Anonyme [1649], PROCEZ VERBAL, DE LA CONFERENCE faite à Ruel, Par Messieurs les Deputez du Parlement, Chambre des Comptes, & Cour des Aydes, ensemble ceux de la Ville. Contenant toutes les Propositions qui ont esté faictes, tant par les Princes & Deputez de la Reine, que par les Deputez desdites Compagnies, & de tout ce qui s’est passé entr’eux pendant ladite Conference. , françaisRéférence RIM : M0_2892. Cote locale : A_1_65.
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PREMIEREMENT.

QVE les Officiers de la Cour de Parlement & des autres Compagnies,
mesme les Maistres des Requestes, qui seront nommez
par sa Majesté iusqu’au nombre de vingt-cinq, se retireront en
tel lieu qu’il plaira à sa Majesté leur prescrire, sans qu’ils puissent
r’entrer en la Ville de Paris ny autres lieux, que ceux qui leur
seront ordonnez, ny faire aucune fonction de leurs charges,
iusques à ce qu’il en soit autrement ordonné par sa Majesté.

2. QVE tous les Arrests qui ont esté rendus par ladite Cour depuis
le cinquiéme Ianvier dernier, tant pour affaires generales
que particulieres, ensemble celuy du Iuiller 1648. concernant
les impositions verifiées en la Chambre des Comptes &
Cour des Aydes, seront cassez & reuoquez, & les minutes &

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grosses tirées des Registres de ladite Cour, pour estre remis é
mains de sa Majesté.

 

3. QVE les gens de guerre qui ont esté leuez tant dans la Ville
de Paris qu’au dehors, & qui sont encore sur pied, seront cassez
& licentiez, en vertu des pouuoirs donnez tant par ledit Parlement
que par la Ville de Paris.

4. LE Preuost des Marchands & Escheuins, assistez de bon
nombre de notables Bourgeois, demanderont pardon au Roy
pour les Habitans de la Ville de Paris, lesquels poseront presentement
les armes, sans qu’ils les puissent reprendre qu’auec l’orpre
& commandement exprés de sa Majesté, à laquelle iureront
de nouueau de demeurer dans son obeïssance, & de ne se departir
jamais de la fidelité qu’ils luy doiuent, à peine d’estre traittez
comme rebelles.

5. LA Cour de Parlement renoncera à toutes ligues, associations
& traittez qu’elle pourroit auoir faits contre le seruice du
Roy, tant dedans le Royaume qu’auec les ennemis de cette Couronne,
& sera la lettre de creance, ensemble la creance de l’enuoyé
de la part de l’Archiduc Leopold, tirée des Registres de ladite
Cour de Parlement, & mises és mains de sa Majesté.

6. TOVS les deniers, meubles, vaisselle d’argent, & papiers pris
& enleuez aux particuliers, ou qui auront esté vendus, leur seront
rendus & restituez, s’ils font en nature, sinon la juste valeur
d’iceux, dont lesdits particuliers seront creuz par serment, tant
pour la qualité que quantité. Et quand aux deniers des Tailles,
Fermes & Gabelles, Aydes, Cinq. grosses Fermes, Conuoy de
Bordeaux qui ont esté pris & enleuez, ils seront rendus à sa Majesté,
& ne pourront lesdits Fermiers des Gabelles, Aydes,
Cinq grosses Fermes & Payeurs des Rentes, des Tailles, estre
poursuiuis ny contraints pour le payement des Rentes estant sur
lesdites Fermes & Tailles, pendant le temps dont il sera convenu.

7. LA Bastille, ensemble l’Arsenal auec tous les Canons, boulets,
grenades, poudres & autres munitions de guerre, seront
remis entre les mains de sa Majesté.

8. Que les modifications apportées tant par la Chambre des
Comptes, Cour des Aydes, sur la Declaration du mois d’Octobre,
& que l’article huictiéme concernant les Comptans soit

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executé, & y adioustant & aucunement interpretant iceluy, les
interests & remises seront passez aux comptes du Tresorier de
l’Espargne en vertu des Arrests du Conseil, qui les auront reiglez
& accordez, & des quittances des parties prenantes, sans aucune
difficulté.

