Loret, Jean [?] [1652], HVICTIESME GAZETTE DV TEMPS. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_1471. Cote locale : B_18_30.
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HVICTIESME
GAZETTE
DV
TEMPS.

EN VERS BVRLESQVES.

A PARIS,

M. DC. LII.

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HVICTIESME
GAZETTE
DV
TEMPS,

A SON ALTESSE
MADAMOISELLE DE LONGVEVILLE.

 


Princesse du Ciel fauoritte,
Riche en biens, sagesse & merite,
Afin de n’auoir pas en vain
Le tiltre de vostre Escriuain,
Ie souhaitterois que mes veilles,
N’enfantassent que des merueilles
Et qu’il n’en sortit nul merueilles
Qui n’agreast à vostre esprit,
Mais puis que le Ciel m’est auare
D’vn tallant si noble & si rare
Et qu’il ne m’en a donné qu’vn
Tres mediocre & tres-commun,
Acceptez comme de coustume
Ce nouueau trauail de ma plume,
Digne peut-estre du rebut
Que i’apporte comme tribut.

 

 


L’vnziesme du mois ou nous sommes,
Vne grande quantité d’hommes
Pleins d’ardante deuotion
Allerent en Procession,
Qui fut tres-longue, & non briefue,
Au Temple Saincte Geneuiefue,
Psalmodiant, & priant Dieu,
Et de cét auguste & sainct lieu

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Cette Chasse tres-respectée
Fut a Nostre Dame portée,
Pour du Ciel obtenir la Paix
Selon les plus communs souhaits,
On n y veit ny Marquis, ny Comtes,
Mais toute la Chambre des Comptes,
Et tout le corps du Parlement,
Et l’on y veit pareillement
Les Escheuins, & la Police,
Auec quelques gens de milice
Pour faire ranger les Courtauts
Qui n’estoient point sur echaffauts,
L’Archeuesque de cette Ville
Dont la main tremblante & débille
Benissoit le Peuple courbé
Estoit a costé de l’Abbé
L’Abbé de bout, luy dans sa chaise
Assis doucement a son aise
Par ses domestiques porté
Mais si doré si clinquanté
Qu’il auoit aussi bonne mine
Comme vn Dieu dans vne machine
Ce fut la ma conception
Quand ie vis la Procession
Qui fut fort deuotre & fort belle
Car on voyoit paroistre en elle
Outre ces deux Prelats Saccrez
Tous deux Croisez, tous deux Mittrez
Deux cens Prestres, deux cens Chanoines
Et sept cens soixante dix Moynes
Tant ieunes, vieux, gros que menus
Dont la plus part marchoient pieds nuds
Plusieurs ayans ceintes les hanches
Daubes tres fines & tres blanches
Auec des guirlandes de fleurs
De mil agreables coulleurs
Portoient sur leurs espaules larges
Comme de precieuses charges
De beaux & riches vases plains
De Reliques de diuers Saincts
Multitude d’hommes & de femmes,
Bourgeoises Damoiselles, Dames,
Seruantes, Maistresses Vallets,
Faisoient toucher leurs Chappelets
Auec des ferueurs Catholiques
Aux susdites saincte Reliques,
Dont se tres venerable aspect
Inspiroit par tout du respect ;
De Condé mesmement l’Altesse,
Et Beaufort Prince a blonde tresse,
Les bons amis du Mazarin,
Estans pres de Sainct Souerin
Les voyant passer s’inclinerent,
Profondément les [1 mot ill.],
Et Condé prit vn grand soucy
De leur faire toucher aussi,
En faisant là le bon Apostre,
Maint Chappelet & Pattenostre,
Et des Rosaires maints & maints
Qu’il receuoit de toutes mains,
Quoy que ce fust ou non grimasse
Cela charma la populasse,
Chacun auec affection
Admiroit sa deuotion,
Il n’estoit plus ce personnage
Qui dans Charenton fit carnage,
On ne le consideroit plus
Comme vn des autheurs du blocus,
Comme vn heros, comme vn tonnerre,
Nv comme vn grand foudre de guerre,
Mais il estoit lors regardé
Comme vn vray Monsieur S. Condé.

 

 


On asseure que le iour mesme
Le Roy touché d’vn zele extresme
De voir ses suiets en repos.
Comme il souhaitte à tout propos.

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Fit vne action de remarque,
Car ce ieune & pieux Monarque
Receut à cette intention
La trés saincte Communion
Auec vn cœur pur & sincere,
Et mesme aussi Monsieur son frere.

