Lorraine, Charles IV de [?] [1652], LETTRES VERITABLES DV DVC DE LORRAINE, ENVOYÉES A SON ALTESSE ROYALLE, ET A MADAME LA DVCHESSE D’ORLEANS. Sur quelques Libelles publiez à Paris, descriant la conduite de son Altesse de Lorraine en France. , françaisRéférence RIM : M2_135. Cote locale : C_12_22.
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Lettres veritables du Duc de Lorraine, enuoyées à son Altesse
Royale, & à Madame la Duchesse d’Orleans. Sur
quelques Libelles publiez à Paris, descriant la conduite
de son Altesse de Lorraine en France.

AYANT eu aduis du bruit qui court dans Paris de la
trahison que i’ay commise, & descouuerte par
Monsieur de Beaufort. Bien que ie croye que ceux
qui nous connoissent ne nous iugent pas coupables de
ce que l’on nous accuse ; Neantmoins i’ay crû deuoir faire
ressouuenir Vostre Altesse Royale, qu’estant arriué à Tugny,
apres auoir esté six semaines en Champagne, attendant
qu’elle effectuast ce qu’elle m’auoit promis touchant
les places de Clermont & de Stenay. Elle me pressa
par toutes les considerations qu’elle pouuoit auoir
les plus cheres, de sa Personne & de sa Famille, que ie
m’auançasse & secourusse la Ville d’Estampes, où son
armée alloit perir sans ressource ; Ce que ie resolus à l’instant
sans autre but ny interest que le vostre, dans la resolution,
que fait ou failly ie me retirerois ; ainsi que ie l’ay
declaré à V. A. & à toute la Terre. En suite ie passay la
Marne & vins à Paris, pour de là passer la Seine. Vne partie
de ma Cauallerie estant passée, i’appris que l’armée du
Roy auoit leué le siege. Ayant veu qu’il estoit necessaire
pour son seruice que son armée se pût retirer seurement ;
ie promis six iours, dans lequel temps l’armée du Roy
n’entreprendroit rien contre, ny mesme ne s’approcheroit
de quatre lieuës, pourueu que ie ne passasse la Seine.
Neantmoins, comme vous ne voulustes pas receuoir cét
aiustement, estant resolu de me retirer, vous me vinstes
presser de ne m’esloigner pas, & d’attendre l’occasion de
pouuoir retirer vos trouppes. I’y consentis & donnay non
seulement huict iours, mais quinze, pour moyenner cette

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sortie d’Estampes. Le Vendredy suiuant l’armée du Roy
estant arriuée à Corbeil, i’en donnay auis à V. A. le Samedy
dés la pointe du iour. A huit heures, ie luy fis sçauoir
comme tout estoit passé auec le Canon, & marchoit droit
à mon Camp. Que vos Generaux auoient à cette heure
toute liberté de retirer leurs trouppes, & que si elle vouloit
enuoyer promptement ses ordres, que sa Cauallerie
me pourroit venir ioindre. Que neantmoins ie luy laissois
à considerer si c’estoit son seruice ; que si cé ne l’estoit pas
qu’il ne le fit auec vne entiere indifference, comme le
peut certifier le Lieutenant de Valois. Ie luy dis de bouche,
que ie croyois que ces trouppes d’Estampes deuoient
aller à sainct Cloud pour plus grande seureté. L’Ennemy
s’estant presente à dix heures à mon Camp, apres quelques
escarmouches & des prisonniers faits de part & d’autre
il m’enuoya le sieur de Beaujeu, pour me faire sçauoir,
que si ie me voulois retirer comme ie l’auois dit, que
l’armée n’auoir aucun dessein sur moy. Ie le laissay six
heures sans respondre, esperant tousiours quelque secours
de vous. Il me vint retrouuer ; ie luy dis qu’il n’y auoit
plus rien à faire que d’acheuer la Comedie, & qu’elle
estoit trop bien commencée. Il me demanda de s’en retourner,
& qu’il m’engageoit sa parole que l’armée du
Roy se retireroit, si ie voulois m’obliger à me retirer apres
comme ie l’auois tousiours dit. Que pour les trouppes
d’Estampes on leur donneroit seureté d’aller à Paris. ou
ailleurs, si ie voulois promettre que ie ne me joindrois à
eux pour entreprendre contre l’armée du Roy. Comme
ie ne respondis à son gré, il me renuoya vn Gentilhomme
me redemander sa parole, afin que Monsieur de Turenne
agist ; ce que ie fis auec grande ioye, & luy dis, qu’aussi-bien
nous estions trop prés les vns des autres pour en demeurer-là,
le dispozay donc mes affaires le mieux que ie
pus, & en sorte qu’il ne parut point que mes gens eussent
enuie de ne le pas receuoir. Le Roy d’Anglererre estant
là, voulut voir ce Gentilhomme, lequel dit en sa presence,

