Anonyme [1649 [?]], SVITTE DV SILENCE AV BOVT DV DOIGT. , françaisRéférence RIM : M0_3674. Cote locale : C_10_14.
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SVITTE DV
SILENCE AV
BOVT DV DOIGT.

Pausanias assure que dans le mesme Temple ou
Harpocrate Dieu du Silence estoit adoré, il y
auoit vn Autel basty de Marbre, de Iaspe, de
Porphyre, & autres pierres tres riches, & tres-rares dedié
à vne fausse Diuinité laquelle disoit toutes les veritez
secrettes. mais auec tant d’addresse, & de bonne
grace que ceux mesmes qu’elles blasmoit, ou dont elle
reprenoit les imperfections, n’osoient s’en offencer, de
sorte qu’vn grand Capitaine Grecq retournant glorieux
d’vne Bataille qu’il auoit rendu contre les Artabattes,
& qu’il auoit gaigné par la valeur & le courage
de ses Soldats, bien qu’il eut desseing de les perdre
auec toute l’armée, allant au Temple pour remercier
les Dieux d’vne Victoire si heureuse & si signalee, dans
le temps mesme qu’il offroit des Sacrifices à cette Diuinité
qui ne celoit rien, il entendit vne voix qui luy
parlant à l’oreille luy dit, ô le plus l’asche de tous les
hommes tu as eu desseing de ruiner ton Pays, & le Ciel
ne la pas voulu ; retire toy ! de mes Autels, ie ne puis
souffrir, ny tes perfidies, ny tes blasphemes, tes Offrandes
me sont en abomination, & tes Victimes en horreur,
neantmoins ie n’en parleray iamais & ne descouuriray
point ton crime.

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Cét Idole nous apprend nostre deuoir, & si nous
nous eschappons à dire quelque chose des actions de
nos Princes, ou d’autees personnes d’eminente condition,
il faut que ce soit auec tant de retenuë, de discretion,
de modestie quelles ne s’en puissent pas fascher.
Mais le plus expedient en ce rencontre, est de dire touiours,
pais.

Il est constant que les premieres amours de la Reyne
s’addresserent à feu Monsieu de Montmorency, qu’elle
l’affectionnoit si fort, que les grandes familiaritez,
qu’ils auoient ensemble, estoient mesmes suspectes à
ses filles, & connuës de toute la Cour, puis qu’ils ne
pouuoient s’empescher de se faire des caresses à la veuë
de tout le monde, & qu’ils auoient bien de la peine d’étre
sages & amoureux tout ensemble. Mais ce qui gasta
le mistere, c’est qu’vne fois le Roy entrant doucement,
& sans que personne le sceut dans sa Chambre,
la trouua assise dans vn fautueil, & Monsieur de Montmorency
à genoux deuant elle qui luy tenoit les mains
& luy témoignoit sa passion extreme : ce qui le mit telment
encolere que dés lors il iura en luy mesme la perte
de ce seigneur, & en effect, cette action qui auoit
blessé l’esprit du Roy, fut cause particulierement de la
mort de Monsieur de Montmorency. Mais ne disons
mot de tout cela, pais.

Peut estre ne scait on pas que le Cardinal de Richelieu
n’aymoit pas moins Madame de Montbason, que
Madame de Combalet : qu’elles estoient ialouses l’vne
de l’autre enragément, & que dans ce temps elles
ioüoient à qui se debusqueroit de la pensée & des sentimens

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du Cardinal. La Combalet qui commençoit à
prendre vn peu d’ascendant sur l’esprit de son oncle,
rencontrant vn iour Madame de Montbason qui sortoit
de son Cabinet, luy dit mille iniures, & la gourmanda
fort de la liberté qu’elle prenoit de rendre au
Cardinal des visites si frequẽtes & si particulieres. Mais
lors quelle sceut qu’il auoit donné cent Louys d’or à
Mademoiselle Nanon, confidente de Madame de
Montbason & de ses amours, parce quelle estoit venuë
sçauoir de luy à quelle heure sa maistresse le pourroit
voir, elle pensa desesperer. N’en parlons plus, pais.

 

C’est vne maxime de ceux qui gouuernent les Rois
pendant leur minorité de les instruire dans l’ignorence
des choses qu’ils deuroient parfaitement sçauoir pour
se rendre grands Princes, afin d’estre tousiours maistre
de leurs personnes, & de conduire vn Estat que le Monarque
n’est pas capable de regir. Mais il est beaucoup
plus dangereux de les esleuer dans la diuersion & l’animosité
de leurs peuples, & dans des occupations indignes
de la grandeur de leur Sceptre. C’est les moiens
desquels se sert le perfide Mazarin pour regner, ne souffrant
& ne trouuant aupres la personne du Roy que de
ses confidens & de ses Creatures, qui ne l’entretiennẽt
& ne luy parlent que de niaiserie, de sortises, de bagatelles
au lieu que les Roys ne deuroient entendre, ny
voir que des belles maximes de Moralles & Politique.
Philippe reprenoit autrefois Alexandre son fils de ce
qu’il sçauoit trop bien la Musique, & des appresent l’õ
pouroir blasmer le Roy de ce qu’il ioue si parfaitement
aux quille qu’il en abat tous les coups huict : on ne scait

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à qui il la laisse faire, si ce n’est a sa bonne maman, pais.

