Anonyme [1650], RESPONSE DE MESSIEVRS LES PRINCES AVX CALOMNIES & impostures du Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_3399. Cote locale : D_1_30.
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RESPONSE DE
Messieurs les Princes aux
calomnies & impostures du
Mazarin.

L’Ingratitude est le plus grand de tous les crimes,
mais particulierement lors qu’vn subjet oublie le
deuoir de sa naissance, & les faueurs qu’il a receuës de
son Roy, à plus forte raison les Princes du Sang ne sont
pas excusables sinon seulement, ils perdent le souuenir
des biens-faits dont leur Souuerain les a honorez :
Mais par vn esprit dereglé & insatiable, ne les acceptent
qu’en intention de se rendre plus considerables
pour en extorquer d’autres, & se fortifier contre
son authorité, que leur condition & les prerogatiues
de leur naissance les oblige de maintenir.

Messieurs les Princes de Condé, de Conty, & le
Duc de Longue ville ne se fussent iamais imaginé que
l’artifice du Cardinal Mazarin feust assez puissant pour
obliger la Reyne à se repentir de ses biens-faits, & à
mettre en doute leur fidelité, & par consequent ne
croyoient pas estre engagez d’entrer dans la iustification
de leur conduite & de leurs actions, pour tesmoigner
leur reconnoissance & se deffendre auec respect
de la calomnie de leur ennemy, & des reproches qu’il
leur fait faire.

Ils auroient estouffé leur iuste sujet de plaintes, &
n’auroient pas permis qu’elles passassent l’estenduë de

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leur donjons, s’il se fust contenté de la plus rigoureuse
Prison qu’ayent iamais souffert les plus criminels, qu’il
ne les eust pas attaquez dans la partie la plus sensible,
qui est leur honneur, & n’eust pas affecté par vne malice
sans exemple, de faire passer les plus belles actions
de leurs vies pour criminelles & pour des desseins formez
d’enuahir la Souueraineté.

 

Ce ne leur est pas vn petit aduantage, qu’apres auoit
trauaillé depuis si long-temps à dresser des memoires
de leur accusation, il aye esté reduit à leur reprocher
qu’ils ont hasardé les batailles & les victoires, qu’ils ont
remporté des victoires, qu’il aye esté contraint de faire
passer ces glorieuses actions pour des crimes, pour
des attentats à l’authorité, & à la Souueraineté, qu’il
aye esté obligé de calomnier leurs moindres pensées,
& mesme leurs entretiens de famille qu’il prend pour
des conjurations, de mal interpreter les conseils qu’ils
ont donné pour le bien du seruice du Roy, qu’il aye tenu
registre de leurs paroles, & que malicieusement il
leur donne vne interpretation contraire, & à leur sens
& à leurs bonnes intentions, c’est vn aduantage, dis-je,
qu’apres vne recherche si exacte, il aye luy-mesme reconneu
qu’vne Declaration composée de tous ces faits
qu’il met en auant, & de tous les bruits du peuple qu’il
ramasse auec tant de soin & qu’il exagere auec tant
d’artifice, n’auroit pas esté verifiée dans le Parlement,
& que pour cet effet dans vne occasion si importante,
il aye esté forcé contre l’ordre & contre ce qui s’est
tousiours pratiqué, d’auoir recours à vne Lettre de Cachet,
pout éuiter la deliberation ou plustost la censure
de cette Illustre Compagnie.

Mais puis que le Mazarin ne pardonne à aucune de
leurs actions, Monsieur le Prince est obligé de commencer
par la iustification de sa conduite dans son premier

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employ. Il le receut de la main du feu Roy dans
vne conjoncture bien importante au salut de la France,
en vn temps que l’esprit de ce Monarque qui auoit
tousiours animé le corps de cét Estat, commençoit à
défaillir, & que les ennemis esperoient auec beaucoup
de raison, que les diuisions qui naissant pour l’ordinaire
dans les Regences leur donneroient lieu de restablir
leurs affaires. Les nouuelles de la maladie du Roy,
que d’abord l’on iugea mortelle leur fit entreprendre
le siege de Rocroy, qu’ils considererent comme vne
place importante qui leur donnoit entrée dans le
Royaume, & moyen d’appuyer les partis qui se pouuoient
former sur les differentes pretentions qui
estoient à la Cour. Monsieur le Prince cogneut aussitost
leur dessein, & pour son coup d’essay, les preuint
par la plus grande & signalée victoire que iamais nostre
Nation aye emportée, ainsi l’on peut dire auec verité
qu’il a affermy le repos dans le Royaume & estably la
tranquillité de la Regence, en vn temps qu’elle sembloit
le plus menacée de desordre & de diuision. Si
son esprit eust esté passionné du desir de s’accroistre &
de faire des establissemens proportionnez à ses grands
desseins, dont l’on dit que deslors il ietta les premiers
fondemens, ne feust-il pas venu recueillr le fruict de
sa victoire, en vn temps auquel la Reyne n’auoit pas
vn plus grand plaisir que de donner, & sembloit pour
ainsi dire, vouloir consommer en peu de mois toutes
les graces & toutes les faueurs de la Regence ; Mais il
voulut que l’Estat seul profitast de ses trauaux par la
prise de Thionville, l’vne des plus fortes villes qu’occupast
lors le Roy d’Espagne. S’il eust employé autant de
temps à faire la Cour à la Reyne comme il en mit à l’entreprise
de ce grand siege. Sa Majesté luy eust d’elle-mesme
offert des recompenses plus grandes que celles

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qu’on luy reproche & qu’on l’accuse d’auoir attaché.
L’heureux succez de ce siege ne mit pas encore fin aux
fatigues de sa campagne, il estoit besoin d’arrester les
progrez des troupes de Bauieres, de fortifier l’armée du
Mareschal de Guebrian, & luy donner moyen de disputer
les quartiers de la Suabe ; les Regimens qui auoient
seruy au siege de Thionville estoient tellement fatiguez,
qu’ils eussent refusé de suiure tout autre General
que Monsieur le Prince, qui au temps le plus incommode
de toute l’année leur fit passer le Rhin, commencer
comme vne nouuelle guerre au plus fort de l’Hyuer,
dans vn pays rude, & contre des Nations belliqueuses
& aguerries.

 

Ie laisse à iuger si le Cardinal Mazarin à raison de dire
que Monsieur le Prince vsa mal de la gloire que le
feu Roy d’Auguste memoire luy donna moyen d’aquerir,
si nos maximes sont aussi seueres que celles des Romains,
si l’on luy doit faire son procez comme à cet
Ancien, pour auoir triomphé des ennemis de l’Estat,
& si enfin ce grand Ministre ne pouuoit pas auec la force
de son esprit, reparer les pretendus desaduantages
qu’il causa à la France par le gain d’vne bataille & la
prise de Thionville.

Le Cardinal Mazarin ne se contente pas de faire reprocher
toutes les graces que la Reyne a faites à Monsieur
le Prince, il la force de se souuenir des biens-faits
dont elle a recompensé la vertu & la fidelité de feu
Monsieur son Pere, qu’elle luy a donné les maisons de
Chantilly & de d’Aumartin, qu’elle luy a accordé la
permission d’acquerir les biens de Monsieur de Bellegarde ;
qu’aussi-tost qu’elle fust designée Regente
dans l’esprit du feu Roy, elle ordonna à ceux en qui ce
grand Prince prenoit plus de confiance, d’agir puissamment
pour luy faire obtenir les prouisions de la Charge

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de Grand Maistre, & l’entrée dans ses Conseils pour
y faire la fonction de Chef. Il n’estoit pas necessaire
d’estaller auec pompe toutes ses faueurs, qui semblent
estre diminuées par tous ces reproches, & que la Reyne
portée naturellement à faire du bien & de bonne
grace, auroit volontiers oublié, si en toutes occasions
Monsieur le Prince n’en auoit fait souuenir sa Majesté,
en luy representant la necessité & l’obligation qu’il
auoit d’en tesmoigner par ses seruices vne parfaite reconnoissance,
c’est encor auec déplaisir qu’il se voit
forcé pour le respect de la memoire de feu Monsieur le
Prince, qu’il semble qu’on veut charger d’ingratitude,
de dire que les maisons de Chantilly & de d’Aumartin
estoient de la succession de Monsieur le Duc de Montmorency,
& qu’ainsi feu Monsieur son Pere auoit
quelque raison d’esperer qu’on luy remettroit la confiscation
d’vn Beau-frere, qui n’auoit point d’autres
heritiers que luy, & que le Roy n’augmenteroit pas
son Domaine de trente mil liures de rente, au preiudice
d’vn Prince de son Sang, qui est tousiours constamment
demeuré dans les interests de sa Majeste & de
l’Estat.

 

Monsieur le Prince ayme mieux parler auec respect
& des sentimens d’obligation, de la permission que la
Reyne accorda à feu Monsieur le Prince, d’achepter
les biens de la succession de Monsieur de Belle-garde,
que de dire qu’ils estoient dans le commerce, qu’il y
auoit necessité de les vendre, & liberté quasi à toutes
sortes de personnes de s’en accommoder, il veut bien
encore demeurer obligé à sa Majesté des prouisions
qu’il pleust au Roy de luy accorder, de la Charge de
Grand Maistre de sa Maison, & de l’entrée dans ses
Conseils, en qualité de Chef, & ne doute pas que ce ne
fût vn effet du pouuoir que la Reine auoit sur son esprit,

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& de la deference que luy rendoit ce grand Prince, mais
il eust esté de la prudence du Cardinal Mazarin d’obmettre
de parler de cette derniere obligation, puis que
cela l’engage de representer la reconnoissance que feu
Monsieur le Prince en eut, que des personnes moins
reconnoissantes que luy pourroient balancer auec les
graces & les faueurs qu’on luy reproche.

 

Il est forcé de representer en cét endroit la deference
que feu Monsieur le Prince eut pour la Reyne, & le
consentement qu’il approta à changer les ordres que le
feu Roy auoit estably par sa Declaration, pour le gouuernement
de l’Estat pendant la Regence. Tout le
monde sçait qu’il auoit formé vn Conseil necessaire,
& qu’il partageoit tellement l’authorité entre ceux qui
auoient l’honneur d’y estre appellez, par le iugement
de ce grand Prince, qu’il n’y auoit que la pluralité des
suffrages qui deust faire passer les deliberations ; sa
naissance & sa capacité luy auoient donné la troisiesme
place, & l’on peut dire auec verité, que son merite,
son application & la cognoissance qu’il auoit des affaires
luy eussent donné le principal credit. Cependant
il renonça à tous les aduantages que luy donnoit cette
Declaration du Roy verifiée en Parlement, afin d’establir
l’authorité de la Regence, qui ne pouuoit passer
en la personne de la Reyne que par le consentement
qu’il y apporta, & en se relaschant d’vn droit qui
luy estoit acquis, ce que le Parlement recogneut si veritable,
qu’il l’en voulut remercier par la bouche de
Monsieur le premier President, & du sieur Talon Aduocat
du Roy, & reconnoistre sa generosité en le declarant
Chef des Conseils en l’absence de Monsieur le
Duc d’Orleans.