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que si ie voulois demeurer aux mesmes termes, que
Monsieur de Turenne se retireroit ; sur quoy le Roy voulut
y enuoyer le Milord Germain, qui ramena le Duc
d’York & Beaujeu. Sur ces entrefaites, Monsieur de Turenne
vint aussi, & m’offrit le choix de se retirer le premier,
en luy donnant des Generaux, ou qu’il m’en donneroit
deux à mon choix, si ie voulois decamper le premier pour
la seureté de ma marche. Ie l’acceptay auec cette obligation,
qu’il demeureroit trois iours là, & que les gens que
i’auois de Monsieur le Prince de Condé seroient conduits
où ils voudroient : ce qui fut accordé, apres neantmoins
auoir sur ce sujet rompu & commandé que l’on chargeast,
parce qu’il vouloit qu’on les ramenast à Lagny, où ie les
auois pris. Tout ce long discours est reduit à l’effet que,
Estampes a esté secouru, vos trouppes tirées & mises en
seureté ; & de plus, les trouppes de Monsieur le Prince
iointes à l’armée. Ie laisse à V. A. R. à iuger combien elle eut
donné, quand la Ville d’Estampes estoit assiegée, afin que
l’on eut mis les choses en cét estat ; neantmoins ie l’ay trahy,
dit-on. Ie suis si religieux à ma parole, qu’ayant promis
que ie ne traitterois pas auec la Cour, que ie ne fusse retiré
sur la frontiere ; ie l’asseure que m’ayant esté offert autant
& plus que ie n’esperois, ie n’y ay voulu entendre ; marchant
sur la frontiere pour prendre mieux mes mesures
que ie n’ay pas fait ; ny ayant eu aucune raison qui m’ait
pû obliger d’en venir aux mains auec les Ennemis à Villeneuue
sainct George. Aussi deffie-je toute la terre de m’auoir
veu apprehender ny faire aucune action, pour empescher
les Ennemis d’en venir aux mains. I’y ay fait ce
que i’ay deû, & s’il vous plaist de vous en informer, & de
toutes les particularitez, V. A. R. trouuera que ie n’ay
rien fait dont elle ne doiue estre fort satisfaite, ie le seray
entierement si elle me croit.

 

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A MADAME LA DVCHESSE
d’Orleans.

