Loret, Jean [?] [1652], SEPTIEŚME GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_29.
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SEPTIEŚME
GAZETTE
DV
TEMPS.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,

M. DC. LII.

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SEPTIESME
GAZETTE
DV
TEMPS,

A SON ALTESSE
MADAMOISELLE DE LONGVEVILLE.

 


Encores que ie sois de ceux
Que l’on peut nommer paresseux,
i’ay sans mentir cette semaine
Pris bien du soin & de la peine
De ramasser les bruits diuers,
Pour vous les rediger en Vers,
Mais ie sens pourtant dans mon ame
Que par vn manquement de flamme
Ie ne suis pas trop en humeur
De faire auiourd’huy le rimeur,
Toutesfois, ô Princesse Illustre
Il ne faut pas que ie vous frustre
Du tribut qui vous est acquis,
Quoy qu’il ne soit pas trop exquis
Ie veux donc suiure la coustume,
Et mettre la main à la plume,
Mais sans vn celeste secours
N’esperez pas vn long discours,
Car de moy ie ne puis promettre
Qu’vne courte & succinte lettre.

 

 


Celle que l’on nomme la mort,
Et qui selon les loix du sort,
Coupe toutes sortes de trames
De Madame du Pont au Dames

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A mis le corps dans le tombeau,
Quoy que ieune, gras, blanc & beau,
La belle Infante de Chevreuse
Ce iour la fust tres fort pleureuse,
Et souspira de tout son cœur,
Car elle estoit sa chere sœur,
Mais ces officieuses larmes
Quoy que plaines d’aimables charme
Et de doux & tendre appas,
Ne la ressuciteront pas.

 

 


On auoit à Paris sceu comme
Monsieur de Boüillon ce grand hõme
Apres des accez furieux
Commençoit à se porter mieux,
Et l’on auoit quelque Esperance
D’vne heureuse conualescence,
Mais vn mien amy ma mandé
Qu’il estoit enfin decedé,
Plusieurs gens rendront tesmoignage
Que c’estoit vn grand personnage,
Et qu’il auoit peu de pareils
Pour la guerre & pour les conseils,
Sans doute il estoit vn grand homme
En Flandres, en Allemagne, & Rome,
Chez le Roy, chez la Reyne, icy,
Et ie croy dans l’Espagne aussi.

 

 


Quoy qu’il courre dans la Campagne
Vn fascheux bruit du Roy d’Espagne,
Sçauoit qu’il a passé le pas
Ie ne le croy toutesfois pas,
Car quand vn si puissant Monarque
Deuient le butin de la Parque,
Quoy qu’on face pour le cacher
On ne peut iamais empescher
Qu’vne si funeste nouuelle
Ne soit bien tost vniuerselle

 

 


Monsieur de Mets à ce qu’on dit
Sans pouuoir vser de desdit
D’vne volonté libre & franche
A permuté depuis Dimanche
Au mazarin son Euesché,
Dont il estoit fort empesché,
Car quoy qu’il abonde en Prairies,
Forests, Chasteaux Chãps, Mestairies,
Les reuenus d’vn si grand bien
Ne venoient pas autrement bien,
Quoy qu’il en receust quelques rentes
Apres d’assez longues attentes
Cela ne pouuoit subuenir
seulement à l’entretenir
Ny de chaussons ny de chaussettes,
Ny de rabats ny de manchettes,
Ny de Iarretieres ny de gans,
Ny pour payer ses suffragans.

 

 


Quoy que plusieurs trouuent estrãge
Ce nouuel & fameux eschange,
Si cette permutation
Estoit vraye & sans fiction,
Et que ledit Messire Iulles
Apres auoir receu ses Bulles
Comme on espere au premier iour
Voulust s’esloigner de la Cour
Mets luy peut seruir de retraite
Et la paix ensuite estant faite

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Dont on ne doute nullement
Il y viuroit tout doucement
A l’abry de toute caballe
Et des gens de paille & de halle,
Y fust il desia tout de bon
Au lieu de Henry de Bourbon,
Sans auoir autre soing ny cure
Que d’exercer sa prelature,
Seruir son Dieu, son createur,
Et le rendre enfin bon Pasteur,
Puisque par vn destin sinistre
On le croit si mauuais Ministre ;
Or ie change de stil icy
Car comme i’acheuois cecy
Certain quidam m’est venu dire
Qu’il n’en falloit pleurer ny rire,
D’autant que le grand General
Qui n’ayme point le Cardinal
Auec vn sentiment contraire,
Des approuuant fort cette affaire,
A fait dire à Monsieur de Mets
Qu’il ne consentira iamais
Que cét Euesché d’importance
Des plus nobles qui soient un France,
Y preuoyant quelque danger
Soit possedé d’vn Estranger,
Et mesme ledit Personnage
Pour mieux appuyer son langage
Me dict que ledit Mazarin
Ne s’en alloit plus vers le Rhin,
Mais qu’on luy dressoit vne estappe
Dans Auignon terre du Pape,
Ie ne suis point d’vn naturel
Lasche, carnassier, ny cruel,
Mon front fait du moins trente rides
Quand i’entends parler d’homicides,
De sang, d’assassins, de trespas,
Ainsi donc ie ne serois pas
Pour la mort de son Eminence,
Mais ie suis fort pour son absence.
Par vn Arrest de cette Cour
Icy se vend de iour en iour
Ses meubles peintures images,
Et mille autres autres ouurages
Qui du peuple sont prophanez
Iusques a leur casser le nez.