Ie laisse à iuger s’il ne s’aquitta pas en cette occasion
des bons offices que la Reyne luy auoit fait rendre

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aupres du feu Roy, si la souueraine authorité qu’il
remit à la Reyne & qu’il auoit l’honneur de partager
auec elle, ne meritoit pas le don du Domaine de Chantilly
& de d’Aumartin, & si l’on a deu encore aujourd’huy
le reprocher & le mettre sur le compte de Monsieur
le Prince, mais puis que insensiblement l’Autheur
de la Lettre du Roy nous a iettez sur ce sujet ? ie
demande si le Cardinal Mazarin a peu emprunter l’authorité
de la Reyne pour emprisonner, pendant la minorité
du Roy, trois Princes, dont le premier ayant
succedé à tous les honneurs, titres & dignitez de feu
Monsieur son Pere, est par consequent Chef des Conseils
du Roy. Le second en qualité de Prince du Sang
est Conseiller n’ay, & appellé par sa naissance plustost
que par eslection, à toutes les deliberations importantes :
Et le troisiesme auoit esté choisi par le feu Roy, &
auoit obtenu vne Declaration particuliere pour estre
admis en qualité de Ministre necessaire dans le Conseil
souuerain, qu’il auoit luy mesme estably par sa Declaration.
Ie demande si ç’a esté l’intention de Monsieur
le Duc d’Orleans & de Monsieur le Prince, d’establir
l’authorité de la Reyne absoluë, & mesme contre
leurs personnes ? s’ils luy ont voulu ou pû donner
ce droit & ce Priuilege contre eux mesmes, si Messieurs
les Princes du Sang qui sont Conseillers necessaires de
la Regence y sont soubmis, si le mesme Arrest du Parlement
qui confirme la Regence, ne les declare pas
aussi Lieutenans Generaux de l’Estat & chefs des Conseils,
si leurs fonctions n’est pas absolument necessaires,
quoy que subordonnée à vne puissance Superieure,
enfin si leur condition est si miserable que d’estre
exposée aux passions & aux vengeances d’vn Ministre
qui s’est emparé d’vne authorité, qui mesme pendant
la minorité a ses bornes & ses limites.

 

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Ce n’est pas que M. le Prince pense par toutes ces
raisons à diminuer le prix de toutes les graces que feu
Monsieur son Pere a receuës de la bonté de la Reyne, il
proteste au contraire qu’il n’est pas possible d’en auoir
plus de recognoissance, il ne veut pas dire aussi que le
Gouuernement de Champagne fust le prix & la recompense
de la bataille de Rocroy, & qu’vn Prince du
Sang qui exposoit si librement sa vie pour la gloire de
l’Estat, & qui conqueroit des Prouinces entieres,
pouuoit bien en pretendre vn de son chef, que la
prise de Thionville, ses Conquestes d’Allemagne lors
que nos affaires y sembloient le plus desesperées,
apres la mort du Mareschal de Guebrian & la défaite
Doncourt, les trois combats de Fribourg, les plus
grands & les plus opiniastrés qui ayent iamais esté donnez,
où l’on a eu le plus besoin de la prudence, du
courage & de l’authorité d’vn Prince, qu’on vit cent
fois meslé l’espée à la main auec les ennemis, qui parut
à la teste de toute l’Infanterie, arrachant luy mesme
les Pieux des retranchemens, que nostre Caualerie
suiuit perçant les bataillons des troupes qui auparauant
auoient tousiours esté victorieuses, que ses trois
victoires remportées par trois iours consecutifs, la conseruation
de Brissac, qui sans cela tomboit entre les
mains de l’ennemy, la prise de Philisbourg & de tant
d’autres places sur le Rhin, la bataille de Norlinguin,
qui vengea l’affront de Mariental, & fit perir le plus
grand General qu’eussent les ennemis, les soins qu’il
prit à la campagne de Courtray, de bien executer les
ordres que Monsieur le Duc d’Orleans luy donnoit, la
diligence, & l’actiuité qu’il fit paroistre à la veuë d’vn
si grand General, le danger qu’il courut à la prise de
Mardik, le bon-heur qu’il eut, de faire reüssir les desseins
de son armée au rauitaillement de Courtray, la

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conseruation des places du Lis, la prise de Furnes, &
de Dunquerque, que tout cela dis-je, luy deuoit faire
obtenir les establissemens qu’il trouuoit dans sa maison,
qui vacquoient par la mort de feu Monsieur son
Pere, & qu’on auroit donné à vn Prince de sa naissance
qui n’auroit iamais seruy l’Estat.

 

Il ose mesme aduancer qu’vne personne de moindre
condition que luy pouuoit prendre confiance en la
bonté de la Reyne, & conseruer quelques pretentions
sur la Charge de Sur-Intendant des Mers, vaquante par
la mort du Duc de Brezé son Beau-frere, tué dans vn
combat Naual, dans le Champ de gloire & triomphant
en mourant des ennemis de l’Estat, tandis que de son
costé il faisoit triompher les armes du Roy, qu’encore
que son Altesse Royale qui estoit tesmoin du seruice
qu’il rendoit luy en donnast les premieres pensées, &
l’asseurast de sa protection en ce rencõtre, que tous ces
aduantages ne luy ont point fait demander à la Reyne,
ses graces & ses faueurs plus hautement, ny auec plus
de presomption, qu’il n’a iamais manqué de respect ny
ne s’est pas mesme plaint, lors qu’on luy en a refusé
quelques-vnes, ou que pour obtenir les gouuernemens
de feu Monsieur son Pere on l’a obligé de rendre celuy
de Champagne, qui estoit le prix & la recompense de
ses victoires, & qu’il a receu les autres auec toute la
soumission, la defference & le ressentiment qu’eust pû
auoir le moindre Gentil-homme du Royaume.

Il ne dira pas que tous les grands seruices qu’il a
rendu à l’Estat, n’ont seruy qu’à luy conseruer les establissemens
qu’il a trouué dans sa maison, qu’il n’a rien
obtenu de nouueau qu’vne possession contesrée des
gouuernemens de Clermont, Iamets, & Stenay,
pour laquelle mesme l’on a demandé la renonciation
à la charge de Sur-Intendant des Mers, vacantes par

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la mort du Duc de Brezé. Il sçait bien qu’il deuoit à
l’Estat tous ses seruices, & qu’il ne peuuent point diminuer
sa reconnoissance enuers la Reyne, qui par vn
pur motif de bonté & de generosité les a voulu reconnoistre
& l’en recompenser ; Il luy suffit qu’on croye
qu’il ne s’est iamais separé de ses interests, qu’il n’a iamais
pensé de se mettre en estat de luy resister, ny pas
mesme de luy donner le moindre ombrage de sa puissance
qu’il ne s’estoit accreuë, qu’en fortifiant celle de
fa Majesté, à laquelle elle a tousiours esté veritablement
soûmise, que tout ce qu’on debite pour rendre
sa conduite suspecte, est imposture & calomnie inuentée
par le Cardinal Mazarin. Tantost il l’accuse d’auoir
oublié le deuoir de sa naissance, & de s’estre voulu faire
Souuerain, tantost il dit qu’il auoit demandé vne
Armée pour aller conquerir la Franche-Comté, à condition
de la tenir en Souueraineté, tantost qu’il auoit
demandé les places maritimes de Flandres auec vne pareille
condition, qu’il auoit eu dessein de faire Monsieur
le Prince de Conty Coadjuteur de l’Euesché de
Liege, tantost qu’il a pretendu au gouuernement de
Mets, lors qu’il a creu Monsieur de Schomberg en
quelque peril de sa vie, tantost qu’il a traitté auec l’Ambassadeur
de Monsieur le Duc de Mantoüe, pour acheter
la Principauté de Charleville, & qu’il a fait negotier
auec le sieur d’Aigueberre pour la recompense du
gouuernement du Mont-Olimpe.

 

Il faut de necessité que le desir de Souueraineté
n’aye pas esté bien violent, ou que ce dessein n’aye pas
esté bien auant dans son esprit, ayant cherché tant de
fortes d’establissement, & si differends les vns des
autres. Il s’en fust sans doute tenu à la conqueste de
la Franche-Comté pour restablir en sa personne les
puissances des Ducs de Bourgogne, & la pretension

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de Graueline, Dunquerque & Furnes, si esloignées
de tout autre establissement, ne luy eust pas fait perdre
fon premier dessein s’il l’eust conceu auec quelque sorte
de resolution de le faire reüssir. Ces differentes demandes
font assez connoistre qu’il n’auoit pas pris aucun
dessein de Souueraineté, qu’il ne cherchoit ses
establissemens que par des voyes iustes & legitimes, &
qu’il souffroit vn refus auec patiẽce, puis qu’on aduouë
qu il a changé de demande, pour s’accommoder plus
aysément à la volonté de sa Majesté & aux raisons d’Estat,
qu’elle auoit la bonté de luy faire connoistre ; Ce
n’a iamais esté vn crime d’auoir des pretentions, d’employer
pour les faire reüssit des moyens iustes, authorisez
par l’vsage des prieres, des respects & des soumissions,
comme l’on voit qu’il a tousiours fait ; Mais c’est
vne impertinence, vne faute inexcusable au Cardinal
Mazarin, d’auoir conseillé qu’on lezast vn Prince dont
la fidelité luy estoit suspecte.

 

Mais pour respondre plus particulierement à toutes
ces accusations. Il est estrange qu’on luy fasse vn crime
des conseils innocens qu’il a donné de conquerir la
Franche-Comté, sans autre dessein ny interest, que
d’agrandir le Royaume d’vne Prouince considerable,
& dont la situation est si auantageuse pour la corseruation
des places que nous tenons sur le Rhin, qui sans
cela demeurent exposées aux forces d’vne puissante nation,
& presque sans esperance de secours, particulierement
si pour le bien de la paix nous rendions la Lorraine
au Duc Charles. Monsieur le Prince n’en a iamais
demandé la Souueraineté, cette demande eust
esté criminelle, bien est-il vray que le Cardinal Mazarin
ayant intention de diminuer le credit & la reputation
qu’il s’estoit aquise dans le commandement des
armées, luy proposa l’entreprise du Royaume de Naples,

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en vn temps auquel la negligence ou la malice de
ce Ministre, auoient fait perdre toutes les occasions de
la faire reüssir, & que pour luy engager il le voulut flatter
de la Souueraineté de ce Royaume, ce que Monsieur
le Prince rebutta, en disant, qu’il y en auoit de
plus faciles à conquerir & plus à sa bien-seance, cette
pensée mesme si elle est criminelle, mourut dans son
esprit aussi tost qu’elle y eut pris naissance.

 

C’est vne autre supposition du Cardinal Mazarin dedire,
dire, que Monsieur le Prince a demandé à se rendre
Souuerain des places de Graueline, Dunquerque &
Furnes, & que sur la madie de Monsieur de Chomberg
l’on a tenu vn conseil de famille, dont le resultat
a esté de demander pour Monsieur le Prince de Conty
le gouuernement de la ville de Mets & pays Messin, il
est estrange que pour mieux colorer cette imposture
l’on fasse passer pour des conspirations contre l’Estat,
les entretiens innocens que Monsieur le Prince a tenus
dans sa famille, & qu’on preuienne la liberté qu’on
peut auoir de croire que ces assemblées se sont faites
pour quelque interest domestique, les Princes sont auiourd’huy
de mauuaise condition, de ne pouuoir plus
auoir de conuersation auec leurs proches qui fait la
meilleure partie de la societé.

Pour ce qui est des places maritimes, non seulement
il ne les a iamais pretenduës en Souueraineté, mais il
est obligé de reconnoistre que c’eust esté manquer de
respect pour Monsieur le Duc d’Orleans, d’en auoir la
moindre pensée, l’on doit Graueline & Mardik aux
soins de son Altesse Royale, & la prise de Furnes & de
Dunquerque ne furent que l’execution des ordres
qu’il laissa à Monsieur le Prince en partant de l’armée ;
ainsi l’on peut dire que c’eust esté prendre le
fruit des trauaux de son Altesse Royale, dont Monsieur

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le Prince n’auoit pas besoin pour faire valoir ses
seruices, & qu’il a tousiours voulu releuer en diminuant
les soins qu’il prenoit pour les faire reüssir.