 

Apres la lecture desdits articles, a esté deliberé en quelle forme
il y seroit respondu, & a passé que ce seroit par article : ont
esté derechef les articles leuz, & arresté que sur le premier on respondroit
que la Compagnie ne peut consentir l’article, comme
contraire aux Declarations du Roy, Ordonnances du Royaume,
& paroles données, & souuent reïterées.

Sur le deuxiéme,Qu’on ne peut toucher à l’Arrest du mois de
Iuillet, comme precedant la Declaration du mois d’Octobre
dernier, non plus qu’à ceux qui ont esté donnez iusqu’au sixiéme
Ianuier, n’estant point le sujet de la Conference. A l’esgard des
Arrests donnez depuis ledit iour sixiéme Ianuier, Qu’apres qu’il
aura pleû au Roy & à la Reyne Regente declarer leurs intentions
touchant les Declarations & Lettres de cachet, & autres actes
donnez depuis ledit iour, il sera fait response à l’article.

Sur le troisiéme, Que l’accommodement fait & notoire & le siege
leué, l’article sera accordé, si mieux n’ayme le Roy employer
les Troupes pour son seruice.

Sur le quatriéme, Que l’article sera conceuë en ces termes : Le
Preuost des Marchands & Escheuins accompagnez de bon nombre
de notables Bourgeois, rendront au Roy leur obeïssance &
leurs submissions, auec protestation d’vne fidelité inuiolable :
poseront les Habitans de Paris les armes, l’accommodement fait
& le siege leué, ne les ayant prises que pour la necessité de leurs
deffenses.

Sur le cinquiéme,Que cette article contient deux choses : le
premier qui est inutil, le Parlement n’ayant fait aucuns traittez,
ligues ny associations dedans ny dehors le Royaume : Au second,
le Roy & la Reyne seront tres-humblement suppliés, que l’arresté
demeure dans les registres en l’estat qu’il est, estant tres-respectueux,
& la proposition ayãt esté portée toute entiere à leurs
Majestez sans en deliberer, pour y receuoir sur iceluy leurs volõtez :
mais leursdites Majestez sont tres-humblement suppliées de
trouuer bon qu’il soit respondu audit enuoyé par le Parlement ;

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Que la proposition ayant esté presentée à leurs Majestez, elles
ont donné ordre au Parlement de luy faire entendre que si le Roy
d’Espagne veut enuoyer des Deputez en lieu qu’il sera conuenu
pour traitter de la paix, Leurs Majestez y en enuoyeront de leur
part, dans le nombre desquels elles choisiront aucuns des
Officiers du Parlement.

 

Sur le sixiéme,Que les papiers & les meubles estans en nature
& non vendus seront rendus, & pour le surplus de l’article ne
peut estre accordé, au contraire, qu’aucuns en general ny en particulier
ne pouront estre recherchez pour raison des choses contenus
en l’article, sauf à sa Majesté faire telle grace qu’il luy plaira,
à ceux qui se trouueront interessez aux choses contenuës en
iceluy.

Sur le septiéme,Que l’accommodement fait & le siege leué, il
sera executé.

Sur le huictiéme,l’Article ne tombe point en la deliberation de
la Conference, & n’y peut estre pourueu que par les voyes de
droict en la forme ordinaire.

Sur le neufiéme article,Qu’il ne peut estre accordé aux termes
qu’il est couché, & sera sa Majesté suppliée de laisser le jugement
des interests couché en ligne de compte à la Chambre des Comptes,
à laquelle la connoissance en appartient.

A la lecture du deuxiémé article, Monsieur le President Amelot,
Premier President de la Cour des Aydes, A dit que dans le
dessein qu’auoit sa Compagnie de demeurer dans l’vnien auec le
Parlement, il prioit Messieurs du Parlement de leur laisser la
cognoissance de ce qui estoit de leur Iurisdiction, & qu’ils trouvassent
bon que s’il suruenoit quelque contestation pour raison
de ladite Iurisdiction, le Procureur General de ladite Cour des
Aydes conferast auec celuy du Parlement ; & s’ils ne s’accordoient,
que les Presidens & Conseillers de la Cour des Aydes
confereroiẽt auec ledit Parlement. Monsieur le premier President
a respondu, que le dessein du Parlement n’auoit jamais esté d’entreprendre
sur la Iurisdiction de la Cour des Aydes, & que l’ordre
accoustumé, en cas de contestation entre les Compagnies, deuoit
estre gardé, qui estoit, que le Procureur General de la Cour
des Aydes descendoit au Parquet du Parlement : & en cas que le
different ne fust terminé, vn President & deux Conseillers de

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ladite Cour venoient au Parlement en conferer.

