Anonyme [1652], IOVRNAL CONTENANT CE QVI SE PASSE DE PLVS REMARQVABLE EN TOVT LE ROYAVME. Depuis le Vendredy 4. iusques au Vendredy 11. Octobre, 1652 , françaisRéférence RIM : M0_1740. Cote locale : B_18_18.
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IOVRNAL
Contenant ce qui se passe de plus remarquable
en tout le Royaume.

Depuis le Vendredy 4. iusques au Vendredy
11. Octobre, 1652.

LE Ieudy 3. du courant, furent leuës &
examinees par son Altesse Royale & le
Duc de Lorraine, & Monsieur le Prince,
les lettres d’vn pacquet que l’Abbé Fouquet enuoyoit
par vn Courrier au Cardinal Mazarin,
lequel fut arresté par vn party de Lorrains. Cét
Abbé certifioit le Cardinal Mazarin qu’il auoit
veu son Altesse Royale, & l’auoit disposé à condescendre
à des propositions aduantageuses
pour son Eminence, que le sieur de Chauigny
estoit porté pour la Paix ; mais que Monsieur le
Prince ne vouloit en aucune façon abandonner
le sieur Marcin & le Comte du Daugnon, &
promettoit aussi cedit Abbé de faire reüssir l’Assemblee
du Palais Royal, qu’il entretiendroit

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tousiours le Coadjuteur, lequel il voyoit disposé
pour se ioindre à son party. Dans le mesme
pacquet furẽt trouuées des lettres que les sieurs
Duc de Rohan, de Chauigny & la Duchesse
d’Eguillon escriuoient au C M lui donnant aduis
de conseiller à la Cour de faire vne trefue,
afin de dégager le Mareschal de Turenne & faire
des bander l’Armee des Princes faute de payement.
Ce qui confirme le soupçon que les susnommez
ont esté les autheurs de l’assemblee
du Palais Royal, ainsi que Colon a maintenu à
son Altesse Royale.

 

Le mesme iour fut tenuë Assemblee au Parlement,
ayant esté remise par l’Arrest du Samedy
au Mercredy, pour attendre le retour du sieur
Ioyeuse, enuoyé vers le Roy de la part du Duc
de Lorraine, lequel n’estant reuenu que sur le
tard du Mercredy, l’assemblee fut remise au
Ieudy pour deliberer sur la responce de la Cour
& autres affaires importantes. Sur les huict heures
du matin son Altesse Royale se rendit au Palais
accompagné de Messieurs les Ducs de Guise,
de Brissac, de la Roche foucaut. Mareschal
d’Estampes & autres Seigneurs : & arriua qu’entrant
dans la Grand’Sale du Palais, quelqu’vn de
la foule dit, Viue le Roy & la Paix, sans suite : &
lors que son Altesse Royale & sa suite furent entrez
dans la grand Chambre, le bruit fut plus

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grand, plusieurs disans, Viue le Roy & les Princes
bas, ce qu’estant raporté à l’Assemblee, son Altesse
Royale fit commandement de fermer les
portes du Palais ; mais au lieu de se saisir des portes,
celui qui auoit cét ordre, se mit à crier du
haut des degrez de la Galerie des Merciers qu’on
ferme les portes : ce qu’estant entendu des factieux,
se sauuerent la pluspart, à la reserue de
trois, nommez Marinet, Anety & Tambourg,
lesquels furent conduits dans le parquet des
Huissiers, & de-là amenez dans la Conciergerie,
où ils furent interrogez par Messieurs le
Meusnier & l’Aisné Conseiller, & chargerent
la veufue de feu Guerin, Aduocat du Conseil,
demeurant dans l’Isle Nostre Dame, d’auoir distribué
de l’argent à plusieurs personnes pour
aller dans le Palais publier semblables discours.
Sur quoy fut informé contre ladite veufue, laquelle
s’est refugiee dans l’Euesché, & a esté
descouuert qu’elle auoit fait plusieurs voyages à
la Cour. Son Altesse presenta à la Compagnie
le Duc de Guise, qui tesmoigna auoit obligation
de sa liberté à son A. R. & à Monsieur le
Prince & qu’vne des Principales cause de sa joïe
estoit de se voir en estat de les pouuoir seruir
& toute la cõpagnie, à quoy celle cy rendit des
reciproques tesmoignages de la joye qu’elle
auoit de le voir en liberté, en suitte de la responce

