Mercier,? [1649], LA FRANCE PROSTERNEE AVX PIEDS DE LA VIERGE. Pour la remercier de la Paix. , françaisRéférence RIM : M0_1437. Cote locale : C_5_18.
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LA FRANCE PROSTERNÉE
aux pieds de la
Vierge pour la remercier
de la Paix.

Emperiere des Cieux, Souueraine
des hommes, des Anges
& des Seraphins, nous
protestons hautement aux
pieds de vostre Maiesté adorable, que
vous estes seule la cause de nostre bonheur,
& que sans la faueur de vostre
assistance, nous n’estions pas en estat de
pouuoir encor esperer la paix. Nos soins
auroient esté sans fruict, nos trauaux invtils,
nos desseins sans execution, & nos
entreprises sans effect : Si vostre bonté
n’auoit operé auec nous, & si vos mains
n’auoient auaucé cet ouurage du Ciel.
C’est vous adorable Princesse, qui auez

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disposé l’esprit de la Reyne à faire vne
chose, ou son ame combattuë & d’amour
de vengeance trouuoit de si grandes difficultez.
C’est vous qui auez donné des
lumieres & de l’éclaircissement aux affaires
les plus douteuses, & les plus embrouillees.
C’est vous qui auez gagné
les cœurs ; qui auez vaincu les rebellions,
qui auez triomphé des Princes, qui auez
dissipé les animositez qu’ils auoient conceu
les vns contre les autres, qui les auez
fait mettre les armes bas, & qui les auez
obligé de conclurre tous vnanimement
à la paix. Et certes qu’elle apparance que
les affaires se fussent si tost accõmodees ;
que la Reyne animee de colere, les Princes
de vengeance : les peuples mutinez,
les Parlemens appuyez, les villes reuoltees,
eussent si tost quitte leurs interests,
sans que vous leur eussiez persuadé entierement
qu’il le falloit ainsi pour le bien
de l’Estat, & le repos des consciences.
Vous preuoyez bien diuine Princesse,
que la continuation de cette guerre causeroit
beaucoup de desordres en l’Eglise,

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que cette chaste épouse de vostre Fils y étoit
trop interressée, & que quantité de vierges
& de sainctes amantes y auoient perdu la fidelité
qu’elles ont promises à leur espoux
Celeste. Vous auez donc voulu seulement
nous chastier & non pas nous perdre. Vous
nous auez humilié pour nous releuer plus
glorieusement : vous nous auez blessez
pour nous guerir plus doucement, vous
nous auez conduits sur le bord du precipice
pour nous faire connoistre que nostre vie
ne dependoit que de vous : & vous nous
auez affligés pour nous donner apres de
plus parfaittes consolations. Nous vous en
remercions tres-humblement, & auoüons
deuant le Ciel & la terre qu’à iamais nous
vous aurons des obligations infinies pour
vn bien fait si signalé, & des faueurs si extraordinaires :
Ouy, Diuine Princesse, nous
voulons que nos langues soient cõdamnees
â vn silence perpetuel, que le Ciel nous soit
d’airain & la terre infeconde dans des sterilités
continuelles ; Que les Elemens iurent
nos pertes & nos ruynes, si nous manquons
aux deuoirs que meritent vos iustes grandeurs,

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& si nous demeurons ingrats de la
grace que vous nous aués fait en nous donnant
la paix. Vous estes la Pallas de nos armees,
soyez encore la source de nostre felicité,
vos bontez triomphent de nos cœurs,
vos beautez rauissent nos amours, & nous
sommes tout à vous, apres nous auoir rendu
à nous mesmes, & nous auoir reconcilliez
ensemble. Mais diuine Princesse, n’estoit
il pas iuste que vous nous donnassiez la
paix, dans le temps que vostre Fils bien
aymé la donné â tout le monde, estes vous
moins genereuse, ou auez vous moins d’afection
pour les hommes que luy : le sang
qu’il répand sur le Caluaire, mesme pour
ses ennemis & ses perfecuteurs ; ne l’a il pas
succé de vos sacrees mammelles : & en luy
donnant n’aués vous pas eu intention auec
luy, qu’il fut le prix de la redemption du
genre humain, & le caractere auec lequel il
signa sur la Croix, nostre paix & nostre reconciliation.
Et si l’excés de son amour à
paru en ce qu’il est mort pour nous, lors que
nos ingratitudes meritoient le moins cette
faueur, & que nos abominations ne pouuoient
esperer que de rigoureux supplices,

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& de tres cruels chastimens. Ne pouuons
nous pas dire de mesme que nous vous
auons d’autant plus d’obligations de nous
auoir donné la paix, que nos cœurs endurcis
n’auoient plus aucun sentiment pour
vostre seruice ? Que nos ames criminelles,
aussi bien que nos consciences corrompuës
ne respiroient que le sang, & le carnage, que
nos cœurs ne suiuoient que les mouuemẽs
de leurs passions desreglees, ne cherchoiẽt
que l’assouuissement de leurs appetits, &
n’auoient de l’inclination que pour les obiets
qui flattent les sens. Mais nous protestons
aux pieds de vos Autels que d’oresnauant
nous serons plus soigneux de nostre
deuoir, & que pour marque de nostre fidelité,
comme de nostre reconnoissance,
nous changerons vos temples de dons, de
presens & d’offrandes. Nous vous ferons
des sacrifices de nos cœurs, de nos affections,
de nos vies, de nos personnes ; nous
publierons par tout vos bontez, vos grandeurs,
vos louanges, & nous vous appellerons
eternellemént nostre Ange tutelaire,
nostre liberatrice, & celle de qui nous auons
receu la paix, de laquelle nous iouissons à

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present. Mais diuine Princesse, permettez
que pour tesmoignage des victoires & des
triomphes que par vostre moyen les François
ont remporté dessus eux mesmes, nous
vous meslions quelques ressentimens de
ioye, d’allegresses, & de resiouissance parmy
les pleurs, les larmes, les souffrances de
vostre Fils ; Que nous l’accompagnions sur
le Caluaire auec des concerts de musique ;
que nous chantions ses misericordes au milieu
des bourreaux qui le persecutent, &
qui vomissent mille iniures contre luy ; &
que parmi les tenebres, les obscuritez, les
ecclipses qui paroissent en sa mort, nous fassions
voir des feux, des lumieres, & des
clairtez : afin que dans le mesme instant que
nous pleurons de sa mort, nous nous resjoissions
de la paix, & qu’en vous considerant
arrestee sur le Caluaire, contemplant
ce bien aymé de vostre cœur qui expire entre
deux larrons, nous vous considerons
aussi dans l’estat de la gloire, comme le canal
sacré d’où d’écoulent les graces & les
faueurs dont nous iouyssons, & d’où vous
nous auez heureusement enuoyé le rameau
de la paix,

 

FIN.

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