LE Marquis de Sabloniere vous portera tout ce que
i’ay creu ne deuoir escrire. Ie ne doute pas que Monsieur
de Beaufort ne vous aye fait entendre ce qu’il a veu,
& comme il estoit luy-mesme dans diuerses pensées, mais
ie ne sçay comme il vous l’aura fait entendre. Ie n’ay fait
que ce que i’ay tousiours dit, de me retirer, lors que vos
gens d’Estampes seroient en seureté. Ils y sont bien, puis
que les Ennemis leur ont donné toute liberté d’auoir conuenu
auec le Vicomte de Turenne de ma retraitte. I’ay
tousiours dit à Monsieur & au Prince, & à tous, que ie ne
ferois autre ajustement que celuy là. De n’auoir pas combatu,
il n’a pas tenu à moy, iamais ie n’ay enuoyé vers les
ennemis, ny pretendu rien d’eux. Ils m’ont enuoyé & renuoyé
six heures durant, sans auoir voulu respondre, ne me
demandant autre chose que ma retraitte, dont ie suis enfin
tombé d’accord à la teste des armées. Toutes choses
m’y ont obligé, quoy que i’aye veu mes trouppes en estat
de se bien battre sans vostre secours. Les Ennemis ont
trouué bon de me donner lieu de l’esuiter, & ie I’ay trouué
bon aussi ; puis que ie n’estois secouru de pain, ny d’hommes,
comme l’on m’auoit promis. Ie suis à vous.

Autre à Madame la Duchesse d’Orleans.

IE suis tombé d’accord de tirer cette armée d’Estampes
seurement, & que pour cét effet ie demeurerois quinze
iours prés de Paris. Que si plustost cela se pouuoit, on ne
pretendroit rien dauantage de moy, ma resolution ayant
tousiours esté de me retirer, selon que ie l’ay declaré cent
fois à Monsieur & à tout le monde. Vos trouppes sont
maintenant assez en liberté d’aller où elles voudront, &
par la diuersion que i’ay faite des Ennemis qui me sont venus

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sur les bras ; cela estant, qu’auez vous à vous plaindre ?
I’ay fait aussi que les trouppes de Paris ont peu ioindre celles
d’Estampes ; Voila vn suiet plausible de vous fascher.
Pour ce que i’ay fait ie I’ay deu faire ; i’ay attendu les Ennemis,
sans que personne se soit mis en deuoir de me secourir,
ny qu’on puisse dire que i’aye balancé, ny rien oublié
de ce que ie deuois faire. Ie n’ay fait ny vn pas pour reculer,
ny dit vne parole d’accommodement. Ils ont enuoyé &
renuoyé auant que ie voulusse les escouter ny m’expliquer
qu’auec la bouche des canons & autres armes. Il est vray
qu’ayant eu iour de sortir d’affaire, ie I’ay fait, n’ayant pas
creu que ie deusse pour le plaisir du party où vous estes entrez
hazarder ma maison & mon nom. Mais afin que ie
vous parle plus clairement, estant à la teste de mon armée,
ie vins à Dom Gabriel de Toledo, & luy dis, que
si le seruice de son Roy vouloit que ie hazardasse le combat,
que ie l’allois commencer ; Il me respondit qu’il ne
pouuoit me le dire, ny me le conseiller. Si Monsieur & son
party m’eust obligé i’en aurois fait autant ; mais la lettre
qu’il m’enuoya par vn des siens, & le manquement de mesche,
poudre, boulets, de pain, & d’hommes qu’on m’auoit
promis, me fit resoudre. Ie dis cecy en passant, &
ne laisse de protester que si ie puis seruir Monsieur & vous,
ie le feray auec passion, si vous le voulez.

 

Desille toy donc les yeux, Lecteur, & peste de toute
ta force contre ses imposteurs qui ont fait prosner dans
les ruës.

La trahison du Duc Charles tramée par le Roy d’Angleterre
& le Cardinal de Retz.

La Lettre de Madame la Duchesse d’Orleans, enuoyée
au Duc Charles son frere, sur le suiet de son insigne trahison.

Le Tour Burlesque du Duc Charles.

Et autres infames pieces, qui parlent plustost contre
l’ingratitude des François, que contre le Duc de Lorraine,

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puis qu’il a eu la bonté de venir faire leuer le siege
d’Estampes. Ie m’estonne que ces malheureux n’ayent
mis en auant, que ce grand Prince est celuy qui a tramé
ces deux belles equipées, contre Messieurs du Parlement,
& contre ce grand nombre d’illustres Deputez dans l’Hostel
de Ville.

 

FIN.

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