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que le Roy auoit dõné au Sieur de Ioieuse
aux demaudes qu’il auoit fait de la part de son
A R. & du Duc de Lorraine, qui estoit d’obtenir
vne Amnistie generale sans reserue pareille
à celle qui fut donnee au traité de Lodun, 1616.
la reünion du Parlement de Pontoise à celuy de
Paris, & vne nouuelle Declaration pour esloignement
du C. M. à quoy le Roy consentoit
moyennant que les Princes se voulussent soumettre
à ses volontez : fut donné Arrest qu’il
seroit deputé vers le Roy pour le remercier de
ladite responce & son A. R. suppliee descrire de.
rechef à sa Maiesté, pour obtenir l’Amnistie
generale dans d’autres formes que celle qu’il a
baillee, & pour la reunion du Parlement dans la
Ville de Paris.

 

Le mesme iour à trois heures apres midy le
Duc de Beaufort se rendit dans l’Hostel de Ville,
où estoient assemblez le Preuost des Marchands,
Escheuins & plusieurs Notables Bourgeois,
ausquels il representa auec vn discours
animé qu’il y en auoit plusieurs qui ne tâchoiẽt
qu’a mettre la diuision dans le corps de la Maison,
& qu’il vouloit sçauoir quels estoient ses
Ennemis, que les Princes & le Parlement pouuoit
faire leur paix auec moins de peine & plus
d’auantage enuers le Roy, que les Bourgeois &
que s’ils quittoient l’vnion qu’ils auoient faicte

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auec les Princes & le Parlement, il preuoyoit
qu’il y en auroit quelques vns de pendus & qu’il
estoit d’auis qu’ils ne se departissent pas de ceux
qui pouuoient guarantir la Ville de sa ruïne, &
luy procurer à tous vne bonne Paix. Lequel discours
toute l’assemblee approuua & protesterẽt
tous de vouloir demeurer vnis auec les Princes
& la Cour de Parlement, quelques vns auparauant
ayant fait quelque difficulté de consentir
à cette vnion.

 

Le mesme iour les Messieurs du Conseil qui
auoient esté en semestre reuenant à Paris, furẽt
deualisez en chemin par les Trouppes du Milord
d’Igby, qui sont logees à Mantes, où les
Officiers ont mal traitté les gens de Iustice.

Le Vendredy 4. s’assemblerent dans le Palais
Royal, sept Colonels de la Milice Bourgeoise &
6. Capitaines, lesquels auoient pratiqué quelques
Soldats de la Garnison de la Bastille, qui
deuoient fauoriser leur entree dans ladite place,
mais le Gouuerneur en ayant eu aduis y donna
ordre, & lesdits Colonels & Capitaines, prirent
resolution d’aller en Cour pour faire paroistre
qu’ils auoient tenté tous moyens pour faire
executer les Ordres qu’ils auoient receu de la
part de sa Majesté.

Le mesme iour fut fait vn commandement de
la part du Roy, du Preuost des Marchands, & Colonels,

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par lequel il est enjoint à tous les Bourgeois,
Locataires, & soubs Locataires de se rẽdre
soubs le Drapeau en personne, apres le son du
Tambour pour entrer en garde, & ne point s’esloigner
du Corps de garde, ny faire transporter
leurs armes sur peine de 10. liu. parisis d’amende
pour la premiere fois 20 pour la deuxiesme
& 50. pour la troisiesme, & que pour le payement
de ladite amende, les meubles des delinquents
seront saisis & vendus au son du Tambour.

