu’elle a foulée
aux pieds, ce que pas vn de nos Roys n’a jamais
osé faire, ne luy a rien cousté à executer.
Ie pense qu’elle a fait gloire en cela de les surpasser,

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mais cét auantage ne luy sera pas beaucoup
honnorable, quand la posterité dira,
qu’elle a voulu passer les limites d’vne Femme
moderée, & qu’elle a sacrifie toute sa vertu
à sa vanité.

 

Elle n’a pas sans doute meurement consideré
le tort qu’elle se fait en perdant sa renommée,
celuy qu’elle fait à son Fils, dont
elle vsurpe l’authorité, & sert d’exemple au
premier, qui n’aura pas moins d’ambition
quelle, sans prendre garde qu’elle le rend incapable
de regner, quelquefois par la mauuaise
Education qu’elle luy donne : Enfin, elle
n’a point regardé le tort irreparable qu’elle
fait à l’Estat, dont le Sceptre est prés de tomber
en Quenoüille, authorisant ce desordre
toute la premiere. Vne autre du mesme sexe
n’ayant pas moins de droit qu’elle, à pretendre
le Gouuernement, que la Reyne retient
pardeuers elle, en dépit de toutes les Loix, qui
sont absolument contraires à toutes ses pratiques ;
Mais venons au point de la difficulté,
la Reyne pretend de retenir l’authorité d’vn
jeune Majeur, qui luy auoit esté accordée par
la seule faueur des Grands, pour la minorité.
Car le Roy defunt luy auoit mis de fort estroites

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bornes dans sont Testament, elle s’y veut
maintenir apres le temps expiré de sa Regence.
S. A. A. pretend que ce rang luy est deu :
Sur cette pretension il est criminel ; La Reyne
l’est donc aussi en retenant cette place : Car
quelles raisons peut-elle donner pour conuaincre
S. A. R. de quelque crime. Elle dira
peut-estre qu’il se veut attribuer tout le pouuoir
en France pendant le jeune âge du Roy ;
Mais elle-mesme l’a vsurpé ? Et que sçait-elle
si nous n’aymons point la domination Françoise
dauantage que l’Espagnolle, elle est
bien plus naturelle à la Nation, & plus conforme
à ses anciennes Coustumes : Et puis
n’est-il pas fils de France, & n’a-il pas tout interest
à la conseruation d’vn bien qu’elle dissipe,
d’vne Couronne qu’elle expose, & d’vn
Roy quelle esleue au gré de ses passions, &
dans la hayne de ses Subjets, qui sont tres-innocens
du mal qui se commet, & qui en
portent tout le chastiment. Ne seroit-il pas
beaucoup meilleur que S. A. R. eust le pouuoir
qu’elle retient, Que personne en France
ne luy pourroit disputer, & qu’il maintiendroit
sans troubles & sans desordres, que de
le voir entre les mains d’vne Femme accompagné

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de tant de maux & de dissentions ciuiles :
Tous les veritables zelateurs du seruice
du Roy & du bien de l’Estat seront icy de mon
Party.

 

Dira-t’elle qu’elle est Mere du Roy, & que
cette qualité la doit maintenir dans le rang
qu’elle occupe : Helas ! que sous ce nom, la
France a eu de trauerses & de dangereux symptomes.
Ysabeau de Bauiere estoit la Mere du
Roy Charles VII. elle fit des-heriter pourtant
ce legitime heritier de la Couronne qui
estoit son fils, & fit passer le Sceptre en des
mains estrangeres, au prejudice de celuy dont
elle estoit pourtant la Mere ; mais la plus injuste
qui fut jamais : Et sans aller chercher Brunehaut
qui fit mourir dix Testes-couronnées
qu’elle auoit mises au monde, & tout cela
pour son horrible ambition de regner. Nostre
Histoire ne soupçonne-elle pas Catherine
de Medicis d’auoir fait mourir ses enfans
l’vn apres l’autre, pour se conseruer plus longtemps
l’authorité.

Le tiltre de Mere de Roy n’est point tout
ce qu’il faut auoir, pour meriter le Gouuernement
de la Monarchie Françoise, il faudroit
encore qu’elle fust la Mere de tous les

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Subjets, qu’il faut traiter comme enfans & en
creatures libres, non pas en esclaues, en bestes
sauuages, & en loups-garous qu’on poursuit
auec des armes, & que l’on presse de si
prés que quelques-vns s’acculent, & comme
des Sangliers furieux déchirent à belles dents
tout ce à quoy ils peuuent s’attacher, d’autres
plus doux se voyans reduits au desespoir
d’en eschapper, jettent des larmes sur les
maux qu’ils endurent, & pleurent amerement
leur sort fatal, duquel leur innocence
ne les peut preseruer.