 

Veritablement il aduouë, qu’il a escouté les propositions
de l’Ambassadeur de Mantouë, pour l’achapt
de la Principauté de Charleuille qui est commandée
du Mont Olympe, & n’est pas capable de donner la
moindre ialousie. Il n’a receu autre obstacle en ce
dessein que celuy qu’à fait naistre le Cardinal Mazarin,
qui se disant creancier de la somme de huit cens mille
liures, qui fut tirée de l’espargne & donnée des deniers
de sa Majesté à la Reyne de Pologne lors de son mariage,
a fait son possible pour se faire adiuger cette Principauté,
au preiudice de l’interest du Roy, à qui seul
appartient les droits de cette Reyne, le Cardinal Mazarin
qualifie ce vol de huit cens mille liures qu’il a fait
au Roy, pour se rendre maistre de cette Principauté,
vne adresse merueilleuse & in comparable, dont il se
vante de s’estre seruy pour faire naistre des difficultez
sur le prix & empescher la conclusion du Traitté de
Monsieur le Prince.

Pour ce qui est du Mont-Olympe, Monsieur le Prince
n’a iamais pensé de s’en accommoder ny pour luy,
ny pour aucune de ses creatures, & le sieur d’Aiguebere,
qui est homme d’honneur, peut rendre témoignage.

Il demeure d’accord d’auoir parlé en faueur des Liegeois
attachez aux interests du Roy, & d’vne partie des
Chanoines de sainct Lambert, qui auoient resolu d’obliger
la France en la personne de Monsieur le Prince
de Conty, qu’ils songeoient de faire eslire Coadjuteur
de l’Euesché : Ce n’est pas vn crime de rechercher les
interests de sa maison, particulierement quand ils sont
joints à ceux de l’Estat, & Monsieur le Prince ne croit
pas auoir commis vn attentat contre l’authorité Royale,

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pour auoir proposé à la Reyne, Monsieur le Duc
d’Orleans & au Cardinal Mazarin, d’enuoyer à Liege
les troupes que Roze auoit leué en Allemagne, &
celles qu’on auoit tirées des places que nous tenions
sur le Rhin, qui ne rendoient pour lors aucun seruice à
l’Estat, il proteste que ce qu’il en fit fut plustost pour
le bien du seruice du Roy & la reputation de nos affaires,
qu’ils consideroient principalement que pour les
aduantages que Monsieur le Prince de Conty en eust
peu receuoir, qui estoient esloignez, qui presuposoient
qu’il fust pourueu d’vn Canoniquat en cette Eglise,
& vne residence de deux ans en la ville du Liege, &
qui dependoient puis apres de l’esprit des Chanoines
& des peuples qui sont fort changeant, il persiste encore
en sa premiere erreur, & croit qu’il estoit important
au seruice du Roy de secourir cette Ville, quand bien
Monsieur le Prince de Conty en eust deub estre esleu
Coadiuteur, que c’estoit vn aduantage à la France de
donner aux Liegeois vn Prince du Sang de nos Rois,
qu’en tout cas il falloit tousiours maintenir le party
François, à qui l’on auoit promis protection, & qu’on
a laissé exposé aux ressentimens de Monsieur l’Euesque
du Liege & à ceux de la faction d’Espagne,
que cette diuersion estoit plus considerable & plus importante
que celle qu’on fit dans le Luxembourg
auec les mesmes troupes ; en effet les ennemis ont tiré
& tirent encore le fruit des resolutions contraires,
que le Cardinal Mazarin fit prendre ; les troupes de
Lorraine ont pris leur quartier d’Hyuer en cét Euesché
fertile & abondant, & scitué commodément
pour profiter des licentiement des troupes d’Allemagne,
par ce moyen les Prouinces du Roy d’Espagne
ont esté soulagées, & seront par consequent plus
en estat de contribuer pour la continuation de la

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guerre, Monsieur le Prince ne s’estoit point plaint des
artifices dont le Cardinal Mazarin se seruit pour empescher
l’execution de ce dessein, au contraire, apres
auoir tesmoigné ses sentimens, il fit paroistre tant d’indifference
que Monsieur le Prince de Conty s’en plaignit
& luy en fit quelques petits reproches.

 

Le Cardinal Mazarin apres nous auoir representé
Monsieur le Prince bruslant du desir de mettre toutes
ces Souuerainetez en sa Maison, nous le fait paroistre
sous vn autre visage & auec vn autre dessein. Il dit qu’il
veut mettre si bas l’authorité Royale qu’il puisse en
tout temps resister à la volonté du Roy, ietter impunément
le trouble & la guerre dans l’Estat selon ses interests
& ses caprices. Il veut que l’on ne prenne plus
que sa voye pour paruenir aux honneurs, est deuenu liberal
de caresses, tasche par toutes sortes de moyens
de faire des creatures, fait passer ceux qui se donnent
à luy pour des gens de merite, & ceux qui se tiennent
attachez au seruice du Roy pour des lasches & des
gens de rien, c’est alors que ceux qui se sont déuoüez
à ses interests sont deuenus en vn instant de grands
personnages, & pour rendre parole pour parole, s’estoit
vne voye seure de passer du neant au merite, & de
l’inhabilité à la suffisance.

Le Cardinal Mazarin aura peine à nous persuader,
que ce grand abaissement de l’authorité Royale vienne
plustost des entreprises de Monsieur le Prince, que
de sa mauuaise conduite ; premierement ie demanderois
à ce grand Personnage, qui pretend estre le modelle
des parfaits Ministres, pourquoy il a souffert que
cette authorité fust entamée, & que ce lien sacré qui
tient les Subjets attachez & soûmis, aye esté relasché,
pourquoy n’a-il pas conserué ce respect. Cette veneration
& cette marque inuisible de la puissance Royale,

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plus forte pour la faire obeyr que toutes les armées :
En second lieu ie luy demande si l’on ne connoissoit
pas son insuffisance & son incapacité auparauant que
Monsieur le Prince prit aucune part aux affaires, si
l’on ne sçauoit pas que toute sa Politique ne consistoit
qu’en des fourbes & des artifices, qui ne seruent qu’à
gaigner quelque temps & laisser les affaires incertaines
& sans conclusion, & qui laissent tousiours du méprix
d’vn Ministre qui s’en sert. En troisiéme lieu qui
ne sçait que lors que le Cardinal Mazarin souffroit que
le Parlement gagnast credit par de continuelles deliberations
qui engageoit les Officiers & les peuples
dans ses interests, Monsieur le Prince s’opposoit aux
Ennemis de l’Estat, & que le Cardinal Mazarin ne
perdoit pas par sa mauuaise conduite le fruit de la bataille
de Lens ; qu’il n’estoit pas à Paris lors que cette
Vnion solemnelle fut iurée entre les Compagnies
Souueraines. Il eust esté d’auis ou de n’y apporter aucune
resistance, pour la laisser dissiper d’elle-mesme auparauant
qu’elle conneust ses forces, & n’eust pas conseillé
de faire vn exemple sur Messieurs du Grand’-Conseil
& de la Cour des Aydes qui estoit iniuste, qui
n’a seruy qu’à faire paroistre la foiblesse des resolutions
du Conseil d’Enhaut, & à fortifier le Parlement,
que l’authorité Royale receut le dernier coup dans
l’entreprise qu’on fit contre Monsieur de Broussel, dés
lors qu’il la sçeut il la desaprouua, non pas seulement
parce qu’on auoit pris vn iour sanctifié par vne action
de grace qu’on rendoit à Dieu pour la victoire de Lens ;
Mais dautant que cette action luy semblast tousiours
iniuste, violente, entreprise & conduite auec imprudence.
A son retour de la campagne, il employa tous
ses soins pour pacifier tous les differents que le Parlement
auoit auec le Conseil, & trauailla si heureusement,

-- 19 --

qu’enfin l’on demeura d’accord de la Declaration
du vingt deuxiéme Octobre, qui fut vn ouurage
absolument necessaire pour restablir la confiance. S’il
eust eu dessein d’aneantir l’authorité du Roy, s’il eust
pensé à se fortifier contre sa puissance, il eust ménagé
Messieurs du Parlement, se feust trouué à leurs deliberations,
les eust fortifiez par sa presence, eust appuyé
les demandes qui faisoient à la Reyne, d’esloigner le
Cardinal Mazarin, & le consentement qu’il y eust apporté,
eut ratifié la forme de le demander, qui seule a
esté improuuée par quelques-vns, tout le monde au
fond estant demeuré d’accord que ç’eust esté le bien de
l’Estat de se défaire d’vn si impertinent Ministre.

 

S’il eust recherché les occasions d’exciter vne guerre
ciuile, comme l’on l’en accuse, eust-il méprisé celle
qu’auoit fait naistre le Cardinal Mazarin, la plus
aduantageuse pour contenter vn esprit ambitieux, qui
aye iamais esté ; le party estoit tout formé, le Parlement
de Paris estoit declaré, tous les autres s’interessoient
en sa conseruation, les peuples suiuoient leurs
mouuemens, il n’auoit qu’à se mettre à la teste des
troupes, il couroit à vne victoire certaine, prenoit
des establissemens solides & asseurez qui n’eussent
plus dependu du caprice & de la ialousie d’vn Fauory ;
Mais il a preferé à tous ses aduantages le bien du seruice
du Roy & de l’Estat, qui consiste au maintien de
la puissance du Souuerain & à la conseruation des loix
fondamentales du Royaume & des Parlements qui en
sont depositaires. Dés lors que Monsieur le Prince a
trouué ce iuste temperamment qui conseruoit l’authorité
Royale, & faisoit la felicité des peuples, si elle
n’eust pas esté corrompuë par la malice du Cardinal
Mazarin. Il a souhaité la paix & de mettre fin à
vne guerre qui ne pouuoit establir sa puissance que

-- 20 --

par vne desolation publique.

 

Mais supposé qu’en assistant les Parlements il eust
trouué l’authorité & le pouuoir d’vn premier Prince
du Sang, moins libre & vn peu trop dependant de ses
Compagnies, n’a-il pas encore eu vne occasion plus
fauorable de se faire Chef de Party, de prendre les armes,
de commander seul, d’engager toutes les Compagnies
du Royaume & tous les bons François, ou directement
ou indirectement dans ses interests, de s’attirer
la faueur, les vœux, & les acclamations des peuples,
de mettre le plus grand nombre des gens de guerre
de son costé, ne le pouuoit-il pas, en demeurant
ennemy dés l’heure du Cardinal Mazarin, n’auoit-il
pas pris le pretexte le plus beau & le plus plausible & le
mieux receu qui ait iamais esté, tout le monde tournoit
de son costé, & l’on auoit abandonné la fortune de ce
Ministre, qui fut contraint de feindre vne maladie,
pour couurir la honte de se voir si negligé, les peuples
reuenoient de l’aduersion qu’ils auoient tesmoignée
pour Monsieur le Prince pendant la guerre, & ils
commençoient à dire qu’ayant eu la gloire de soustenir
l’authorité Royale, il ne luy restoit plus à obtenir
que celle de chasser ce Perturbateur du repos public,
qu’il s’estoit conseruée contre la force des peuples & la
puissance des Parlemens.

S’il eust eu ces desseins de Souueraineté dont on
l’accuse, eust-il perdu des occasions si fauorables, &
eust il dit à ses seruiteurs qui luy conseilloient de ne
se point reconcilier auec le Cardinal Mazarin, que
n’ayant peu obtenir de la Reyne qu’elle le chassast, &
affermit par son esloignement la tranquilité publique,
il estoit obligé de prendre les armes, & faire vn
Party, ou d’obeyr à sa Majesté, & se r’accommoder
auec luy, & qu’il aimoit mieux accepter ce second party

-- 21 --

quoy que le moins honnorable & le moins seur, que
de mettre le feu dans tout le Royaume pour perdre son
ennemy.

