Anonyme [1652], IOVRNAL CONTENANT CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE EN TOVT LE ROYAVME. Depuis le Vendredy, 20. iusques au Vendredy 27. Septembre. 1652. , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : C_12_6.
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IOVRNAL
CONTENANT
CE QVI SE PASSE
DE PLVS REMARQVABLE
EN TOVT LE ROYAVME.

Depuis le Vendredy, 20. iusques au Vendredy
27. Septembre. 1652.

A PARIS,
Chez SIMON LE PORTEVR.

M. DC. LII.

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IOVRNAL
Contenant ce qui se passe de plus remarquable
en tout le Royaume.

Depuis le Vendredy 20. iusques au Vendredy
27. Septembre, 1652.

LE Ieudy 19. du courant sur les II. heures
du iour, se rendirent au Luxembourg les
Deputez des six Corps des Marchands,
apportants vne Lettre de Cachet du Roy, qu’ils
mirent entre les mains de son Altesse Royale,
& la suplierent par vne Harangue de leur vouloir
octroyer des Passe-ports, pour s’en aller à la
Cour, faisant entendre à sadite Altesse qu’ils
estoient en tous leurs Corps plus de cinquante
mille hommes, qui estoient resolus d’aller querir
le Roy, si sa Majesté l’auoit pour agreable, &
que son Altesse ayant donné des Passe-ports aux
Deputez du Clergé, n’auoit aucun suiet de leur
en refuser : A quoy son Altesse Royale repartit
qu’il s’estonnoit grandement de leur procedé,

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s’estant separez du Corps de Ville & de l’Vnion
auec le Parlement, qu’ils estoient grandement
abusez de croire qu’ils eussent ou plus de desir
d’auoir la Paix que les Princes, le Parlement, &
les Messieurs de Ville, ou plus de credit à la Cour
que les Deputez des Cours Souueraines & du
Clergé pour l’obtenir. Que quant aux Passeports
qu’ils luy demandent, il proposera leur requeste
dans l’Assemblée du Parlement & de la
Maison de Ville, & qu’il s’en raportera à leurs
aduis. Quelqu’vn deux ayant insisté que son Altesse
Royale auoit donné des passe ports aux Deputez
du Clergé : Son Altesse repartit qu’il n’en
auoit donné qu’à Monsieur le Cardinal de Retz,
lequel y auoit pris auec luy ceux qu’il auoit voulu
du Clergé : & que puis que l’on auoit refusé à
Compiegne de donner des passe ports pour ses
Deputez, & ceux des trois Cours Souueraines :
ils ne deuoit esperer qu’il leur en deliurast, Apres
ce discours, ces Deputez se retirerent : & son
Altesse Royale manda au Preuost des Marchands
& Escheuins de se rendre au Luxembourg a quares
apres midy : ausquels estant arriuez, son Altesse
fit entendre le procedé de six Corps des
Marchands, qui fut desaduoüé par ledit Preuost
des Marchands & Escheuins : Aussi les mesmes
Deputez ayant consulté sur le refus des Passeports,

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resolurent de ne passer outre, & mesme
deux des six Corps, à sçauoit les Orfévres & les
Drapiers se departirent des autres & protesterent
de ne rien entreprendre au preiudice des
Princes. Le mesme iour le Mareschal de Seneterre
donna auec cinq ou six escadrons de Cavalerie
sur le quartier des Lorrains, lesquels apres
quelque resistance commencerent à lascher le
pied. Mais Monsieur le Prince qui ne peust estre
iamais surpris, estant monté à cheual, se mit à la
teste des Caualiers de son quartier, qui estoient
en garde, & poussa les ennemis auec tant de vigueur,
qu’ils furent contraints de se retirer au
plus viste auec perte, le sieur de Pute ville receut
vne mosquetade au trauers le Corps, aupres du
Mareschal de Seneterre.

 

Le Vendredy 20. quelques fourrageurs de l’Armée
des Princes furent pris par les ennemis ; mais
Monsieur le Prince fit poursuiure lesdits Ennemis
iusques à Corbeil, d’où ils ne font plus leurs
courses si longues depuis que Monsieur le Prince
a fait faire vn Pont au dessous d’Ablon, & que le
Marquis de la boulay s’est saisi de Sauigny, où il
a cinq cens Cheuaux, & de l’Infanterie. Tous
les iours l’Armée du Mareschal de Turenne se
diminuë, & luy ont esté pris plus de quinze cens
Cheuaux.

