LA
FRONDE
DV
PARLEMENT,
FATALLE AV
MAZARIN

ON a armé d’autrefois les Heros
de l’antiquité de diuerses
sorte d’armes, on a baillé des
lances aux vns des boucliers
des Picques & de massuës aux
autres, mais il faut que toute
la France aduouë que nos braues Senateurs
ont plus fait d’vn coup de Fronde que les Achilles,

-- 4 --

les Vlisses, les Ajax & les Hercules n’ont
fait auec toutes leurs armes & leurs massuës. Ils
n’ont point fait comme vne des premieres femme
apres le deluge qui en iettant des pierres ne
faisoit naistre que des Pigmées, ils n’ont point
imité par le ronflement de leur Fronde le
foudre de Iupiter, mais ils l’ont surpassé de
beaucoup, & quoy qu’on en conte le trébuchement
des Geans & de Phearon & autres
admirables effects, comme de casser los de la
iambe sans meurtrir la peau de geler vn muits
de vin d’vn costé & d’en consommer vn autre,
de casser & fondre Lacier d’vne espée sans gaster
le foureau, tout cela n’approche point des
grandes & admirables vertus qu’a eu nostre
Fronde Premierement tout le monde sçait que
des pierres quelle a iettées, il nous est venu
des Princes de Conty, de Longueville, Duc
de Beaufort, Duc d’Albœuf & ses enfans, Duc
de Boüillon, Duc de Brissac, Mareschal de la
Motte, Marquis de Noirmonstier, & tant d’autres
Seigneurs de Marque, qu’il faudroit vn volume
entier pour en faire le recit & vne éloquence
admirable pour rendre à leur vertu ce
quelle exige de tout le monde. Et quoy que le
bruit de leurs armes aye esueillé toute l’Europe
toute fois cela n’a point esté si estõnant ny

-- 5 --

miraculeux comme le premier coup de Fronde
chacun sçait que le Cardinal qui ne croyoit
point auoir d’armes à l’espreuue d’vne semblable
atteinte & qui en auoit eu frayeur le iour
des baricades se seroit retiré à S. Germain & expres
pour se conseruer auroit emmené le Roy,
la Reine, Monsieur le Duc d’Aniou, Monsieur
le Duc d’Orleans & Monsieur le Prince de Condé,
pour se couurir de leur protection, esperant
que S. Germain à cinq lieuës de Paris estoit hors
de la portée de la Frõde, & que quãd mesme elle
auroit plus fait que la meilleure couleuerine qui
arma d’autrefois la Rochelle, que le Parlement
qui a tresgrand respect pour le Roy, la Reine,
& pour tout ce qui est de la maison Royale ne
l’oseroit iamais attaquer, il ne se persuadoit pas
que la Frõde eut des vertus toutes particulieres
& que bien esloigné de toucher de sa pierre au
Roy & a l’Estat quelle scauoit adroictement
tuer celuy qui troubloit son repos & mettre
toute la maison Royale en sauueté, enfin par
experience il a cogneu la dexterité de nos braues
Senateurs il s’en est voulu vanger en nous
faisant venir des Polonnois & des Allemands
toutesfois il n’a point eu l’addresse de ruiner
ceux qu’il a creu estre ses ennemis, mais seulement

-- 6 --

de pauures pavsans de la campagne dont
les plaintes & gemissemens attirent encore l’ire
de Dieu sur luy. Mais le coup de Fronde n’est
point allé seulement à S. Germain, il a presque
fait bruit en tous les Parlemens du Royaume,
& a crié hautement a la Fronde, au mesme
temps que nos braues Bourgeois crioient aux
armes, il a resueille les Parlemens de Roüen,
Toulouze, Bordeaux, & autres inuincibles frõdeurs
qui de toutes parts ont frondé le Cardinal
& ses adherans il a fait mettre la main aux armes
à toute la noblesse & à toutes les Prouinces auec
vn tel respect toutefois pour tout ce qui regarde
la maison Royale & son authorité qu’õ ne scauroit
en alleguer la moindre blesseure, & c’est vn
miracle que dans vne conuulsion semblable
dans vne maladie & dans vne cangraine la plus
dangereuse qui aye iamais esté veuë dans l’Estat,
on coupe les mẽbres pourris sans toucher a ce
qui est sain & entier dans le corps cela fait biẽ
paroistre que c’est la Prouidence Diuine qui
nous gouuerne, & que l’Ange Gardien de la
France reside au milieu de cét Auguste Senat,
qui se sert de leur bras & de leur Fronde, comme
de son tonnerre pour abattre la tirannie, punir
les coulpables & sauuer les innocens. Enfin nous

-- 7 --

auons veu nostre Fronde mettre en possiere tous
ses voleurs publics de partisans, & d’vn coup de
Fronde renir encan public chez le Cardinal, &
exposer en venre ses meubles qui semblent estre
les despoüilles de tous les Roys de la terre, a fin
que par vn effect de Iustice de mesme mesure
qu’il auoit mesuré les autres il fut mesuté. Nostre
Fronde mesme apres auoir terrassé tout ce
qui s’est opposé à sa puissance elle a ietté quelques
pieres iusques aux entrailles de la terre, d’où
sont sortis plusieurs thresors, & en tel sorte qu’il
sembloit que le Perou fut dans Paris, tout cela a
seruy a payer des gens de guerre & à achepter
des armes pour nous deffendre contre l’oppression
de ces mauuais ministres ; enfin par ce discours
on voit les diuers effects de la Fronde qui a
esté admirable en toutes ses actions, & laquelle
plus noble que la lance d’Achilles n’a pas seulement
droit de guarir ceux qu’elle a blessé, mais
on a veu par experience qu’elle a donné vie &
vigueur aux Letargicqs, qu’elle a ressuscité des
morts, & qu’elle a rendu vaillands des timides.
On sçait encor qu’elle guerit les pauures peuples
oppressés par sa tyrannie, qu’elle remet les
exilés dans leurs biens, les Magistrats dans l’hõneur
de leur charges, & seureté de leurs personnes,

-- 8 --

qu’elle conserue les droits aux Princes, les
priuileges à la Noblesse, les charges aux gens
d’Eglise ; On sçait aussi que c’est la Fronde qui
a conserue ceste grande Ville de l’inuasion de
tous ces demons d’Estrangers, qui par le bon
ordre qui a esté mis on a sauué Paris d’vn carnage
espouuantable. Enfin pour le dire en vn
mot on voit par vne admirable conduicte du
Parlement que des tenebres on a puisé la lumiere,
c’est à dire de la guerre la paix, & du
desordre & de la confusion vne tranquillité assuré,
& non pas seulement vn repos certain
pour la France, mais on a ietté le plan d’vne
paix generalle qui se doit bien tost conclure
au grand auantage du Roy & de toute la Frãce.
Et de toute cela la Fronde en a le premier
& le plus grand honneur.

 

FIN.