 

Apres qu’il a refusé de se preualoir de deux occasions
si aduantageuses, pour faire reüssir les desseins
dont on le veut rendre coupable, qu’il s’est deffendu
contre son propre merite & contre son pouuoir, est-il
possible que la malice du Cardinal Mazarin soit si
grande, que de l’accuser de s’estre voulu cantonner
d’auoir voulu gagner les affections publiques, d’auoit
empesché qu’on ne vint aux honneurs par d’autre voye
que par la sienne, d’auoir esté liberal de caresses, de
s’estre fait des Creatures aux despens du Roy, d’auoir
attiré dans son Party tous les mécontens, à dessein de
se preparer les moyens de paruenir à vne Souueraineté
par la guerre Ciuile.

Les demandes qu’il a faites pour ses Creatures, &
pour rendre au Traducteur de la Lettre, l’expression
des belles pensées du Cardinal Mazarin, la protection
qu’il a donnée aux delinquents, & l’adresse de faire passer
les gens du neant au merite, de l’inhabilité à la suffisance,
n’estoit-ce pas de beaux moyens & fort considerables
au prix de ceux qu’il a rejettés. Qu’on luy fasse
au moins cette iustice apres vne accusation si calomnieuse,
& vne persecution si violente, qu’on demeure
d’acord d’vne verité, qu’apres la Bataille de Lẽs il auoit
l’estime de tous les peuples, qu’il pouuoit se la ménager,
& qu’il a voulu perdre des temps & des coniectures
qui le menoient à grands pas à la Souueraineté, & non
pas ces petits moyens qu’on luy obiecte, & qui paroistront
ridicules aux personnes de sens. L’on ne peut
pas nier que sa naissance, son merite, sa valeur, ses seruices
qu’il auoit rendus à l’Estat, n’eussent mis dans
l’esprit des François toutes les dispositions necessaires

-- 22 --

à l’aymer, & que s’il eust pris peine de les cultiuer par
des soins affectez & par vn engagement à leurs interests,
il pouuoit passer pour le Heraut des Parisiens,
les interesser dans sa fortune, faire retentir son nom,
crier des viue Condé, dans les places publiques, au
milieu des ruës parmy les allegresses, les festins & les
resioüyssances. Il luy suffit que les honnestes gens
prennent ces accusations pour des calomnies, il ne se
répend point de sa conduite, & ne croit pas que ces
soins, ces adresses de gagner le peuple soient legitime
dans vne Monarchie, quoy que necessaires peut-estre,
à ceux qui s’en sont seruis pour se maintenir contre la
violence du Mazarin : & quoy qu’apparemment ils puissent
iuger par sa Politique & par l’exemple de ce qui
s’est passé, que deux ans de cabale & de faction l’eussent
mis à couuert de ses entreprises, & luy eussent procuré
la faueur & l’estime de la Reyne, il ne voudroit pas
l’auoir acquis par ces moyens, ny auoir donné au public
cet exemple, qui peut auoir des suites fascheuses que
la posterité n’approuuera pas, & qui fera paroistre
l’imprudence & le déreglement d’esprit du Ministre
qui gouuerne.

 

Mais pour faire connoistre que ses soupçons sont
sans fondement, c’est que ses accusations se destruisent
d’elles-mesmes. En vn endroit le Cardinal Mazarin
veut faire le procez à Monsieur le Prince pour auoir
pris soin dis-je, de gagner grand nombre de creatures,
en vn autre il dit qu’il suffoquoit la liberté des
Conseils par vne maxime d’agir impetueuse enuers
les Ministres qui ont l’honneur d’y assister, qu’il auoit
menacé de faire roüer de coups de baston dans Paris,
les Deputez du Parlement de Prouence, qu’encore
que tout ce que la Bourgogne fournissoit auec beaucoup
de ponctualité, fust entierement absorbé par luy

-- 23 --

& par les siens, il y exerçoit vne puissance qui faisoit
gemir sous son oppression tous les peuples ; que la Prouince
de Champagne ne receuoit pas de Monsieur le
Prince de Conty vn plus fauorable traittement, tous
les Bourgs & Villages, &c.

 

Ie demande au Cardinal Mazarin qui debite par tout
sa iudicieuse Lettre enuoyée au Parlement, qui à peine
à souffrir que le sieur Lionne son Secretaire, assisté
du puissant Genie du sieur Seruient, prenne part à
la gloire de cette piece d’eloquence, qui se vante d’en
auoir dressé des memoires vn mois auparauant sur le
Registre qu’il tient des fausses accusations, & qui ne
leur veut sçauoir gré que d’auoir contribué aux ornemens
de ce bel Ouurage, par le choix & arengement
de quelques paroles. Ie demande à ce penetrant Ministre,
si c’est le mesme Prince qu’il vient d’accuser
d’estre prodigue de caresses & d’auoir voulu monter
aux honneurs de la Souueraineté en gagnant l’esprit
des peuples. Ie luy demande si celuy qui nous vient de
representer comme vn Duc de Guise ou vn Duc de
Mayenne, est deuenu si fier, si morguant & si peu sociable,
& comme il est changé en si peu de temps, il
offense les Ministres en presence de la Reyne, il menace
les Deputez d’vn Parlement, il abandonne son Gouuernement
& celuy de Monsieur son Frere, à la fureur
des gens de guerre ? sont-ce là des moyens de s’acquerir
des seruiteurs & des Creatures, de passer d’vne condition
de Subjet à celle de Souuerain, de se rendre
maistre de la Bourgogne, mais plustost le Mazarin n’est-il
pas ridicule d’auancer des faits si contraires.

Pour respondre à la premiere accusation qui regarde
les mauuais traittemens faits aux Ministres du Conseil
du Roy, il auouë que ce presomptueux pendant la
Campagne derniere fit deux ou trois propositions si ridicules

-- 24 --

qu’il ne peut s’empescher d’en sourire, la premiere
de conseruer Condé, qui est au milieu du pays
ennemy, ouuert de tous costez, & y laisser quatre mil
hommes en garnison, sans y faire aucune fortifications ;
la seconde fut d’attaquer Cambray vn mois
apres qu’il fut secouru & pourueu de toutes les choses
necessaires pour sa deffense. Le Cardinal Mazarin appelloit
cette entreprise vn grand dessein, vn coup hardy
& seul capable de faire connoistre aux ennemis la
puissance de la France ; la troisiéme d’assieger Nieuport,
quoy que nous fussions dépourueus de toutes
choses, & particulierement des vaisseaux pour empescher
le secours de mer.

 

M. le Prince aduouë qu’il ne receut pas ces propositions
auec tout le respect qui estoit deu au puissant raisonnement
de son Eminence. Mais en toutes les autres
occasions, il a écouté l’opinion de ceux qui ont l’honneur
d’assister au Conseil du Roy auec beaucoup de retenuë,
de patience & de moderation. Il ne se souuient
pas mesme d’auoir insisté plus d’vne fois pour faire passer
son aduis, qui fut sur le suiet de la paix de Bordeaux
que le Cardinal Mazarin taschoit d’empescher par toutes
sortes de moyens, & faisoit puissamment agir tous
ses amis dans le Conseil du Roy pour rompre cét accommodement,
ce qui obligea Monsieur le Prince de
parler à Monsieur de Villeroy auec vn peu de fermeté,
dont deux iours apres il luy fit des excuses, l’asseurant
que le malheur de cette Prouince, exposée au rauage
des gens de guerre, la crainte du desespoir des peuples,
& le desir de voir la tranquilité publique restablie par
tout, auoit seule esté cause de ce que son discours auoit
paru vn peu plus animé qu’à l’ordinaire, pour ce qui regarde
les Deputez du Parlement de Prouence, le sieur
Tournet agissoit le plus puissamment & portoit tous les

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jours au Parlement de Paris, les plaintes de sa Compagnie
contre Monsieur le Comte d’Alaix, il a eu l’honneur
de voir Monsieur le Prince plusieurs fois, & a
tousiours esté accueilly auec beaucoup de ciuilité, quoy
qu’il eust sujet de se plaindre des nouuelles demandes
qu’il faisoit, contraires à la Declaration du Roy, acceptée
& verifiée dans le Parlement ; Mais il y a lieu de
s’estonner de ce que le Mazarin ose faire ces reproches
à Monsieur le Prince, apres qu’il a souuent excité
Monsieur le Duc de Candale de faire perir le sieur
Guyonnet deputé du Parlement de Bourdeaux.

 

Pour la Prouince de Bourgogne ie ne sçay qui a si
bien persuadé au Cardinal Mazarin sa ponctualité, cette
pretenduë ponctualité n’empesche pas neantmoins
qui ne soit deub à Monsieur le Prince deux années de
ses appointemens, & cinquante mil escus qu’il presta à
la Reyne il y a deux ans, dont il a souffert le changement
de l’assignation, pour ne pas empescher des despenses
de l’Estat, qui sembloient encore plus pressées
que ses pensions & son remboursement. Il s’estonne
qu’on luy fasse ce reproche, n’ayant que les mesmes appointemens
que feu Monsieur son Pere, & n’ayant fait
aucune leuée dans son gouuernement : L’on void bien
dans cette occasion qu’il n’a pas thesorisé, quoy que la
despense de sa maison aye tousiours esté tres moderée.
Il ne croyoit pas que ce fust vn sujet de plainte, d’auoir
souffert dans cette Prouince des quartiers d’hyuer, pour
obliger par son exemple tous les autres Gouuerneurs
d’en faire autant, l’ordre y a esté si exactement obserué
que les mesmes Regimens ont pris toutes les années
leurs quartiers dans les mesmes lieux, ce qui fait assez
paroistre le soin qu’on a eu de les conseruer.

Pour la Champagne il est estrange qu’on impute aux
troupes qui sont sous le nom de Monsieur le Prince de

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Conty ou à ceux qui ont quelque credit sur son esprit,
les desordres des gens de guerre, ce Prince les a si
peu fauorisez, qu’en presence de Monsieur le Chancelier
il a prié Messieurs les Sur Intendans, de donner
eux-mesmes les ordres dans cette Prouince de Champagne,
& de choisir vne personne telle qu’il leur plairoit
pour faire obseruer exactement le Reglement du
Roy.

 

L’on pourroit se dispenser de respondre à quelques
autres legeres accusations, qui ne font à mon sens aucune
impression dans l’esprit des honnestes gens, comme
celle des soins qu’il a pris de gagner les Allemans,
du mariage du Marquis de la Moussaye auec la fille du
sieur Herlac Gouuerneur de Brissac, des fortifications
de Clermont, & Stenay, du dessein de metrre Bellegarde
en bon estat, & de faire acheter Auxone à l’vne
de ses creatures.

La condition des personnes de qualité qui s’attachent
aux Princes du Sang, seroit fort mauuaise, s’il ne
pouuoient prendre alliance auec des gouuerneurs de
places, qui sont dans l’obeïssance & le seruice du Roy,
& s’ils ne pouuoient esperer leur protection, en vne
occasion où il s’agist de l’establissement de leur fortune,
leurs seruiteurs seroient plus mal-heureux que les
personnes priuées qui peuuent receuoir l’assistance de
leurs amis. Cette alliance qu’on veut rendre criminelle
estoit vn nouuel engagement, & de nouuelles asseurances
du sieur Herlac, quoy que i’auouë qu’elles feussent
inutiles apres les tesmoignages qu’il a rendus de sa
fidelité au seruice du Roy, cependant si le Cardinal
Mazarin en eust esté bien persuadé, il n’eust pas mis au
nombre des crimes de Monsieur le Prince, ces soins
qu’il a pris de faire reüssir le mariage du Marquis de la
Moussaye auec vne des filles du sieur Herlac.