 

 


Selon les bruicts les plus vulgaires
Les Espagnols n’auancent gueres,
Ny mesme le grand Duc Lorrain,
Lequel n’a plus vn cœur d’airrain
Comme il auoit contre la France,
Mais semble donner esperance
De demeurer paisible & coy
Et ne plus trauerser le Roy.

 

 


Le sieur Barter homme d’intrigues
Qui sçait faire & rompre des ligues,
Et qu’on tient de belle hauteur
Estre grand negociateur
Fait & refait plusieurs voyages
Afin d’adoucir les courages
Et par vn traitté solemnel
Que Dieu vueille rendre eternel,
Enuoyer au diable la guerre
Et ramener la paix en terre.

 

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Mardy, le Parlement nouueau
Composé de maint gros cerueau,
Par vne Royale Ordonnance
A Ponthoise prit la seance,
Et fit tout plein de reglemens
Touchant les presens mouuemens,
Mais ils n’estoient a tout rabattre
Que le nombre de vingt-quatre,
Sçauoir le President Molé
Dont i’ay plus de cent fois parlé,
Et lequel a par Saincte Barbe
Encor plus de sens que de barbe,
De Nouion & le Coigneux
Gens de l’Estat assez soigneux,
Monsieur de Noyon Pair de France
Prelat d’honneur & d’importance,
De L’Hospital & Villeroy
Tous deux grands seruiteurs du Roy,
De Champlastreux comme honoraire,
Plus d’Orgeual, Bordeaux, Berchere,
Monsieur Balthazar aussi
Estoient encor ioincts à ceux cy
Tous quatre Maistres des Requestes,
Et qui passent pour bonnes testes,
Le Févre, Thibeuf, Tambonneau,
Saincte Croix, Mandat, Menardeau,
De Seue, Perrot, Bragelonne
Qu’on tient assez sage personne,
Le Févre la Barre, Bernay,
Homme, dit on, assez bien nay,
Tous Conseillers d’ame loyalle,
Si l’on en croit la Cour Royalle,
Puis le Procureur General
Qui ne harangua point trop mal,
Et sur le tout Monsieur Radigues,
Greffier, lequel par maints intrigues
Eust vne robbe d’Aduocat
Qui luy fust loüée vn Ducat,
Et le Bonnet carré d’vn Prestre
Pour plus honnestement parrestre.
A Paris de petites gens,
Colporteurs, Records de Sergens,
Gens de Pont neuf, & de tauernes,
Tous vrays diseurs de balliuernes
Se mocquent impertinemment
Du susdit nouueau Parlement,
Mais loing d’auoir l’ame abusée
Par cette engeance mesprisée,
Ie n’escoute qu’auec regret
Ce que dit le peuple indiscret,
Et leur sot & grossier langage,
Me fait estimer d’auantage
Les gens d’honneur & de renom
Dont on veut déchirer le nom,
Ie suis né sous cette influence
Que ie hay tres fort l’insolence,
Et dans les sentimens diuers
De ce temps meschants & peruers
le prends tousiours vaille que vaille
Le contrepied de la canaille.

 

 


Ce discours insensiblement
S’est estendu plus amplement
Que ie n’auois ozé le dire
Lors que i’ay commencé descrire
Les vers m’ont semblé plus aysez
Mais belle Princesse execusez
Si cét ouurage poëticque
Vous semble vn peu trop politique.

 

 


Cette Lettre par moy risuée
Fust l’vnziesme d’Aoust acheuee.

 

APOSTILLE.

 


Monseigneur le Duc de Vallois
Aagé de vingt quatre mois,
Ce beau surgeon des lys de France,
Et dont la tres-haute naissance

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Meritoit vn plus lon destin,
Deceda Samedy matin,
Vouloir exprimer la tristesse
Et de l’vne & de l’autre Altesse
Quand la Parque priua du iour
Ce cher gage de leur amour,
Se seroit estre temeraire
Nul esprit ne le sçauroit faire,
Ie le maintiens & maintiendray,
C’est pourquoy ie m’en abstiendray.

 

SIXAIN.

 


Il est Soldat, Prestre, Marchand,
En toute qualitez meschant,
Cent fois le iour il se deguise,
Il nous trouble comme Soldat,
Comme Marchand il vent l’Estat,
Comme Prestre il mange l’Eglise.

 

FIN.

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