Anonyme [1652], IOVRNAL CONTENANT CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE EN TOVT LE ROYAVME. Depuis le Vendredy, 27. Septembre, iusques au Vendredy 4. Octobre, 1652. , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : B_18_17.
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IOVRNAL
CONTENANT
CE QVI SE PASSE
DE PLVS REMARQVABLE
EN TOVT LE ROYAVME.

Depuis le Vendredy, 27. Septembre, iusques au
Vendredy 4. Octobre, 1652.

A PARIS,
Chez SIMON LE PORTEVR

M. DC. LII.

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IOVRNAL
Contenant ce qui se passe de plus remarquable
en tout le Royaume.

Depuis le Vendredy 27. Septembre, iusques au
Vendredy 4. Octobre, 1652.

LE 25. du passé furent descouuertes les resolutions
qui auoient esté prises dans le
Palais Royal le iour precedent, à sçauoir
I. De faire afficher à tous les Carrefours de Paris
l’ordre du Roy enuoyé de Compiegne : lequel
ordre vous auez veu mot à mot dans nostre dernier
Iournal : & que pour le rendre plus notoire,
il sera publié à son de Trompe & cry public, par
le Crieur ordinaire du Roy. 2. Que pour l’execution
dudit ordre, les Bourgeois seront aduertis
d’y tenir main forte, & que tout presentement
il sera signifié à tous les Capitaines des quartiers
qu’il y a defenses de la part de sa Majesté, de laisser
entrer dans la Ville aucuns soldats & gens

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armez sans passe port de la Cour : Comme aussi
de laisser sortir aucuns viures de cette Ville, &
que des Bourgeois seront deputez pour le declarer
aux Colonels, & que faute d’obeïr ils seront
tenus pour criminels de leze Majesté. 3. Que
lesdits Bourgeois presentement assemblez, iront
à l’issuë de l’Assemblee dans leurs quartiers pour
vnir tout ce qu’ils pourront de forces, à l’effet de
restablir l’authorité Royale. 4. Que Monsieur le
Mareschal de l’Hospital & le Febvre, seront inuitez
de venir prendre leur place à l’Hostel de
Ville, pour donner les ordres necessaires, & faire
assembler incessamment au Palais Royal les habitans,
afin de prendre les resolutions necessaires
pour le restablissement de l’authorité du
Roy : & qu’à cette fin tous les Colonels seront
inuitez de pouruoir à la seureté du Palais Royal,
pour fauoriser ladite Assemblee. 5. Que de ladite
deliberation sera enuoyee copie au Roy pour
marque de fidelité de ses bons sujets. Outre
ceux qui ont esté nommez pour principaux de
cette Assemblee, on y a conté le Maire Parfumeur,
Nourri Chirurgien, dans la maison duquel
ladite Assemblee auoit esté tramee : Lotton
Marguillier de sainct Eustache, Bidal Banquier
de la Reine de Suede, proche sainct Innocent,
Doujars, Piton, de Noyers, Poquelin, de Touches,

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la Guyomaie, les gardes du Mareschal de
l’Hospital & plusieurs autres.

 

Le mesme iour on eust aduis qu’il se deuoir
tenir vne Assemblee secrete vers l’Arsenac, dans
l’Hostel de l’Esdiguieres, & quelqu’vn de ses seditieux
estoit allé demander à vn Marchãd de la
ruë aux Ours de lui vendre 30. cuirasses à l’espreuue
du mosquet, 60 mosquetõs, & toutes les
grenades qu’il auroit, lui presentant de l’argent,
à quoy ledit Marchand ne se voulut accorder.

Le 26. du mesme mois, Messieurs de la Chambre
des Vacations estant assemblez comme à
l’ordinaire, son Altesse Royale s’y rendit sur les
neuf heures auec Monsieur de Beaufort. Cettui
cy se rendit dans le Greffe Ciuil, & son Altesse
Royale ayant pris sa place, representa à la Compagnie.
I. Qu’il auoit baillé des passe ports aux
six corps des Marchands pour aller à la Cour. 2.
Que Mons. de Beaufort estoit dans le Greffe Civil
pour representer à la Cour qu’estant Duc &
Pair, il n’y a que la Cour qui puisse iuger de sa
cause, & qu’elle peut casser les informations contre
lui faites, à raison de son duel. Lesquelles ont
esté cassees comme attentat, & commis Messieurs
Baron & Do [illisible], Conseiller en la Grand
Chambre, à l’instruction du procez. Apres ces
choses, son Altesse Royale fit sçauoir ce qui s’estoit