-- 27 --

C’est vne chose bien ridicule de rendre Monsieur
le Prince responsable du grand nombre de troupes
qui sont sous son nom, sous celuy de Messieurs le Prince
de Conty & Duc de Longueville, aussi bien que de
l’auoir accusé d’auoir fait des caresses aux Officiers de
l’armée d’Allemagne, ie demande en premier lieu au
Mazarin, pour quoy il ne l’a pas empesché, & pourquoy
il a esté si imprudent de tenir si long-temps l’authorité
Royale exposée à l’entreprise des Princes qu’il croyoit
si mal affectionnez ; Mais a-il raison de s’en plaindre,
& le peut il trouuer mauuais ayant plus de dix Regimens
sous son nom, qu’il a leuez de toutes sortes de
nations pour satisfaire sa vanité, & faire parler de luy
dans les pays estrangers, l’on en voit de François, d’Italiens,
d’Allemans, ils sont insolens comme leurs
Maistres, & tousiours les plus foibles, quoy qu’on leur
donne double paye & qu’on leur distribuë les meilleurs
quartiers.

Ce beau Ministre ne deuoit pas souffrir que Monsieur
le Prince commandast l’armée d’Allemagne s’il
aprehendoit qu’il aquist l’estime de ces braues soldats,
comment eussent-ils peu resister aux bons sentimens
que sa naissance, son merite & sa valeur leur inspiroit, il
menoit tousiours la victoire auec luy, si elle estoit contestée,
il l’arrachoit des mains des ennemis exposant sa
personne, perçant leurs bataillons, & r’alliant tousiours
ses troupes jusqu’à ce qu’enfin elles ne trouuassent plus
de resistance, ces moyens de gagner des cœurs passeront-ils
pour des crimes à la posterité, & ne sont ils pas
aussi legitimes que les fourbes & les corruptions dont
s’est seruy ce grand personnage pour se faire traiter
en Roy par le Regiment des Gardes, qui aura vn iour
déplaisir d’auoir rendu au plus infame de tous les hommes,
vn honneur qui n’est deu qu’à leur Maistre. N’a-il

-- 28 --

pas voulu gagner le corps des Allemans, se familiarisant
auec eux, leur promettant le pillage de Paris & de
plusieurs bonnes villes de France ? a-t’on entendu que
Monsieur le Prince leur aye fait de semblables propositions,
l’a on veu dans l’armée distribuant luy-mesme
comme vn mercier des presens aux petits Officiers, s’il
leur a voulu persuader quelque chose, n’a-ce pas esté
en leur mettant deuant les yeux le seruice du Roy, &
leur proposant la gloire de belles actions.

 

Pour les fortifications de Clermont, & Stenay, ie
pourrois dire que ce n’est pas vn crime de mettre en bon
estat, des places qui sont sur la frontiere, exposées aux
entreprises des ennemis, en vn temps où le desordre &
la confusion est si grande par la mauuaise conduite du
Cardinal Mazarin, que nous sommes foibles, & quasi
hors d’estat de leur resister ; Mais il n’est pas besoin d’entrer
en cette discution, l’on n’a iamais trauaillé à ces
fortifications sans l’ordre du Roy.

Il n’a aussi iamais demandé de faire aprocher ses
troupes, c’est vne calomnie inuentée pour d’escrier
Monsieur le Prince, dans l’esprit des Parisiens, &
leur faire perdre l’obligation qu’ils luy ont d’auoir ramené
le Roy à Paris, s’ils eut eu ce dessein, il eut empesché
qu’on n’eust mis ses principaux Regimens en
quartier d’Hiuer, dans les Prouinces les plus esloignées,
& se fust plustost resolu de sortir de la Cour, &
de leur donner vn rendez-vous, que de rendre sa fidelité
suspecte en demandant permission de les faire reuenir,
il a si peu songé à s’asseurer des places frontieres
qui sont de consequence, & de faire tomber Auxone
entre les mains d’vne de ses creatures, qu’il n’a iamais
insisté qu’on donnast aux siens le gouuernement des
villes qui conquerroit, & que nous deuons à sa seule
valeur, il souffrit auec l’estonnement de tout le monde

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que le Cardinal Mazarin fit sortir d’Ipre le sieur de
Chastillon son allié, pour y mettre le sieur Paluau
qui venoit de perdre Courtray, ou par negligence, ou
pour obeyr a ses ordres secrets, le temps nous a apris
que le sieur de Chastillon se fut aussi bien aquité de cét
employ que celuy à qui on le donna, à son preiudice.

 

Le Cardinal Mazarin pour exciter la ialousie de
Monsieur le Duc d Orleans contre Monsieur le Prince,
le rend coupable de deux grandes pretentions. La
premiere, d’auoir demandé l’espée de Connestable à
l’insceu de son Altesse Royale. La seconde, d’auoir eu
dessein d obtenir la suruiuance de tous ses gouuernemens
en faueur de Monsieur le Duc d’Anguien. Il appelle
la France à tesmoin du respect qu’il a tousiours
rendu à Monsieur le Duc d’Orleans, & prie qu’on fasse
quelque reflexion sur la malice & l’artifice dont cét
imposteur s’est tousiours seruy pour rendre ses soumissions
ou criminelles, ou du moins tres-suspectes. Sa
politique a tousiours esté de tascher d’entretenir la défiance
entre les deux Princes, afin de se rendre comme
le Mediateur necessaire des differents qu’il faisoit naistre
entr’eux, & de faire valoir à la Reyne son adresse
incomparable, à reparer le mal & la confiance que
luy-mesme auoit alterée. Ce malheureux dessein parut
visiblement l année de la campagne de Courtray,
lors qu’il creut que leur vnion estoit affermie dans vne
conjoncture capable de l’esbranler, qui est la jalousie
du commandement. En effet, iamais l’on n’a receu
des ordres auec plus de respect que Monsieur le Prince
faisoit ceux de son Altesse Royale, & iamais l’on n’a
receu les Conseils auec plus de bonté, que Monsieur
le Duc d’Orleans faisoit ceux de Monsieur le Prince,
ce qui donna lieu à toutes ces glorieuses actions, où il
semble qu’ils ne cherchoient que les aduantages de

-- 30 --

l’Estat & la gloire de son Altesse Royale ; cette parfaite
intelligence donna bien tost l’alarme au Cardinal
Mazarin, il vit que sa principale fonction d’Entremetteur
demeuroit inutile, par vne veritable & sincere
correspondance, il employa tous ses soins pour la
troubler il fit en sorte que la Reyne rappellast Monsieur
le Duc d’Orleans, sous pretexte de venir fortifier
le Conseil du Roy, qui auoir besoin de sa personne :
Mais en effet pour ietter les premieres semences
de diuision. Il commença de luy donner jalousie de
l’entreprise de Dunquerque, qui ne deuoit point disoit-il,
estre faite apres son depart, & en suite, il a
tellement aigry son esprit, qu’enfin il luy a fait croire
que Monsieur le Prince auoit demandé l’espée de
Connestable, pour luy oster par ce moyen la principale
fonction de la Lieutenance generale, qui est l’authorité
& le commandement sur les gens de guerre.
Il est assez aysé à croire, que comme Monsieur le
Prince pendant la maiorité auroit pû pretendre à
cette charge, qui bien souuent est la recompense du
merite & de la valeur d’vn simple Gentil-homme,
qu’il n’auroit eu garde d’y songer pendant la minorité,
pour le respect qu’il doit, & qu’il a tousiours rendu
à son Altesse Royale, & qu’aussi sa qualité de Prince
du Sang & ses emplois dans les armées, le faisoient
assez considerer, par tous les gens de guerre. Non seulement
il n’a iamais pensé de s’en faire pouruoir ; mais
il a reietté toutes les propositions que le Cardinal Mazarin
luy en a fait faire, c’est luy seul qui la voulu engager
de l’accepter, à condition qu’il quiteroit ses pretensions
sur l’Amirauté, & consentiroit que son Neueu
Mancini en fut pourueu, & sur le refus que fit
Monsieur le Prince d’y entendre, pour le respect de
son Altesse Royale, il luy fit dire, que pour obtenir

-- 31 --

son consentement, il luy feroit continuer sa fonction
de Lieutenant General de l’Estat pendant quelques
an nées de la maiorité ; les offres furent faites plusieurs
fois par Monsieur le Duc de Rohan, qui trouua Monsieur
le Prince peu disposé d’entrer en cette negociation,
& tout à fait esloigné de rien demander pour
ses interests, que du consentement & par l’entremise
de Monsieur le Duc d’Orleans à qui il en vouloit estre
obligé, l’apprehension que le Mazarin a eu qu’il ne
sceut l’insolent projet, qu’il se forgeoit dans l’esprit
pour la distribution des premieres charges d’Estat, &
pour l’establissement de son Mancini, qui faisoit le
tiers dans cette belle negociation, entre Monsieur le
Duc d’Orleans & Monsieur le Prince, luy a fait preuenir
son esprit, par vne accusation dont il peut estre
seul conuaincu, comme Monsieur le Duc de Rohan
tesmoignera qui a porté toutes les paroles, & a esté
l’Entremeteur de ce bel ajustement ainsi l’on voit la
malice du Mazarin, qui veut faire passer la moderation
de Monsieur le Prince pour vn crime, & le rendre
mesme coupable de son ambition, & de l’insolence de
ses demandes.

 

Ce Ministre a esté si prodigue de suruiuance, & pour
les gens de la Cour, & pour les gens de Robbe : & a
tellement espuisé le Roy de toutes les graces qu’il pouuoir
faire, & osté les moyens de recompenser les seruices
qu’on luy pouuoit rendre, que Monsieur le
Prince pouuoit bien pretendre sans crime, d’obtenir
pour Monsieur le Duc d’Enguein, vne faueur qu’il
n’a pû encore refuser à personne, mais il declare qu’il
n’a iamais pensé à la demander, & que sa ieunesse &
la confiance qu’il a en ses seruices, luy ont osté cette
preuoyance.

Est-il possible que les soins qu’il a pris de procurer la

-- 32 --

paix à la Prouence & à la Guyenne, ayent encore besoin
d’estre iustifiez, & que des actions si vtiles à l’Estat
soient sujettes à la calomnie, l’on veut qu’il n’ait
agy que pour ses interests, qu’en vn lieu il aye releué
l’authorité du gouuernement à l’oppression du Parlement,
& qu’en l’autre il aye fait directement le contraire,
sans autres raisons, sinon que l’vn des Gouuerneurs
estoit son parent, & qu’il n’aymoit pas l’autre.

 

Quand sçauroit esté vn des motifs de sa conduite,
cela n’empescheroit pas que la conclusion de ses traites
ne fust necessaire à la France, ils arrestoient les desordres,
& les commencemens d’vne guerre ciuile,
qui eust porté le feu au cœur du Royaume, & eust laissé
les frontieres exposées à l’ennemy : Cela fait bien voir
qu’il ne souhaitoit que le calme au dedans, & la paix
auec les Estrangers, puis qu’en effet, il alloit audeuant
du mal, & leur ostoit l’esperance qu’ils prenoient de
nos diuisions, qui les rendoient plus difficiles aux propositions
d’accommodement ; Cela fait connoistre encore
qu’il ne pensoit pas à se cantonner, ny à exciter
vne guerre ciuille, puis que dans le temps qu’on l’accuse
de s’estre voulu retirer dans son gouuernement, il
a reduit & dissipé vn party tout formé qui occupoit
vne partie des forces du Royaume, & qui eust facilité
l’execution de ces grands desseins.