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Le mesme iour nous eusmes nouuelles de Calais
de la deplorable defaite de nostre Armee Nauale
par celle des Anglois, qui l’attendoient au
passage pour aller secourir Dunkerque. Ceux cy
ayant fait signé qu’on abbaissast le Pauillon, &
les nostres n’ayant voulu rendre ce deuoir pretendu
par les Anglois, se virent en vn instant
canonez de toutes parts, deux vaisscaux furent
coulez à fonds, sept inuestis & pris par les Ennemis,
& les autres auec peine eschaperent, les victorieux
ont amené à Douure les sept vaisseaux
& y ont deschargé quatorze cents prisonniers,
& demãdent pour eschange les Millords d’Igby,
Montaigu & Germain, alleguant pour iustifier
leur procedé qu’il y a deux ans qu’ils poursuiuẽt
à la Cour du Roy Tres Chrestien, sans auoir eu
aucune sorte de satisfaction la reparation du tort
que les François ont fait à plusieurs de leurs Marchands
sur les deux Mers, ayant pris leurs vaisseaux
& saisi leurs marchandises, & assisté en
tout & par tout leur Ennemy. Apres cette capture
de nos vaisseaux, les Anglois ayant apris
que la ville de Calais estoit depourueuë de munitions
de bouche & de guerre, la pluspart de la
Garnison ayant esté enuoyée auec les viures au
secours de Dunkerque, sont venus audit Calais
pour l’inuestir, ce qui a grandement estonné la

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Cour & qui pourra sans doute beaucoup contribuer
au Traitté de la Paix, si elle se fair.

 

Nous auons eu nouuelles pareil iour, que l’Archiduc
Leopold, apres la prise de Dunkerque, a
diuisé son Armee en deux partie, dont il a enuoyé
l’vne, qui est son Infanterie, du costé de la
Bassée, & l’autre qui est sa Caualerie, doit venir
ioindre les Troupes Lorrains & celles du Duc de
Vvitemberg, estant commandée par le Comte
de Ligne, lequel doit venir auec huict mille cheuaux.

Le Samedy son Altesse Royale & le Duc de
Lorraine enuoyerent en Cour le sieur S. Thybard,
Ioyeuse & le sieur Nagu, auec lettres de
creance, pour presenter à sa Maiesté quelques
moyens d’accommodement. Le bruit a esté &
dure encore, que le Roy auoit accordé tout aux
Princes, à la reserue de l’Amnistie pour les sieurs
Marsin & Dudaugnon. D’autres disent qu’on
auoit intercepté vne lettre du Cardinal, par laquelle
il mandoit à la Cour que dans la conioncture
des affaires, pour ruiner le party des Princes,
il falloit tout promettre & ne tenir rien.

Nous auons eu nouuelles de Compiegne que
le Cardinal Mazarin est tousiours à Sedan, &
que de seize en seize heures la Cour reçoit de ses
lettres ou de ses nouuelles. Monseigneur Henry

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de Bourbon, Euesque de Mets, a esté fait Duc, sa
terre de Vernueil ayant esté erigée en Duché.

 

Le mesme iour vingt-vn du courant, le Cardinal
de Retz venant de visiter son Pere, qui est
Prestre de l’Oratoire dans leur Maison au Faux-bourg
S. Iacques, r’entrant dans la Ville dit au
Capitaine qui estoient en garde que pour certain
dans la sepmaine on entendroit publier la
Paix dans Paris, & que le Te Deum en seroit
chanté dans Nostre Dame, & que si cela n’arriuoit,
il vouloit qu’on dit & qu’on fit de luy ce
qu’on voudroit.

Le mesme iour de Samedy, la Reine d’Angleterre
arriua en cette Ville auec le Millord Germain,
estant vn peu incommodee, le Roy son
fils estant demeuré à Cheureuse pour se diuertir
à la chasse, ce qui donne suiet de croire que la
Cour doit partir de Compiegne pour s’aprocher
de Paris, Quelques-vns ont dit que dans Ieudy sa
Maiesté & son Altesse Royale, se verroient pour
conclure la Paix, & que ce Traitté se feroit à S.
Germain, mais fort peu adioustent foy à ce discours.