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passé le vingt quatriesme au Palais Royal, &
representa à la Cour qu’il estoit necessaire d’y remedier.
Monsieur de Bechefer Substitud du
Procureur General, ayant dit ses conclusions à la
Cour & s’estant retiré, deux auis furent proposez :
l’vn que M. Preuost Conseiller en la Grand
chambre, chef de l’Assemblee du Palais Royal,
seroit mandé presentement pour dire les motifs
qui l’ont porté à faire cette assemblee : le second,
Qu’il seroit informé tant contre lui que contre
ceux qui l’auroient assisté, & furent commis par
Arrest Messieurs le Meusnier & l’Esné, Conseiller
en la Grand’chambre, pour informer de ce
qui s’estoit passé le iour du Mardy au Palais
Royal, & defenses faites sur peine de la vie de
s’attrouper à l’aduenir.

 

Le mesme iour vingt sixiesme, le Preuost des
Marchands & Escheuins, firent vne Ordonnance
dans l’Hostel de Ville, Portant qu’ayant
eu aduis de l’Assemblee qui fut tenuë Mardy
dans le Palais Royal, & oüy sur ce le Procureur
du Roy dudit Hostel de Ville, la matiere mise
en deliberation : auoit ordonné qu’il estoit deffendu
de porter aucune marque tendant à sedidition.

Les mesmes deffenses furent aussi faites par le
Parlement : comme aussi d’exposer aucuns placards,

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ni semer ou ietter aucuns billets dans la
ville & Faux bourgs de Paris, a peine de droit. Il
auoit esté aussi deffendu le vingt-troisiesme par
le mesme Preuost des Marchands que les Compagnies
des volontaires s’assemblassent d’ores en
auant.

 

Le 27. son Altesse Royale alla visiter Monsieur
le Prince lequel estant incommodé d’vne petite
fievre & mal d’Esthomac fut saigné ce qui donne
de l’aprehension à tous les gens de bien & de
l’esperance aux Ennemis qui se trouuent plus estonnés
par le recouurement de sa santé.

Le mesme iour on a eu nouuelles de la Cour
que le Roy partoit de Mantes pour Pontoise, &
que le President Molé garde des Sceaux a obtenu
pour vne de ses filles Religieuse au Monastere
de Cheles, l’Abbaye de saint Anthoine vacante
par le decez de Madame Bouthclier qui
mourut dans ledit Monastere le Mercredy 24. du
passé.

Le mesme iour son Altesse Royale ayant mandé
à son Palais les Escheuins, les Colonels & plusieurs
Capitaines leur representa qu’il auoit eu
certain aduis de quelques Bourgeois pour faire
reussir leurs mauuais desseins auoit comploté de
faire entrer dans la Ville cinq cens Cheuaux &
1000. hommes de pied qui deuoit venir par petites

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bandes & se mettre à la teste des seditieux.
Surquoy les Escheuins, Colonels & Capitaines
suplierent sadite Altesse Royale de donner les
ordres pour preuenir vn si grand malheur &
qu’ils estoient prests a executer ses commandements.
Ausquels sadite Altesse repartit que pour
obuier a toute sorte de surprises. Il falloit mettre
vn Corps de garde dans le petit pauillon de l’Arsenac
qui est au bout du Mail & autant dans le
Temple, & garder soigneusement la porte de la
Conference. Ce qui doit estre executé.

 

La nuict du Vendredy venant au Samedy. Le
sieur Frezon Thresorier, demeurant ruë Calende
Capitaine du quartier qui estoit monté en
garde, sur l’heure de minuict faisant la patrouille
auec quelques Soldats rencontra en la ruë S. Martin
deux hommes affichants des placards intitulez
Declaration du Roy portant Amnistie Generale
à tous les bons Bourgeois de Paris, dans laquelle
Amnistie il estoit dit que sa Maiesté
dans laquelle il estoit dit, que sa Maiesté declare
qu’il entend que tous les Bourgeois de Paris
iouïssent de l’Amnistie generale, & que mesmes
les modifications qui estoient portees dans celle
qu’il a donné reseruant les cas qui estoient arriuez
le 25. Iuin & 4. Iuillet, par lesquels les autheurs
de la rebellion pretendoient en eluder les