 

Le Lundy 8. Mars 1649. de releuée, Messieurs les Deputez
assemblez chez Monsieur le premier President, Messieurs les
President le Coigneux, & Viole President aux Enquestes, deputez
pour porter la response aux troisiéme premieres propositions
faites par Monsieur le Duc d’Orleans, ont rapporté
qu’ayant esté trouuer le jourd’hier ledit sieur Duc d’Orleans, il
leur auoit tesmoigné n’estre pas satisfait de la response faite sur
l’vne des propositions touchant la cessation de l’assemblée des
Chambres, ne voulant pas que dans le dispositif de la Declaration
qui deuoit estre concertée & publiée au lict de Iustice que
le Roy desiroit tenir à S. Germain, où il deuoit estre fait mention
de ladite cessation pendant le reste de la presente année, il fut
fait aucune mention de l’execution des Declarations des mois
de May, Iuillet & Octobre dernier, ains seulement dans le narré :
Que le Roy & la Reyne & ledit Sieur Duc d’Orleans donnoient
bien paroles que lesdites Declarations seroient executées, &
qu’en cas de contrauention, le Roy en estant aduerty il y seroit
remedié ; mais qu’ils ne vouloient point absolûment que la condition
de ne point innouer aux Declarations fut mise ny deuant
ny apres ladite cessation d’assemblée accordée pour le reste de
l’année, qu’eux Deputez auoient proposé diuers expediens
pour ne pas rompre sur vne proposition qui ne touchoit que le
Parlement : Que lesdits expediens par eux proposez estoient que
l’on ne parlast point dans ladite Declaration de ladite cessation,
mais que l’on se contenta d’en faire vn article secret, & de se fier
à la promesse verballe ou par escrit de tous les Deputez du Parlement
pour la Conference ; que lesdites Declarations estantes
entretenües & n’y estant innoué, il ne seroit point fait d’assemblée
pendant le reste de l’année, que pour la reception des Officiers
ou Mercurialles : ont estés lesdits expediens examinés, ensemble
vn autre proposé par l’vn des Deputez du Parlement pour
ladite Cõference, qui estoit de mettre dans le dispositif de ladite
Declaration, qu’il ne seroit fait aucune assemblée de Chambre
pendãt le reste de l’ãnée, si ce n’estoit pour ladite reception d’Officieres
& Mercurialles, & qu’aussi il ne seroit innoué ausdites Declarations.
Mais comme ces expediens, au dire de Messieurs les
Presidens le Coigneux & Viole deputez, n’estoient pas pour satisfaire

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audit Sieur Duc d’Orleans, la Compagnie ayant deliberé
ce qui estoit à faire en ce rencontre ; A arresté que ces mesmes
Deputez retourneroient vers Monsieur le Chancellier & Monsieur
le Tellier, deputez dudit Sieur Duc d’Orleans, & insisteroient
par tous moyens, à ce que l’on se contentât de la response
qu’ils auoient portée, ou que l’on prist vn de ces expediens : ont
esté en suitte leües les articles dressez par les Deputez commis
à cet effect.

 

Apres la lecture est entré le sieur de Saintot dans l’assemblée,
qui a dit que Monsieur le Duc d’Orleans attendoit response auec
impatience, Monsieur le premier President a dit que l’on luy
porteroit promptement : lesdits Deputez estans partis de l’assemblée
pour executer leur commission, a esté fait lecture d’vne
lettre escrite par le Preuost des Marchans de Paris, aux Escheuins
deputez pour la Conference, & en suitte d’vne autre escrite
par Monsieur le President de Bellievre à Mr le premier President.

Apres la lecture desdites Lettres, a esté prié Monsieur de la
Nauue Conseiller en la Cour, de porter celle de Monsieur le
President de Bellievre à Messieurs les Presidens le Coigneux &
Viole, pour la faire voir à Monsieur le Duc d’Orleans, & la
Compagnie s’est leuée.