Cette sepmaine le Parlement de Paris donna
vn Arrest notable, portant cassa ion d’vne Sentence
des Requestes de l’Hostel, renduë contre
le sieur Louis Machon, Archidiacre & Chanoine

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en l’Eglise Cathedrale de Thoul, qui s’est iustifié
du crime à luy imposé, & fait connoistre l’iniustice
& la violence de ceux qui le vouloient sacrifier,
s’il n’eust fait voir son innocence par son
manifeste

 

Le mesme iour fut teneu conseil dans l’Hostel
des Ambassadeurs extraordinaires, où loge à present
le Duc de Lorraine sur les moyens de faire la
Paix, où se trouuerent son Altesse Royale, Monsieur
le Prince, Monsieur de Chasteauneuf, de
Chauigny, le President de Viole.

Dimanche 22. du courant, arriua au camp le
le Magnanime Prince Monseig. le Duc de Guise,
ayant trauersé incognito la Xaintonge, le poictou
& le reste du chemin, tenant la mesme route
que Monsieur le Prince lors qu’il vint de Guyenne,
ayant pris pour son nom de guerre la Rosée.
Les ambrassades de ces deux Princes tesmoignoient
leur ioye reciproque, apres les remerciments
que fit Mons de Guise au Prince, & les
congratulations de cettui-cy pour la liberté de
l’autre, ils furent regalez, & Mons. de Guise
coucha cette nuict dans le logis de Monsieur le
Prince.

Lundy 23. du mois le Parlement fut assemblé
au Palais, où se trouuerent son Altesse Royale, &
Monseigneur le Duc de Beaufort. Son Altesse

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Royale communiqua à la Compagnie ce qui
s’estoit passé dans son Palais à l’endroit des six
Corps des Marchands & il fut conclud qu’ils
n’auroient point de passe port, & vne assemblee
arrestée pour le Ieudy prochain. Monsieur le
Duc de Beaufort aussi informa la Cour des violences
que le pretendu Parlement de Pontoise
lui preparoit, le voulant condamner, nonobstant
ces Lettres d’abolition qu’il auoit obtenues
de la Cour, ayant fait paroistre au Procureur
du Roy sa iustification touchant son duel contre
son beau frere deffunct, le Duc de Nemours :
sur quoy la cour dõna Arrest que lesdites Lettres
seroient tenuës pour bonnes & valables & censees
comme scelees, bien que les Sceaux n’y fussent
pas apposez, & toutes les procedures faites
ou à faire contre ledit Duc de Beaufort par ceux
de Pontoise cassees & annullees, comme estant
faites sans authorité, & contre le droit & la Iustice.

 

Le mesme iour S. A. R. fit sortir de la Bastille le
Cõte de Rieux, où il auoit esté depuis deux mois
pour le suiet que vous auez apris estant venu au
Luxembourg pour remercier S. A. R. Le Prince
de Turente ayant esté mandé par sadite Altesse
l’accord fut fait entre ledit Comte & Prince de
Turente. Ils s’embrassent tous deux en presence

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de S A. R. & du Duc de Lorraine, lesquels firent
cét accord ; l’vn & l’autre des deux parties leur
ayant remis leur droit. On espere que son A. R.
remettra ledit Comte de Rieux és bonnes graces
de Monsieur le Prince.

 

Le mesme iour on a eu nouuelles que le sieur
Marin, Intendant des Finances, a presté au Roy
la somme d’vn million de liures, & pour se rembourser
a obtenu les Tailles en party. Le Duc de
Vendosme s’est retiré dans sa maison d’Anet,
ayant tesmoigné du mescõtentement de ce que
le Prince Thomas auoit eu place au dessus de lui
dans le Conseil. Le sieur de Botrus Controolleur
General de la Maison de la Reine, apporta il y a
quelques iours vn Traité de paix à S. A. R. de la
part du Roy, par lequel sa Maiesté accordoit vne
Amnistie generale, à la reserue du sieur Marsin,
& du comte du Daugnon, & que M. le Prince
iouïroit pendant trois ans du grand conuoy de
Bourdeaux pour le remboursement des deniers
qu’il a employez à cette guerre.

