Loret, Jean [?] [[s. d.]], SVITE DE LA GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_24.
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SVITE DE LA
GAZETTE
DV
TEMPS.

EN VERS BVRLESQVES,

A SON ALTESSE
MADAMOISELLE DE LONGVEVILLE.

 


MA Princesse si le destin
Ne m’eust point fait si libertin,
Si i’aymois moins battoirs, raquettes,
Cartes, quinolas, quinolettes,
Prime, hoc, piquer, reuersis,
Et que d’vn esprit plus rassis,
I’affectasse la solitude
Les veilles ; les autheurs, l’estude,
Mes ouurages assurement
Auroient beaucoup plus d’agreement,
Mais mon influence notable,
A ma gloire est vn bien fatale
A tousiours mes sens amusés
Aux diuertissemens aisés,
M’a tousiours donné de la hayne
Pour tout ce qui s’appelle peyne ;
Bref traicté de telle façon,
Que je n’ouis jamais leçon
De Regent ny de Pedagoge,
Mais c’est assez pour vn Prologue.

 

 


On dit que le Comte d’Harcour
Sans aucun congé de la Cour
A Marcin a ceddé la place,
Et pris la route de l’Alsace,
Et de peur de mic & de mac
S’est ietté soudain dans Brissae,
On tient qu’il a quitté la lice,
Pressé d’vn certain artifice

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Dont on s’est seruy finement
Pour preuenir son iugement,
Et le comblant de defiance
En luy protestant d’asseurance
Qu’en Cour on auoit concerté
Des desseins pour sa seureté,
Ce sont pour moy des lettres closes,
Mais ma foy quantité de choses
Tant dans France que dehors
Ce sont par d’estranges tessorts.

 

 


Madame de Boüillon la vefue
Laissant vne sensible preuue
De ce qu’on souffre de rigeurs
Quand la mort separe deux cœurs
Sous vn funeste deuil succombe,
Et visitant souuent la Tumbe
Où son Cher espoux est enclos
Y faict autour milles sanglots,
Et ses yeux plains d’humides charmes
Deuenus deux sources de larmes,
Honorent de plus nuit & iour
Ce digne obiect de son amour,
La Conception seroit belle
Si je metrois en parallelle
Cette dame qu’on crut si fort
Comblée d’vn si grand deconfort
Auec l’illustre, desolée
Qui fit Bastir ce mausollée,
Et qui feut, dans l’antiquitté
Vn miroir de fidelité,
Mais ie sçay que cette pensée
Est si souuent repetassée
Par ceux qui font milles butins
Dans les Liures Grecs & Latins,
Que ie passerois soubz silence
Cette espece de ressemblance,
Puis ces iustement que ie dis
Que cette veufue de jadis
Parut moints triste aux yeux des hõmes
Que celles du Temps où nous sommes,
Dont certainement ce malheur
Est si profond que sa douleur
Ne peut soufrir tant elle est ample
De comparaison ny dexemple.

 

 


On dit que Messieurs les Frippiers
La plus part de vray ferlampiers
Aucuns d’eux meschant & damnables
Et d’autres assez raisonnables,
Traicterent destrange façon.
L’autre jour vn pauure garçon
Qui d’vn ton vn peu sot & rogue
Les Nomma gens de Synagogue,
Dés qu’il eut dit ce mot picquant
Vn d’eux luy donna quant & quant
Six ou sept coups de halebardes,
Car ils retournoient de garde
Ensuitte ces Gens mutinez
Luy cracherent cent fois au nez,
Luy disant tes fiebures cartaines
Et luy donnerent trois douzaines
Des souflets les plus inhumains
Auecque leurs patentes mains,
En fin quelques vns qui passerent
Lesdits Frippiers reprimenderent
De ce monstrer si rigoureux,
Lors le garçon d’vn ton pleureux
Leur dit helas il me martyrent,
Leurs rigeurs â moment s’empire
Ils m’ont mené me mal menant
Du Capitaine au Lieutenant,
Et maintenant on me rameine
Du Lieutenant au Capitaine,
Ils m’ont faict maint indignitté
Mocqué, tiraillé, souffletté,
Bref la Nation Iudaïque
Ne feut guerre moings Tyranique
Quand elle tourmenta Iadis
Le Createur du Paradis,
Vn si tres sçandaleux langage
Des Frippiers augmentent la rage

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Et luy donnant vn dementy
L’vn dentre eux le plus peruerty,
Le frape de façon cruelle
Et luy fit sortir la ceruelle,
Mais de ce noir euenement
On parle si diuersement
Que certe l’on ne sçait que croire
D’vne si malheureuse histoire.