 

Vn homme par son jugement, éuiteroit
en gouuernant ces funestes extremitez ; mais
la passion d’vne Femme est aueugle, elle ne
les voit pas, elle ne les éuite point, Elle veut regner
quoy qu’il couste, & parce qu’on s’y
oppose on est criminel, cette tyrannie est
insupportable.


Mais S. A. R. n’est il pas l’Oncle du Roy,
n’est-il pas Fils de France, n’est-il pas le plus
proche du sang Royal : N’est-il pas assez moderé,
assez juste, assez puissant : Enfin assez
digne & assez capable pour tenir le timon des
affaires de la France, & pour maintenir mieux
que la Reyne l’authorité Royale : Tout le

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monde en est d’accord auec moy, toutes les
Loix du Royaume sont pour luy, il n’y a que
la Reyne qui luy est contraire : Elle en veut
donc à tous, elle en veut à la Iustice, elle veut
abolir toutes les Loix & les plus religieuses
Coustumes de France : Cela ne s’appelle il
point estre criminel d’Estat, & ennemy du
repos & du salut de tout le monde.

 

Toutes les Femmes qui ont voulu vsurper
le droit de commander aux Peuples, ont toûjours
esté la cause de la destruction des Empires,
où du moins ont causé d’effroyables desordres
dans ces Monarchies.

La Reyne d’Assyrie qui regna l’espace de
42. ans sous l’habit d’vn homme, qui couuroit
son sexe & son vsurpation, diuisa tout l’Orient
en des factions innombrables : Elle rauagea
en suite l’Ethiopie, & les Indes qui
jouissant pour lors d’vne ferme tranquillité,
n’auoient garde de s’imaginer qu’vne Femme
en deust interrompre le cours. Cette
ambitieuse Semiramis pour continuër longtemps
son vsurpation, fit esleuer son fils dans
les delices & dans les voluptez, pour le rendre
tout à fait incapable de regner par luy-mesme ;
Elle reüssit en ce dessein, puis qu’elle

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en fit vn homme sans courage, & sans capacité
aucune, de manier le Sceptre d’vn si
redoutable Empire, elle en fit vn lâche à ses
dépens, ayant receu le coup mortel de ce fils
dénaturé, qui suiuant les mauuaises inclinations
que sa Mere luy auoit fait prendre, la
paya des soins qu’elle auoit pris de son Education
& de sa conduite ; & vescut depuis
dans cette bassesse & dans cette oysiueté,
dans la quelle cette ambitieuse l’auoit fait éleuer
à son mal-heur & pour sa perte.

 

Tous ses Successeurs à son imitation demeurerent
dans vne vie molle & honteuse,
jusqu’à ce qu’elle fut méprisable à tout le
monde, qui ne pouuant plus tollerer leurs
infamies, les priuerent du Sceptre & de la
vie. Semiramis fut la premiere cause de la
cheute de ce prodigieux Empire, tant il est
vray que les Femmes ambitieuses ne sont
nées que pour la decadence & la ruïne des
Monarchies.

Et sans sortir hors de chez nous, n’auons-nous
pas veu nostre Monarchie destruite par
la lasche ambition & par l’animosité obstinée
d’vne Reyne assez ennemie de son propre fils,
pour le des-heriter de sa legitime Succession,

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luy arracher la Couronne de dessus sa teste, luy
oster le Sceptre des mains, en faueur d’vne
Puissance estrangere & ennemie. Apres cela,
quelle confiance peut-on auoir à vne femme,
à qui la perte de son fils n’est rien au prix de
contenter son ambition & sa fureur. Cette
Mere cruëlle ne se contenta pas d’auoir osté
à Charles le Dauphin son heritage, elle voulut
pour satisfaire à sa passion effrenée, faire
voir à toute la France son ancien Ennemy, receuoir
la Couronne & la Royauté : Action
qu’elle produisit au milieu de Paris à la plus
grande honte des François ; mais encore plus
à leur mal-heur, puis qu’ils virent en suite les
Anglois desoler toutes leurs terres, & n’épargner
aucun endroit de ce Royaume, où ils ne
portassent le fer & le feu, si bien qu’il cousta
presque tout le sang des Peuples, sans le
pouuoir esteindre. Et tout ce rauage arriua
par les meschancetez espouuentables d’Ysabeau
de Bauiere, & pour la hayne irreconciliable
qu’elle eut pour son fils, & pour son
Royaume.