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effects soient leuees, sa Majesté oubliant tout ce
qui s’est passé depuis les derniers mouuements.
Ces deux hommes, pere & fils, ayant esté trouuez
saisis desdits placards, furent conduits au
Corps de Garde de la porte S. Iacques. Sur les
cinq heures du matin vn nommé Mouchy fut
surpris dans le Fauxbourg sainct Iacques, distribuant
des pieces de trente quatre sols à des personnes
qui s’attroupoient pour faire sedition,
lequel Mouchy fut amené auec les deux autres
par ordre de son Altesse Royale au Palais, & presentez
à la chambre de la Tournelle, & de là
conduits à la Conciergerie, où ils ont esté ouïs
& interrogez par Messieurs Nain & Seuin, conseillers
en la Grand’chambre.

 

Le mesme iour vingt-huictiesme du mois, le
Duc de Rohan, le sieur de Chauigny & Goulas,
ayant esté accusez d’auoir eu intelligence auec
les principaux de l’Assemblee du Palais Royal,
supplierent son Altesse Royale de les entendre,
pour se iustifier sur ladite accusation : ausquels
son Altesse Royale respondit qu’il sçauoit quels
en auoient esté les autheurs.

Le mesme iour son Altesse Royale eut aduis
[illisible]ue le Lieutenant Particulier auoit receu vne
[illisible]tre du cachet du Roy, par laquelle sa Maiesté
[illisible] faisoit commandement de mettre en execution

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les ordres qui auoient esté donnez à Pontoise
le dix septiesme, & de faire publier l’Amnistie
pour les Bourgeois & Habitans de Paris,
& la faire afficher par les Carrefours. Sur quoy
ledit Lieutenant receut commandement de
communiquer au Parlement tous les pacquets
qu’ils receuroit de la Cour, & deffenses lui furent
faites de publier & afficher ledit Amnistie.

 

Le Dimanche 29. les Deputez des six Corps
des Marchands ayant eu leurs passe ports de son
Altesse Royale, partirent huict, à heures du matin
pour Pontoise au nombre de soixante & dix,
tant Drapiers, Epiciers, Merciers, Pelleriers, Bonnetiers,
qu’Orfévres ; conduits par le sieur Patin,
Ancien & Garde de la Draperie, & escortez de
cent cinquante Caualiers.

Le mesme iour son Altesse Royale alla visiter
apres disner Monsieur le Prince de Condé, detenu
dans son lict, à raison d’vne lassitude & d’vn
mal de teste, quoy que mediocre. Son Altesse de
Lorraine & plusieurs autres Seigneurs s’y estant
trouuez, il fut tenu conseil de guerre dans la
chambre de Monsieur le Prince, où le Duc de Lorraine
proposa qu’il falloit hazarder deux mille
hommes pour forcer les retranchemẽts de l’Armee
du Mareschal de Turenne, la contention
d’esprit & le bruit, causerent quelque emotion,

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& mesme la fiévre à M. le Prince, de laquelle il
fut quitte sur la minuict, ayant en suite reposé
iusques au lendemain.

 

Le mesme iour furent aposees sur la porte du
Palais Royale des affiches, ou estoit escrit. Extraict
des Registres de l’assemblee tenuë par l’ordre du
Roy, &c. Ce iourd’hui les Bourgeois & autres fideles
Suiets assemblez au Palais Royal, tant en
leur nom que faisant pour trente mille familles
le la Ville de Paris, ont arresté que leurs assemblees
seront remises iusques au retour des six
Corps des Marchands, & que cependant les Colonels
& Capitaines seroient aduertis de ne laisser
entrer aucuns soldats sans auoir passe-ports
de la Cour, ny sortir des viures hors de la Ville,
& que de ladite deliberation sera enuoyee vne
copie presentement à la Cour pour estre signifiee
à sa Maiesté.