 

 


L’Altesse Royalle & Condé
Qui dans Paris tiennent le dé,
Le iour d’apres prirent la peine
D’aller voir le Duc de Lorraine
Dans son camp ou retranchement
Lequel apres maint compliment
Faisant tousiours le Democritte
Et tres rarement l’Heraclitte
Les regalla d’vn beau festin
Ou lon beut quantité de vin
De la main droicte & de la gauche
En fin ils firent la debauche
En tant de diuerses facons
Qu’ils deuindrent tous beaux garcons
Apres cette insigne crapulle
Ces trois grãds fleaux de monsieur Iulle
Ce [1 mot ill.] de grands guerriers
Ce fredon de porte lauriers
Bref ce Triumvirat moderne
S’estans tous trois mis dans vn cerne
Auec des serments infinis
S’entre Iurerent d’estre amis
Renoncants a toutte autre brigue
Qui voudroit separer leur ligue
Et plusieurs sont d’opinion
Qu’ils signerent cette vnion
Mais de la façon qu’on en parle
D’autres disent que le Duc Charle
De ce complot se relachant
A pour la cour quelque panchant

 

 


Noyse & dissention ciuille
Regne tousiours en cette ville
Quon nomme a mon aduis Bordeaux
Dautant que c’est vn abort d’eaux
Le Parlement la Populace
Par vne fattaile disgrace
Ne sont aucunement d’accort
Et se Peuple est dit on si fort
Que le susdit Parlement tremble
Tout autant de fois qu’il sassemble
Dautant que ces gens déchaisnez
Estans vne fois acharnez
Ne menacent que de tempestes
Et de casser iambes & testes
Arbittre du sort des humains
Puissant appuy des Souuerains
Illustre Parlement de France
Qui n’auez que trop cognoissance
Des violences de ces fous
C’est vn bel example pour vous
Remarquez donc en cette lettre
Qu’on ne doit iamais le fere mettre
Durant vn temps sedicieux
Entres les mains des furieux
C’est adire auec quelqu’amorce
Exiter des Peuples la force
Lesquels en aucune saison
Ne suiuent ny loy ny raison
Helas vous voyez par espreuue
Comme ce pauure Estat s’entreuue

 

 


Segur, Bourdon, ces Damoiselles
Que cinq cens canailles cruelles

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Contraignirent, les poursuiuant
De se sauuer dans vn Conuent
Chez la Reyne sont retournées
Depuis enuiron cinq iournées
Sans auoir receu mal aucun
Depuis Paris iusqu’a Melun,
Et la susdite Chasse antique
Qu’on descendit comme Relique
Quand ce beau couple s’en alla,
A du moins operé cela.

 

 


Apres quelques rayons d’espoir,
Apres plusieurs coups de rasoir,
Apres mainte cure inutille
Enfin le ieune la Vieuuille
Ce Cheualier si renommé,
Si generalement aymé,
Si courageux, si magnanime,
D’esprit si rare & si sublime,
Chez les Dames si bien venu
Et bref si Chrestien deuenu,
A veu finir sa destinée
En sa vingt cinquiesme année,
Dans mon autre Relation
Dont ie fais retractation.
I’auois parlé d’vn Codicille,
Mais c’estoit vn faux bruict de Ville,
Il estoit trop noble & bien né
Pour auoir nul bien rapiné,
Il n’a fait aucune ordonnance
De rendre ny don ny finance,
En mourant, il [1 mot ill.] ce bon heur
Que quantité de gens d’honneur,
Mainte Dame de douceur pleine,
Toute la Cour, le Roy, la Reyne,
Ont monstré par leur grand ennuy
L’estime qu’on faisoit de luy,
Plusieurs regrettans auec larmes
Vn garçon si remply de charmes,
En seruant son Roy vaillamment
Il rencontra le monument,
Maintenant durant cette guerre
Qui desole toute la terre
Il va posseder desormais
Vne eternelle & saincte paix
Prés de la Maiesté supréme,
Car la contrition extréme
Qu’il fit voir auant son trespas
Nous oblige à n’en douter pas.

 

 


Princesse blanche comme albastre
Dont tres-constamment [illisible]lastre,
Non seulement la qualité,
Mais les vertus & la Bonté,
Ie vous en dirois d’auantage,
Mais ma Muse quelquefois sage
Vient tout à coup de m’aduiser
Qu’il faut vn peu se reposer.

 

 


Cette Epistre, Lettre, ou Fade[illisible]
Fut composée en Iuin, le seize.

 

FIN.

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