 

Vne infinité de pareilles qui sont autant
d’exemples d’horreur à la posterité, fourniroient
assez de crimes pour en composer vn

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composer vn gros Volume ; mais celles-là
suffiront pour toutes les autres, & leur Histoire
est assez capable de nous monstrer quelle
tyrannie est celle d’vne Femme qui domine,
combien le gouuernement en est injuste,
quelle diligence & quel soin l’on doit apporter
à preuenir les mal-heurs qu’il cause, &
combien enfin la memoire de leurs crimes
doit estre odieuse aux Estats bien policez, puis
qu’ils n’ont point d’establissement si ferme,
que l’ambition d’vne Femme n’ebranle, point
de richesses si immenses qu’elle ne dissipe,
point de si florissantes Prouinces qu’elle ne
ruine, & point d’auantages si considerables
qu’elle n’aneantisse, les horribles Factions qui
de tout temps sont prouenuës de cette source
mal-heureuse, les desolations deplorables
qui se sont epanduës en tous les coins du
monde, par le moyen des Femmes ambitieuses,
sont des mouuements trop funestes de leur
fureur qui n’a point de bornes, depuis que
leur passiona pris vne fois le dessus de leur raison,
qui n’est tousiours que trop foible pour
resister à tant de violence. L’Estat mesme du
Peuple de Dieu n’a point esté exempt de ces
furies, les injustes persuasions de [illisible]ezabel perdirent

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son Mary, ses Estats, & la plus grande
partie de ses Subjets qui en furent exterminez,
& le juste vengeur des crimes de toutes
les creatures, ayant eu en auersion les pernicieux
conseils de cette malicieuse Reyne, voulut
que son corps fust deuoré par des chiens,
quelle reçeust vn chastiment pareil au peché
qu’elle auoit voulu commettre.

 

Bien qu’on loüe Zenobie de son inuincible
courage & de son obstination à faire teste
à toutes les forces de l’Empire Romain : Toute
sa conduite pourtant jointe à sa valeur extraordinaire
dans ce sexe, ne seruit qu’à perdre
les Palmireniens, & à luy oster la vie à elle
mesme, pour monstrer que la plus haute
Politique d’vne Femme n’est tousiours que
tres-pernicieuse à l’Estat, où elle s’ingere de
vouloir commander. Sa plus grande Puissance
n’estant tousiours qu’abaissemens &
que foiblesse : Raison que Pharamond apporta
dans l’institution de la Loy Salique.

Cependant la Reyne s’opiniastre à soustenir
vn pouuoir qu’elle ne tient plus que par
vsurpation dans nostre Estat : Elle employe le
fer & le feu, & toute la violence de ses plus
fortes passions, pour maintenir la resolution

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qu’elle a prise de perdre plutost tout, que de relascher
le moins du monde. Si elle ignore l’obligation
qu’elle a d’en rendre compte, vn jour
la Loy luy apprendra que toute personne qui
se charge du bien d’vn Mineur luy est comptable ;
outre que les Estats du Royaume ont le
pouuoir de luy demander raison de tant de
maluersations qui se commettent sous son authorité,
qui ne fut jamais donnée à personne,
que sous condition de procurer au Public tout
le bien possible, & qui deuient illegitime deslors
qu’elle est toute employée à la ruyne &
au saccagement de ceux sur lesquels elle est
establie.

 

Afin qu’elle ne se figure point que cela
soit sans exemples, l’Histoire nous en fournira
d’estrangers & de domestiques. L’ambitieuse
Imperatrice Irene qui auoit eu toute
l’authorité de l’Empire d’Orient durant
la ieunesse de Nicephore, eut bien tant de
vanité que de pretendre à l’Empire de tout
le monde, au preiudice de ce ieune Empereur,
n’ayant point d’autre moyen d’y paruenir
que l’authorité absoluë qu’elle possedoit
auec trop d’iniustice, & au preiudice
de son propre fils, à qui elle appartenoit legitimement.

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Pour venir à bout de son dessein
elle enuoye des Ambassadeurs a Charlemagne
qui triomphoit pour lors dans l’Europe
par les conquestes iournalieres qu’il y
faisoit, ces enuoyez prattiquoient secretement
le Mariage de l’Imperatrice auec ce
Prince, à condition qu’elle luy remettoit
entre les mains l’Empire d’Orient, qu’il deuoit ioindre
a celuy d’Occident, qu’il tenoit
pour lors autant de son Espée & de sa vertu
que de sa Royale naissance, sur le poinct que
l’affaire s’alloit conclure Nicephore en est
auerty, il reconnoit auec estonnement la
mauuaise volonté de sa Mere luy demande
vn compte exact de la mauuaise administration
qu’elle auoit faite de son Empire pendant
son ieune aage, & l’ayant fait raser la
confina pour le reste de ses iours dans vn
Cloistre sauuant ainsi sa Couronne, que sa
mere luy alloit oster de dessus la teste.

 

Personne n’ignore le Compte exact que
Lothaire fit rendre a Brunehault sa propre
tante, laquelle il ne laissa pas de condamner
au dernier supplice pour les maux & les desordres
qu’elle auoit causez dans tous les endroits
de son Royaume.