Le mesme iour furent publiees la lettre du Roy
à Mons. l’Archeuesque de Paris auec la responce
de cét Archeues. La lettre du Roy porte qu’ayant
pleu à Dieu de lui donner vne viue compassion
des miseres & des ruines de ses Suiets. Il a voulu
oublier tout ce qui s’est passé à l’occasiõ des presens
mouuemens, qu’il a fait expedier sa Declaration
du present mois, pour rappeller par sa clemence
tous ceux qui se sont esloignez de leur

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deuoir à condition seulement d’y rentrer actuellemẽt
& de bõne foy : & parce que ceux qui pretendent
trouuer leur aduantage dans le trouble
pourroiẽt en oster la connoissance, S. M. a voulu
adresser aud. Arch. vne Declaratiõ desirãt qu’il la
rendit publique dans Paris & dans l’estenduë de
son Diocese, &c. Signé Louis, & plus bas de Guenegaud.
A laquelle Lettre M. l’Archeuesque a
fait responce. Que Dieu dont sa Maiesté est la
viue Image la inspiree d’auoir compassion des
calamitez de son peuple qui sont les effets de sa
prouidence & les chastimens de nos crimes, &
qu’inuitant sa misericorde il oublie ses interests
par vne Amnistie generale il donne la paix & le
repos à son Royaume Qu’il se sont obligé outre
des deuoirs infinis, particulierement de ce qu’il
a pleu à sa Maiesté de luy addresser cette Amnistie,
comme vn office de pieté pour la faire publier
dans la ville & dans tout le Diocese. Ce
qu’il auroit fait tres volontieres pour obeyr à ses
commandements n’estoit que deja cette Declaration
Royale estoit si publique que personne
ne la peu ignorer & qu’il auroit crainte de diminuer
l’estime & le respect de son authorité. Ce
qu’il a creu deuoir representer à sa M. auec tout
respect estant prest neãtmoins de passer par dessus
toutes les considerations si absolument, il luy

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plaist que cette publication soit fait & conclud
sa lettre, supliant sa Maiesté de reuenir dans sa
Capitale ville.

 

Les nouuelles d’Alemaigne portent que le Cõte
de Harcourt est à Brissac ayant dessein d’aller
à Philisbourg & se trouuer à la Diete de Vvormes.
Il a demandé à la Cour vn breuet pour la
continuation de son gouuernemẽt de Brisac qui
luy a esté refusé.

Celles de Lorraine portent que la ville de Marsal
a obtenu trefues pour quelques temps du
Gouuerneur de Nãcy, & qu’en suitte les gens de
guerre qui la tenoient bloquee se sont retirez.

Nous auons eu nouuelles aussi le mesme iour
de la Marche du Prince de Links, auec six mille
cheuaux qui ont deja passé Senlis & seront bien
tost joints auec l’ariuée des Princes qui tiẽt serré
de prez celle du Mareschal de Turenne dans
Ville Neufue S. Georges.

La nuict du Dimanche venant au Lundy le
Mareschal de Turenne fit descendre son Artillerie
de l’Eminence où elle estoit placée, & fit
mettre le lendemain son armee en bataille. Ce
qui donne sujet de croire qu’il la vouloit faire defiler,
mais elle est encore campée dans le mesme
endroict.

Le Lundy dernier iour du mois furent ouuertes
au Parlement en presence de son A. R. Deux lettres

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que Monsieur Talon Aduocat General du
Roy auoit receu le iour precedent de la part de
M. le Chancelier & de Mon. le Garde des Sceaux :
Ausquels ledit Aduocat Talon (ayant esté deputé
par Arrest du Ieudy 26. du passé afin d’aller
trouuer le Roy pour le supplier de donner la paix
& reuenir à Paris) auoit adressé deux lettres pour
auoir des passe-ports. Celle du Chancelier fut
ouuerte la premiere, & portoit que les affaires
sont en mesme estat qu’elles estoient auparauant
qu’il fut aupres du Roy, & qu’il n’estime pas que
Messieurs de la Compagnie du Parlement de Paris
puissent esperer des passe ports iusques à ce
qu’ils ayent obey à la volonté du Roy. Et que
pour luy s’il veut venir exercer sa charge dans
Pontoise, il luy faira tenir des passe-ports. Apres
la lecture de cette lettre, celle du Garde des
Sceaux fut ouuerte qui contenoit seulemẽt deux
lignes fort obscures par lesquelles il veut bien
faire connoistre qu’il ne sera rien fait pour la Cõpagnie
que l’on n’ayt executé la volonté du Roy.
Apres la lecture de ces deux lettres, deux aduis
furent ouuerts l’vn de ne plus enuoyer en Cour
pour auoir des passe ports. L’autre que M. Talon
fairoit responce à ces deux lettres, S. A. R. proposa
d’atendre le retour du sieur de Ioyeuse qui
auoit esté enuoyé en Cour, ce qui obligea les
Messieurs de remettre l’Assemblee à Mercredy