Peu de temps apres, Monsieur le premier President a mandé
tous les Deputez, qui se sont rendus chez luy enuiron les dix
heures du soir, & là r’assemblez à la reserue de Monsieur le President
Nicolay, qui estoit indisposé, Monsieur le P. le Coigneux a
raporté qu’il auoit auec Mr Viole esté trouuer Mr le Chancellier
& M. le Tellier, qui auoit insisté & representé tous les expediens
proposez pour accommoder le different qui s’estoit meu pour la
proposition de la cessation des assemblées, & leur auoit dit que
pourveu que dans la Declaration où l’on deuoit faire mention de
ladite cessation, il y eust des termes significatifs des veritables
motifs que l’assemblée auoit eus pour se relâcher à ladite cessation,
qui estoient l’execution desdites Declarations des mois
de May, Iuillet & Octobre dernier, les termes leur estoient indifferens :
Mais que Monsieur le Chancellier leur ayant demãdé
si c’estoit leur derniere resolution, & ayant esté trouuer Monsieur
le Duc d’Orleans, il leur auoit dit que l’intention dudit Sieur
Duc d’Orleans estoit de ne rien changer, & qu’il ne vouloit pas

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que dans le dispositif de ladite Declaration il fut fait mention
de l’execution desdites Declarations, donnant parole qu’elles
seroient executées, mais seulement dans le narré ; & que si les
Deputez ne le vouloient ainsi, il leur feroit expedier leurs passeports
pour demain. Mondit sieur le President le Coigneux a en
outre rapporté qu’il auoit prié Monsieur le Chancellier de faire
voir la lettre de Monsieur le P. de Bellievre à Monsieur le Duc
d’Orleans, & que mondit sieur le Chancellier luy auoit dit l’auoir
portée audit Sieur Duc d’Orleans, & qu’il ne l’a voulu voir :
Sur quoy, attendu qu’il estoit tard, que l’affaire estoit d’importance,
& que Monsieur le President Nicolay estoit indisposé,
a esté remis à en deliberer à demain sept heures du matin, & a
esté rendu la lettre dudit sieur P. de Bellievre à Monsieur le premier
President, qui s’est chargé de luy faire response.

 

Le Mardy 9. Mars 1649. du matin, Messieurs les Deputez assemblez
chez Monsieur le premier President, & ayant deliberé
sur la response faite par Monsieur le Chancelier le iour-d’hier à
Messieurs les Presidens le Coigneux & Viole ; A esté arresté que
lesdits Sieurs P. le Coigneux & Viole iront vers Monsieur le
Duc d’Orleans luy dire que pour le bien de la paix, le respect que
l’on porte au Roy, à la Reyne, à luy, à Monsieur le Prince, la
Compagnie accorde l’article comme il desiroit, se promettant
qu’elle aura satisfaction sur les articles qu’elle donnera, & sur
les responses faites aux articles proposez de sa part, & qu’il sera
fait registre de la parole donnée, que les Declarations des mois
de May, Iuillet & Octobre dernier seront executées, & que la
Compagnie ne s’est relâchée à accorder la cessation d’assemblée
qu’en consequence de ladite parole, & pour le desir de la paix &
tranquillité du Royaume.

Au[3 lettres ill.] que deliberer, Messieurs les Deputez ont enuoyé querir
le sieur de Saintot Maistre des Ceremonies, & l’ont prié d’aller
dire à Monsieur le Duc d’Orleans qu’ils alloient deliberer, & luy
feroient aussi-tost response : & la deliberation estant commencée,
est retourné peu de temps apres ledit sieur de Saintot, & a dit
qu’il auoit fait à Monsieur le Duc d’Orleans les ciuilitez de la
Compagnie, qu’il l’auoit trouué s’habilant : Qu’en suitte il alloit
à la Messe, & faisoit estat d’aller disner à S. Germain, afin que
s’ils auoient à luy faire response, que ce fust, dans cet entre-tẽps ;

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& ladite deliberation ayant duré plus que l’on n’esperoit, est
reuenu ledit sieur Saintot sur le midy dire qu’il s’en alloit incontinant
partir, & aussi-tost sont partis lesdits Sieurs Presidens le
Coigneux & Viole, pour porter audit Sieur Duc d’Orleans la
resolution de ladite Compagnie.