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Mais dans vn temps où il ne se trouue
personne capable d’exiger cette Iustice, n’a
t’on pas tousiours veu qu’elle a esté demãdée
par vn souleuement general de tous les peuples,
quand ils se sont veus reduits à l’extremité.
Ie sçay bien que ces mouuements des
suiets sont des crimes enuers leurs Souuerains,
& des fautes d’Estat qui sont tousiours
punissables selon la rigueur des loix, mais
lors que le mauuais gouuernement, & l’oppresion
trop visible les y contraint, ce sont
des fatales suittes des manquements de ceux
qui gouuernent, dont ils sont les premiers
coupables, ainsi quand ils s’obstinent à les
chastier, & que les suiets demandent iustice
de leurs dereglement, il ny a plus de forme
d’Estat, ce n’est plus qu’vne miserable confusion
ou les plus forts sont les plus authorisez
quelques fautes qu’ils commettent a
cause qu’il ny a plus de iustice, & que chacun
se la veut faire soy mesme.

Pour obuier à des malheurs si preiudiciables
à l’authorité du Souuerain qui doit
estre inuiolable, & au bien public qui doit
estre la regle de toutes les actions des Princes
& des suiets, il faut quelque fois que tout

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le monde s’interesse à la conseruation des
droits de l’Estat, qu’il maintienne l’authorité
entre les mains de celuy à qui elle doit
estre afin qu’il ne manque iamais de iuge qui
regle tous les differents qui en prouiennent,
& de vangeur qui fasse iustice aux malheureux
peuples affligés par l’ambition maudite
des vsurpations, dont il faut vne punition
exemplaire : autrement dequoy seruiroient
les loix fondamentales si elles
estoient enfraintes impunement, à quoy
bon tant de belles & de si iustes constitutions
d’Estat, si au lieu de rien establir pour
son bien, elles n’auoient pas mesme la force
de détourner vne infinité de malheurs que
leur infraction auroit causée. Les Loix seroient
trop fatales aux Estats à ce prix, & il seroit
desormais plus necessaire de les détruire
que d’en faire ; Remede aussi violent que le
mal est capable de faire perir egalement les
Estats, & renuerser toute la societé ciuile.

 

Il faut donc que chacun examine en conscience
& dans vn esprit de paix & de concorde
ce qui est de meilleur dans l’Estat present
des affaires de la France, & pour le
maintien de l’authorité Royale, & pour le

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repos des peuples languissants, qu’apres l’auoir
reconnu il l’embrasse vigoureusement
sans interest, & sans passion, les loix, les
coustumes, les longues guerres que les femmes
ont fait naistre en France, & les bons
desseins de ceux qui voudront y apporter
du remede, luy feront assez connoistre ce
qu’il est obligé de suiure, quel party il doit
embrasser, & ce qu’il doit faire pour l’accomplissement
d’vn si parfait ouurage qui
est la paix generale si necessaire au Roy
pour rafermir son authorité, & pour remplir
les coffres de son Espargne epuisez par
les guerres ciuiles, à la Reyne pour le repos
de sa conscience, aux grands du Royaume
pour se remettre en estat de tenir leur rang
auec honneur en France, & enfin à tous les
peuples pour estre deliurez de leurs miseres,
& se remettre de leurs pertes immenses qui
leur feront autrement abandonner les
champs sans culture si l’on ne les laisse quelque
peu respirer en tranquillité.

 

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Sub2Sect suivant(e)


Dubosc-Montandré, Claude [?] [1652], LA TVTELLE DES ROYS MINEVRS EN FRANCE. Auec les Reflexions Politiques sur le Gouuernement de l’Estat, de chaque Roy Mineur. PREMIEREMENT. Que tous les Roys qui ont esté dans la Minorité, ont eu des Tuteurs iusqu’à l’aage de 25. ans, soit par choix ou par vsurpation, mais tousiours par necessité. II. Que Charles V. n’a reglé la Maiorité à 14. ans, que pour changer de Regents, & non pas pour abolir la Regence. III. Que la Reyne contreuient formellement à la Constitution de ce sage Roy, & à la Loy Salique, faisant vn tort irreparable à l’Authorité Royale. IV. Quelle ne tient le pouuoir qu’elle a que par vsurpation, & le veut maintenir par la force des armes du Roy, desquelles fait mauuais vsage, & est tenuë d’en rendre compte à l’Estat. V. Qu’enfin il s’ensuit que sa Puissance est tyrannique, puis qu’elle subsiste contre toute sorte de Loix, & que toute la France est obligée de s’y opposer, pour l’interest de la Couronne. , françaisRéférence RIM : M0_3901. Cote locale : B_3_2.