Le Mareschal de Grançay a passé à Houdan auec
cinq cens cheuaux, pour ioindre le Comte de
Palluau, qui est à present à Corbeil.

Le mesme iour 23. du courant, vn Officier des
Trouppes du Duc de Lorraine, ayant dit dans vn
Corps de Garde du quartier de Mons. le Duc de

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Beaufort, que si l’on se battoir, les Lorrains feroient
main basse sur tous les François, tant d’vn
parti que de l’autre : celui qui commandoit audit
Corps de Garde, fit prendre ce Lorrain & l’amener
deuant Mons. le Duc de Beaufort, auquel fut
rapporté le discours qu’il auoit tenu, dequoy il
fut tancé par ledit Duc de Beaufort, & apres renuoyé
à son quartier.

 

Nouuelles sont arriuées le mesme iour que les
Messieurs du parlement qui sont à Pontoise, se
sont excusez enuers le Roy de n’auoir verifié la
Declaration donnee contre S. A. R, ayãt enuoyé à
la Cour le Procureur General du Roy, qui fit entendre
à la Reine que la procedure contre le
Duc d’Orleans, pourroit vn iour seruir de prejugé
contre l’vn de ses fils le Duc d’Anjou, si par
malheur il venoit à estre diuisé d’auec sa majesté.

Les nouuelles de Montrond portent que Monsieur
le Prince escriuit l’autre sepmaine vne lettre
au Comte de Palluau, dans laquelle son Altesse
lui mandoit qu’il ne doubtoit point qu’il
n’eust receu ordre de la Cour pour le razement
de cette place ; mais qu’aussi il ne croyoit pas que
le seruice du Roy exigeast l’execution auec tant
de precipitation que ledit Comte ne le peust
differer à sa priere, & qu’il estoit inoüy de faire

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vn pareil traittement à vne personne de son
rang. Que c’estoit hazarder toutes les Maisons
& Chasteaux de ceux qui sont du party contraire,
& qu’il luy enuoyoit vn Trompette pour
luy donner cet aduis, s’asseurant qu’il y feroit
reflection, & vsant de moderation & de retenuë
l’obligeoit à le seruir. A quoy Monsieur de
Palluau fit responce qu’il asseuroit son Altesse
d’auoir receu les ordres de sa Majesté pour le razement
des fortifications de Montrond, si expres,
auec vn tel commandement d’vser de tant
de diligence dans l’execution, qu’il n’oseroit y
apporter aucun retardement ; mais pour gratifier
son Altesse, qu’il menagera tellement la
chose, que son Altesse aura assez de temps pour
obtenir de sa Maiesté vne reuocation dudit razement
deuant que la place soit beaucoup endommagee,
& qu’il a vn regret mortel de ne luy
pouuoir obeïr sans deplaire au Roy, & qu’il conseruera
tousiours le respect enuers S. A. estant
porté de son inclination à estre toute sa vie son
tres humble & obeïssant seruiteur.

 

Le mesme iour du Lundy 23. du courant, le sieur
Preuost Conseiller à la Grand’Chambre & Chanoine
de Nostre Dame, assisté de plusieurs partisans
du C. M. & du C de Retz, entre autres du
sieur de Luines, Commissaire General aux saisies

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Reeles, François l’Escot Orfévre du C. M. demeurant
à l’Isle du Palais, à la Fleur de lys, le Vasseur.
Marchand Passementier, demeurant au
petit pont, Cadot & plusieurs Maistres & Gardes
des six Corps des Marchands, allerent en plusieurs
maisons de cette Ville, pour solliciter les
Bourgeois à se trouuer le lendemain dans vne
assemblee qui se deuoient faire dans le Palais
Royal, où disoient ils, les gens de bien se deuoient
trouuer pour conclurre & agir conioinctement
pour le seruice du Roy, & faisoient
entendre les susdits autheurs de l’assemblee qu’il
s’y tendroient quatre mille, faisant promettre à
ceux qu’ils trouuoient disposez à estre de leur
caballe de s’y trouuer.

