LE RECIT DV DVEL
deplorable entre Messieurs le Duc
de Beaufort & de Nemours. Auec ce
qui s’est passé dans le Luxembourg entre
Monsieur le Prince & le Comte
de Rieux.

Qvelque reuolution qui se trouue
qu’il y a cinq ou six mille ans qu’il roule
sous vn aage de fer les hommes empirent
tous les iours, & comme dit le poëte.

 

Ætas parentum prior auis
Tulit nos nequiores,
Mox daturi progeniem
Vitiosiorem.

 

Nous voyons aujour d’huy deuant nos
ieux ce que l’Ouide nous a descript
dans sa metamorphose parlant de l’aage
de fer, qu’aucun n’est asseuré de sa vie,
que l’ambition, l’auarice, ou la volupté
ont foulé au pieds toutes les loix & rompu
tous les liens que la nature & la ciuilité
auoit sagement tissus pour entretenir
la societe parmy les hommes.

Non hospes ab hospice tutus.

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Non socer a genero, fratrum quoque gratia
rara est.

Si jamais la discorde a paru sur la terre
auec toutes les furies d’Enfer c’est en ce
malheureux siecle dans ce pauure Royaume
qu’elles exercent toute leur barbarie.
Nous auons ressenty le plus dangereux
de ses traicts dans la perte d’vn Heros
lequel a esté malheureusement tué par
vn beau Frere qu’on peut dire estre innocent
& criminel. Les loix de l’honneur
permettent non seulement le duël
mais encore le commandement Vn
homme ne passera que pour poultron qui
l’aura refusé ou qui n’aura pas fait vn appel
ayant tesmoigné le sentir picqué
contre vn autre. C’est icy l’antonomie
la Iustice & de la Noblesse.

Le souuerain deffend des düels comme
chef de l’vne & ne les condamne point
comme chef de l’autre estant certain qu’il
n’y à que les genereux qui le puissent entreprendre.
Monsieur le Duc de Beaufort
& de Nemours auoient eu il y à quelques
mois querelle touchant le commandement
des armées. Elle auoit esté assoupie
par Mademoiselle, neantmoins elle a

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esté reueillée depuis que Monsieur dé
Beaufort a esté fait gouuerneur de Paris.
Le Duc de Nemours ayant dit en pleine
assemblée que le gouuerneur estoit deu à
celuy qui auroit vne meilleure espée. Il a
souuent vsé de paroles, de mépris enuers
son beaufrere luy tesmoignant qu’il desiroit
le voir l’espée à la main, à quoy le Duc
de Beaufort a tesmoigné tousiours beaucoup
de repugnance luy faisant entendre
qu’outre la qualité de beau frere le public
auoit trop d’interest à la conseruation de
leurs personnes. Il auoit mesme dit à sa
sœur quelle diuertit le Duc son Mary de
ce malheureux dessein. Neantmoins ayãt
esté pressé par le Duc de Nemours il s’est
porté au lieu où ils ont terminé leur querelle,
Le Marquis de Villairs porta le cartel
de deffi au Duc de Beaufort Mardy
dernier du mois. Le Duc de Nemours
partie de son Hostel auec deux pistolets
dans son carosse accompagné d’vn sien
Gentil-homme qui luy seruit de second
ou plutost de troisiesme dans le combat.
Estant paruenus au marché aux cheuaux
le Duc de Nemours se presenta au Duc de

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Beaufort luy disant qu’il se falloit battre à
quoy le Duc de Beaufort respondit, mon
frere que voulez vous faire il faut prendre
vn pistolet respondit le Duc de Nemours.
Deux repartit le Duc de Beaufort apres
auoir donc pris chacun vn pistolet ils s’approcherent ;
mais le coup passa donc &
commancerent le combat auec l’espée. Et
comme Monsieur de Beau fort auoit fait
dresser l’espée du Duc de Nemours, celuy
cy luy tira le pistolet donc le coup passa
au dessous du bras & luy brusla les cheueux
quoy qu’ils soient fort courts Apres
ce coup tiré le Duc de Beaufort dit au
Duc de Nemours s’il estoit content, à
quoy il respondit qu’il n’y auoit point de
quartier & qu’il falloit perdre la vie, &
porta vn mesme temps vn coup d’espée
sur Monsieur de Beaufort lequel le para
& porta vn coup de pistolet dans la poitrine
de son agresseur qui le fit choir à la
renuerse. Le combat fut de trois contre
trois à pied dans le marché aux cheuaux
dons le Comte de Holac & la Villeneufue.
l’Escuyer de Monsieur de Beaufort
l’auoient seruy en cette occasion, &

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le Comte de Villairs & de Busy ont esté
du costé du Duc de Nemours dont le premier
a esté tué & le second blessé.

 

La nouuelle estant respanduë par la
ville de malheureux succez de ce duël
vn chacun en a tesmoigné vn ressentiment
incroyable ; mais principallement
dans l’Hostel de Nemours & dans l’Hostel
de Condé ou le corps du Deffunct fut
porté.

Les malheurs viennent tousiours en
croupe apres ce desastre il en ait pensé arriuer
vn plus grand en la personne de Mõseigneur
le Prince de Condé, lequel ayant
accordé le Prince de Tatante & le Comte
de Rieux qui auoient querelle ensemble,
cettuy tesmoigna à Monsieur le Prince
que son Altessé auoit fauorisé son ennemy,
à quoy le Prince repartit qu’il seroit
marry que l’vn ou l’autre receut quelque
Iustice sur quoy le Comte de Rieux repartit
auec insolence qu’il se trouueroit
autrement & qu’il n’auoit qu’à faire de
luy, le Prince luy disant vous me piqué
icy le Comte de Rieux ie vous picqueray
ailleurs, apres quoy le Prince luy donna

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vn soufflet, & le Comte de Rieux luy porta
vn coup de poing dans le ventre & mit
la main à l’espee ; Mais le Prince ne luy
donnant l’oisir de le tirer tout à fait hors
du fourreau se lanca sur luy & saisit l’espee
prés de la garde dont il a eu les doigt blessez,
le Duc de Rohan retint le Comte de
Rieux, & des-aussi tost que son A.R. a
entendu ce bruit appella ses gardes qui se
sont saisis dudit Comte de Rieux, & par
son commandement l’ont conduit à la Bastille.

 

Nous pouuons remarquer dans ces malheurs
vne singuliere prouidence de Dieu
qui nous menace ; mais qui retient son
bras lors qu’il est prest de frapper. De trois
Princes qui ont esté dans vn danger euident,
sa Iustice s’est contentée du moindre
quoy qu’il fut vn de plus braues & de
plus genereux.

FIN