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prochain 2. d’Octobre. Apres ces choses, il fut
procedé au iugement de M. de Beaufort lequel
ayant appellé par vn des Greffiers du Parlement
fut enquis par M. de Nesmond s’il n’auoit obtenu
des lettres d’abolition au suiet du duel dont il est
question, y ayant respondu qu’oüy, & estant
retiré, & Monsieur Bechefer ayant dit ses conclusions,
& s’estant retiré fut rendu, par lequel M.
le Duc de Beaufort fut renuoyé quitte & absous
des cas à lui imposez, condamnez à quatre mil
liures, pour estre employees en œuures de pieté.

 

Le mesme iour fut publiee vne Ordonnance
du Roy en faueur des Bourgeois & Habitans de sa
bonne Ville de Paris, pour l’ouuerture & liberté
des passages des bleds, vins, bois, poisson & autres
denrees destinees pour la prouisiõ de ladite
Ville. Donnee a Pontoise le 29 du passé. Nonobstant
cette Ordonnance, le M. de Turenne se saisit
de 4. batteaux qui auoient passe-port pour
Paris, chargez de farine, de foin, d’auoine & de
bois, d’ou s’en est ensuiui la ruïne de plusieurs familles
de cette Ville.

Le iour mesme du Lundy 30. du mois, les Deputez
des six Corps des Marchands qui estoiẽt arriuez
à Pontoise le iour auparauant sur les trois à
quatre heures apres midy, renditent plusieurs visites
au matin, attendãt l’audience qui leur auoit

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esté promise de la part de sa Maiesté, sur l’heure
du midy ils commencerent par celle de Mons. le
Surintendant des Finances, qui les receut fauorablement,
& ayant oüy le sieur Patin, lui dit
qu’il trouuoit à redire au procedé des Bourgeois,
en ce qu’ils auoient demandé des passe-ports à
d’autres qu’à leur Souuerain A quoy il fut respõdu
que cela auoit esté fait seulement pour éuiter
les incursions des gens de guerre. De là ils furent
chez le Chancelier, lequel n’estant pas en estat
d’estre veu, leur donna le temps d’aller chez le
Garde des Sceaux, qui leur tesmoigna beaucoup
de tendresse, & leur dit neantmoins que le Roy
ne pourroit estre en seureté dãs Paris, tandis que
les Ennemis de son Estat y seroit & qu’il y auroit
des gens de guerre. A quoy il fut respondu que
toute la seureté y estoit pour S. M. qu’à son approche
sortiroient 60 mille hommes pour lui aller
au deuant. De là estant retournee chez le
Chancelier, le sieur Patin lui fit vne Harangue, à
laquelle le Chancelier respondit põctuellement,
les asseurant que le Roy, la Reine & toute la
Cour estoient disposez au retour de Paris ; mais
qu’il n’osoit s’engager à faire entreprẽdre au Roy
vn voyage qu’il iugeoit perilleux, & que c’estoit
à la Cõpagnie à le demander à la personne mesme
du Roi. Les mesmes choses furent faites chez

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du Plessis, Guenegaud & le Tellier. L’heure venuë,
ses Messieurs estant reuestus de leurs robes
& introduits par Saintot, se prosternerent à deux
genoux aux pieds du Roy, le sieur Patin fit sa harangue,
suppliant le Roy d’honorer Paris de sa
presence, d’y apporter la Paix, & que le motif de
leur Legation estoit d’asseurer sa Majesté de la
fidelité & obeissance des Bourgeois. Le sieur le
Brun, vn des Gardes des Marchands Merciers fit
sa Harangue auec tant d’affection, que ses larmes
attirerent celles des auditeurs, & leurs Maiestez
leur tesmoignerent auoir des bons sentimens, &
estre faschez de ce qu’ils auoient souffert & souffroient
encores. Toutes ces Harangues & Responces
tenoient de la Ceremonie. Mais l’on asseure
que l’intention de la cour leur fut signifiee,
que pour obliger le Roy à venir à Paris, il
falloit premierement receuoir le Mareschal de
l’Hospital pour Gouuerneur, le Febvre pour
Preuost des Marchands, chasser les Ennemis de
l’Estat, du nombre desquels ils entendent estre
les Princes.