 

Sur les 4. heures apres midy du mesme iour,
parurent au de là de la Riuiere de Seine, du costé
d’Ablon, vn Regiment d’Infanterie & quelque
Caualerie que le Baron de Baradas cõmandoit.
Le Sieur Valon Colonel du Regiment du Languedoc,
les ayant reconnus voulut aller donner
auec son Regiment & demanda quelque Caualerie
pour le soustenir, mais le Comte de Tabanes,
luy ayant contesté que c’estoit à luy de les
aller attaquer, disant que le commandement luy
appartenoit, dans cette contestation ils furent
d’accord de tirer au sort entre eux deux pour aller
attaquer les Ennemis, lequel tomba sur le
Comte de Tabanes qui ne trouua personne le
lendemain lors qu’il les voulut aller attaquer. Le
mesme sieur de Valon, auoit dit auparauãt à son
A. de Lorraine, qu’il n’auoit qu’à commander

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& qu’on tailleroit en pieces l’armee du Mareschal
de Turenne, la poursuiuant en platte Campagne
à quoy le Duc de Lorraine respondit que
ce pain là ne se mange pas sans viande, & qu’il
ne falloit pas tant hazarder. Quelques vns aussi
estiment, & il y a beaucoup de vray semblance
que son Altesse Royale fut d’aduis dans le Conseil
de guerre de ne pas défaire l’Armee du Mareschal
de Turenne, alleguant que le Roy n’auoit
plus d’Atmee, & que les Estrangers qui
sont en tres grand nombre, se pourroient preualoir
de cette perte.

 

Sur le commencement de la nuict venant du
Vendredy au Samedy, le Mareschal de Turenne
fit decamper son Armee de Ville neufue S.
George, & pour fauoriser sa retraitte, il vsa de
trois precautions : Pren ierement il auoit fait
faire auparauant que desloger des retranchements
dans le dehors de Corbeil, pour y camper
son Armee auec seureté, estant refugiee en
cét endroit : Secondement il fit embarquer secretement
son bagage & son attirail sur les batteaux
qui lui portoient des viures & du fourrage,
en telle sorte qu’il n’y laissa que ce qui lui
estoit inutile : En troisiesme lieu, il donna les
ordres au Cheualier de Barradas de se tenir auec
vn Regiment d’Infanterie & vn autre de Caualerie
aupres du Fort d’Ablon, pour faire semblant

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qu’il vouloit faire son decampement par
dessus ses ponts qui sont sur la riuiere de Seine :
Apres cela il choisit son temps pendant que le
Prince estoit malade, que les Generaux estoient
à Paris, ayant mesme lassé pendant trois nuicts
ses Ennemis, qui auoient esté sous les armes, &
auoient preparé des facines pour les aller attaquer,
comme il auoit apris par ses Espions, &
en suite fit defiler au commencement de la
nuict son Armee, laquelle passa sur des ponts la
riuiere d’Yere, sans faire beaucoup, la Caualerie
passant à gay & l’Infanterie sur les ponts.

 

Sur la minuict arriua vn Courrier au Luxembourg,
qui aduertit son Altesse Royale du decampement
de l’Armee du Mateschal de Turenne.
Le matin à six heures le Duc de Beaufort
& son Altesse de Lorraine partirent pour aller
au Camp, où estant arriuez, ils trouuerent que
les Ennemis auoient de filé la nuict, & estoient
desia vers Corbeil. Monsieur le Prince estoit
alors indisposé, & en ayant sceu la nouuelle en
tesmoigna vn si grand déplaisir, qu’il s’arrachoit
les cheueux, & disoit ie suis bien mal-heureux
d’estre malade pendant vne telle occasion : aussi
personne ne reuoque en doubte que s’il n’eust
esté arresté dans le lict, que le Mareschal de Turenne
n’en auroit pas eu si bon marché.

Le Samedy cinquiesme du courant, trois personnages,

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à sçauoir Velidot Limosin, Maistre
Masson du Roy, Breen Charpentier, & Aubry
entrepreneur des bastimens, allerent ensemble
representer à son Altesse Royale qu’estant deputez
des Corps de plusieurs Mestiers, comme
Massons, Charpentiers, Couureurs, Paueurs,
Serruriers, Tapissiers & autres, pour aller vers
le Roy, ils suplierent son Altesse Royale de
leur faire deliurer des passe-ports : ausquels
son Altesse Royale fit responce qu’ils estoient
des seditieux, & que sans leurs assemblees seditieuses
on auroit eu desia la Paix, & regardant
Velidot, lui dit qu’il auoit esté desia à
sainct Germain, ce que cettui cy confessa, & en
faite son Altesse lui dit qu’il seroit tousiours Velidot
& le Duc d’Orleans dit aussi à Aubry
qu’il le connoissoit bien, & que s’il conrinuoit
à faire des assemblees & à enuoyer des billets à
ceux de son mestier, ainsi que l’vn qui estoit là
present monstra, & s’en plaignoit à son Altesse
Royale, qu’il le trouueroit bien : apres quoy ces
trois hommes fuient encourez de ceux qui
estoient à la cour, & voulant se retirer, quelques
vns commencerent à se ietter sur eux :
mais son Altesse Royale commanda qu’on ne
leur fit point de mal, & deux se sauuerent auec
peine par la porte : l’autre qui estoit Aubry, se
jetta comme dans vn azile dans la sale des Gardes,