 

Le lendemain Mardy vingt-quatre, ladite assemblee
fut tenuë dans le Palais Royal, mais
non pas en tel nombre qu’ils s’estoient proposez :
s’estant trouuez trois cens personnes, ausquels
le sieur Preuost monstra quelques lettres,
où il y auoit ordre de la Cour de se saisir des
principales places de la Ville, comme du Palais
Royal, de la Bastille, de l’Arsenac, de la Place
Royale & du Temple : & qu’en suite il falloit
faire commandement aux seize Colonels de
faire prendre les armes aux Bourgeois, se saisir
de toutes les Portes de la Ville & faire main

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basse à tous ceux qui se presenteroient pour les
Princes : & ce faisant, que le Roy seroit dans
vingt quatre heures à Paris. Apres cette Harangue,
quelques vns distribuoient des pieces de
trente-quatre sols à ceux qui se faisoient escrire,
& prenoient du papier sur leurs chappeaux : &
l’vn d’iceux estant monté à cheual, auoit vne
pleur de lys de papier sur son chappeau, & autant
à la teste de son cheual, & desia l’on commençoit
en quelques quartiers de la Ville à prendre
le papier Mais les Bourgeois de la ruë Grenelle
& de sainct Honnoré, ayant pris les armes &
chargé quelques-vns de ceux qui portoient le
papier, furent contraints de le quitter & de se
sauuer : Plusieurs de ladite assemblee qui sortirent
du Palais Royal l’espee à la main, criant
Viue le Roy, furent poursuiuis iusques à la ruë
de Tire-chappes : & y en eust quelques vns de
tuez. Quantité de Bourgeois vindrent en suite
offrir leur seruice à son Altesse Royale, entre
autres les Battelliers firent paroistre leur resolution
d’aller aux maisons de ceux qui s’estoient
assemblee. Son Altesse Royal enuoya le Mareschal
d’Estampes au Palais Royal, ou l’entree lui fut
refusée : & quelques vns de cette assemblee vserent
de paroles insolentes contre lui & contre les
Princes : La liste de ceux qui auoient signé, dont

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le nombre est de neuf cents & plus, a esté baillee
à son Altesse Royale, qui sortit l’apresdinee
pour donner les ordres, & faire cesser la sedition.

 

Le mesme iour il y eut assemblee dans la Maison
de Ville, & l’vn des anciens Escheuins, ayant
representé à Monsieur de Broussel, que s’il continuoit
à exercer la charge de Preuost de Marchand,
le Roy pourroit alleguer que ce seroit
vne des causes pourquoy il ne vient pas à Paris,
comme on peust reconnoistre par ses Declarations,
par ses Lettres & par ses Edicts, qu’il
s’asseuroit tant de sa probité qu’il se demettroit
de sa charge pour oster de son costé toute sorte
d’obstacles à cette venuë Royale tant desirée
de toute la Ville. A quoy ledit sieur de Broussel
repartit qu’il en estoit tres content, & en suite
s’achemina au Palais d’Orleans, où il se demit
de sa charge, la remettant entre les mains de
son Altesse Royale, à laquelle il auoit fait serment
de fidelité. Mais son Altesse Royale n’accepta
point cette demission : apres auoir loüé le
zele de Monsieur de Broussel, & le pria de vouloir
continuer pour quelques iours, & qu’il proposeroit
sa demission à l’Assemblee du Parlement
& de la Maison de Ville.

Le Mercredy furent posees des Affiches par

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les quarrefours de la Ville, lesquelles auoient
esté escrites & imprimees à Pontoise, qui excitoit
le Peuple à sedition, où estoit escrit, De
par le Roy : Sa Majesté estant bien informee de
la continuation des bõnes intentiõs des Bourgeois
& Habitans de sa bonne Ville de Paris,
pour son seruice & pour le bien commun de
ladite Ville, & des dispositions dans lesquelles
ils sont de s’employer de tout leur pouuoir,
pour y remettre toute chose en l’estat auquel il
se doit. Et pour se tirer de l’oppression ou ils
sont presentement, & se remettre en liberté
sous son obeïssance. Sa Majesté a permis &
permet ausdits Habitans & à chacun d’eux en
particulier, & en tant que besoin ; Elle leur
enjoint & ordonne tres expressément, de
prendre les Armes, s’assembler, occuper les
lieux & postes qu’ils iugeront à propos, combatre
ceux qui se voudront opposer à leurs
desseins, arrester les chefs & se saisir des factieux
par toutes voyes, & generalement faire
tout ce qu’ils verront estre necessaire & conuenable,
pour restablir le repos, & l’ẽtiere obeissance
enuers sa Maiesté, & pour faire que ladite
Ville soir gouuernee par l’ordre ancien & accoustumé,
& par ses Magistrats legitimes, sous

