Loret, Jean [?] [1652], SIXIESME GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_28.
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SIXIESME
GAZETTE
DV
TEMPS.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,

M. DC. LII.

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SIXIESME
GAZETTE
DV
TEMPS,

A SON ALTESSE
MADAMOISELLE DE LONGVEVILLE

 


Noble & genereuse Marie
J’ay l’ame tout à fait marrie,
Pour la sotte supercherie
Que me font des gens de voirie,
Mes vers sur le Pont-neuf on crie
O maudite raillerie,
Ha cela me met en furie,
Peste de leur Imprimerie,
Las ma veine est presque tarie
Par vn excez de fascherie,
O Princesse des Dieux cherie
Excusez ces vers ie vous prie,
Ils n’auront nulle raillerie
Et ie ne croy pas qu’on en rie.

 

 


Monsieur le Cardinal de Retz
Chargé des communs interests,
Vn des iours de cette semaine
Alla voir le Roy & la Reine,
Dont il fut, si le bruit ne ment
Receu tres fauorablement,
Et pour luy faire mieux la feste
Le Roy mesme luy mit en teste
Auec vn port graue & Royal
Le beau Bonnet de Cardinal,
Qu’vn Camerier assez bon homme
Nouuellement venu de Rome,
Auoit à grands frais apporté,
De la part de sa Sainteté,

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Lors on luy fit la reuerence
Chacun le traicta d’Eminence,
Luy parla, le congratula,
Et certes, il fut ce iour-là
Complimenté de tout le monde
Sur sa dignité rubiconde.

 

 


Apres plusieurs icy ie dis
La mort du Marquis de Sourdis,
Et du Comte aussi de Tillieres
Les trois funestes Filandieres
Ayans, dit-on, depuis deux iours
De leur vie acheué le cours,
Si la nouuelle est fausse & vaine
S’il plaist à Dieu l’autre semaine
D’autre façon i’en parleray,
Et ie les ressuciteray.

 

 


On a de Compiegne nouuelle,
Que la Cour est brillante & belle
Et qu’[1 mot ill.] on peut voir au cours
Tant de satins que de velours,
Du moins cent ou six vingts carrosses
Dont les cheuaux ne sont pas rosses,
Mais ont le pied viste & gaillard
Et le dos gras comme du lard
Quand le iour y vient vn peu sombre
On y void des beautez sans nombre,
Et quantité de Courtisans
Fort braues gens ou soy disans,
Enfin certain quidam proteste
Que la Cour est tout à fait leste,
Ha, si Gaston, Condé, Conty
se reioignoient à ce party,
Et que Charles Duc de Lorraine
Attendant que de son Domaine
On luy fist restitution
Fust aussi de la ionction
Et que leurs sœurs filles & femmes
Et quantité d’aymables Dames
Qui sans doute suiuroient leurs pas,
Vnissent leurs diuins appas
A cette Cour, desia si grande
O beau Soleil ie te demande
Toy qui de long ou de trauers
Void tous les lieux de l’Vniuers,
Si dans tout le monde habitable
On pourroit rien voir de semblable,
O, blond & Brillant Apollon
Si tu parlois, tu dirois, non.

 

 


Dimanche plusieurs volontaires
Merciers, Birbiers, Apotiquaires,
Lapitaires, Cabaretiers,
Enfin des gens de tous mestiers
S’estans transportez à centaines
Pour grossir les trouppes Lorraine
Furent chargez du sieur Mombas
Lequel en mit plusieurs à bas,
Et prist mesme quelque bagage,
Et peut estre eust fait dauantage,
Mais vn quidam fait comme vn Clerc
Passant prés l’Hostel de Schomberg
Dit que de Montbas les cohortes
N’auoient pas esté les plus fortes,
Que les Canons qu’on fit parler
Les firent bien-tost d’estaler,
Que leur funeste tintamarre
Leur fit vn effroyable escarre,
Et que durant ce grand fracas
Qui de corps morts faisoit des tas
Plusieurs braues bourgeois rentrerent
Et tres-vaillamment se sauuerent,
Fauorisez par le canon,
Les vns blessez les autres non.