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où il demeura le reste du iour.

 

A trois heures apros midy Monsieur le Duc
de Beaufort arriua du Camp dans le Luxembourg,
où il fit le recit à son Altesse Royale du
decampement nocturne du Mareschal de Turenne,
& dit qu’il auoit fait comme le larron qui
se sauue à la faueur des tenebres, mais qu’il n’estoit
pas pour cela échappé.

Le Dimanche l’Armée du Mareschal de Turenne,
laquelle ne sejourna que la moytié du
iour à Corbeil, quittant son poste marcha du
costé de Lagny, quoy que l’on croyoit qu’vne
partie deuoit prendre sa route vers S. Cloud,
pour estre entre Paris & S. Germain, ou l’on a
creu que le Roy deuoit aller sejourner.

Le mesme iour nouuelles sont arriuées que la
Cour auoit donné ordre qu’vne partie de l’Armée
de Turenne deuoit descendre deuers Saint
Cloud, pour s’aprocher de la porte de la Conference,
& par le moyen de ceux qui sont contre
les Princes, se saisir de ladite porte & faire entrer
le Roy, en suitte auec l’Armée dans Paris, & que
la Cour n’a d’autre resource que de jetter desordre
dans Paris, faisant esperer aux Parisiens la
venuë du Roy, s’ils veulent chasser ceux qu’il a
declarez ennemis de son Estat.

Le mesme iour les Paysans des Parroisses de S.
Cloud, Surenne, Chastillon, Icy Ruël, & plusieurs

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autres des enuirons resolurent ensemble
de prendre tous les Armes au premier son de
Tocsin, & de courir sus aux Soldats de quelque
party qu’ils soient qui viendront pour loger dãs
leurs Villages, ou les empescher de faire leurs
vendenges.

 

Le mesme iour vn des principaux Officiers de
l’Armée eu Prince de Links, ayant passé incognito
dans vne Charette d’vn Boulanger de Gonesse,
vint donner aduis des approches de l’Armée
de ce Prince, & que 500. Cheuaux de
l’auant garde estoient à Creil, & que le reste
joindroit bien tost son Armée dequoy Monsieur
le Prince tesmoigna vn grand contentement, le
Sieur de l’Estrade, à conduit sa garnison qui
estoit à Dunkerque (que ceux du party contre
les Princes, font monter a 1200. hommes bien
qu’ils ne soient pas la moytié) du costé de Poissy
pour joindre l’Armée de Turenne, où se tenir
pres de Pontoise.

Le Lundy 7. son A. R. fut à l’assemblée du
Parlement auec plusieurs Seigneurs, où par les
ordres du mesme Parlement se trouuerent le
Sieur le Vieux Escheuin, & le Procureur du Roy
de l’Hostel de Ville, ausquels la Cour demanda
le procés verbal contre le Lieutenant du Colonel
Tubœuf nommé Michel, vn des Autheurs

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de l’assemblée du Palais Royal, lesquels s’excuserent
enuers la Cour disant qu’ils n’auoient
point apporté ledit procés verbal, estimant que
la Cour ne prendroient plus cognissance de
cette cause, a quoy fut reparty qu’ils allassent
rechercher ledit procés verbal, lequel ayant
esté par eux exhibé à la Cour, fut trouué qu’il
déchargeoit ledit Michel. Apres quoy furent
leues les Informations faites contre ledit Michel
par Messieurs Meusnier & l’Aisné Conseillers,
où se trouuerent les depositions de plusieurs tesmoins contre ledit Michel, & son Iugement
fut differé iusques au Ieudy prochain.
Son Altesse Royale vsant de toute sorte de clemence
enuers les seditieux, n’ayant pas voulu
qu’on ait procede au Iugement contre ceux qui
auoient affiché les placards de l’Amnistie & autres
qui sont dans la Conciergerie, pour auoir
voulu exciter la sedition.