 

Le Mardy 9. Mars 1649. de releuée, Messieurs les Deputez assemblez
chez Monsieur le premier President ; Monsieur le President
le Coigneux a rapporté que suiuant l’arresté du matin, il auoit esté
auec Monsieur Viole trouuer Monsieur le Duc d’Orleans au Chasteau
de Ruel, où estoit auec luy Monsieur le Prince ; & luy auoit fait
entendre que la Compagnie accordoit l’Article de la cessation
d’assemblée comme il desiroit, pour le respect qu’elle portoit au
Roy, à la Reyne, à sa Personne, & à Monsieur le Prince, & pour le
desir qu’elle auoit de la Paix, & se ptomettoit qu’il donneroit à ladite
Compagnie satisfaction sur ses demandes. Et sur les responses faites
aux articles proposez de sa part, apres qu’elle auoit consenty vn
article d’importance, & qui donnoit en quelque façon atteinte à la
liberté & l’auctorité du Parlement ; que Monsieur le Duc d’Orleans
luy auoit respondu qu’en matiere de Conference, si l’on ne tomboit
d’accord de tous les articles, les autres accordez ne seroient de rien ;
que Monsieur le Prince auoit dit la mesme chose : Qu’ayant repris
la parole, il leur auoit dit qu’il y auoit des articles contre toute raison
& apparence, que les Compagnies ne les consentiroient iamais :
par exemple le premier, Monsieur le Prince l’interrompit, & dit
qu’il ne disoit pas cela comme Deputé, & que si cela estoit on sçauroit
bien que luy respondre, & continuant, mondit sieur le President
le Coigneux dit qu’il auoit respondu auec liberté, adressant la parole
audit sieur Duc d’Orleans : que quand il seroit encore d’vne condition
plus releuée qu’il n’estoit, il deuoit croire que ce n’estoit pas le
moyen d’auoir les cœurs & les affections des hommes, en [2 lettres ill.] leur
tesmoignant que des effets de haine & de colere, & s’estoiẽt retirez.
A esté leu en suitte vne lettre du Preuost des Marchands, dattée de
ce iour, escrite aux Escheuins Deputez.

Le Mercredy 10. Mars 1649. du matin, Messieurs les Deputez
estant assemblez chez Monsieur le premier President, Monsieur le
President de Nesmond a rapporté que suiuãt l’arresté du iour d’hier,
il auoit esté auec Monsieur Mesnardeau au Chasteau de Ruel, pour
parler à Monsieur le Duc d’Orleans : & ayant apris qu’il se promenoit

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dans le Iardin proche la Cascadde, luy furent trouuer, & luy
dirent qu’il auoit esté accordé que dés le iour que la Conference seroit
arrestée, on laisseroit arriuer dans Paris cent muids de bled par
iour : Neantmoins qu’au lieu de sept cens muids qui deuoient estre
à present portez à Paris, il n’en estoit pas entré cent soixante muids,
n’ont manqué de bled ny de batteaux, mais par les deffences que
l’on faisoit de les laisser passer, au preiudice des paroles données.
Que cela estoit bien esloigné des esperances qu’auoit conçeu la
Compagnie ; que dés les premiers iours de la Conference il y avoit
des passages ouuerts, pour auoir non seulement plus grande quantité
de bled, mais aussi des foings, auoines, chairs, salines, & autres choses
necessaires pour ladite Ville de Paris. Monsieur le Prince les interrompit,
& dit que l’on auoit desia laissé passer plus de deux cens cinquante
muids de bled : Ils repartirent qu’ils auoient asseurance du
contraire, & qu’il estoit estrange que l’on eust enuoyé vne reuocation
sur vne difficulté qui s’estoit meuë à la Conference, puis que
l’on auoit donné parole aux Gens du Roy, qu’en cas que la Conference
fust rompuë, on ne laisseroit pas de déliurer les cent muids
de bled par iour iusques au iour de la rupture. Monsieur le Duc
d’Orleans & Monsieur le Prince dirent hautement qu’il n’estoit pas
vray que l’on eust donné aux Gens du Roy cette parole ; qu’ils n’auoient
point eu d’autres ordres que ceux portez par les lettres escrites
à Monsieur le premier President, qui portoient que l’on fourniroit
le bled selon ce qui se passeroit à la Conference. Lesdits sieurs
Deputez repliquerent que ladite Conference n’auoit esté accordée
dans le Parlement que sur la parole rapportée par lesdits Gens du
Roy ; que l’inexecution de cette parole donnoit sujet à la plainte du
Parlement, & au dessein qu’ils auoient de reuocquer le pouuoir des
Deputez ; que si l’on ne leur tenoit parole ils estoient obligez de ne
passer plus auant : sur cela Monsieur le Prince leur auoit parlé fort
hautement, & s’estoient retirez. Monsieur le President le Coigneux
a pris la parole en suite, & dit qu’il auoit esté ce matin voir Monsieur
le Duc d’Orleans, & auoit esté introduit dans sa chambre, estant deuant
le feu, ne faisant que se leuer, & luy auoit dit qu’il le venoit voir,
non comme Deputé, mais comme son ancien domestique ; que Monsieur
le Duc d’Orleans luy auoit demandé s’il ne vouloit pas finir
affaire, & terminer la Conference ce iour là, & qu’il luy auoit respondu
qu’il estoit impossible ; qu’il n’y auoit guere d’apparence que