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l’authorité de sa Majesté, la quelle leur donne
tout pouuoir de ce faire par la presente, qu’elle
a signee de sa main, & y a fait apposer le cacher
de ses Armes, voulant quelle serue de
descharge & de commandement, à tous ceux
qui agiront en quelque maniere que ce soit
pour l’execution d’icelle. D’autres ont esté apposees,
tout à fait contraires, qui donnent instruction
aux Parisiens, que pour auoir vne
Paix auantageuse, il faut ruiner l’Armee de Turenne,
& que pour la deffaire il ne faudroit
que prendre Corbeil, ce qui seroit infailliblement,
si les Parisiens sortoient au nombre de
dix mille hommes, & qu’ils demeurassent au
poste où Monsieur le Prince les voudroit placer.

 

Le mesme iour de Mercredy, Messieurs le
Prince & Duc de Beaufort vindrent du Camp
à Paris, & dissiperent par leur presence le reste
de l’assemblee seditieuse qui vouloit des-vnir
Paris & le reduire en cendre par le feu du Papier
& de la Paille.

Le Roy est parti de Compiegne Lundy & est
maintenant à Mantes, où les Deputez des six
Corps de Marchands sont allez, esperant d’obtenir
la paix.

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De Bordeaux le 20 Septembre 1652.

Le sieur d’Aubeterre s’estant declaré pour les
Princes, a eu la charge de Lieutenant general,
& fit vn traicté auec le Marquis de Montauzier,
pour vne de ses maisons ; mais le sieur du Plessis
Bellier en fit faire vne autre, par lequel il fut
conuenu que la maison dudit d’Aubeterre seroit
mise entre les mains du sieur de la Brosse,
& que le sieur du Plessis y mettroit quarante
Soldats, lesquels y sont entrez en Garnison.
Monsieur de Marcin a empesché le passage a
l’armee que commande du Plessis Bellieré. Les
Trouppes du premier sont quinze cens Cheuaux
& deux mille Fantassins, ledit de Marcin
s’est saisi du Chasteau de Mareuil.

De Londres.

Les nouuelles ordinaires de Londres qui
se reçoiuent icy le Mardy, ont mot pour mot,
dans le dernier article, que Lundy dernier, auis
vint icy par Lettres de nostre Amiral Blake,
qu’vn escadre de sa flotte ayant rencontré entre
Calais & Dunkerque la flotte Françoise
commandée en chef par le sieur de Menillet,
elle prit les Nauires Françoises qui s’ensuiuent :
le Tryton de [illisible] pieces de canon, commandee
par le Cheualier de Verdille, sur lequel estoit

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ledit sieur de Menillet : le Berger de 27 canons,
commandé par le Cheualier de Bois mourant :
le Don de Dieu de 30. canons, commandé par
le Cheualier de la Carte : le Croissant fregate,
de 26 canons, commandée par le sieur de Ville.
Dieu : le S. Louis de 28 canons, commandé par
le sieur de Gorrys le Chasseur fregate, de 22.
pieces de canon, commandée par le sieur de
Gillec la Duchesse fregate, de 22. pieces de canon,
commandée par le sieur de la Brosse ; tous
Vaisseaux du Roy : vne petite Fregate de Calais
de 8 pieces de canon, 6. Brulots, auec 1200.
hommes embarquez audit Calais le 4 du courant
sur lesdits Vaisseaux, aucuns escriuent
qu’outre cela on leur a pris 20. Barques chargées
de prouisions, & coulé deux autres Nauires
à fonds.

 

Nous auons auis que nos Vaisseaux ont pris
trois Nauires de guerre sur les Hollandois,
montez de 34. 20. 18. pieces de canon, & douze
Nauires Marchands richement chargez. La
flotte Holandoise a fait aussi quelques prises
sur les Anglois.

FIN.

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