 

Le mesme iour Monsieur le Prince commença
à sortir & alla au Lux embourg, où les sieurs
de Clinchamp & Valon, accuserent le Comte
de Thauanes d’auoir à son escient laissé decamper
toute l’Armee du Mareschal de Turenne,
pouuant donner sur l’Arriere garde, ayant esté
aduerti par des Soldats que l’Ennemy decampoit,
dont il eus des reproches de M. le Prince,

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& le commandement fut donné audit sieur de
Valon.

 

Le mesme iour on eust nouuelles de Pontoise
que le Roy & la Reine estoient disposez
à signer la Paix, & que le Garde des Sceaux, le
Tellier & Seruien, leur ayant representé qu’il
n’y auroit point de seureté pour le Conseil de sa
Maiesté, & qu’il ne falloit point abandonner le
Cardinal Mazarin : Cela empescha leurs Maiestez
de signer ladite Paix. On y attendoit aussi
les sept Colonels & seize Capitaines, pour resoudre
si le Roy s’approcheroit de Paris.

Le Mardy fut tenu conseil de guerre dans le
Lux embourg par son Altesse Royale, Monsieur
le Prince, les Ducs de Beaufort, de Lorraine, de
Guise & autres Seigneurs, & fut resolu qu’attendu
que le Mareschal de Turenne estoit decampé,
& que la Cour par son mauuais conseil
ne vouloit point entendre à vne bonne Paix, de
faire decamper les Armees & prendre leur route
vers Pontoise, passant du costé de sainct Denis,
& allant se saisir de Beaumont sur. Oise, pour
inuestir ledit Pontoise de toutes parts, ce qui a
esté executé : le Duc de Beaufort, de Lorraine,
& de Guise estant partis pour cét effect & plusieurs
Regiments passerent le mesme iour par
Charenton, & de là par Charonne & par sainct

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Denis, en sorte que ledit Pontoise se trouua bien
tost inuesti.

 

Le mesme iour mourut en cette Ville d’vne
fié vie chaude Messire de Ponts. Marquis de la
Caze, en sa trente huictiesme annee, son merite
égalant sa naissance, bien qu’il soit de la
race du grand Pompée, ainsi que témoigne vne
inscription qui se lit dans vne antique de sa
maison, Æilius Pontius Pompci magni nepos.

Le mesme iour fut publié vn Arrest du Parlement,
portant la descharge du terme de Pasques.

Le Mercredy 9. du courant, nous eusmes
nouuelles que le Mareschal de Turenne auoit
deraché quelques Regiments de Caualerie &
d’Infanterie pour aller ioindre les Troupes que
le Cardinal Mazarin a leuees a pays du Liege
& enuirons, lesquelles ne passent pas le nombre
de deux mille hommes, & croit on que ce
Cardinal s’y trouuera en personne : quelques
vns de ses Emissaires lui ayant fait entendre que
les Parisiens pour obliger le Roy à venir dans
leur Ville le receuroient, voulant la Paix & la
presence du Roy, à quelque condition que ce
soit ; mais les mieux auisez iugent que le retour
du Card Mazarin seroit la ruine totale de ceux
de son party.

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Les nouuelles de Lyon portent que ceux de
Barcellonne ayant mieux aimé souffrir la faim
iusques à l’extremité plustost que de se rendre
ont receu des viures : sept barques chargees de
bleds & autres prouisions, ayant passé entre les
Galeres & Nauires d’Espagne, & que dans l’escarmouche
le General de l’Armee Nauale des
Espagnols a esté tué d’vn coup de perrier.

Le mesme iour Monsieur le Prince de Condé
fit partir son bagage pour l’Armee, & l’on tient
que ce Prince n’est pas beaucoup satisfait du
Duc de Lorraine, ayant esté aueré que ses troupes
ont laissé passer l’Armee du Mareschal de
Turenne, pouuant défaire l’Arriere garde &
que du depuis le Duc de Lorraine se dispose à se
retirer, & que la Cour lui a fait donner par l’Abé
Fouquet les ordres de sa route.