 

 


Dautant que Messieurs de Paris
Tant les ieunes gens que les gris,
Tant les Masles que les femelles,
Tant Bourgeoises, que Damoiselles,
Ainsi que les autres Estez,
N’ont point esté de tous costez
Respirer l’air des pourmenades,
Le nombre est fort grand des malades,
Et l’on ne voit à tous momens
Que quantité d’Enterremens,
De gens morts de la frévre chaude
Qui n’espargnes Germain ny Claude,
Denys, Raymond, Albert, Hubert,
Lambert, Robert, ny Dagobert,
Guillaume, Gaultier, ny Garguille,
Ny Luc, ny Marc, ny Iean, ny Gille,
De plus les maux originels
S’irritent des flancs maternels,
Sçauoir la petite verolle,
Et pareillement la Rougeolle
S’épandent dans tous les quartiers
Aux maisons des gens de mestiers :
Mesmes dans les nobles familles,
Où l’on void quantité de filles
Tous les teints de Rose & de Lys
Sont à present enseuelis
Dans les hideux restes de galles,
Tesmoing la Pucelle d’Aumalle,
Dont le visage plein d’attraits
Si pur, si beau, si Blanc, si frais,
N’est pas vne beauté passée,
Mais vne lumiere éclipsée,
Dont les rayons iadis bruslants,
Ne seront iadis si brillans,
Patrocle encore vne autre belle,
Mais mariée & non pucelle,
A le nez aussi tout gasté
De ce mal plein de cruauté ;
Qui fait d’vne belle, vne laide,
Mais le bon Dieu luy soit en ayde,
Mesme à Madame de Pisy
A qui le destin à choisy
Vn mary qui iadis comme elle
Sentit cette atteinte cruelle,
Et mesme à Madame le Gras
Au corps si doucet & si gras,
Et dont la rauissante forme
Auparaurnt ce mal énorme
Sçauoit tous les cœurs enchanter,
Et pouuoit fort bien se vanter
D’auoir du teint sur le visage
Pour mil escus & d’auantage,
De ce mal iniuste & felon
La tres-dolente Barillon
Est encore fort outragée
Quoy que de quarante ans aagée ;
Mais ce fleau contagieux
Ne respecte ieunes-ny vieux.

 

 


Toute à Cour fait à cette heure
A Compiegne encor sa demeure,
Ou Mademoiselle Bourdon
Pour faire enrager Cupidon
S’estoit mise en vn Monastere,
Mais du Roy l’vnique & cher frere
A qui cela ne plaisoit pas
Y courut soudain à grand pas,
L’on m’a dit que ce fut Dimanche
Et la prenant par sa main blanche.

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La ramena droit à la Cour,
Et le soir de ce mesme iour
Apres cette action hardie
Il luy donna la Comedie.

 

 


Le feu s’estant pris l’autre iour
Assez proche de Luxembourg
Dans vn logis de consequence
On croyoit que sa violence
Par vn subit embrasement
Destruiroit tout le basliment ;
Mais vne Dame debonnaire
Iettant dedans vn Scapulaire
Les mains en haut elle ioignit,
Et le feu soudain s’esteignit,
Arresté par ce seul obstacle,
Et la rareté du miracle
Est que sans aucun contredit
Le Sainct Scapulaire susdit
Ietté par cette bonne Dame
Au milieu de l’ardante flame
Fut retrouué le lendemain
Dans la maison entier & sain
Parmy la cendre & la poussiere,
Certainement belle matiere
Pour confirmes les gens de bien,
Mais Charenton n’en croira rien.

 

 


I’auois escrit l’autre sepmaine
Que Monsieur le Duc de Lorraine
Venoit en faueur de la Cour
Mais maintenant il n’est plus pour
Car depuis certain interualle
Il est pour l’Altesse Royalle
On verra bien s’il se maintient
Iusqu’à la sepmaine qui vient.

 

 


Touchant les Mareschaux de France
On m’a mandé que d’asseurance
La Force, Miossans, & Palleau
Estoient sur le roolle nouueau,
Et que le Mareschal d’Estrée
Doit au Conseil auoir entrée,
Quoy que Iulles s’en soit allé
En climat assez recullé
La Paix de nous tant attenduë
N’est encor pourtant descenduë
Du Ciel son bien-heureux seiour,
Où l’on n’entend aucun tambour,
Chacun ardamment la desire,
Mesme deust-on en ce lieu dire
Taisez-vous petit sot d’Autheur
Vous faictes le Predicateur,
Il faut que ie die en ces lignes
Si nous ne nous rendons plus dignés
De cette aymable & douce paix
Que nous ne l’obriendrons iamais.

 

 


Princesse blonde, & non pas brode
Ie finis par ce periode,
Priant le Ciel auec ardeur
Qu’il ait tousiours vostre grandeur
En sa saincte & diuine garde,
Et vous tienne gaye & gaillarde.
Ces vers aucunement sterilles
Furent faits le iour de Sainct Gïlles.

 

APOSTILLE.

 


On m’a mandé de Liancour
Que trois Messieurs de la Cour,
Mais on ne m’a nommé personne,
Murmurent fort, dont ie m’estonne,
Moy qui ne suis qu’vn doucereux,
De ce que i’auois parlé d’eux
Dans mes pauures petits ouurages,
Alleguant lesdits personnages
Que ie les auois offencez
Ne les respectant pas assez :

 

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Ie leur en fais trois mille excuses
Et iure par toutes les Muses
Que ie n’eus iamais dans le sein
De les fascher aucun dessein,
I’ay sans y penser fait la faute,
Que si leur ame noble & haute
Dont ie ne doute nullement
Qu’il ne mette benignement,
Leur colere estant amortie,
Que i’aye part à l’Amnistie.

 

FIN.

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