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l’on voulust terminer la Conference pour la Paix, puisque l’on n’auoit
pas tenu la parole que l’on auoit promise ; que Monsieur le Duc
d’Orleans luy auoit dit qu’il falloit terminer dés le iour, & au plustard
dés le lendemain, de crainte qu’il ne se fist des actes d’hostilité
de part & d’autre, qui mettroient les affaires hors des termes d’accommodation,
qu’il estoit facile ; qu’il auoit dit plusieurs discours à
Monsieur le Duc d’Orleans, ausquels il auoit pris plaisir, voyant la
liberté auec laquelle il deffendoit les interests du Parlement : &
qu’en fin il luy auoit dit qu’il pourroit peut estre faire souffrir beaucoup
de maux à la Compagnie, mais qu’il ne la forceroit iamais à
consentir vne Paix honteuse & déraisonnable. Apres ce discours
ont esté leuës deux lettres de Monsieur le President de Bellievre,
du 9. Mars, adressante à Monsieur le premier President, & vne de
Monsieur le Prince de Conty, & l’arresté dudit Parlement, du 9.
Mars, l’extraict d’vne lettre escrite par Cotart, Bourgeois de Paris.

 

Comme on alloit deliberer sur lesdites Lettres & arresté, le sieur
Saintot a frappé à la porte de la chambre de l’Assemblée ; & estant
entré, a dit que Monsieur le Duc d’Orleans prioit la Compagnie de
venir au Chasteau dans la chambre où on auoit commencé la Conference ;
que le lieu seroit commode pour les choses qu’il auoit à leur
dire. Monsieur le premier President a respondu de l’aduis de la
Compagnie, qu’elle alloit monter en carosse pour aller au Chasteau,
& que l’on apprestast les carosses ; & auant que de partir, a esté leu
vne lettre dattée de ce iour, escrite par les Preuost des Marchands
aux Escheuins Deputez.

Apres la lecture de laquelle, a esté arresté que l’on se plaindroit
bien hautement de l’inexecution des promesses du bled,
qu’à faute d’y satisfaire on ne passeroit point plus auant à ladite
Conference, & aussi tost Messieurs les Deputez sont allez au
Chasteau, & estans montez en la chambre de la Conference,
Monsieur le Mareschal de Grammont y estant suruenu, qui a rendu
de grandes ciuilitez à la Compagnie, a témoigné auoir pris soin tant
qu’il auoit pû de conseruer ce qui appartenoit à Messieurs du Parlement ;
qu’il estoit fort desireux que la Paix se fist ; que Monsieur le
Duc d’Orleans & Monsieur le Prince la desiroient pareillement ;
qu’il estoit fort aisé de la conclure, & qu’il y contribuëroit de tout ce
qui estoit en son pouuoir : Messieurs les Deputez luy ont fait plainte
de l’inexecution des promesses du bled, & des reuocations des ordres