 

Le Mardy premier iour du mois, Monseigneur
le Duc de Guise vint en cette Ville, & alla rendre
ses deuoirs à S. A. R. à M. le Prince, & apres alla
visiter Mademoiselle, & fut assez long temps
dans son cabinet.

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Le Mercredy les Deputez des six Corps des
Marchands se rendirent sur les trois heures apres
midy dans le Palais d’Orleans, où ayant pris
leurs robes, le sieur Parin rendit entre les mains
de son Altesse Royale la responce qu’il auoit receu
à Pontoise de la part du Roy, laquelle contient
ce que vous auez desia leu dans le Recit
de ce qui se passa Lundy à Pontoise. Son A. R.
apres auoir oüy le recit du succez de leur deputation,
demanda à ses Messieurs s’ils pourroient
tenir ce que la Cour leur auoit demandé, s’ils
vouloient receuoir le Mareschal de l’Hospital &
le Febvre, qui sont ses ennemis, pour Gouuerneur
& pour Preuost des Marchands, & s’ils
auoit trouué des seuretez pour eux & pour tous
les Habitans de Paris, que personne ne pouuoit
souhaiter la Paix auec plus de desir que lui, qu’il
n’est en peine que pour le public, & que lors
que le Parlement aura trouué ses seuretez, qu’il
se tient asseuré de la sienne. Que puis que le Roy
vouloit qu’ils chasassent ceux qu’il tenoit pour
ennemis de l’Estat, du nombre desquels on le
tenoit, il leur demanda s’ils vouloient qu’ils se
retirast, & où il pourroit estre en seureté : A quoy
ces Messieurs respondirent de ne vouloir point
separer leurs interests de ceux de son Altesse
Royale & des Princes, & supplierent sadite Altesse

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Royale de ne les point abandonner. Enfin
Monsieur leur fit entendre que pour obtenir vne
ferme & solide Paix, ils se deuoient tenir vnis
auec les Princes, le Parlement & la Maison de
Ville : A quoy les Deputez tesmoignerent estre
consentans, & se de partirent tesmoignans estre
satisfaits.

 

Le mesme iour M. le Prince se trouua tout a
fait quite de sa fievre ayant esté purgé doucemẽt
par l’ordonnance des Medecins son A. ayant receu
nouuelles de l’heureuse naissance de son 2.
fils en a rendu grace à Dieu. Et la nouuelle aiant
esté apportee au Camp tous les Soldats en ont
tesmoigné leur ioye par la decharge de leur mosquetaire
& de toute l’Artillerie ce qui donna de
de l’espouuante aux Ennemis.

Le Ieudy [illisible] du courant ont esté constitue[1 lettre ill.]
prisonniers deux Porteurs de bled, lesquels esmouuoient
sedition dans le Palais, criant Viue le
Roy & les Princes bas, ayant eu auec soixante
autres apostez pour dire la mesme des pieces de
trente quatre sols.

De Bourdeaux le 23 Septembre 1652.

Madame la Princesse est accouchee en cette
Ville d’vn beau fils venu à sept mois de terme :
la mere & l’enfant se portent fort bien, & les

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resioüissances publiques ont esté faites pour cét
heureux accouchement. Mess de l’Ormee ayant
fait vne Armee de quatre mille hommes, & pris
deux pieces de Canon, sont sortis auec cette Armee
pour destruire les places fortes qui pouuoient
incommoder les enuirons de cette Ville :
ils ont obligé le Seigneur du Chasteau de Brede
à se declarer pour eux, & se sont contentez de
cette Declaration. Ladite Assemblee de l’Ormee
ayant eu aduis que Messieurs du Parlement
auoient signifié à Monsieur le Prince de Conty
que s’il ne restablissoit leur Authorité, & ne faisoit
ses efforts pour empescher l’assemblee de
l’Ormee, qu’ils verifieroient l’Amnistie ainsi
qu’elle a esté portee au Parlement estably à Pontoise.
S’assemblerent grand nombre & resolurent
dans leur Assemblee de faire dresser des potences
és lieux publics de la Ville, & de faire afficher
des placards aux Carrefours, portant que
ceux qui receuroient d’autres articles de Paix
que ceux qui seroient acceptez par les Princes,
seroient pendus aux potences qui estoient plantees
és quatre endroits de la Ville.

 

FIN.

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