La Cour ayant veu les approchees de l’Armee
des Princes, a resolu d’aller à sainct Germain, le
Roy resmoignoit vouloir aller à Paris, & la Reine
lui dit qu’il auoit son esprit preoccupé, & que
quelqu’vn lui auoit parlé, ce qui fut cause que le
Roy fut triste tout le soir.

Le dixiesme mourut dans sa maison, l’Hostel
de sainct Paul, le sieur de Chauigny, qui a esté
Secretaire & Ministre d’Estat, lequel estoit en
estime dans l’esprit de Monsieur le Prince, &

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qui a tousiours entretenu la diuision entre ce
Prince & le Coadjuteur.

 

Nouuelles sont venuës que les gens du Prince
ce sont saisis de l’Isle Adam, de Beaumont &
de Creil, & que les Troupes du Prince de Links
sont entre Mantes & Pontoise.

De Bergerac le 26. Septemb. 1652.

L’Armee de Du Plessis Belliere a passé la Dordonne,
est iointe auec celle de l’Isle-bonne, &
sont maintenant à Ville real, menacent Castillonez
& Ville-neufue. Monsieur Marcin est icy
& sur la crainte qu’il auoit qu’on nous vint assieger,
a fait entrer deux Regiments en cette ville
pour nous deffendre.

De Bordeaux le 1. Octobre.

Le Prince de Conty est icy malade d’vne
fiévre intermitente, ce qui n’empesche pas qu’il
ne donne les ordres necessaires. Aussi par son
commandement Dimenche dernier furent
chassez de la Ville les sieurs d’Hostan President
en la Cour des Aydes, & Prades Prestre. Ce qui
fut executé par l’Ormee, laquelle a fait vne Ordonnance,
portant que ceux du Parlement

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payeroient leurs debtes aussi bien que les autres,
& ont exempté les Locataires de payer vn quartier
du terme pour les loüages des maisons.

 

Le Marquis de S. Luc ayant donné des passeports
& permission aux Marchands du Haut-pays,
à la reserue de Ville neufue, pour le commerce
auec nous, & ayant establi vn bureau à
Marmande, & taxé deux & demy pour cent, &
quinze liures pour pipe de sel, nous n’auons
voulu leur accorder la liberté du commerce que
premierement ledit Païs ne se declare pour nostre
party, ce qu’ils seront contraints de faire,
s’ils ne veulent estre bien tost espuisez d’argent
& que toutes leurs denrees leur demeurent.
Ceux de Montauban & sainct Anthonin, ont
encores les prunes qu’ils ont receulies depuis
deux annees : & ceux de Clerac leurs vins, dont
il y en a grande quantité cette annee ; mais la
guerre des Anglois & Hollandois sert d’obstacle
à ce trafic.

Le sieur Marcin ayant liuré bataille à l’Islebõne
a défait ses Troupes pres de la Sauuetat. Il y a eu
deux cents Caualiers faits prisonniers & autant
de tuez, auec grand nombre d’Infanterie. Le
sieur de l’Islebonne, qui croyoit aller assieger
Laudun, s’est sauué par la fuite.

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De Londres le 29 Septembre, 1652.

Nous n’auons rien à adiouster touchant la
prise des Nauires François, sinon que les prisonniers
sont gardez à Douures iusques à nouuel
ordre. Le Parlement a ordonné du depuis
que le Conseil d’Estat donneroit les ordres necessaires
pour renuoyer en tels endroits de France
qu’il iugeroit à propos tous les François pris
n’agueres prisonniers. L’acte par lequel on defend
toute correspondance auec les Estats Generaux
des Prouinces vnies & auec la Republique
d’Angleterre, a esté leu deux fois dans la
Maison. Le Vice Admiral Vvit a esté ordonné
à la place de nostre Admiral Tromp. Nostre
General Blake est aduancé vers le Vvest pour
rencontrer les Hollandois, quoy que ceux cy
ayant fait entendre que leur Vice Admiral ait
enuoyé vne Chaloupe vers nos Dunes pour
prouoquer nostre General à sortir du port & se
mettre en haute mer pour combattre.

FIN.

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