Le veritable sujet de la difference des conditions
du Traitté de Prouence & de celuy de Guyenne ;
C’est que le ressentiment de Monsieur le Comte d’Alais
contre Messieurs du Parlement d’Aix, estoit plus
iuste, qu’il auoit esté offencé, & qu’il auoit à faire à
vne Compagnie & à vne Ville foible. Il estoit le Maistre
absolu de tous les Ports de mer, de toutes les places,
il estoit suiuy de toute la Noblesse, & il n’y auoit que la
ville d’Aix seule qui resistast ; Elle auoit espuisé toutes

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ses forces, & ne pouuoit esperer aucun secours, les Habitans
estoient las d’vne guerre dont le succez ne
leur pouuoit faire obtenir que la conseruation de
leurs priuileges, la seureté de leurs personnes, & de
leurs biens, qu’on leur accordoit par le traité, & en
la continuant ils se voyoient reduits à la desense de
leurs murailles, & dans vne continuelle apprehension
de se voir forcés. En effet leur perte estoit asseurée,
si Monsieur le Prince n’eust arresté les aduantages
de Monsieur le Comte d’Alais, & ne l’eust prié de s’accommoder.

 

Au contraire, l’entreprise de Monsieur le Duc d’Espernon
estoit iniuste & violente, & la deffense de
Messieurs du Parlement de Bordeaux, tres-iuste, tres-legitime,
& tres-naturelle ; Il se trouuoit abandonné
de toute la Noblesse, exclus de la plus part de villes de
son Gouuernement, qui fauorisoient secretement le
party du Parlement : Bordeaux de soy est puissant, riche,
vn port de mer, vne ville de commerce, engagée
auec beaucoup de Marchands Hollandois, qui pouuoient
s’interesser en la fortune de leurs associés, leurs
troupes auoient eu des aduantages au commencement
de leur guerre, les estrangers leurs offroient du secours
de tous cores, & il estoit perilleux de les reduire
à la necessite de les accepter.

Voila les veritables raisons de la difference des
deux traités ; Il ne s’est rien fait qui ne se pratique en
toutes les negociations, où le plus foible reçoit toûjours
des conditions plus fâcheuses. Les articles dont
les vns & les autres se plaignent, sont de si peu de
consequence, qu’on ne deuoit pas differer d’vn moment
vn soin si necessaire à ces Prouinces ruinées par
les gens de guerre des deux partis, le principal estoit
de conseruer l’authorité Royale comme Monsieur le

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Prince a fait, maintenant les Parlemens & les Gouuerneurs,
dans la fonction de leurs charges, & il est facile
à iuger qu’il ne consideroit en cet’occasion que le
bien du seruice du Roy & de l’Estat.

 

Mais le Cardinal Mazarin auoit bien des desseins
plus violens, & plus interessez, il vouloit faire perir
deux Parlemens & deux Prouinces pour affermir par
leur perte son authorité, & cimenter par le sang & le
feu, l’alliance qu’il medite auec Monsieur d’Espernon,
& il auoit tant de passion de les faire reüssir, qu’il retarda
huit iours entiers la Declaration du Roy, pour
donner cependant moyen à ce Gouuerneur d’entreprendre
quelque chose de considerable qui peut troubler
la Paix, ce qui luy fit hazarder l’attaque de la Bastide,
où il perdit plus de six cens hommes sous vn
autre ministere que celuy du Cardinal Mazarin, qui
nous a fait vne science des moyens de se rendre accomply
dans l’art de fourber, & de ne tenir iamais
sa parole. Monsieur le Prince n’auroit pas esté obligé
de se rendre caution du traité de Ruel & des articles
secrets par lesquels l’on promettoit le Pont de l’Arche
a Monsieur le Duc de Longueuille ; Mais comme l’on
ne peut prendre aucune seureté en cét Italien déerié,
qui nous a introduit certaines distinctions pour tromper
dans les regles, qui fait differences des intentions
& des promesses, des pures & simples, & des composées,
des donne à cognoistre, des velleïtez, & des volontez,
des effectiues, des relatiues, qui assuiettissent ees
paroles a cent interpretations differentes, la Reyne
trouua bon que pour establir d’auantage la confiance,
il demeurast garand de l’execution des articles, &
de la seureté de celuy du Pont de l’Arche, que Monsieur
le Duc de Longueuille auoit plutost demandé
pour faire plaisir à la ville de Roüen, que pour le fortifier

-- 35 --

d’vne place qui n’estoit d’aucune deffense, & qui
ne le rendoit pas plus considerable dans son gouuernement :
C’est l’action d’vn Prince de vertu, & de
merite, d’auoir voulu dégager sa parole, d’auoir demandé
l’obseruation d’vn traitté si solemnel, particulierement
dans vn article, qui auoit semblé si important
à Messieurs du Parlement de Paris & de Roüen,
qu’ils auoient refusé d’accepter les conditions que le
Roy leur auoit accordé, & de signer les traitez, que
prealablement le sieur d’Antouille ne les asseurast que
Monsieur le Duc de Longueuille estoit entierement
satisfait, il consideroit que c’estoit donner atteinte aux
Declarations que de souffrir ce manquement de foy,
qu’on tireroit à consequence dans les autres conditions,
encor plus importantes, & que cette contrauention
pour le suiet d’vn des plus considerables du
party, pouuoit faire penser au restablissement du Semestre
de Roüen, particulierement si l’on vouloit introduire
vne difference de ses interests d’auec ceux de
la Prouince, & des autres conditions qui furent accordées
dans le traité.

 

Il ne reste plus que quelques accusations que l’on fait
passer pour Capitales : la premiere est la protection
qu’on veut qu’il aye donné à Ierzay contre la Reyne
mesme. Ie ne sçay il n’y eust pas eu plus de prudence
à dissimuler le tessentiment qu’on a fait conceuoir à
sa Maiesté de la faute de Ierzay, que de la rendre publique
par les plaintes qu’on en fait faire au Roy. Veritablement
ie ne sçay pas si tous ses déguisemens,
dont on s’est seruy pour oster la cognoissance de sa
disgrace empescheront les mauuaises interpretations
que les ennemis de l’Estat sont capables de donner
dans vne action qu’on n’a peu expliquer dans la Lerre,
du Roy, & qu’on a voulu faire cognoistre par Enigme,

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representant vn fol, vn extrauagant, vn estourdy, &
par consequent capable d’entreprendre toutes choses.

 

Pour ce qui regarde Monsieur le Prince, il ne l’a iamais
protegé contre les ordres de sa Maiesté, on ne luy
a point fait commandement de se retirer en sa maison,
& il eust esté le premier à le faire obeyr, si la
Reyne eust tesmoigné de le desirer, c’est vne charité
d’auoir tasché à diminuer sa colere contre vne personne
qui n’a peu l’offencer, qu’on n’accuse mesme que
d’vne folie & d’vne extrauagance dont il est plus à
plaindre qu’il n’est veritablement criminel. La seconde
est touchant le mariage du Duc de Richelieu,
l’on n’a rien obmis pour tascher d’en faire vn crime
d’Estat, l’on supose des citconstances, l’on exagere ce
qui est de la verité auec des figures de retorique dont
l’on n’a pas acoutumé de se seruir pour faire parler le
Roy : cependant ce long discours, que prouue-il contre
Monsieur le Prince, sinon qu’il a fauorisé la passion
que Monsieur le Duc de Richelieu a eu pour vne
personne vertueuse, de condition, & de merite, qu’il
a assisté au mariage de son allié Officier de la Couronne,
qui a commandé des armées, & à qui l’on confie
le gouuernement de la plus importante place du
Royaume, & qu’il a pris soin de l’honneur & de l’interest
de Madame de Pont, & des engagemens que
Monsieur de Richelieu auoit voulu prendre auec elle,
Si c’est vn attentat contre l’authorité, ce ne peut estre
que contre celle de Madame d’Eguillon, qui seule a
quelque droit de se plaindre de la conduite de Monsieur
son Neveu.

Pour Monsieur le Prince, il n’auoit aucune obligation
de luy en parler. Elle cherchoit de le mettre dans
vne alliance contraire à ses interests, & l’apuyer par ce
moyen contre ceux qu’il pouuoit auoir encore à traiter

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auec ledit Duc. Ce n’est pas vn crime de leze Majesté
de n’auoit pas empesché la resistance qu’il aportoit
aux resolutions de Madame sa Tente, & de l’auoit
assisté pour entrer en possession du Gouuerment du
Havre, dont il est pourueu, & qu’elle eust tasché de luy
faire perdre dans la chaleur de son ressentiment, &
dont par apres elle auroit eu douleur. En effet quel
preiudice le Roy a-il reçeu de la conduite de Monsieur
le Prince, le Havre a il changé de maistre ? quelqu’vn
s’est il emparé de ce gouuernement contre les ordres
de sa Majesté ? le Duc de Richelieu n’en est-il pas pourueu ?
n’en est il pas le veritable Gouuerneur ? a il mesme
osté aucuns des Officiers qu’il y a trouué ? ont ils iuré
fidelité à Monsieur le Prince ? au contraire n’a-il
pas rappelé ceux qu’il auoit esté obligé de luy donner
pour le seruir en cette occasion ? & ne voit on pas par la
Declaration que Monsieur de Richelieu a fait à Madame
de Longueuille, qu’il n’a pris aucun engagement
contraire au seruice du Roy & au bien de l’Estat ?
ne voit-on pas que le Cardinal Mazarin ne s’interesse
en cette affaire que pour venger le mespris qu’on a fait
de son alliance, chercher des pretextes de s’emparer
de cette place, & par vne ingratitude sans exemple
s’entichir de la fortune du Neueu de son bien faicteur.

 

Le sieur de Bar tesmoigna luy mesme au retour de
son voyage du Haure, qu’il n’auoit trouué aucun empeschement
sur les chemins, que les postes n’auoient
point esté rompuës, qu’il auoit eu la liberté toute entiere
d’entrer dans la place, d’entretenir Monsieur le
Duc de Richelieu, qu’il l’auoit trouué dans tous les respects
& la reconnoissance qu’il deuoit au Roy, qu’il
auoit donné de nouuelles asseurances de sa fidelité, &
declaré qu’il n’y auoit rien qui le peut empescher de

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s’en acquiter envers & contre tous : ce qui fait cognoistre
que Monsieur le Prince n’auoit pas donné ordre de
jetter dans l’eau ceux qui viendroient de la part du Roy
pour y apporter quelques ordres.

 

La 3. c’est de le rendre coupable du peu de disposition
que les ennemis ont tesmoigné à la paix generale, voulant
faire voir qu’ils estoient en attente de ses grands
desseins, l’effronterie du Cardinal Mazarin est estrange
de rejetter sur luy le blasme de la continuation de la
guerre, comme si l’on ne sçauoit pas que c’est luy qui
a rompu les traitez de Munster, & refusé les conditions
les plus aduantageuses qu’on eust peu souhaiter,
& comme si l’on estoit pas asseuré que c’est luy qui laisse
conceuoir aux Espagnols des esperances de nos diuisions,
qu’il les entretient & les fomente par artifice,
ou par sa mauuaise conduite, que l’emprisonnement
de Monsieur le Prince esloigne entierement les Traités,
que les suites peuuent donner aux ennemis les
grands succés qu’ils ont toûjours attendu, qu’il a toûjours
fait naistre de temps en temps de nouueaux desordres,
les malheurs succedans les vns aux autres, & sa
malice ou son imprudence troublant tousiours nostre
repos.