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donnez ; luy ont fait voir l’arresté du Parlement, portant surseance
de la Conference, & l’ont prié de faire entendre à Monsieur
le Duc d’Orleans le iuste sujet de leur plainte ; ce qu’il a promis, &
s’est retiré. Peu de temps apres le sieur Saintot est entré dans ladite
chambre où estoit la Compagnie assise, qui a dit que Monsieur le
Chancelier prioit Messieurs les Presidens le Coigneux & Viole de
venir parler à luy dans vne autre chambre, ce qu’ils ont fait, & estans
r’entrez, & incontinent apres ont dit que Monsieur le Chancelier
leur auoit dit que Monsieur le Duc d’Orleans s’impatientoit d’estre
si long-temps sans agir, & desiroit terminer la Conference, qui luy
auoit fait entendre que le manquement de promesse de fournir le
bled leur empeschoit de pouuoir passer outre à ladite Conference.
Sur cela Monsieur le Chancelier auroit demandé l’esclaircissemẽt
de leurs intentions, & qu’ils auoient dit que Messieurs les Deputez
ne pouuoient agir qu’ils n’eussent nouuelles certaines de l’arriuée du
bled à Paris, & aussi-tost lesdits sieurs Presidens le Coigneux &
Viole ont esté mandez par Monsieur le Duc d’Orleans, & estans retournez,
ont dit que Monsieur le Duc d’Orleans auoit dit qu’il vouloit
que la Compagnie fut informée des raisons qui auoient donné
lieu à la reuocation des ordres pour les bleds, qui estoient, qu’ils n’auoient
esté promis que suiuant que la Conference iroit bien : Recours
à ces lettres, & de Monsieur le Prince ; qu’il falloit venir au
fonds, & donner les Articles : que la Compagnie ne deuoit point
apprehender de mauuaises responses, dans le dessein qu’elle auoit de
la Paix : Qu’ils auoient respondu que le bled leur deuoit estre fourny
iusques au iour de la rupture, & que Monsieur le Duc d’Orleans leur
auoit repeté qu’il falloit venir au fonds, que l’on auoit expedié des
passe ports pour faire entrer dans Paris la quantité de bled promise.
Peu de temps apres ont esté apportez par le sieur Saintot deux ordres
du Roy, adressez aux sieurs de Nuailles & d’Amboise commandant
à Lagny & Corbeil, & cinq passeports en blanc, auec vne lettre
de Monsieur le Tellier à Monsieur le Mareschal de Grammont
pour la liberté des Couriers des Deputez, qui ont esté leus & mis entre
les mains des Escheuins Deputez, pour faire les dépesches à Paris.
A esté en suite deliberé ce qui estoit à faire sur les lettres de
Monsieur le President de Bellievre, & sur l’arresté du Parlement, &
tout d’vne voix a passé qu’il seroit surcis à toute. Conference iusqu’à
nouuel ordre du Parlement, & que Messieurs les Presidens le Coigneux

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& Viole iroient vers Monsieur le Chancelier & Monsieur le
Tellier : leur faire entendre & leur dire que Monsieur le premier
President & Monsieur le President de Mesmes, prendroient l’heure
de Monsieur le Duc d’Orleans, pour le voir apres disner, & a esté
prié Monsieur le premier President de faire response aux lettres de
Monsieur le President de Bellievre, & mander ce qui auoit esté
arresté, ce qu’il a promis faire, & se sont retirez tous lesdits Deputez
en leurs maisons.

 