 

Tout le monde ne scait pas les mysteres de la guerre
de Paris : qui en est la source & la cause, & d’où elle
à pris son origine ? la voicy. Le Prince de Condé qui
ne cherche qu’a tout perdre, & à tout brouiller, auoit
gaigné la plus part du Parlement, afin d’oster la Regence
de la Reine & la prendre pour luy : au preiudice
du bon Duc d’Orleans qui souffre tout & n’en dit mot
& apres ce coup hardy, se deffaire de Mazarin. Quelques
vns du Parlement mesme de ceux qui au commẽcemẽt
furent de son party & receurent ses propositiõs,
en aduertirent la Reyne & le Cardinal : de sorte que le
dessein estant descouuert, le Prince de Condé qui enrageoit
de se voir trompé & ioué, resolut de perdre le
Parlement & se venger de ces perfidies qui écoutent
des aduis qu’ils n’executent pas, mais qu’en arriue il
autre chose sinon que le peuple porte la folle enchere
de la tyrannye des Princes, & des laschetez de personne
qui sont assez insollens pour choquer vn Sceptre
qu’il doit respecter & le pis de l’affaire c’est que personne
n’en ose parler, pais.

Le Duc d’Orleans de Prince du sang est deuenu monopoleur,
il n’a plus d’argent, ny pour iouer, ny pour
faire l’amour, la petite de Guerchy qu’il affectionne
passionnement & qui passe pour la plus jolie Damoiselle
de la Cour ne desire aucunement luy donner rien
que dans l’esperance d’en estre recompencée : & ne pas
faire comme les autres que ce Prince à baisee, & desquelles
il s’est mocqué par apres, en effect elle à raison
car comme elle se persuade n’en auoir iamais enfant,

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elle iuge qu’estant riche, elle en sera bien mieux mariee,
la Chasteté estant moins en estime que l’argent.
Mais n’en dites mot, pais.

 

Madame la princesse Doüairierre se resouuient de
ses vielles habitudes, comme elle est plus que iamais
maistresse d’elle mesme, & qu’elle n’apprehende plus
les violence d’vn mary, qui ne pouuoit souffrir que le
Cardinal de la Valette la caressa, elle s’estudie à se rendre
agreable vefue. De Grammont luy fait les doux
yeux, mais il ne gaignera de rien, elle desire vn ragoux
mieux assaisonné, & vn morceau plus delicat, Nous
ne sçauons si elle en trouuera, pais.

La Princesse de Condé met en deliberation & desire
scauoir ou elle trouuera les moyens de iouer des plaisirs
de mariage : Monsieur le prince n’a plus ny force, ny
volonté pour la baiser, d’estre sage cela ne se peut à la
Cour, & quand bien cela seroit posible, elle est trop
ieune pour le vouloir, elle à beau frequenter les Carmelittes,
elle n’y trouue ny galands, ny remedes à sa
passion d’amour. De Crequy le ieune qui est fort beau
Seigneur, il luy donne beaucoup de visites quelle recoit
auec grande satisfaction, il luy fait des complimens
quelle agree fort. Soyons discrets à l’endroit de
cette princesse, elle le merite bien, pais.

Le Grand Maistre commence à deuenir ialoux de sa
femme : ses goutes continuelles, & son impuissance
luy causent ces transports, & ces inquietudes : en dit
qu’il edrage [enrage] de peur d’estre Cocu apres en auoir fait
tant d’autre ; il se met bien en peine d’vne chose qui est
faite il y a long temps, & qui se fera encor sans qu’il le

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sçache, croit il donc qu’elle enfilloit des perles auec le
Marquis d’Vrphé, lors qu’vn soir il les rencõtra tout
deux qui se promenoient dans le Iardin de l’Arsenal à
heure induë. C’estoit dans le silence de la nuict, pais.

 

Pourquoy tant blasme la Reyne de ce qu’elle ayme
le Cardinal, n’y est elle pas obligée, s’il est vray qu’ils
soient mariez, & que le pere Vincent ayt ratifié & approué
leur mariage. Mais qu’ils le soient ou qu’ils ne
le soient pas : vne Dame peut elle hayr vn homme qui
est infatigable au ieu d’amour, & qui la contente parfaitement.
Dailleurs ce ne sont point la nos affaires,
l’aissons les faire l’amour, c’est l’vnique plaisir de la vie
le diuertissement des princes, l’occupation des honnestes
gens, sans celà les Courronnes sont d’espines,
& les Sceptres insuportables. Fermons la bouche, pais.

Entre ces Messieurs du parlement, il y en auoit plusieurs
qui faignoient estre du party du peuple, pour en
sçauoir le desseing & estoient gaignez par promesse ou
biens-faits de la Reyne ! Tous les iuges de Paris sont
corrompus ou le peuuent estre ? leur Balance se remuë
au mouuement du Cud d’vne putain, ils sont partisans
de Mazarin ; ils ne considerent les peuples que comme
des Victimes destinées à la mort ; de Iustice, ou de
soulagement d’eux, n’en esperez point : neantmoins
il ne le faut pas dire, pais.

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