Mais toutes ces accusations prece dentes ne sont veritablement
que des pretextes pour décrier Monsieur
le Prince dans l’esprit des peuples, s’il fust demeuré
attaché à ses interests du Cardinal Mazarin, tant s’en
faut qu’il eust accusé ces soupçons, qu’au contraire il
eust excusé de veritables entreprises contre l’authorité
du Roy. Ces crimes sont de n’auoir pas assez consideré
les personnes & l’interest des Nieces de l’Eminence
M. de n’auoir pas assez respecté les alliances qu’il vouloit
faire, d’auoir demandé qu’on pacifiât les troubles
de Guienne, qu’on restablit le Parlement dans sa fonction,

-- 39 --

qu’on fit cesser les violences que le Gouuerneur
exerçoit, & qu’on ne portât point les peuples au dernier
desespoir. Il trouue à redire que le Cardinal Mazarin
au plus fort de la necessité publique, achepte
l’alliance de Monsieur de Vandosme, en prodiguant
des sommes immenses, pour reparer le defaut de naissance
de sa Niepce. Il en dit ses sentimens auec quelque
sorte de liberté, il est coupable, il est criminel, il
veut faire vne guerre ciuile, il pretend à la Souueraineté.
Ce vain & ce presomptueux veut que toute l’Europe
sçache, que pour accomplir les mariages de ses
Bourgeoises Niepces. Il faut que l’Estat soit exposé
& deuienne la proye de l’Estranger, qu’il faut que la
Guyenne soit en feu, que l’on interdise vn Parlement,
& que l’on fasse perir vne des principales villes du
Royaume. Il faut meriter les bonnes graces de Monsieur
d’Espernon à quelque prix que ce soit, qu’il brusle,
qu’il viole, qu’il tuë, cela n’est rien, s’il persiste à demander
vne des Niepces, l’on luy donne le Commandement
des principales forces du Royaume auec
vn pouuoir absolu d’exercer toutes sortes des violences.
Monsieur le Prince croit que quelque iour le Roy
luy reprocheroit son silence, il y veut apporter quelque
sorte d’opposition, il est criminel de leze Maiesté,
Monsieur le Prince de Conty & Monsieur de Longueuille
sont complices. Ce n’est pas encore assez, il
faut sacrifier Monsieur le Duc d’Anguin, & Madame
de Longueuille, il faut esteindre toute la branche de la
Maison de Bourbon. Le Mazarin ne se soucie pas des
suittes que peut auoir vne oppression si violente, il ne luy
importe que les Prouinces se mettent en feu, que les
amis & seruiteurs de Monsieur le Prince se cantonnent,
qu’ils fomentent la desobeïssance des peuples,
qu’ils donnent entrée aux ennemis, c’est peu de chose,

-- 40 --

pourueu qu’on sçache en Italie, qu’il s’est vangé
de sa resistance, que sa ruïne luy sert auiourd’huy
de marche-pied pour monter sur le Throsne, & qu’au
moment qu’il l’a fait arrester prisonnier, ses Niepces
sont reuenuës au Palais Royal pour triompher de
sa liberté, & faire sçauoir qu’il n’a commis autre
crime que d’estre contraire à leur mariage. Il n’a pas
dissimulé qu’il vengeoit son iniure particuliere sous
pretexte du bien public, il a dit aux amis de Monsieur
le Prince qu’il l’auoit porté à cette extremité,
par la resistance qu’il apportoit à leurs establissemens,
& particulierement en protegeant le Parlement de
Bordeaux contre Monsieur d’Espernon, qui cognoistroit
par ce moyen son impuissance, & changeroit de
volonté. Y a-il iamais eu vne insolence pareille ? vn
homme de neant, vn estranger, sans naissance, sans
merite, esleué par vn prodige de fortune, abusera de
l’authorité de la Regence pour arrester pendant vne
Minorité trois Princes, Conseillers, ains qui ont vne
fonction necessaire pour l’administration de l’Estat ;
Mais il sera encore si temeraire que d’oser dire qu’il
les sacrifie à sa passion, & au ressentiment d’vn déplaisir
qu’il a reçeu, & quoy Monsieur le Prince a commis
vn crime indigne de pardon pour auoir fait differer le
le mariage d’vne petite Bourgeoise Romaine, fille d’vn
Courier ? Comme s’il importoit à l’Estat & à la Nation
Françoise qu’on acheptât aux despens du public,
aux despens des Rentiers & des Officiers, les Alliances
des Princes, pour des fripponnes de Manchini, de
Martinochit, qui a peine sont connuës dans leurs païs.
Quoy ses grandes actions n’effaceront point cette faute,
& les suittes des malheurs qu’on preuoit d’vne entreprise
si imprudente ne fléchiront-elles point la
Reyne. Vne guerre Ciuile & Estrangere en mesme

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le Royaume deschiré & par ceux de dedans
& par les Ennemis de l’Estat ; Mais quand toutes choses
demeureroient tranquilles, & dans leur assiete
sa Majesté ne fera elle aucune considerations sur les
grands seruices qu’il a rendus ? se souuient-elle qu’il
a affermy l’autorité de la Regence, par le guain de
la bataille de Rocroy, & qu’il ruina en vn seul les
grands desseins des Ennemis, elle n’a point oublié
les batailles de Fribourg & celle de Nortlinguen, &
qu’il a fait triompher nos armes iusques sur le Danube :
Mais à t’on iamais emporté vne plus grande victoire,
plus importante, plus à propos, à la quelle le General
eust plus de part, qu’à celle de Lens. La marche des
Ennemis, l’ordre de leur armée luy fit prendre sur le
champ ce conseil, & toute la gloire luy est deuë d’vne
si genereuse resolution, ne se representera-elle point
le miserable estat auquel nous mettoit la perte d’vne
seule de ses batailles, quel desordre si à la mort du Roy
les Ennemis fussent entrez victorieux iusqu’au milieu
de la France, combien de partis differens, combien
de factions eussions-nous veu naistre, quelle eust
esté l’authorité de la Regence, attaquée par les Ennemis
du dedans & du dehors, & peut estre mesme contesté,
qui pouuoit arrester leurs progrez s’ils eussent
défait nostre armée à la iournée de Lens, & qu’eussions
nous peu opposer aux armes victorieuses de l’Archiduc,
en vn temps auquel la reformation qu’on vouloit
faire aux Finanues auoit interrompu tout le credit, que
les peuples commençoient à regarder leur liberté & à
secoüer le ioug de l’obeyssineé, Sa Majesté a-elle perdu
la memoire de tant devilles qu’il a cõquises, Thionville
toute la Riuiere de Mozel, celle du Rhin, Philisbourg,
Spirs, Vvorme, Majence, en vn mot presque
toutes celles des deux cercles de Franconnie & de Suabe,

-- 42 --

en Flandres, Furnes, Dunkerque, Mardik, Ypre,
sans compter celles qu’il a conserué. Ne se souuient-elle
pas des perils qu’il a couru, qu’il a exposé cent fois
sa personne pour le bien & pour le salut de l’Estat,
qu’enfin il a acheté quelques-vnes de ses conquestes
au prix de son sang qu’il a versé volontiers pour la gloire
de sa Regence.

 

Mais sa Majesté apres auoir tesmoigné tant de passion
de conseruer son authorité, peut-elle oublier la
fidelité, la prudence, les vigilances, & le courage, auec
lesquels il la main tenuë cét hyuer dernier, contre le
Party le plus grand & le plus formidable qui eust iamais
esté en France, fortifié du consentement vniuersel
que tous les François donnoient à l’esloignement
du Cardinal Mazarin, l’obiet de la haine publique, ne
se souuient elle plus du miserable estat auquel elle
estoit reduite, de l’Vnion de tous les Parlemens, de
la Declaration de toutes les Villes, de la disposition
de tous les Peuples, où est-ce qu’elle pouuoit estre en
seureté dans le Royaume si M. le Prince n’eust conserué
par ses soins & par son courage le poste saint Germain,
& ceux qu’il auoit pris autour de Paris, combien
de fois la timidité & la foiblesse du Ministre qui sont
ses plus fidelles Conseillers, (quoy qu’il les vueille aujourd’huy
faire passer pour vn tesmoignage de sa prudence)
luy ont-elles fait proposer de les abandonner, &
pour dire vray combien de fois a-t’on pris resolution
de partir, ne sçait-on pas bien qu’on ne pouuoit rasseurer
ce lasche, ne sçait-on pas bien que iamais l’on n’y seroit
demeuré deux iours sans les asseurances que ce
grand Prince donna de conseruer la personne du Roy
de la Reyne ; Mais auec quel soin s’est-il acquité de cét
engagement d’honneur, & de cét employ glorieux,
Leurs Maiestez en sont tesmoins, elles ont veu trois

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mois durant, donnant ses ordres, marchant de iour &
de nuict, à toute heure, reduisant par sa seule preuoyance,
& auec dix ou douze mil hommes Paris,
la plus puissante ville de l’Europe, & qui auroit esté inuincible
à tout autre qu’à luy. Ie ne parlerois pas de
l’attaque de Chatanton, & ie ne la mettrois pas au nombre
de ses victoires, s’il n’auoit esté forcé de l’entreprendre
pour aduancer la paix, si necessaires aux vns
& aux autres. Sa Majesté ne sçait-elle pas que c’est la
seule gloire qu’il s’est proposée, & le seul prix qu’il
mettoit à ses grands trauaux, ne sçait-elle pas qu’il
agissoit auec les Deputez des Compagnies Souueraines,
& ceux de Messieurs les generaux, auec toute la
vigueur, & la fermeté necessaire pour les porter à
demander des conditions qui ne fussent point preiudiciables,
à l’authorité Royalle, & qu’en mesme temps
il employoit auec respect & soumission tous ses Offices
enuers elles, pour obtenir vne paix qui asseurast la
fortune, la condition, & le repos des peuples ? Quels
soins n’a-t’il pas pris pour leuer les défiances que la
conduite du Cardinal Mazarin, sa qualité d’estranger ;
son manque de foy ordinaite, les contrauention-manifestez
aux Declarations du Roy & l’entreprise
d’affamer Paris, de confondre l’innocent auec le coupable
l’aisoient dans l’esprit, combien de precautions
sa Maiesté a-t’elle trouué bon qu’il apportast, combien
a-t’il esté obligé de donner de promesses, de seuretez
& particulieres & publiques, pour faire reüssir le Traitté
de Ruel. En fin pour terminer toutes ces importantes
actions à la gloite du Roy, à la grandeur de l’Estat, à
l’auantage des Compagnies souueraines, & à la felicité
des peuples. Sa Maiesté se souuient des instances
qu’il fit pour le retour du Roy à Paris : combien il luy
fallut vaincre d’obstacles, & de difficultez, que l’ennemy

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du public faisoit naistre tous les iours, pour l’empescher,
& qu’il falut tirer sa Majesté de Compiegne
comme de force pour la rendre à sa ville Capitale, qui
commençoit à souffrir de son absence, pour la redonner
à ses peuples qui la receurent auec des tesmoignages,
de joye tout extraordinaires.

 

Qui peut s’imaginer que la Reyne apres ses grands
seruices, aye peu se laisser surprendre à la calomnie de
cét estranger qu’elle aye peu douter de sa fidelité,
qu’elle se puisse resoudre de se priuer de son plus ferme
apuy, de retenir ce Conquerant, ce victorieux, ce
preneur de villes, ce gagneur de bataille ; Mais qui
peut croire que ses soupçons ayent mesme passé jusqu’aux
personnes de Monsieur le Prince de Conty, &
de Monsieur de Longue ville, & qu’on leur fasse souffrir
à tous trois la prison accompagnée de toute la dureté
imaginable, l’on les a contraints à vne separation
plus fascheuse que la prison mesme, & d’autant plus
rude & insupportable qu’ils sont dans vn mesme Donjon,
que la proximité de leurs appartemens augmente
leur curiosité, & la peine qu’ils ont de ne pouuoir apprendre
les vns des autres des nouuelles de leur santé,
exposée à la malice & aux mauuais desseïns de leur ennemy ;
Il veut qu’ils preuoyent par aduance le mal
qu’il leur d’estine, qu’ils ne se representent que des
entreprises sunestes contre leur vie, que iour & nuict
ils soient troublez par vne pensée continuelle de leurs
malheurs, qu’il ne puissent ny reposer auec quietude,
ny manger auec seureté. Ils sont à la garde du plus facheux
homme du monde, qui non contant d’vne exatitude
superfluë & inutile, prend plaisir de leur donner
de temps en temps des mortifications, ils ne se
voyent entourez que de gardes, seruis que par des personnes
suspectes enfin ils n’ont personne de confiance,

-- 45 --

& tous ceux qui les approchent dependent du Cardinal
Mazarin, qui non content de cette persecution,
emprisonne ou mal traite encore leurs seruiteurs domestiques,
sous ce pretexte restablit l’oppression & la
violence, nous voyons que le sacré caractere d’vn Euesque
& la fonction necessaire des Officiers d’vn Parlement
ne les en a pû deffendre, ce sont des essais & des
tentations pour venir à celuy de Paris. Nous voyons
mesme qu’il veut faire passer ces iniustes ressentimens
dans l’esprit des peuples, & pour ce suiet a fait authoriser
par des Magistrats indigne de leurs Charges, des
libelles insolens, qu’on debite auec permission ; Mais
qu’il sçache que ce peuple à qui il veut plaire n’est pas
content de ce sacrifice, & qu’il faut vn autre victime
pour l’appaiser.