Le Mercredy 10. Mars 1649 de releuée, Messieurs les Deputez
assemblez chez Monsieur le P. President, Monsieur le President le
Coigneux a dit qu’il estoit allé auec Monsieur Viole, suiuant l’arreste
du matin, trouuer Monsieur le Chancellier & Monsieur le Tellier,
& luy auoit fait entendre le susdit arresté, & fait cognoistre que
Monsieur le premier President & Monsieur le President de Mesmes,
par la visite qu’ils deuoient faire à Monsieur le Duc d’Orleans, auanceroient
peut-estre plus les affaires que l’on n’auoit fait iusques à
present, si l’on desiroit les terminer : mais que lesdits sieurs le Chancellier
& le Tellier, estans entrez dans la chambre de Monsieur le
Duc d’Orleans, pour luy faire entendre ce qui s’estoit passé, estoient
retournez vers eux peu de temps apres auec des visages rudes, &
leur auoient dit que Monsieur le Duc d’Orleans s’estoit offencé de
ce qu’ils s’estoient retirez sans luy donner aduis ; qu’il s’en alloit à S.
Germain, & alloit reuocquer les passeports & ordres dõnez pour le
bled ; qu’il auoit reparty ausdits sieurs Chancellier & le Tellier, que
la Compagnie n’auoit iamais manqué de rendre les respects deub à
Monsieur le Duc d’Orleans & les rendroit tousiours, mais que cét
arreste du matin auoit esté fait pour le respect qui estoit deub au Parlement,
qui auoit prié la Cõpagnie de sursoir à toutes Conferences,
iusques à ce que l’on eust receu à Paris tout le bled promis. A quoy
lesdits sieurs le Chancellier & le Tellier se seroient esleuez, disans
que Monsieur le Duc d’Orleans vouloit sçauoir si les Deputez auoiẽt
plein pouuoir ou non & qu’il sçauoit bien que les Generaux de Paris
faisoient brigues dans le Parlement, pour la reuocation du pouuoir
desdits Deputez, & qu’il alloit reuocquer les ordres données pour la
fourniture entiere du bled promis : qu’il falloit conclure, & qu’il demandoit
des articles, & que si dans vne heure on ne luy donnoit satisfaction,
il s’en alloit à S. Germain. Comme on déliberoit sur cette
response, Monsieur le Mareschal de Gramont a demandé à parler

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à la Compagnie, & estant entre dans la Chambre, a dit qu’il demandoit
pardon, s’il auoit interrompu leur déliberation ; mais que
s’en retournant à S. Cloud, il n’auoit voulu manquer de prendre
congéde ladite Compagnie : Messieurs les Deputez l’ont remercié
de les ciuilitez ; & luy ayant fait entendre la response de Monsieur,
se sont plaints d’vn procedé, qui faisoit voir qu’au lieu de faire vne
Conference auec eux, on leur vouloit dõnet la loy, & que dés qu’ils
resistoiẽt on les menaçoit de leur faire expedier des passeports pour
s’en retourner, ou de reuoquer les ordres dõnez pour les bleds promis :
Ont demandé en suite audit sieur Mareschal, si Monsieur auoit
reuocqué lesdits ordres : & ledit sieur Mareschal ayant respondu
qu’il ne le croyoit pas, est entré ledit sieur de Saintot, qui a dit qu’il
n’y auoit point de reuocation. En suite dequoy ledit sieur Mareschal
a exageré les maux qui suiuroient de la rupture de la Paix tant desirée
de tous les bons François, & proteste sur sa vie & sur son honneur,
que Monsieur le Duc d’Orleans auoit desir de la faire, & que
s’ils auoiẽt donné leurs articles, vne heure apres elle seroit terminée.
Messieurs les Deputez l’ont prié d’y contribuer ce qu’il pourroit, ce
qu’il a promis, & s’est retiré : Et d’vn commun aduis a esté resolu de
charger ledit sieur de Saintot, d’aller dire à Monsieur le Duc d’Orleans,
que l’on alloit trauailler aux articles, & que dans auiourd’huy
on les porteroit. Ont esté en suitte leus quelques articles, qui ont
esté mis au net, & mis entre les mains de Monsieur le premier President
& Monsieur le President de Mesmes, qui les ont portez à Monsieur
le Duc d’Orleans, & dont la teneur ensuit.

 

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Anonyme [1649], PROCEZ VERBAL, DE LA CONFERENCE faite à Ruel, Par Messieurs les Deputez du Parlement, Chambre des Comptes, & Cour des Aydes, ensemble ceux de la Ville. Contenant toutes les Propositions qui ont esté faictes, tant par les Princes & Deputez de la Reine, que par les Deputez desdites Compagnies, & de tout ce qui s’est passé entr’eux pendant ladite Conference. , françaisRéférence RIM : M0_2892. Cote locale : A_1_65.