 

 


La maladie aueugle & folle
Qu’on nomme petite verolle,
A rigoureusement traicté
La bonne grace & la beauté,

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De madame de Montataire
Dont la face charmante & claire,
Et les appas chastes & doux
Plaisoient tant à son cher espoux,
Qui la voyant si fort changée
Par cette verolle enragée,
Il ne peut voir ce changement
Sans souspirer à tout moment,
Sa grace n’est plus si iolie,
Sa peau si blanche, ny si polië,
Et son teint tres mal accoustré
N’est plus si frais & si lustré,
Cela met l’espoux en cholere,
Il peste, il crie, il desespere,
Mais il deuroit considerer
Au lieu de se desesperer
Que quoy qu’vn mal plein d’iniustice
A sa chere espouse rauisse
Cette legere fleur du corps
Il luy reste d’autres tresors
Dignes d’vne immortelle flamme
A sçauoir vne tres belle ame,
Vertu, sagesse, esprit, bonté
Qui durent plus que la beauté,
Mais ie trouue mes Vers ineptes
De vouloir donner des preceptes,
Autrement consolation
En si pressante affliction,
Certes, si i’estois en sa place
Et qu’vne pareille disgrace
Me fit sentir mesme rigueur
I’enragerois de tout mon cœur,

 

 


Cõme on fait souuent des mécontes
Messieurs de la chambre des Comptes
Auoient entre-eux premedité
De sortir de cette Ciré,
Pour en rendant obeissance
A la souueraine puissance
Aller ioindre amiablement
La portion du Parlement,
Qui dedans Ponthoise reside
Où le veillard Molé preside,
Mais faute de bons passeports
Pour la seureté de leurs, corps,
De leur train & de leur bagage,
Ils ont differé ce voyage.

 

 


Mercredy le Duc de Chevreuse
Fit vne chere plantureuse
A son Parent le Duc Lorrain,
Et ce Prince le lendemain
Tant en vin, en fruict, qu’en viande
En fit vn autre encores plus grande
En l’Hostel iadis de saint Pol
Ou l’on se remplit iusques au col,
Puis auec sa Royalle Altesse
Il alla de grande vitesse
Pour tenir ensemble conseil
Auec ce Heros sans pareil
Que Monsieur le Prince l’on nomme
Qui suiuy de maint gallands hommes,
Vint du Camp conter ses raisons
Dans vn Logis nommé Maisons,
Sçauoir ce que ces Princes firent
Ce qu’ils dirent, & contredirent
Tant qu’ils furent en cedit lieu,
Ie n’en sçay rien ma foy de Dieu.

 

 


Enfin [illisible] remise
On dit que Monseigneur de Guise
Est à Bordeaux presentement
Tousiours aymé, tousiours amant
Et que par vn soin tres fidelle
Il a mesme escrit à sa belle.

 

 


Ie ne puis icy m’empescher,
Car ce subiet là m’est trop cher,

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De parler des reioüissances
Des extresmes magnificences,
Et des festins à diuers mets
Dont la bonne Ville de Mets
Monseigneur de Schomberg regalle
Et la Dame aussi sans egalle,
Dont par vn nœud certes bien doux
Il est le tres-heureux espoux,
Tant de deuises rares & belle
Et tout à fait spirituelle,
Arcs triomphaux en lieux diuers
Ornements, Emblesmes, beaux Vers,
Et cent Peintures toutes neufues
Ce ne sont que les moindres prennes
De l’amour vrayment cordial
Qu’a pour eux ce peuple loyal,
Douze ou quinze aymables mignõnes,
Sages du moins comme des Nonnes,
Et quantité de beaux enfans
Sur des Theatres triomphans,
Les vnes dans les Vrselines
Ayans des riches hongrelines,
Les autres apres celles-là
Au logis de saint Loyola,
Auec des actions hardies
Ont recité des Comedies,
Mais pour mieux monstrer leur ardeur
Enuers l’vne & l’autre grandeur,
Dont ces peuples sont idolatres,
Outre les esbats de Theatres
Qui furent trouuez fort plaisant,
Ils leur ont offert des presens
De considerable importance
Et qui vaudroient grande finance,
S’ils estoient bien appreciez,
Mais on les a remerciez,
Car ce couple digne d’estime
A tousiours tenu pour maxime
Que des grands c’est mieux le deuoir
De donner que de receuoir,
Que s’ils acceptent quelque offrande
Petite, mediocre ou grande,
C’est dans le dessein seulement
De recompenser doublement,
O Gouuerneur, ou Gouuernante
Si grand preneur, si grand prenante
Qui prenez des pauures humains
Et mesmement des pauures humains,
De Iean, Geruais, Hierosme & Iacques
Des assiettes, des plats, des placques,
Des superbes emmeublements
Des estoffes, des diamants,
Bœufs & cochons à grasse coyne,
Bois, vins, foins, bleds, orges, auoynes,
Mesme iusques a des bois cossus,
Prenez exemple là dessus.

 

 


Princesse de tous honorée
De moy peu s’en faut adorée,
Dont la naissance est reuerée,
Dont la tresse est blonde & dorée,
Dont la prunelle est azurée,
La face blanche & colorée,
Et l’Ame de Vertu parée,
Cette lettre que i’ay tirée
De ma ceruelle euaporée
Vous est de bon cœur consacrée,
Dieu veüille qu’elle vous agrée.

 

 


Ce discours si i’ay bien compté
Est du quinze du mois passé.

 

Du 15. Septembre 1652.

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