 

Et vous illustre Compagnie, qui auez tousiours
maintenu l’authorité Royale, & la liberté, par la genereuse
resistance que vous auez apporté aux entreprises
des Ministres, qui auez volontiers exposez vos fortunes
pour la deffense des loix & de l’innocence opprimée,
qui par ce moyen auez rendu vostre fonction necessaire
entre le Monarque & ses Subjets, qui donnez
auiourd’huy le mouuement & le bransle à toutes les
grandes chosés, authorisez vous par vn lasche silence
vne oppression si iniuste.

Ne representerez vous pas la consequence de cette
action, entreprise pendant la minorité & contre la loy
du Royaume, pouuez-vous vous deffendre de porter
contre cét estranger les plaintes de tous les ordres de
l’Estat, de faire connoistre à la Reyne qu’il s’est tellement
rendu maistre de ses sentimens, que la fortune de
la France depend entierement de luy, qui tantost par
foiblesse, tantost par vne violence pratiquée à contretemps,
qu’il ne sçauroit soustenir, & qui est plustost vn
effet de son caprice que de sa raison, tient tousiours exposé

-- 46 --

le salut de l’Estat, & la furtune des particuliers.

 

Qu’il a excité vne guerre ciuile qui n’a finy que
par miracle, qu’à ce desordre quasi gneral a succedé
vne guerre particuliere entre le Parlement & le
gouuerneur de Prouince, que l’accommodement n’estoit
pas encore fait, qu’il a entrepris vne troisiesme
guerre en Guyenne iniuste & violente, qu’il a continué
par malice, & des artifices, recherchez pour
complaire à Monsieur d’Espernon, que cependant les
affaires ne sont pas demeurées plus calmes dans la capitale,
la haine & le mespris des Parisiens estant venu
à tel excez que le retour du Roy, qu’on croyoit estre
le veritable remede à leurs maux n’a seruy qu’à les irriter,
par les continuelles apprehensions que les gens de
bien ont eu, que les peuples n’excitassent vne sedition
qui engageast dans la perte de ce Ministre celle des particuliers,
que l’incertitude d’vne condition si peu asseurée
à passé dans les Prouinces ; qui a laissé toutes
choses en suspend. Que cét imprudent feignant d’apporter
des remedes à nos maux les a rendus incurables
par l’emprisonnement des Princes, qui ont des Gouuernemens,
des places, des troupes, & vn nombre
infiny d’amis & de creatures, en vn temps auquel nous
sommes en guerre, auec l’Estranger, que l’authorité
est relaschée par les entreprises qu’il a souffert, & qu’il
affoiblist encore tous les iours, se rendant seul maistre
des affaires, voulant regner seul dans le Conseil, ayant
sacrifiée à son ambition ceux qui pouuoient luy resister,
mesprisant les aduis des personnes capables & de
probité qui ont l’honneur d’y assister, & esloignant toutes
les autres qui ont de grandes qualitez, & ausquelles
l’on prendroit creance. Perdrez-vous vne occasion si
glorieuse de leurs rendre iustice, ne preuiendrez-vous
pas les effects d’vne intrigue de Cour, ou les soins du
premier Fauory, qui par des considerarions d’vn interest

-- 47 --

particulier leurs donnera la liberté, que l’honneur
& l’authorité de vos charges vous doit obliger de leurs
rendre, ne pensez-vous pas à la gloire & à l’aduantage
que vous auez eu autrefois de defendre Monsieur le
Duc d’Orleans contre la persecution du Cardinal de
Richelieu, & ne voyez-vous pas qu’en toutes occasions,
il à la bonté de vous en tesmoigner ses ressentimens,
auiourd’huy le temps est plus fauorable ; le Roy
est mineur, vous deuez prendre plus de part à la conduite
publique, que pendant la maiorité, la loy est faite
vous en deuez presser l’execution.

 

En effet pouuez-vous vous dispenser de demander en
leur faueur l’obseruation de la Declaration en l’article
de la seureté publique, violée par vne contrauention
toute manifeste, dans le temps mesme que le Mazarin
fait dire au Roy dans la Lettre qu’il vous a escrit, qu’il
veut l’entretenir inuiolablement, & pouuez-vous leurs
refuser le secours que non seulement vous rendriez à
vn de vos Confreres ; mais que vous deuez à tous les
particulieres du Royaume, reprenez vos premiers sentimens,
souuenez-vous que lors qu’on mit cette affaire
en deliberation dans le Parlement, vous resolustes
auec beaucoup de prudence, de ne demander pour vos
personnes, que la seureté commune à tous les Officiers
& à tous les subïets du Roy, & refusastes par ce moyen
d’authotiser les emprisonnements qui se font sans decret,
ny de consentit expressément aux trois mois que
le Roy vouloit se reseruer par vn article particulier
pour les crimes d’Estat. Considerez que cette loy sera
inutile à tout le monde si elle reçoit exception pour
quelques-vns, qu’au contraire l’interest commun la fera
garder, & que la necessité qu’ont auiourd’huy Messieurs
les Princes de la reclamer, contre la violence du
Mazarin les engagera, & tous les corps de l’Estat, qui
en peuuent aussi auoir besoin, à maintenir dans son entier

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la Declaration du vingt-deuxiesme Octobre, dont
elle fait partie.

 

Il ne faut pas douter Messieurs, que pour vous tesmoigner
ses ressentimens de la Iustice que vous luy
rendrez, il ne vous fasse les arbitres de son accommodement,
& ne consente à toutes les conditions que vous
luy ordonnerez pour la seureté de ses promesses, s’il a
trop de puissance & d’authorité, faites vos remonstrances
pour la faire diminuer : s’il a vn trop grande nombre
de gouuermens suppliez la Reyne d’en disposer, si ses
places donnent quelque ialousie proposez d’en faire
ruiner les fortifications, faites luy donner sa parole,
engagez ses proches & tous ses amis : d’en estre garands,
reünissez leurs forces à celles du Roy, & si toutes
ces precautions ne peuuent encore asseurer le public,
faites luy donner en ostage les personnes qui luy
sont les plus cheres. Ce sont les moyens de reconcilier
la maison Royale, de rendre à l’Estat son plus ferme
soustien, d’establir la paix au de dans, & d’en faire vne
glorieuse & de durée auec les ennemis.

Il n’est pas necessaire de iustifier plus particulierement
Monsieur le Prince de Conty & Monsieur de
Longue ville, l’on suppose au premier vne complicité
aux grands desseins de Monsieur le Prince, l’on impute
au second des discours inconsiderément tenus, par
ses domestiques, & la difficulté que le commandant
dans le pont de l’Arche fit d’y receuoir les troupes du
Roy sans son attache, s’est assez de dire pour leur deffense,
qu’ils n’ont participé a aucun mauuais desseins,
que la Reyne a eu la bonté de receuoir les tres-humbles
soumissions, & les excuses que Monsieur de Longueville
luy fit pour ce qui s’estoit passé au pont de l’Arche,
qu’il condamne l’imprudence de ses domestiques,
s’il ont esté si insolens de dire qu’il songeoit à se faire
Duc de Normandie en s’asseurant par le mariage de
Monsieur de Richelieu, de la seule place qui restoit

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dans cette Prouince ; Si l’on le faisoit coupable de leur
faute, les discours que les creatures & les seruiteurs
du Cardinal Mazarin ont tenu depuis la detention de
Messieurs les Princes, le rendroient bien criminel
ayant osé publier qu’il estoit le Maistre de l’Estat, qu’il
pouuoit disposer de toutes choses, & que pour preuue
de sa toute puissance & de son independance, il
venoit de donner le Gouuernement de Brisac, sans
en parler à son Altesse Royale ; Le pretexte de leur detention,
s’est qu’ils sont Princes, & qu’ils eussent esté
capables de se ressentir de ce perside, mais le veritable
sujet & la veritable cause s’est qu’ils se sont declarez
pour Paris & pour le Parlement, que par l’authorité
de leurs personnes ils ont augmenté le credit de ce
party, qu’ils auoient mis la Champagne & la Normandie
dans ses interests ; ce trompeur a tenu parole
contre son ordinaire, il auoit asseuré qu’il les perdroit
& tous les autres qui s’estoient engagez dans la deffense
de la cause publique : En voila deux des plus considerables
emprisonnez.

 

Il a fait des entreprises & des conspirations contre
la vie de Monsieur le Coadiuteur, & au défaut de tous
ces moyens il a voulu mettre les apparences de son
costé, l’opprimer par les voyes de la Iustice, par le Ministere
du Parlement, qui ne pouuoit pas estre suspect
à vne personne qui s’est tenu attachée à ses interests,
& qui conserue beaucoup d’estime pour vne si illustre
Compagnie.

L’iniuste persecution qu’il a fait souffrir à Monsieur
de Beaufort, sa detention pendant cinq années, les
attentats contre sa vie, les desseins de l’assassiner, n’ont
peu arrester sa violence, il vouloit ruiner son credit &
sa reputation dans Paris, & pour cet effet le faire condamner
par ce Senat, qui se sent obligé du courage, do

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la valeur & de la passion qu’il a tesmoigné pour sa deffense,
c’est luy qui a l’insçeu de Monsieur le Prince a
fait donner ces prouisions à ces témoins en titre d’office,
& il n’a point eu de honte d’introduire pendant la
Regence, ces pestes publiques, que les bons Empereurs
n’ont iamais souffert, & dont la perte & le chastiment,
ont fait esleuer des Statuës & donner des titres
plus honnorables aux Cesars, que le guain des batailles,
& les autres plus importantes actions qu’ils faisoient
pour la gloire de leur Empire, n’a t’on pas veu
le peu d’amis qu’il a dans le Parlement, & tous ceux
qui ont quelque dependance de la Cour, agir contre
ces deux Messieurs auec toute la chaleur possible, ne
sçait-on pas bien qu’vn de ses confidens a eu la principale
part à cette intrigue, qu’il en donna les premiers
auis à Monsieur le Prince, & ietta de si grands soupçons
dans son esprit, qu’il ne peût s’empescher de les
esclaircir en examinant l’affaire de consequence qui se
traittoit dans le Senat, pour establir le repos & la tranquillité
publique, enfin il n’a changé le dessein de les
faire perir, que lors qu’il a connu la fermeté que cette
Compagnie tesmoignoit pour leur deffense, les autres
ne seront pas traittez plus fauorablement ; il a porté
Monsieur de Bouillon & Monsieur de Turenne dans
le dernier desespoir, & de tous Messieurs les Generaux
qui ont serui le public, le seul Monsieur d’Elbœuf a esté
iusqu’à present à couuert de ses ressentimens.

 

FIN.

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Anonyme [1650], RESPONSE DE MESSIEVRS LES PRINCES AVX CALOMNIES & impostures du Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_3399. Cote locale : D_1_30.